jeudi 31 mai 2012

Oscar de la meilleure actrice 1943

Parce qu'il est temps de changer un peu des années 20. Les candidates officielles furent:
  • Jean Arthur – The More the Merrier
  • Ingrid Bergman – For Whom the Bell Tolls
  • Joan Fontaine – The Constant Nymph
  • Greer Garson – Madame Curie
  • Jennifer Jones – The Song of Bernadette

Une sélection somme toute assez peu surprenante. On y retrouve presque obligatoirement Greer Garson, toute auréolée du succès de Mrs Miniver et de son aura de star du box-office de ces années de guerre, par ailleurs grandement aidée par les campagnes intensives de la MGM. Joan Fontaine, dont la victoire deux ans plus tôt était encore toute fraîche, est elle aussi parvenue à se faire nommer, et on ne s'étonnera pas plus de la présence d'Ingrid Bergman, alors en train de s'imposer comme l'une des nouvelles recrues les plus sûres d'Hollywood. Jennifer Jones arrivait tout juste sur le marché, mais ayant eu la chance de bénéficier d'une bonne campagne et d'être l'héroïne d'un énorme biopic devant théoriquement gagner l'Oscar du meilleur film (ouf, on y a échappé!), sa victoire était quelque peu évidente. Finalement, la nomination la plus singulière reste celle de Jean Arthur, habituellement tout à fait ignorée par les Oscars en dépit de ses grands succès des années 30, mais heureusement, l'AMPAS sait parfois faire amende honorable. Cependant, si ce cru paraît assez évident, il y avait largement moyen de faire mieux.

Je retire :


* Ingrid Bergman – For Whom the Bell Tolls : Déjà, Bergman, plus pâle et plus blonde que jamais, en jeune espagnole cachée par des résistants, c'est tellement improbable que ça ne fonctionne pas du tout au niveau physique. Et elle ne se sauve même pas par sa performance: elle reste essentiellement fade et se fait manger dès les premières minutes par le charisme monstre de Katina Paxinou. En outre, si elle a deux ou trois bonnes scènes avec Gary Cooper, elle a tout de même du mal dans les moments plus durs, sous-jouant ou gesticulant (il faudrait savoir!) pour raconter son passé. Pour le reste, elle sourit, et puis?


Greer Garson – Madame Curie : En général, Garson s'arrange toujours pour crever l'écran grâce à son charisme, y compris dans des films médiocres. Rien de tout cela ici : sa performance est aussi fade et ennuyeuse que l'intrigue, à raison d'une grosse partie du film où elle conte fleurette à Walter Pidgeon, avant de se pencher sur son microscope pour découvrir le radium pendant 20 minutes... 30 minutes... 40 min... Zzzzzzzzz. Bon travail vocal pour restituer la vieillesse du personnage, néanmoins.


Jennifer Jones – The Song of Bernadette : Certes, en optant pour une performance très calme et très douce, Jones se glisse à merveille dans la peau d'une jeune fille candide, et cadre parfaitement avec l'image qu'on attend d'une sainte catholique. Cependant, à force de jouer sur la même note pendant presque 3h, sans jamais faire autre chose que de rester simple et digne envers et contre tout, son jeu et son personnage deviennent franchement indigestes, à l'image de ce film qui aurait gagné à être raccourci.


Ma sélection :


* Jean Arthur – The More the Merrier : Jean Arthur, c'est l'art de se révéler monstrueusement drôle en ayant l'air de ne pas y toucher, dissimulant son personnage au mode de vie réglé comme une horloge sous une apparence sérieuse qui n'attend que de se fissurer. Ce "You see?" adressé à Charles Coburn après avoir monologué pendant un quart d'heure sur l'organisation de la matinée est à mon sens un grand moment d'anthologie. Mais ce n'est pas tout: elle est aussi tout à fait cocasse dans sa façon d'exagérer ses hurlements ou sa démarche lorsqu'elle réalise que certaines choses ne fonctionnent pas vraiment comme prévu avec ses hôtes. Et cela ne l'empêche nullement d'évoluer avec élégance vers une deuxième partie où elle dévoile progressivement les émotions qui manquaient à l'héroïne au début: elle se montre ainsi toute mignonne face à Joel McCrea, avec en point d'orgue la conversation nocturne dans des pièces contiguës. En clair, Arthur fait une fois de plus état d'une performance comique très maîtrisée, peut-être sa meilleure.


Joan Fontaine – The Constant Nymph : Pour commencer, le grand exploit de Joan Fontaine ici est de se montrer extrêmement convaincante en adolescente. Certes, l'actrice était encore jeune, mais réussir à paraître 12 ans de moins sans autres artifices que sa coiffure et ses vêtements prouve que Fontaine a su totalement cerner le personnage et saisir la psychologie d'une jeune fille tourmentée par ses premiers sentiments. On sent bien que Tessa admire Lewis, mais il n'y a aucune trace de soumission ou de mièvrerie: Fontaine compose avec Charles Boyer sans se laisser écraser et n'oublie pas de rester dynamique en faisant preuve de caractère et de repartie. Elle se comporte en outre de la même façon avec le reste d'un très bon casting, au premier rang duquel Alexis Smith et Charles Coburn: elle a beau être traitée par eux comme une enfant, elle ne se laisse pour autant jamais dominer et s'arrange pour laisser une très bonne impression sans toutefois leur voler la vedette.


Ingrid Bergman – Casablanca : S'il y avait un film pour lequel nommer Bergman dans les années 40, c'était bel et bien Casablanca, où elle s'y révèle divinement lumineuse et fait preuve d'un charisme qui lui fit curieusement défaut par la suite. Dès son entrée en scène, sa classe et sa beauté fascinent si bien qu'on se surprend à guetter avec envie chacune de ses apparitions. Elle sait se montrer forte face à ses antagonistes, mais aussi absolument charmante dans les scènes parisiennes et superbement nostalgique le temps de l'inoubliable "Play it once, Sam"; tout cela pour aboutir à l'apothéose que constituent les confrontations avec Bogart où elle dévoile l'ampleur de ses sentiments sous une prétendue fermeté. Bref, moi qui n'avais jamais été très fan de Bergman dans ce que j'avais pu voir avant, force m'est de reconnaître que je suis entièrement sous le charme d'Ilsa Lund, et à la réflexion, me rappeler ce personnage mythique est une activité des plus agréables.


Ida Lupino – The Hard Way : Bette Davis elle-même a regretté d'avoir laissé passer le rôle: il faut dire qu'il y avait là pas mal de grain à moudre et qu'Ida Lupino s'en sort à merveille. Hantant le film avec ses expressions froides et dures reflétant la pugnacité de l'héroïne et sa volonté d'échapper à un milieu sordide, Lupino ne manque néanmoins pas d'esquisser les faiblesses du personnage lorsqu'il est question de sentiments. On obtient dès lors une performance subtile sur plusieurs niveaux, comme le montre son apparent contentement devant la réussite de sa soeur, alors que ses yeux gardent des traces de hargne et de jalousie. A ce titre, Lupino est très bonne dans toute la dernière partie du film, lorsqu'elle réalise que l'emprise qu'elle pouvait avoir sur certaines personnes lui échappe, tout en révélant des regrets sincères qui se greffent à sa détresse amoureuse. Bette Davis peut décidément se mordre les doigts.


Teresa Wright – Shadow of a Doubt : D'emblée, elle impose un personnage vif et dynamique qui ne pouvait que me plaire. De plus, elle sait bien rendre l'émerveillement un peu béat devant un oncle idéalisé, sans jamais estomper le caractère décidé d'une héroïne qui, au sein de sa famille, est celle qui a le plus de personnalité. En cela, elle trouve le bon équilibre entre la jeune fille énergique qui partage encore sa chambre avec sa petite soeur, et la jeune femme en âge d'avoir des romances qui gagne en maturité à mesure qu'elle se met à douter de l'harmonie mythifiée d'une famille agrandie. D'ailleurs, elle se tire très bien de l'exercice consistant à porter la majeure partie du film sur ses épaules, puisqu'elle dessine parfaitement avec son visage l'évolution du doute et de la déception, sujet même de l'intrigue. On appréciera notamment sa facilité à retranscrire la peur tout en souriant, de quoi en faire l'une de mes héroïnes hitchcockiennes de prédilection.

Voilà donc cinq candidates qui me conviennent bien mieux que la liste proposée par l'académie. Il faut dire qu'entre les interminables et indigestes For Whom the Bell Tolls, The Song of Bernadette ou Madame Curie, et les très grandes réussites que sont Casablanca et Shadow of a Doubt, sans parler du très drôle The More the Merrier et des bons films que restent The Constant Nymph et The Hard Way, mon choix est vite fait! Mais cela ne dit pas qui, parmi ma sélection, va rafler le prix... Suspense, suspense... Il s'agit de...


Joan Fontaine - The Constant Nymph


Ses concurrentes ont beau être très bien, Joan Fontaine domine complètement cette année à mes yeux. En se glissant superbement dans la peau de cette adolescente romantique débordant d'énergie qui part à la découverte de ses premiers sentiments, elle trouve ici le rôle de sa vie, et ce n'est sans doute pas un hasard si le film reste son favori. Un très beau rôle donc, talonné par Jean Arthur et Teresa Wright, même si Ingrid Bergman et Ida Lupino n'ont nullement démérité.

Par ailleurs, n'oublions pas le classement fowlerien des performances...

dignes d'un Oscar : Jean Arthur (The More the Merrier), Joan Fontaine (The Constant Nymph)




dignes d'une nomination : Ingrid Bergman (Casablanca), Ida Lupino (The Hard Way), Teresa Wright (Shadow of a Doubt)




séduisantes : Claudette Colbert (So Proudly We Hail!): une héroïne très crédible mais loin des meilleurs rôles de l'actrice. Bette Davis & Miriam Hopkins (Old Acquaintance): une Bette Davis éminemment sympathique contre une Miriam Hopkins en drama queen divinement névrosée. Jennifer Jones (The Song of Bernadette): une caractérisation réussie dont le seul défaut est de n'avoir pas su m'intéresser. Gene Tierney (Heaven Can Wait): une héroïne très agaçante au début qui se transforme en dame mure pleine de grâce, pour notre plus grand plaisir.


sans saveur : Claudette Colbert (No Time for Love): un débat philosophique sur le rapport muscles/cervelle noyé sous des coulées de boue. Bette Davis (Watch on the Rhine): Bette Davis en épouse aimante et douce, c'est niet. Greer Garson (Madame Curie): une performance qui sent le radium à plein nez. Martha Scott (Hi Diddle Diddle): euh... c'est pas pour dire... mais il y a une certaine Pola Negri en face! Barbara Stanwyck (Lady of Burlesque): un film très bas de gamme loin de faire honneur à la star.


ratées : Ingrid Bergman (For Whom the Bell Tolls): l'actrice n'est clairement pas le personnage et ne sait manifestement pas quoi faire avec.




apocalyptiques : Jane Russell (The Outlaw): à sa décharge, rien ne bat cette sublime transition de dix minutes avec un plan fixe sur un coin de porte.




à découvrir : Lucille Ball (Du Barry Was a Lady), Ann Sheridan (Edge of Darkness), Margaret Sullavan (Cry, 'Havoc')





samedi 26 mai 2012

Oscar de la meilleure actrice 1928/1929

Il n'y eut pas de candidates officielles pour cette série, le seul nom de Mary Pickford ayant suffit à mettre un terme à un suspense pas particulièrement insoutenable, encore que Ruth Chatterton était paraît-il tenue en assez haute estime à l'époque pour constituer une concurrente sérieuse en face. Ceci dit, comment lutter contre la fondatrice même des Academy Awards, a fortiori lorsque celle-ci s'est lancée dans une véritable campagne auprès de tous les électeurs possibles? Voici en tout cas ce que les bulletins de vote ont laissé apparaître chez ces derniers:

* Ruth Chatterton - Madame X
* Betty Compson - The Barker (pas vu)
* Jeanne Eagels - The Letter (nomination posthume)
* Corinne Griffith - The Divine Lady (film muet sonorisé)
* Bessie Love - The Broadway Melody
* Mary Pickford - Coquette

Je précise d'emblée que je ne pourrais pas parler de Betty Compson dans The Barker, le film n'existant que dans une seule copie jalousement conservée en Californie, en espérant que quelqu'un ait la bonne idée un jour de programmer une diffusion sur TCM. Pour les autres, on notera que la sonorisation musicale lors des passages chantés de la Divine Lady permirent à Corinne Griffth de finir parmi les finalistes de l'année, malgré l'interdiction de nommer des films muets afin de promouvoir l'arrivée du parlant (et peut-être couper l'herbe sous le pied de menaces non négligeables pour Pickford?). Autrement, peut-être que la mort prématurée de Jeanne Eagels lui valut quelques voix de sympathie, tandis que l'engouement pour The Broadway Melody, sacré meilleur film de la saison, donna possiblement plus de visibilité à la performance de Bessie Love. Néanmoins, personne n'était en mesure de battre Pickford cette année-là, de loin la plus célèbre et la plus haut placée parmi ces candidates. Méritait-elle sa nomination pour autant?

Je retire:

Ruth Chatterton dans Madame X: J'admets n'avoir vu le film qu'une seule et unique fois, et n'en avoir par conséquent aucun souvenir détaillé, et tout ce qui m'aura finalement marqué, c'est que l'histoire et la mise en scène étaient beaucoup trop assommantes pour donner envie de s'y intéresser plus avant. Hélas, pour couronner le tout, il en allait de même pour la performance de Ruth Chatterton, laquelle m'avait paru franchement datée au point d'échouer totalement à me faire ressentir la moindre émotion devant ce personnage pathétique, qui aurait sans doute gagné à ne pas forcer autant dans le pathos. Il me faudra tout de même revoir le film car j'aime toujours redonner une chance aux interprétations que je n'aime pas de prime abord, mais il est vrai que les débuts du parlant ne m'ont jamais permis de m'attacher à Ruth Chatterton en tant qu'actrice, à la différence de sa grande performance dans Dodsworth, quelques années plus tard.


Mary Pickford dans Coquette: Diantre, la transition au parlant est plus que douloureuse! Visiblement peu à l'aise dans un film qui enchaîne les situations ridicules, à commencer par son entrée en scène absolument grotesque, où elle virevolte telle un moucheron, et qui reste finalement moins une histoire construite qu'un prétexte assez creux pour permettre à l'actrice de quitter définitivement l'ère du muet, cheveux courts de flapper à l'appui, Pickford rate chacune de ses scènes de façon monumentale : elle piaille, elle couine, n'est pas plus crédible en séductrice qu'en amante éplorée, et surjoue en permanence. On peut donc légitimement parler de ratage, mais! Reconnaissons tout de même à sa décharge que lorsqu'on est la plus grande superstar du muet et qu'on doive se lancer tête la première dans le parlant, la pression est telle et l'exercice si périlleux que ça n'est pas facile du tout de donner le ton. On sera alors assez indulgent envers une grande actrice qui nous a tant ravi jadis, et on lui reconnaîtra au moins le mérite d'avoir essayé. Peut-être aurait-elle pu faire mieux avec un meilleur projet à la base.


Bessie Love dans The Broadway Melody: Si le film ne méritait clairement d'être couronné comme l'œuvre de l'année cette saison-là, pour n'être qu'un prétexte visant à éblouir le spectateur avec du son et de la musique sans pour autant raconter quelque chose de captivant, j'admettrai tout de même que Bessie Love en est le meilleur élément, grâce à son dynamisme réussissant à voler la vedette à tous ses partenaires, et à son personnage finalement touchant et sympathique. Cependant, je reste assez mitigé quant à son jeu, pourtant pas mal dans le registre de l'humour et de la légèreté, avec quelques grimaces amusante qui obtiennent l'effet recherché, mais dont l'artificialité hérité d'un trop-plein d'expressivité propre au muet a plutôt tendance à desservir les moments dramatiques: voir par exemple ses efforts flagrants qui la conduisent à ne faire rien d'autre que pleurnicher au téléphone, sans parler de sa façon de mimer la colère. Ceci dit, rien que pour la fraîcheur qu'elle apporte à l'histoire grâce à son personnage enjoué, elle reste au minimum très digne d'intérêt.


Corinne Griffith dans The Divine LadyEn se révélant absolument charmante d'un bout à l'autre du film, Corinne Griffith ne s'est pas contentée de séduire tout le casting, puisqu'elle peut se targuer de me compter parmi ses admirateurs, quoique ça tienne davantage à la mise en scène qui la présente chantant Loch Lomond à la harpe, au clair de Lune; scène qui ne pouvait que me ravir quelle soit la personne filmée à ce moment. Mais tout de même, l'actrice fait malgré tout honneur à sa Lady Hamilton, bien que tout le monde l'ait oublié depuis la version fracassante de Vivien Leigh. Car sincèrement, la jeune fille enjouée et pas très bien élevée du début est plutôt amusante, et Corinne Griffith a au moins le mérite de faire déjà preuve d'une certaine distinction qui annonce la métamorphose en une jeune femme bien plus raffinée capable de faire tout le charme de la cour de Naples. On regrettera malgré tout qu'elle ne lui donne pas plus de force au moment où Emma en censée avoir une influence en politique, et je reconnais que l'actrice ne fait plus grand chose passée l'introduction rigolote, à l'exception d'un petit sourire intéressant lorsqu'elle reproche à l'amiral Nelson de n'avoir pas voulu venir à sa rencontre. Par ailleurs, ses regards pas toujours subtils, sont en fait les mêmes que dans son film précédent, The Garden of Eden, si bien que le personnage ne semble pas aussi bien construit qu'on pourrait le croire en phase de découverte, l'actrice présentant finalement les mêmes tics d'une héroïne à l'autre. Ceci dit, elle porte presque tout le poids du film sur ses épaules, et son charme fait parfaitement croire à cette divine lady: il y a tout à fait de quoi être conquis la première fois.


Ma sélection:

Betty Compson dans The Docks of New York: A priori, un film sur les bas-fonds d'un port ne semble pas du tout fait pour moi, mais lorsque Josef von Sternberg est aux commandes, ça devient tout de suite beaucoup plus impressionnant, et ce d'autant plus lorsque la toujours captivante Betty Compson fait partie de la troupe, afin d'apporter à l'héroïne la dose de charisme et de forte présence requise, histoire de sortir du cliché de la demoiselle en détresse qu'on aurait pu attendre, encore qu'un personnage féminin fort ne soit pas une surprise chez le génial réalisateur, comme en avait témoigné Evelyn Brent l'année précédente, et comme le montrera Marlene Dietrich par la suite. Mais tout de même, Betty Compson apporte énormément à un rôle assez fin sur le papier, si bien qu'on se soucie tout à fait du parcours de l'héroïne, bien qu'à la réflexion je préfère malgré tout l'histoire propre à Olga Baclanova. Quoi qu'il en soit, Compson compose un personnage tout aussi passionnant qui s'intègre parfaitement à cet univers sordide à travers ses manières un peu rustre et sa façon quelque peu vulgaire de fumer une cigarette. Mais ce qui rend cette interprétation aussi poignante, c'est que l'actrice sait tout à fait insérer de l'émotion dans ce rôle, de telle sorte que sa mélancolie, cadrant très bien avec cette fille des bas-fonds désabusée sauvée in extremis d'une tentative de suicide, n'est jamais jouée sur l'unique note attendue: par moment, le regard se voile légèrement, et l'on ressent tout le poids du passé du personnage sans que l'actrice ait besoin d'en faire plus, d'où une réussite incontestable. En fait, elle joue admirablement avec ses yeux et dévoile, sans aucun effort apparent, une sensibilité déchirante qui perce sous le masque désenchanté que revêt son visage, réplique idéale aux expressions assez touchantes de George Bancroft dans la chambre à coucher. En quelque sorte, Betty Compson apparaît comme le contrepoint nécessaire à la bestialité de son partenaire sans pour autant verser dans l'excès inverse, à tel point que sa performance apparaît toujours comme très bien dosée et calculée, chose guère étonnante quand on a vu l'actrice auparavant, bien que The Docks of New York reste son sommet parmi ce que j'ai découvert jusqu'à présent.


Joan Crawford dans Our Dancing Daughters: Si Joan Crawford fut toujours dans l'ombre de Norma Shearer et Greta Garbo, puis Greer Garson, qui se partageaient chacune les projets de prestige de la MGM, ça ne l'empêcha nullement, à mon avis, d'être leur égale absolue en matière de jeu, même si les véhicules n'étaient pas toujours dignes de son talent. Mais avec Our Dancing Daughters, la question ne se pose pas: il s'agit de son meilleur film muet et, disons-le sans détour, Crawford y est resplendissante de dynamisme et de spontanéité, sans que jamais aucun tic n'ait fait vieillir sa prestation 90 ans plus tard. En effet, dans le registre de la légèreté qui ouvre le film, elle n'a pas son pareil pour nous ancrer directement dans l'histoire: ses regards désireux sont intenses, son autodérision fait mouche à plus d'une reprise, notamment lorsqu'elle avoue à l'homme qui lui plaît être connue comme "Diana the Dangerous", sa façon de goûter le champagne avec son doigt la rend divine de séduction, sa manière de faire le signe de l'égorgement quand il est question des mères s'inquiétant que leurs filles veillent si tard est hilarante, et à vrai dire, même sa maladresse sert totalement le personnage lorsqu'elle glisse et arrive aux pieds de l'homme désiré en souriant. Les moments de tendresse sont eux aussi joués avec brio, en particulier parce que Crawford suggère de l'émotion dans ses regards, y compris lorsque Diana use sciemment de cette technique pour se faire embrasser à la campagne, et comme il y a toujours de la légèreté derrière l'émotion, on ne peut qu'admirer ce que l'actrice fait du personnage. Enfin, la partie plus dramatique liée aux machinations d'Anita Page achève de rendre cette performance absolument magnifique, et l'extrême justesse de Crawford lorsqu'elle doit jouer le choc avant de faire naître des larmes discrètes au coin des yeux reste à louer mille fois, avant que sa dignité teintée de défi ne vienne conclure cette trajectoire passionnante. On notera encore que l'actrice crée une très bonne alchimie avec ses partenaires, notamment Dorothy Sebastian, et finalement, seule sa façon de danser, plus frénétique que gracieuse, sonne quelque peu étrange, encore que ça colle assez bien à l'idée qu'on a d'une flapper. Quoi qu'il en soit, c'est constamment juste, souvent subtil et dans tous les cas très réussi: la nomination est entièrement méritée.


Jeanne Eagels dans The Letter: J'avoue avoir bloqué deux minutes sur son timbre rocailleux et son jeu théâtral, avant de réaliser qu'il s'agit en fait d'une très bonne façon de révéler toute la puissance de ses sentiments contrariés sans aucune délicatesse par son amant. Puis le film a enchaîné avec la scène du procès, achevant par-là même de me faire devenir un fervent adepte de cette performance, tant l'actrice se révèle convaincante dans sa façon de mentir à ses juges sous le couvert d'une image respectable. Et si le soufflé retombe quelque peu lors de la confrontation avec l'épouse, une fin complètement intense, qu'un sur-jeu délirant sert à ravir, laisse finalement une très bonne impression.


Greta Garbo dans A Woman of Affairs: J'ai toujours considéré A Woman of Affairs comme le meilleur film muet de la Divine, et la revisite n'a fait que confirmer l'impression initiale, malgré une déception minime au niveau de l'histoire qui, en dépit d'une galerie de personnages plutôt bien écrits, n'en reste pas moins un bon gros mélodrame typique de ces années-là, la légèreté de la première partie n'étant pas aussi bien développée que dans mon souvenir. Ceci dit, ce n'est nullement un empêchement à la réussite interprétative, et je persiste à croire que Garbo n'a jamais été aussi bonne dans un rôle muet, encore que Torrent ou Gösta Berling... Quoi qu'il en soit, dès le début, son caractère insouciant et spontané, gentiment taquin, colle exactement à l'image d'une riche héritière des Années Folles qui n'a d'autres soucis en tête qu'une histoire de cœur, et son célèbre clin d’œil à son frère souligne bien l'humour dont la Divine était capable malgré sa réputation un peu froide. Elle nous permet ainsi de nous attacher directement à Diana, et son portrait cohérent d'une jeune femme un peu frivole impose d'emblée un personnage parfaitement crédible, crédibilité qui ne lui fait par la suite jamais défaut. En effet, à mesure que l'héroïne plonge dans les affres de la douleur amoureuse, de la déception, et des conséquences d'un sacrifice pour sauver une personne qu'elle estime très fort, Garbo ne manque jamais de faire ressortir toute la complexité de ces émotions mêlées, à l'image de ses sourires teintés d'amertume mais aussi d'espoir, de quoi aérer une histoire un peu trop chargée par moment, sans que jamais l'actrice ne nous demande de plaindre son personnage, sur qui le sort s'acharne injustement. En fait, seule la séquence à l'hôpital n'est pas loin de franchir la ligne de la lourdeur, Garbo abandonnant à ce moment-là sa modernité pour mieux se réfugier dans une théâtralité trop manifeste qui la conduit à surjouer l'abattement physique, à grand renfort de mains dans les cheveux. Mais autrement, la reste de la performance fonctionne sans jamais verser dans une quelconque ancienneté, et même cette scène à l'hospice n'est pas mal jouée en face. On appréciera encore l'alchimie de l'actrice avec John Gilbert, auquel il lui suffit d'adresser un sourire pour ranimer la flamme du mythique Flesh and the Devil tout en restant sur des rapports bien plus humains. Et puis Garbo ne s'efface absolument pas devant Hobart Bosworth et Dorothy Sebastian, bien que ces personnages aient le pouvoir de la dominer, sachant que sa complicité sincère avec la seconde, et sa froideur apparente sous laquelle on sent poindre des blessures loin d'être cicatrisées avec le premier, sont des choix de jeu plus que dignes d'éloge.


Lillian Gish dans The Wind: Si je n'ai pas forcément été saisi outre mesure par certaines des interprétations précédentes de la légendaire Lillian Gish, la faute à des personnages un peu trop enfantins, ou tout du moins trop purs, dans des films à présent très datés, Le Vent m'a immédiatement fait réaliser à quel point le talent de l'actrice était grand, d'autant que cette superbe production de Victor Sjöström reste le meilleur écrin imaginable pour voir celui-ci s'épanouir. Pour commencer, ce qui frappe dans cette interprétation, c'est que Lillian Gish n'incarne pas une victime obligée de se dessiner un sourire avec les doigts pour affronter le destin: elle agit ici par elle-même et fait constamment preuve de volonté, comme en témoigne sa grande confrontation avec sa cousine peu avenante, qu'elle sait dominer d'un simple regard. Cependant, malgré sa force, Letty n'en reste pas moins toujours un peu apeurée, ici par un vent métaphorique qui la conduira à devenir pleinement adulte, mais cette peur n'est jamais surjouée: certes, c'est très expressif puisque nous sommes dans un film muet où le destin de l'héroïne se lit principalement dans ses yeux, mais tout vient en fait de l'intérieur, sans que jamais l'actrice ait besoin de faire le moindre effort physique pour marquer son ressenti. L'évolution de ce personnage complexe est ainsi fort bien rendue par une série d'expressions très maîtrisées, parmi lesquelles on retiendra son inquiétude grandissante lors du voyage de départ vers des contrées hostiles et inconnues, ou encore sa gêne de jeune fille bien élevée devant les manières un peu rustres d'un Lars Hanson qu'elle ne veut pourtant pas blesser. Son alchimie avec son partenaire est d'ailleurs excellente, et leurs rapports très bien écrits sont d'autant plus magnifiés par les interprètes, en particulier Lillian Gish, qui sait totalement s'affirmer quand quelque chose lui déplaît, bien que le village entier la considère comme une petite chose fragile à protéger. Toutefois, ce sont vraiment les séquences finales qui rendent cette interprétation exceptionnelle, puisque à mesure que les rafales de vent s'amplifient lors de la visite d'un importun qui n'inspire à l'héroïne que dégoût, l'actrice fait le choix très pertinent d'intensifier ses sentiments à travers son regard, là encore sans aucun ornement inapproprié, afin de mieux toucher par des émotions qui viennent entièrement de l'âme. Le plan où elle se retrouve cheveux au vent et revolver en mains, tout en suggérant de la force malgré ses yeux emplis d'effroi reste l'une de ses plus grandes réussites et font absolument comprendre pourquoi la comédienne reste l'une des plus respectées de son temps.


Si l'on s'arrête cinq minutes pour analyser ma sélection, on voit que contrairement à celle de l'Académie, ce sont presque exclusivement des films muets qui sont à l'honneur, à l'exception notoire de La Lettre. Certes, mais avouons que j'ai franchement du mal à être séduit par ces premiers parlants, aussi bien pour les performances d'actrices que pour la qualité des films, et il serait extrêmement dommage de laisser de côté de très bons films muets sous prétexte de l'avènement d'une nouvelle technique. J'assume donc pleinement mes choix et passe sans plus tarder à la révélation que vous attendez tous... Ladies & Gentlemen, the winner is...


Lillian Gish - The Wind

Pendant très longtemps, c'est la Divine qui avait l'avantage, puisqu'elle oscille à merveille entre humour et tragique dans A Woman of Affairs, dévoilant par-là même les différentes facettes d'un personnage dépressif très bien développé, sans compter qu'elle s'est également montrée excellente en 1928 en femme fatale prise au piège de ses sentiments dans The Mysterious Lady. Cependant, avec le recul, j'estime que ces deux très bons rôles muets ne sont toutefois pas les plus grandioses de sa brillante carrière, et à ce titre, je me vois mieux la récompenser pour l'un de ses indépassables personnages parlants. D'autant qu'à force d'être dépressive dans A Woman of Affairs, elle me divertit finalement moins que par le passé. A l'inverse, la performance de Lillian Gish est de celles qui m'impressionnent de plus en plus à chaque visite, au point que je n'ai absolument plus honte d'assumer de faire comme tout le monde et de lui donner l'Oscar pour le plus grand rôle muet de sa filmographie. L'évolution du personnage telle qu'elle la dessine est d'ailleurs tellement bien rendue que je suis à présent un fan inconditionnel de Letty, et jamais Lillian n'aura été plus intense et charismatique qu'ici. Si l'on ajoute enfin que The Wind est un chef-d'oeuvre absolu, d'un cran bien au-dessus des pourtant excellents films de Garbo, alors je n'ai plus aucun scrupule à voter pour elle, aussi puis-je clamer haut et fort que la meilleure actrice américaine de 1928, c'est bel et bien Lillian Gish. Sur ce, la Divine prend la seconde place de mon classement, suivie par Joan Crawford dans son premier rôle éblouissant, puis par Betty Compson pour son personnage touchant, avant de laisser la volcanique Jeanne Eagels fermer la marche pour le seul rôle parlant de la sélection. Mais il est vrai que les débuts du parlants sont loin d'être ma période cinématographique préférée, tandis que les derniers feux du muet ont conclu la décennie en apothéose. A ce titre, ma liste ne sera guère étonnante.

Et en ce qui concerne les autres concurrentes légitimes, laissons venir Sylvia Fowler afin de classer les performances...

dignes d'un Oscar: Joan Crawford (Our Dancing Daughters), Greta Garbo (A Woman of Affairs) (The Mysterious Lady), Lillian Gish (The Wind)




dignes d'une nomination: Betty Compson (The Docks of New York), Jeanne Eagels (The Letter),




séduisantes: Lina Basquette (The Godless Girl): pour son dynamisme rafraîchissant. Corinne Griffith (The Divine Lady): voir ci-dessus. Notons au passage que l'actrice est égale à elle-même mais toujours charmante dans The Garden of Eden la même saison. Bessie Love (The Broadway Melody): voir ci-dessus. Gloria Swanson (Queen Kelly): because she's lost... her temper. Fay Wray (The Wedding March): parce qu'elle y est fort sympathique et qu'elle sait bien comment percer à l'écran.



sans saveur: Mary Astor (Romance of the Underworld), Jobyna Ralston (The Power of the Press): deux rôles qui me sont sortis de la tête aussi vite qu'ils y étaient entrés. Louise Brooks (Beggars of Life): désolé, je préfère vraiment la Louise Brooks de Pabst. Greta Garbo (Wild Orchids) (The Single Standard): entre moiteur et redondance, deux performances mineures au sein d'une carrière exemplaire. Pola Negri (The Way of Lost Souls): un dernier film muet étonnamment terne dont pâtit la grande Pola.


atroces: Ruth Chatterton (Madame X): à revoir, donc, impossible de m'y faire en attendant. Mary Pickford (Coquette): ''pia pia pia he kiiiiilled hiiiim pia pia pia!'' Norma Shearer (The Trial of Mary Dugan): ''snif snif snif Jimmyyyyy snif snif snif!'' Alors, à leur décharge, reconnaissons qu'il n'était pas évident de se jeter dans le bain du parlant à cette époque, mais ça n'empêche pas le résultat d'être malheureusement apocalyptique.


à découvrir: Evelyn Brent (Broadway), Betty Compson (The Barker), Camilla Horn (Eternal Love), Carole Lombard (High Voltage), Colleen Moore (Why Be Good?), Mary Nolan (Desert Nights), Fay Wray (The Four Feathers)


grandes performances en langue étrangère: Ita Rina (Erotikon): parce qu'elle a beaucoup de présence à l'écran dans un film d'une modernité tout à fait séduisante. Renée Falconetti (La Passion de Jeanne d'Arc): une performance impressionnante de prime abord mais dont je ne suis plus du tout friand après coup, la faute à ce regard vitreux trop prononcé et à des éclairs de provocation pas toujours adéquats. En outre, j'ai surtout l'impression qu'il s'agit avant tout d'une performance "réactive", plus qu'une construction totalement sentie et réfléchie. L'actrice souligne alors très bien la douleur, mais c'est plus le film, iconique, qui tire son interprétation vers le haut que l'inverse.

dimanche 20 mai 2012

Oscar de la meilleure actrice 1927/1928

Dès d'aujourd'hui, j'inaugure ma série des Oscars de la meilleure actrice, premiers et seconds rôles (les acteurs et les films viendront plus tard), et je précise d'emblée que je ferai remonter les seconds rôles dès 1928, puisqu'il serait bien dommage d'occulter plein de bonnes performances sous prétexte que l'Académie n'eut le bon sens de les mettre en avant plus tôt. Pour le reste, je m'en tiendrai aux règles du jeu, en respectant la césure des premières années, en me limitant à cinq candidates par an, et en me basant sur la date de sortie des films à Los Angeles. En ce qui concerne les performances en langue étrangère, je prendrai en considération celles qui purent bénéficier d'une nomination, ou à défaut, celles issues de films nommés dans d'autres catégories que le strict Oscar du meilleur film étranger. Et là, vous allez me dire: « Encore un blog sur les Oscars ? Et pourquoi donc? » Eh bien, parce que... Irene Dunne, Greta Garbo et Barbara Stanwyck ont toutes été lésées en 1937, et qu'il est grand temps de rendre à Oscar ce qui lui revient de droit. Parce que Myrna Loy et Tallulah Bankhead n'ont jamais reçu une seule nomination, et qu'il est vital de rattraper ces oublis fâcheux. Mais surtout parce que... je n'ai encore jamais lu un blog sur le sujet où l'on attribue un Oscar à Miriam Hopkins, et que, n'en déplaise à Bette Davis, il est absolument nécessaire d'y remédier dans les plus brefs délais!

Passons donc dès à présent aux choses sérieuses: je déclare ouverte la cérémonie de mes Oscars alternatifs. Et on commence tout de suite avec rien moins que le tout premier cru des Oscars de la meilleure actrice dans un premier rôle, la saison 1927-1928.

Pour rappel, les films en compétition devaient alors être sortis entre le 1er août 1927 et le 31 juillet 1928, de quoi conduire l'Académie à sélectionner:

• Louise Dresser – A Ship Comes In
• Janet Gaynor – Seventh Heaven, Street Angel & Sunrise
• Gloria Swanson – Sadie Thompson

Comme on le sait, les règles lors de cette première cérémonie n'étaient pas encore fixées, et les nominations n'étaient pas vraiment officielles: les actrices ainsi listées furent celles qui reçurent le plus de voix lors du décompte, et l'on ne savait pas encore si l'on devait récompenser une interprète pour sa performance la plus marquante, ou lui donner un prix pour l'ensemble de son œuvre au cours d'une même saison. Favorisée de la sorte par ce système pas encore au point, la toute nouvelle venue Janet Gaynor remporta sans surprise le trophée puisqu'elle venait de triompher dans trois films phares, dont deux cités dans les catégories les plus prestigieuses, ce qui tend d'ailleurs à confirmer la tendance des Oscars à toujours préférer une ingénue sortie de n'importe où face à des actrices plus confirmées ayant déjà fait leur preuves. Mais en 1929, la visibilité de Janet Gaynor était si grande que l'issue du vote ne fit aucun doute, même si quelque chose me dit que la victoire n'aurait pas été aussi facile, Mary Pickford eût-elle décidé de concourir pour My Best Girl.

Mais qu'en est-il plus précisément de la sélection officielle?

Je retire :

Louise Dresser dans A Ship Comes In: Louise Dresser est une bonne actrice : il n'y a qu'à voir ses rôles de tsarines dans The Eagle et The Scarlet Empress pour s'en convaincre. Mais coincée comme elle l'est ici dans un film franchement médiocre qui ne lui donne l'occasion que de rester en retrait face à un époux d'une complaisance effrayante, elle a du mal à donner de la chair à un personnage de second plan mal écrit. Ce qui ne veut pas dire qu'elle est mauvaise, mais elle se contente de jouer cette mère de famille inquiète exactement comme on l'attend, sans la rendre plus intéressante. En fait, elle ne joue principalement qu'avec deux expressions: d'une part en affichant des sourires assez tendres lors des rares moments de gaieté, notamment lorsqu'elle prépare un gâteau avec ses enfants, ou quand sa fille joue avec la lampe du médecin en pleine inspection à Ellis Island; et d'autre part en ajoutant une certaine dose d'ahurissement à son inquiétude naturelle dans la majeure partie du film, d'où une série de regards fixes et de bouches entrouvertes, effet un peu redondant mais guère étonnant de la part d'une actrice de films muets. Autrement, les séquences qui lui demandent le plus d'expressivité sont assez surjouées, en particulier quand elle pleure le départ de son fils au front tout en essayant de sourire à son mari qui la réconforte, un mélange d'émotions pas très heureux; ou encore lors de la scène de la lettre où, après avoir fait naître sur son visage l'avidité d'en connaître le contenu, elle se sent obligée de secouer la lectrice comme un prunier pour souligner son affolement. Par bonheur, les excès ne durent jamais longtemps, et dans cette dernière scène, elle se calme très vite pour revenir à un visage plus grave qui en dit long. Concrètement, le meilleur moment dans cette performance, c'est lorsqu'elle tente de défaire son fils de l'intérêt qu'il porte à la guerre, en lui montrant son gâteau d'anniversaire pour le retenir: celui-ci se met alors à compter les bougies tandis que sa mère, soulagée, se tourne vers ses autres enfants, une main sur la bouche et l'autre sur la hanche, en guise de satisfaction. Mais très vite, la parade militaire se fait entendre et Dresser en revient illico presto à ses expressions inquiètes, tout en soulignant son amour pour son fils en gardant la main le plus longtemps possible sur son bras avant de quitter la pièce. En somme, elle tente vraiment de nourrir sa composition en ajoutant tout ce qu'elle peut (la manière qu'elle a d'agiter les mains en guise de régal, par exemple), mais on aurait quand même préféré que son rôle ait plus de texture, et lui permette de faire autre chose que la mère standard inquiète et endurante. Mais si elle n'a finalement pas grand chose à faire, elle reste malgré tout le seul bon aspect du film, voire une véritable bouffée d'air frais après l'indigestion provoquée par les mimiques grotesques de Rudolph Schildkraut.


Janet Gaynor dans Seventh Heaven: Peu importe le degré d'émotion, j'ai en horreur ce genre de personnages crispants qui restent là à vous regarder avec des yeux de chien battu au lieu de tenter quelque chose pour se sortir d'une situation particulièrement misérable, et ce à grand renfort de regards plus vides qu'expressifs. Heureusement que quelques bons moments viennent éclairer le tout, lorsque l'héroïne se moque (gentiment bien sûr) de la devise de Charles Farrell ou quand elle prend (enfin!) le dessus sur sa soeur ; mais dans l'ensemble c'est trop exaspérant pour m'intéresser outre mesure.


Janet Gaynor dans Sunrise: Ok, le rôle lui va toujours comme un gant, et elle s'y révèle plus expressive que dans le Borzage : la peur et la joie s'impriment sur son visage de façon beaucoup plus crédible, même si elle fait de grands sourires niais pour marquer son contentement. Mais là encore, je bloque sur le personnage d'épouse modèle sans aucune complexité et donc pas franchement fascinante. A ce titre, le film a beau être un chef d’oeuvre, c'est plus la photographie que l'émotion générée par la relation entre les protagonistes qui me parle le plus. J'avoue avoir même eu du mal à me prendre de sympathie pour l'héroïne lors de la tentative de meurtre, et je n'ai finalement apprécié que ses moments plus enjoués lorsqu'elle renoue des liens forts avec son mari lors de l'escapade en ville. En somme, Gaynor a eu beau surfer sur le succès du film, son personnage n'y est pas assez intéressant pour que je la nomme dans ma liste.


Janet Gaynor dans Street Angel: Mais ??? Oui, elle fait preuve de volonté ! Elle renvoie même paître Charles Farrell au début, ce qui, comparé aux films précédents, mériterait presque de lui décerner illico presto un Oscar ! Le problème, c'est que passé ces premiers moments, elle ne m'a plus du tout intéressé, prouvant par-là même que si son manque notoire de charisme sied bien aux personnages qu'elle incarne, il achève de lui faire perdre de la crédibilité en tant qu'actrice, surtout cette année-là où les concurrentes incarnant des femmes plus fortes et plus complexes, pour la faire courte un milliard de fois plus captivantes, étaient légion.


Ma sélection :

Gloria Swanson dans Sadie Thompson: Comme pour A Woman of Affairs, je suis un peu moins enthousiaste qu'en phase de découverte, mais la réussite reste bel et bien au rendez-vous, aussi bien du côté du film, Raoul Walsh étant toutefois encore plus brillant comme acteur ici, que du côté de l'interprétation, Swanson apportant au rôle le fort caractère que Sadie demandait. Ainsi, elle fait une entrée détonante dans l'histoire, au point qu'on ne remarque plus qu'elle, et pas uniquement à cause de son chapeau de dix-huit kilomètres carrés, dans la mesure où il lui suffit de sourire pour révéler le charisme et la dynamisme de l'héroïne avant même que le paquebot accoste. Une fois à terre, on est ensuite frappé par l'humour et la séduction un brin vulgaire que l'actrice donne au personnage, ce qui est en outre un réel exploit de la part d'une comédienne davantage associée aux grandes mondaines Art Déco. Mais vraiment, la composition fonctionne absolument, et l'on n'est jamais étonné que tous les marins de l'île virevoltent autour d'elle tant elle se montre spontanée et toujours prompte à s'amuser. D'ailleurs, son rire lorsqu'elle joue avec le miroir a beau être très joué, il n'en est pas moins sincère et tout à fait crédible. Bref, on croit vraiment à cette jeune femme dynamique un peu prostituée sur les bords, même si Swanson accentue un poil trop cet aspect à cause d'une expressivité propre au muet à ce moment-là déjà dépassée par d'autres collègues (voir plus haut), mais dans tous les cas, le pouvoir de divertissement est bien là. La seule chose que j'apprécie moins que par le passé, finalement, c'est la deuxième partie puritaine, lorsque Sadie est forcée de se repentir: on ne doute jamais qu'il s'agit bien de la même femme qu'au départ (à la différence de Crawford dans le remake), mais on se demande tout de même pourquoi une personne aussi forte que Sadie arrive à se laisser convaincre de ses supposés péchés, alors qu'elle ne manque pourtant pas de soutiens sur l'île. Par bonheur, à défaut de pouvoir acheter cette performance à 100%, on notera que la clef de cette performance, à savoir la grande confrontation avec Lionel Barrymore, n'en reste pas moins très réussie, puisque Swanson parvient à s'y montrer aussi dure que désespérée dans le même laps de temps, tout en accentuant encore une fois un peu trop la colère. A la fin, je suis tout de même toujours conquis par cette interprétation, et Swanson s'en tire vraiment avec tous les honneurs, pour ce qu'on peut attendre d'une performance du cinéma muet. 


Eleanor Boardman dans The Crowd: A ce stade, je ne suis pas encore aussi familier avec Eleanor Boardman qu'avec mes autres finalistes, mais c'est aussi que la dame a une filmographie un peu moins conséquente, ce qui ne m'a pas empêché de la classer en assez bonne position dans mon panthéon, précisément en grande partie grâce à La Foule, de loin son sommet interprétatif, et qui reste reconnu pour être l'une des performances muettes ayant le mieux vieilli, l'actrice n'étant jamais autant théâtrale qu'on aurait pu l'attendre dans ce type de rôle. En outre, contrairement à ce qu'a pu nous servir Janet Gaynor à l'instant, Eleanor Boardman est la preuve qu'on peut très bien jouer à l'épouse aimante et endurante en donnant vie à une héroïne qui a de la personnalité, et qui, sans jamais forcer dans le pathos, cherche toujours à aller de l'avant. L'écriture comme l'interprétation annoncent ainsi une réelle modernité, ce qu'on perçoit très bien dans les quatre actes du films. Dans le premier, tout d'humour et de légèreté, elle est en effet idéale de spontanéité pour donner vie à cette relation amoureuse naissante, de quoi exercer une grande séduction sur le public qui ne peut dès lors que s'attacher à elle grâce à son naturel désarmant. Dans le second, où s'annonce à présent une sorte de lassitude quotidienne propre à tous les couples qui durent, Eleanor n'a encore une fois besoin d'aucun tic pour rester ferme mais compréhensive face à James Murray, hormis lors d'une petite séquence de dispute qui reste malgré tout bien jouée, même dans les codes du muet. En fait, seule la partie réellement dramatique est jouée avec force expressivité, mais ça ne choque nullement pour un film de 1928, et puisque l'héroïne sait comment avancer en dépit du tragique, ça permet à l'actrice de repartir vers bien plus de sobriété, ce qui fait beaucoup de bien et aère totalement le propos. Enfin, le dernier acte, à mi-chemin entre émotions et gravité, est abordé avec un calme serein qui fait ressortir toute la force de larmes savamment dosées, d'où l'impression d'une trajectoire complétée avec un grand talent, durant laquelle on n'aura jamais douté de la cohérence de l'interprétation malgré les divers états d'âme du personnage. A la fin, Eleanor Boardman nous aura brossé un portrait crédible de femme tout à fait normale, et c'est ma foi fort rafraîchissant.


Marion Davies dans The Patsy: A l'époque où j'avais écrit la première version de cet article, je n'avais jamais vu Marion Davies dans autre chose que The Patsy, mais après avoir commencé à étoffer mes connaissances, je réalise à quel point sa réputation de grande actrice comique est amplement justifiée. Je dirai même que la dame est la reine du timing comique, dans la mesure où chacune de ses expressions parvient à relever l'esprit d'une scène, et ce avec un naturel désarmant qui dévoile tout le génie de l'actrice, chez qui on ne décèle jamais la moindre trace d'effort. A vrai dire, son talent de comédienne est visible dès les premières secondes, puisque rien que sa façon de se tenir à table pour manger sa soupe souligne la gaucherie d'une héroïne qu'on doit immédiatement identifier comme le vilain petit canard de la maisonnée, mais sans que Davies ait besoin de faire quoi que ce soit d'apparent pour se glisser dans la peau du personnage: bien sûr, c'est une composition, mais son maintien et ses manières sont tellement bien en phase avec le type de comédie recherchée que l'illusion est totale. En outre, l'actrice ne s'arrête pas là puisque malgré la situation peu enviable de Patricia, constamment humiliée par sa mère et sa sœur, elle ne fait jamais l'erreur de forcer dans l'excès et d'accentuer la maladresse de l'héroïne pour qu'on la plaigne. C'est même tout le contraire! Davies la dote précisément d'une forte dose d'esprit et de fantaisie qui nous attachent à elle dès l'ouverture, et c'est justement cette fraîcheur et cette légèreté qui permettent au comique de fonctionner à plein régime. Ça n'empêche évidemment pas l'émotion de poindre malgré tout, et force est de reconnaître que l'actrice est également hors de tout reproche dans ce registre, son rapport à son partenaire masculin restant toujours un peu drôle quoique touchant, preuve d'un subtil équilibre savamment construit. Cependant, le véritable clou du spectacle, et peut-être le plus grand morceau de bravoure de la carrière de Marion Davies, c'est bien entendu cette série d'imitations irrésistiblement hilarante, à mesure qu'elle se met à parodier sans aucune retenue mais de façon constamment crédible Mae Murray, bouche en cœur et dents en avant à l'appui; Lillian Gish, qui prend très cher au passage avec son air de jeune fille fragile effrayée, et Pola Negri, sortie tout droit d'un film d'aventures! Non seulement c'est à se rouler par terre tellement c'est drôle, mais c'est en outre tellement réaliste qu'on se demande parfois si les modèles ne sont pas venus le temps d'un caméo dans le film! Bref: Marion Davies, actrice comique de talent et de génie? C'est oui!


Pola Negri dans Barbed Wire: Après avoir revu le film, je suis à présent convaincu que Pola Negri est définitivement mon actrice préférée de l'ère de muet. Sans mentir: un ego surdimensionné capable de se fondre sans réserves dans un rôle sans pour autant disparaître totalement dans le personnage reste la marque d'une très grande comédienne, et l'avoir vue passer du comique le plus burlesque (Madame du Barry, Die Bergkatze) à un humour bien plus léger (Forbidden Paradise, A Woman of the World), mais encore d'une terreur expressive (Sappho) à une approche du drame tout en retenue (Barbed Wire, Hotel Imperial) me conforte dans ma très haute estime pour la dame, qui a toujours su ajouter à sa versatilité un indéniable charisme. Dans le film qui nous occupe, une jolie ode au pacifisme tournée seulement dix ans après la guerre, Pola Negri fait donc le choix d'un jeu calme franchement moderne pour l'époque, à part deux ou trois moments davantage ancrés dans les codes plus habituels du muet, à l'image de ses yeux écarquillés pour souligner l'horreur de l'annonce du conflit, ou de son bras tendu sur le visage avant de se lamenter sur la futilité de la guerre. Mais vraiment, outre ces petits excès d'ancienneté, son approche du personnage reste d'une très grande fraîcheur, et l'actrice fait vraiment tout ce qu'elle peut pour ne jamais rester sur la même note, bien que l'héroïne soit essentiellement triste tout du long. Ainsi, le début la voit sourire à son frère afin de lui masquer son inquiétude, trouvaille franchement géniale quand on y pense; plus loin, la compassion perce en toute franchise malgré son regard blasé lorsqu'elle apprend le décès d'un prisonnier allemand qu'elle a croisé la veille, et la grande scène de Noël, où Mona s'autorise enfin à montrer son émotion, est jouée avec toute la discrétion requise afin de ne pas rendre cet instant lacrymal trop larmoyant, précisément. La fin est également fort touchante, et l'on félicitera encore l'actrice de parvenir à rendre ses rapports avec Clive Brooks fort crédibles, malgré l'absence totale d'expression de son partenaire, ce qui reste, sans faire de mauvais esprit, un véritable exploit. Et puis finalement, ce qui marque le plus dans cette composition, c'est l'absence totale de vanité: Pola ne cherche effectivement jamais à éblouir le spectateur et se met au contraire entièrement au service de l'histoire, d'où une impression de naturel qui émeut d'autant plus, et tranche parmi les interprétations plus expressives de la plupart des actrices de l'époque. Quoi qu'il en soit, un très beau rôle et une grande performance, qui révèlent une nouvelle facette du talent de la star.


Mary Pickford dans My Best Girl: Le dernier rôle muet de la petite fiancée de l'Amérique est souvent considéré comme l'un de ses meilleurs. A juste titre : il s'agit là d'un rôle juteux qui permet à l'actrice d'esquisser un personnage allant du mode comique-hilarant, à commencer par sa technique de séduction avec ce paquet qu'elle fait involontairement tomber, au mode de l'émotion la plus pure, avec cette scène où perce le désir de mariage et de maternité sous le vernis de la fausse Red Hot Mama. Et Pickford a beau approcher la quarantaine, elle reste comme à son habitude parfaitement crédible en jeune femme bien plus jeune. Par ailleurs, la comparaison avec It, l'autre succès de l'année, joue encore en sa faveur puisque là où Clara Bow se contentait d'être bien dans un rôle similaire, Mary Pickford n'hésite pas à casser la baraque, pour notre plus grand plaisir.

Et maintenant, place au dénouement que nous attendons tous: la première lauréate par ordre chronologique est...

Pola Negri dans Barbed Wire.

En définitive, il m'est absolument impossible de trancher: dans le système des Oscars, chacune de mes candidates n'aura que cette unique chance d'emporter une statuette, d'où un profond regret que l'Académie n'ait pas existé plus tôt dans les années 1920 afin de récompenser toutes ces actrices de génie. Ceci dit, s'il me faut vraiment faire un choix après plusieurs années de réflexion, ce sera tout de même Pola Negri, mon idole absolue parmi les finalistes, et dont le jeu sobre et moderne me fait totalement craquer pour son héroïne émouvante, dans un très beau film qui plus est. Ceci dit, Mary Pickford trouve avec My Best Girl la quintessence de sa carrière, avec tout ce qu'il faut d'humour et d'émotion contenue pour m'éblouir absolument, tandis que le génie comique de Marion Davies, décidément très douée pour faire des imitations, mérite lui aussi récompense. Je classe finalement Eleanor Boardman quatrième car je suis un peu moins familier avec sa filmographie, en dépit de sa réussite totale d'une étonnante modernité dans un chef-d’œuvre, puis Gloria Swanson cinquième, qui malgré tout mon amour pour son héroïne des mers du Sud présente tout de même un type de jeu ayant un peu moins bien vieilli que ses concurrentes. Mais qu'il m'est pénible d'avoir à les départager! Pour souffler cinq minutes, laissons à présent la parole à Sylvia Fowler, afin de classer les performances de l'année...


dignes d'un Oscar: Eleanor Boardman (The Crowd), Marion Davies (The Patsy), Pola Negri (Barbed Wire), Mary Pickford (My Best Girl), Gloria Swanson (Sadie Thompson): en toute honnêteté, ces cinq candidates sont absolument sublimes et toutes auraient mérité le prix haut la main.


séduisantes: Jeanne Eagels (Man, Woman and Sin): parce qu'elle a pas mal de bons moments bien qu'on puisse vivre sans. Janet Gaynor (Street Angel): vraiment, son meilleur rôle parmi les trois sélectionnés. Norma Shearer (The Student Prince in Old Heidelberg): parce qu'elle est rigolote, et qu'elle s'envoie une pinte de bière cul sec! June Tripp (The Lodger: A Story of the London Fog): un personnage extrêmement sympathique quoique loin de faire le poids face à un certain Ivor Novello.


sans saveur: Louise Brooks (A Girl in Every Port): à revoir car ne m'a absolument pas marqué. Louise Dresser (A Ship Comes In): voir ci-dessus. Janet Gaynor (Sunrise) (Seventh Heaven): parce que, décidément, je ne supporte pas ce caractère "pauvre petite chose" trop prononcé, malgré l'extrême poésie des chefs-d'oeuvre en question. Mary Philbin (The Man Who Laughs): lorsqu'en face Conrad Veidt et Baclanova sont au-delà du sublime, sa pâleur n'en est que plus regrettable.


à découvrir: Joan Crawford (Across to Singapore), Marion Davies (Quality Street), Dolores del Rio (Ramona), Phyllis Haver (Chicago), Bessie Love (The Matinee Idol), Pola Negri (Three Sinners)



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