mardi 28 juillet 2015

Inventaire 1935



1935 est une année particulière pour moi, n'arrivant pas, d'une part, à trouver le chef-d’œuvre qui me fera vibrer jusqu'à la fin des temps, alors que la plupart des films en question parviennent toutefois à me divertir grandement. En effet, si les souveraines Christine et Catherine dominent respectivement 1933 et 1934, et si My Man Godfrey reste à mes yeux le grand film de 1936, je n'arrive pas encore à faire une fixation sur l'une des œuvres de 1935, celles-ci me faisant pourtant voyager entre Caraïbes et Polynésie, Russie impériale et Venise, Flandres espagnoles et capricci castillans, ou encore rêves champêtres et royaumes féeriques. Il s'agit dès lors d'une année pour laquelle je garde une grande affection, et voici où j'en suis dans l'immédiat:


The 39 Steps: d'Alfred Hitchcock, produit par Michael Bolton (Gaumont British), avec Robert Donat et Madeleine Carroll. Scénario d'Ian Hay et Charles Bennett d'après un roman de John Buchan.
Nominations possibles: le film est excellent, ou tout du moins excitant, bien que je ne sois pas de ceux qui trouvent que ç'a aussi bien vieilli qu'on le dit (je préfère vraiment la période américaine), mais des nominations restent fortement envisageables comme meilleur film, réalisateur (le limage des menottes...), acteur pour Robert Donat même s'il ne me divertit pas autant qu'un Cary Grant ou qu'un Michael Redgrave; scénario adapté pour son haut degré de divertissement, et peut-être second rôle féminin pour Madeleine Carroll (cool), ou Peggy Ashcroft (encore plus cool, et qui plus est touchante!).


Alice Adams: de George Stevens, produit par Pandro Berman (RKO), avec Katharine Hepburn et Fred MacMurray. Scénario de Jane Murfin, Dorothy Yost et Mortimer Offner d'après un roman de Booth Tarkington.
Nominations possibles: j'ai longtemps aimé le film avec que ça ne finisse par me lasser, mais la nomination est assurée pour Katharine Hepburn, qui donne la performance que l'on sait. Ça risque d'être sa seule citation néanmoins: l'autre aurait été pour le scénario en vertu d'une histoire sympathique, mais la séquence avec Hattie McDaniel est tellement affreuse que ça me laisse finalement de marbre.


Anna Karenina: de Clarence Brown, produit par David Selznick (MGM), avec Greta Garbo, Fredric March et Basil Rathbone. Scénario de Clemence Dane, Salka Viertel et Samuel Behrman d'après Tolstoï.
Nominations possibles: un des grands films de l'année, qui frôle le chef-d’œuvre sur bien des points, et qui me semble indispensable comme meilleur film, réalisateur, actrice, second rôle masculin pour Basil Rathbone, franchement inégalable dans sa plus grande performance; second rôle féminin pour Maureen O'Sullivan, qui n'a pas assez de temps d'écran mais reste éminemment vivace pour me séduire; meilleur scénario adapté pour une histoire parfaitement excitante et intelligible malgré la condensation obligatoire; meilleure photographie pour l'arrivée du train en gare et Garbo dans la brume; meilleurs décors pour les palais russes et le salon vénitien, meilleurs costumes pour la dentelle du croquet et les uniformes, musique adaptée pour les airs de Tchaïkovski et probablement meilleur son.


Annie Oakley: de George Stevens, produit par la RKO, avec Barbara Stanwyck et Melvyn Douglas. Scénario de John Twist et Joel Sayre sur une histoire originale d'Ewart Adamson et Joseph Fields.
Nominations possibles: le film me tendait les bras depuis des années et... grosse déception! Ça manque cruellement de rythme et d'inventivité, et même Barbara Stanwyck n'est pas particulièrement intéressante, quoique très bien avec le peu à se mettre sous la dent.


Barbary Coast: d'Howard Hawks et William Wyler, produit par Samuel Goldwyn, avec Miriam Hopkins, Edward G. Robinson et Joel McCrea. Scénario de Ben Hecht et Charles MacArthur d'après un roman d' Herbert Asbury.
Nominations possibles: un autre film un peu décevant, que je peux envisager de nommer pour sa photographie ou ses costumes, quoique ce ne soit pas du tout prioritaire. Peut-être musique adaptée, parce que je reste un inconditionnel de Stephen Foster et que la version d'Oh, Susanna au banjo dès l'ouverture m'émoustille toujours autant.


Becky Sharp: de Rouben Mamoulian et Lowell Sherman, produit par Kenneth Macgowan (Pioneer Pictures Corporation), avec Miriam Hopkins. Scénario de Francis Edward Faragoh d'après Vanity Fair de William Makepeace Thackeray et Becky Sharp de Langdon Mitchell.
Nominations possibles: meilleure actrice pour Miriam Hopkins bien sûr! Autrement, je reconnais que le film n'a rien d'un chef-d’œuvre, la couleur le desservant même plus qu'autre chose, mais peut-être y aura-t-il une place à prendre du côté des costumes, certaines des robes de l'héroïne étant absolument ravissantes.


Break of Hearts: de Philip Moeller, produit par Pandro Berman (RKO), avec Katharine Hepburn et Charles Boyer. Scénario d'Anthony Veiller, Victor Heerman et Sarah Y. Mason sur une histoire originale de Lester Cohen.
Nominations possibles: ça se laisse regarder, mais c'est une romance très oubliable, où Katharine Hepburn me semble peu à sa place. Éventuellement musique adaptée mais ce n'est pas essentiel du tout.


Bride of Frankenstein: réalisé par James Whale, produit par Carl Laemmle Jr. (Universal), avec Elsa Lanchester et Boris Karloff. Scénario de William Hurlbut et John Balderston d'après Mary Shelley.
Nominations possibles: on dirait de la série B très bien filmée et, si je ne suis pas sûr de garder une place pour le film lui-même, James Whale ne déparerait nullement comme réalisateur, sachant que les catégories techniques ne seront pas en reste: photographie, décors, costumes, effets spéciaux et maquillage. Peut-être meilleur scénario quand j'aurai revu le film. Autrement, les internautes nomment souvent Elsa Lanchester, mais tout amusante soit-elle, elle n'apparaît pas plus de deux minutes, donc non.


Captain Blood: de Michael Curtiz, produit par Harry Joe Brown et Gordon Hollingshead (Warner), avec Errol Flynn et Olivia de Havilland. Scénario de Casey Robinson d'après le roman de Rafael Sabatini.
Nominations possibles: c'est un bon film, mais clairement pas aussi bon que Sea Hawk, ce qui ne suffira sans doute pas à le hisser dans les catégories les plus prestigieuses. Par contre, c'est du tout bon côté technique avec le montage pour les batailles, la photographie, les décors exotiques à souhait, les costumes et l'ombrelle de l'héroïne, les effets spéciaux et la musique. OdeHa est très sympa dans un second rôle qui n'est jamais la potiche qu'on aurait pu attendre sur le papier, et pourrait compléter la sélection à l'occasion. Errol Flynn sera quant à lui meilleur avec un peu plus de bouteille quelques années plus tard, malgré ces débuts fort prometteurs du point de vue du divertissement.


Dangerous: réalisé par Alfred Green, produit par la Warner, avec Bette Davis et Franchot Tone. Scénario de Laird Doyle d'après sa propre histoire: Hard Luck Dame.
Nominations possibles: un film qui se laisse regarder mais de facture trop médiocre pour avoir vraiment envie de le nommer quelque part. Seule Bette Davis serait envisageable mais ce n'est pas une performance exceptionnelle non plus, quoique énergique et jamais dénuée d'intérêt.


The Dark Angel: réalisé par Sidney Franklin, produit par Samuel Goldwyn, avec Fredric March, Herbert Marshall et Merle Oberon. Scénario de Mordaunt Shairp et Lillian Hellman d'après une pièce de Guy Bolton.
Nominations possibles: j'adore, mais est-ce assez solide pour s'imposer comme meilleurs film et réalisateur? Je note tout de même que Sidney Franklin est l'un de mes réalisateurs préférés de l'époque et j'aimerais beaucoup le nommer une fois, or The Dark Angel a ma préférence dans sa filmographie. Autrement, nomination assurée pour Fredric March qui est une nouvelle fois éblouissant, nomination de plus en plus certaine pour Merle Oberon que j'aime vraiment beaucoup dans ce rôle malgré une ou deux réserves, et citations fortement conseillées pour un scénario suranné qui me fait vibrer, pour une photographie assez jolie même si ça risque d'avoir du mal à s'imposer ici, pour des décors vraiment réussis et une musique franchement mélodieuse.


David Copperfield: réalisé par George Cukor, produit par David Selznick (MGM), avec Freddie Bartholomew, Edna May Oliver et Basil Rathbone. Scénario d'Hugh Walpole et Howard Estabrook d'après Charles Dickens.
Nominations possibles: je ne suis pas le plus grand fan du film, encore que ça mériterait considération dans les principales catégories, au moins film, réalisateur et scénario. A vrai dire, je suis surtout intéressé par les images, photographie, décors et costumes, et peut-être irais-je jusqu'à nommer Edna May Oliver pour son croustillant second rôle, sauf si je la préfère ailleurs cette même année.


The Devil Is a Woman: produit et réalisé par Josef von Sternberg (Paramount), avec Marlene Dietrich et Lionel Atwill. Scénario de John Dos Passos d'après La Femme et le pantin de Pierre Louÿs.
Nominations possibles: il m'a fallu m'y prendre à deux reprises pour bien rentrer dedans, mais une fois qu'on admet son côté auto-parodique, il ne fait aucun doute qu'il s'agit d'un petit chef-d’œuvre. Nominations fort probables comme meilleurs film et réalisateur, ne serait-ce que pour la séquence du carnaval, absolument florissante; meilleur montage, meilleure photographie, pour le train et surtout Marlene masquée au milieu des ballons (!), meilleurs décors pour la fresque avec le taureau et les escaliers couverts de guirlandes lors du capriccio; meilleurs costumes, notamment pour le chapeau blanc de trois kilomètres de diamètre vers la fin; et peut-être meilleure musique adaptée et meilleur son. Marlene est pour sa part excessivement drôle en faisant exprès de très mal jouer (Pasqualitooooo!), mais je n'irai pas jusqu'à la préférer ici par rapport à ses travaux plus froids d'autres Sternberg.


Enter Madame!: d'Elliott Nugent, produit par Benjamin Glazer (Paramount), avec Elissa Landi et Cary Grant. Scénario de Charles Brackett et Gladys Lehman d'après une pièce de Gilda Varesi Archibald et Dorothea Donn-Byrne.
Nominations possibles: c'est une comédie très rarement drôle et franchement oubliable.


Escape Me Never: de Paul Czinner, produit par Herbert Wilcox, avec Elisabeth Bergner. Scénario de Robert Cullen et Carl Zuckermann d'après une pièce de Margaret Kennedy.
Nominations possibles: l'histoire est fort improbable mais j'y trouve un certain plaisir, et le jour où le film sera enfin restauré comme il se doit, les images de Venise et les décors gagneront beaucoup en grandeur. Mais en l'état... Elisabeth Bergner captive quant à elle par son visage et son énergie, mais de là à aimer son jeu...


The Gilded Lily: de Wesley Ruggles, produit par Albert Lewis (Paramount), avec Claudette Colbert, Ray Milland et Fred MacMurray. Scénario de Claude Binyon sur une histoire originale de Jack Kirkland et Melville Baker.
Nominations possibles: je n'ai pas revu ce film depuis très exactement cinq ans, mais j'en garde un souvenir assez fort. Pas pour de bonnes raisons ceci dit, car passé un premier dialogue très sympa mêlant existentialisme et cacahuètes sur un banc de Manhattan, cette comédie devient aussi drôle qu'une nuit d'insomnie en plein été.


The Good Fairy: produit et réalisé par William Wyler, coproduit par Carl Laemmle Jr. (Universal), avec Margaret Sullavan et Herbert Marshall. Scénario de Preston Sturges d'après A jó tündér de Ferenc Molnár.
Nominations possibles: j'ai tendance à beaucoup aimer les histoires hongroises, et quand elles sont aussi bien filmées que par Wyler, des nominations sont fortement envisageables comme meilleur réalisateur, même s'il fera bien mieux par la suite; meilleur scénario pour cette galerie de personnages excentriques; et meilleure photographie, pour Margaret Sullavan et les jeux de miroirs.


Hands Across the Table: de Mitchell Leisen, produit par Eugene Lloyd Sheldon (Paramount), avec Carole Lombard, Ralph Bellamy et Fred MacMurray. Scénario d'Herbert Fields, Vincent Lawrence et Norman Krasna d'après une histoire originale de Viña Delmar.
Nominations possibles: je n'aime pas le film outre mesure, mais l'histoire regorge de bons moments et au stade où j'en suis, les scenarii originaux se font rares. Autrement, Carole Lombard reste en considération comme meilleure actrice, mais je risque fortement de me tourner vers d'autres concurrentes, tandis que Ralph Bellamy est assez touchant pour être dans les finalistes, dans un rôle où il surprend peu néanmoins.


La Kermesse héroïque: de Jacques Feyder, produit par Films Sonores Tobis, avec Françoise Rosay. Scénario de Bernard Zimmer, Jacques Feyder et Robert Stemmle, d'après une nouvelle de Charles Spaak.
Nominations possibles: un chef-d’œuvre qui sera éligible pour 1936 aux Etats-Unis, mais qui a d'ores et déjà ses places réservées comme meilleur film étranger; meilleur scénario, qui personnellement ne me pose aucun problème puisque les travers des Espagnols sont aussi bien épinglés que les défauts des Flamands; meilleure photographie parce qu'on se croit réellement dans un tableau de Berckheyde ou de Hooch; meilleurs décors pour la reconstitution d'une vraie ville flamande en banlieue parisienne, et pour les intérieurs richement détaillés; meilleurs costumes, en particulier pour les fraises et les atours du duc d'Olivarès; et peut-être meilleur son. Finalement, la seule chose qui me bloque quelque peu dans cet ensemble, c'est ce jeu à la française, cette théâtralité et cette élocution exacerbées portées par de gros accents, qui finissent souvent par tuer tout naturel. Heureusement, trois personnages parviennent à transcender ce type d'interprétation: Ginette Gaubert en aubergiste qui ne perd pas le nord, Jean Murat et son panache tout aristocratique, et bien entendu Françoise Rosay, sublime et nuancée dans un grand numéro burlesque qui la rend particulièrement attachante, surtout lorsqu'elle se lance dans un discours féministe devant sa porte! J'ai simplement une petite réserve envers le montage, car avec une foule de personnages aussi dense, on a parfois du mal à repérer qui est qui lorsqu'on saute sans avertissement d'une scène à l'autre.

Magnificent Obsession: produit et réalisé par John Stahl (Universal), avec Irene Dunne et Robert Taylor. Scénario de Victor Heerman, George O'Neil et Sarah Y. Mason, d'après un roman de Lloyd Douglas.
Nominations possibles: un joli film qu'on suit avec plaisir mais dont on retiendra surtout la photographie, dont les plans sur la ville; et l'interprétation, Irene Dunne étant très crédible et jamais mélodramatique dans un rôle très chargé, et Robert Taylor étant d'un charme et d'un dynamisme qui ne manquent pas de séduction. On peut même légitimement parler de révélation, le terme n'est pas galvaudé dans son cas.


A Midsummer Night's Dream: de William Dieterle et Max Reinhardt, produit par Henry Blanke (Warner), avec Ian Hunter, Victor Jory, Olivia de Havilland et James Cagney. Scénario de Charles Kenyon et Mary McCall Jr. d'après Shakespeare.
Nominations possibles: un film qui laisse un peu sur sa faim du côté de l'histoire, mais qui devrait être très bien représenté dans les catégories techniques pour sa photographie, entre palais et forêts; ses décors, ne serait-ce que pour ce joli clair de Lune dans la clairière; ses costumes très créatifs; ses coiffures et maquillages; ses effets spéciaux et sa musique adaptée d'après Mendelssohn. Du côté des acteurs, j'ai un faible pour la prestance de Ian Hunter, mais Victor Jory est encore plus mémorable.


Les Misérables: de Richard Boleslawski, produit par Darryl Zanuck (Fox), avec Fredric March et Charles Laughton. Scénario de William Lipscomb d'après Victor Hugo.
Nominations possibles: un peu déçu par cette adaptation, et je préfère March et Laughton dans leurs autres rôles de l'année, mais peut-être la photographie, les décors, les costumes et plus certainement le maquillage parviendront-ils à lui valoir quelque chose.


Mutiny on the Bounty: produit et réalisé par Frank Lloyd, coproduit par Irviiiing (MGM), avec Charles Laughton, Clark Gable et Franchot Tone. Scénario de Jules Furthman, Talbot Jennings et Carey Wilson, d'après un roman de Charles Nordhoff et James Norman Hall.
Nominations possibles: en l'absence d'un concurrent vraiment époustouflant en face, un grand film qui mérite absolument son Oscar, et que je nomme effectivement dans cette catégorie, tout comme pour sa mise en scène qui nous fait rêver, trembler et voyager; son scénario captivant; son montage, sa photographie et ses palmiers exotiques; ses décors, pour le navire et les habitations polynésiennes; ses costumes de marins; son maquillage, sa musique (adaptée?), et pour le son. Quant aux acteurs, c'est un grand duel entre Gable et Laughton, mais je préfère le second dans un autre rôle, si bien que seul un Clark Gable sans moustache sera de la partie dans ce casting.


Naughty Marietta: de Robert Leonard et Woodbridge Van Dyke, produit par Hunt Stromberg et Woodbridge Van Dyke (MGM), avec Jeanette MacDonald et Nelson Eddy. Scénario d'Albert Hackett, Frances Goodrich et John Lee Mahin d'après l'opérette de Rida Johnson Young.
Nominations possibles: un film qui m'a beaucoup déçu la seconde fois malgré mon souvenir plutôt favorable, et dont l'humour me semble bien lourd, en particulier du côté d'Elsa Lanchester et Frank Morgan. Par contre, Jeanette déguisée est hilarante, mais pas au point de figurer dans ma liste, tandis que le film a encore une chance du côté des costumes, encore que ça tombe en concurrence avec Anna Karénine; et de la musique adaptée.


Peter Ibbetson: réalisé par Henry Hathaway, produit par Louis Lighton (Paramount), avec Ann Harding et Gary Cooper. Scénario de Constance Collier, Vincent Lawrence et Waldemar Young, d'après un roman de George du Maurier.
Nominations possibles: il manque quelque chose pour trouver qu'il s'agit d'un grand film, mais Ann Harding est excellente, sans jamais verser dans la mièvrerie du texte; tandis que la photographie et ses forêts de rêves, les décors et ce château de contes de fées, les costumes pour les robes d'Ann Harding, les effets spéciaux et le son restent des candidats de choix dans les catégories techniques.


Private Worlds: de Gregory La Cava, produit par Walter Wanger, avec Claudette Colbert, Charles Boyer et Joel McCrea. Scénario de Lynn Starling et Gregory La Cava d'après un roman de Phyllis Bottome.
Nominations possibles: un film vraiment oubliable, en particulier à cause d'une fin plaquée et fort improbable, mais Claudette Colbert est loin d'être indigne dans un contre-emploi, et Joan Bennett reste assez dynamique dans un second rôle, malgré une mauvaise scène de pleurs. Pas de quoi pousser jusqu'à la nomination, ceci dit.


Roberta: de William Seiter, produit par Pandro Berman (RKO), avec Irene Dunne, Randolph Scott, Fred Astaire et Ginger Rogers. Scénario d'Allan Scott, Sam Mintz et Jane Murfin, d'après Gowns by Roberta d'Alice Duer Miller et Roberta d'Otto Harbach et Jerome Kern.
Nominations possibles: du côté des décors et costumes, le film risque d'être éclipsé par Top Hat, mais les catégories musicales devraient lui être plus favorables, notamment musique adaptée et meilleures chorégraphies si j'arrive à jouer avec, et surtout meilleure chanson originale pour "Lovely to Look At". Les acteurs sont sympas, mais rien qui mérite une nomination.


Ruggles of Red Gap: de Leo McCarey, produit par Arthur Hornblow Jr. (Paramount), avec Charles Laughton, Mary Boland, Charles Ruggles et Zasu Pitts. Scénario d'Humphrey Pearson, Harlan Thompson et Walter DeLeon, d'après un roman d'Harry Leon Wilson.
Nominations possibles: je ne suis pas le plus grand fan du film, mais Charles Laughton est brillant! Je préfère le nommer pour ce rôle plutôt que pour son portrait un peu trop brut dans Mutiny on the Bounty.


She: d'Irving Pichel et Lansing Holden, produit par Merian Cooper (RKO), avec Helen Gahagan et Randolph Scott. Scénario de Ruth Rose et Dudley Nichols d'après un roman d'Henry Rider Haggard.
Nominations possibles: le film, l'histoire ou les acteurs ne m'intéressent nullement, même si j'aime bien Randolph Scott par ailleurs, mais ça reste assez impressionnant d'un point de vue technique, avec ces rochers et grands escaliers en guise de décors, les costumes futuristes de la reine, le maquillage de la dernière séquence, les effets spéciaux et sonores, et dans une moindre mesure les chorégraphies, qui pourraient aider à créer une catégorie cette année.


She Married Her Boss: de Gregory La Cava, produit par la Columbia, avec Claudette Colbert et Melvyn Douglas. Scénario original de Sidney Buchman, Gregory La Cava et Thyra Samter Winslow.
Nominations possibles: ça se laisse regarder mais ça n'a rien d'essentiel non plus. La seule nomination envisageable serait éventuellement pour l'histoire et, sous réserve d'un nouveau visionnage, je ne suis pas particulièrement convaincu.


Splendor: d'Elliott Nugent, produit par Samuel Goldwyn, avec Miriam Hopkins et Joel McCrea. Scénario de Rachel Crothers d'après sa propre pièce.
Nominations possibles: Helen Westley en fait des tonnes mais reste mémorable, tandis que l'un des seconds rôles féminins, de mémoire Ruth Weston, brille par son élégance. Autrement, il y a un joli escalier Art déco, mais le tout risque fortement de se retrouver sans nomination.


Sylvia Scarlett: de George Cukor, produit par Pandro Berman (RKO), avec Katharine Hepburn, Cary Grant et Brian Aherne. Scénario de Gladys Unger, John Collier et Mortimer Offner, d'après un roman de Compton MacKenzie.
Nominations possibles: un film qui reste captivant par son sujet même si ça ne fonctionne pas toujours. Katharine Hepburn est aussi exaspérante que touchante mais elle a Alice Adams en face la même année, Cary Grant préfigure ses créations décontractées beaucoup plus réussies par la suite, tandis que Brian Aherne m'a toujours captivé avec un personnage aussi odieux qu'attrayant. Il faudra analyser ça dans le détail quand j'aurai le temps.


A Tale of Two Cities: de Robert Leonard et Jack Conway, produit par David Selznick (MGM), avec Ronald Colman et Basil Rathbone. Scénario de William Lipscomb et Samuel Behrman d'après le roman de Charles Dickens.
Nominations possibles: un film décevant et des personnages insupportables, mais la photographie avec les plans de foule, la Bastille reconstituée, les costumes et les effets spéciaux pourraient s'en sortir de leur côté. Je me demande néanmoins si je ne préfère pas Edna May Oliver ici, dans le rôle d'une gouvernante badass qui se lance dans un corps à corps avec une révolutionnaire. Blanche Yurka est quant à elle captivante mais son jeu est peut-être trop exacerbé pour moi.


Top Hat: de Mark Sandrich, produit par Pandro Berman (RKO), avec Fred Astaire et Ginger Rogers. Scénario d'Allan Scott et Dwight Taylor d'après Scandal in Budapest de Sándor Faragó et A Girl Who Dares d'Aladar Laszlo.
Nominations possibles: comme toutes les collaborations entre les deux stars, c'est loin d'être un bon film, mais ça reste un sommet Art déco à peu près indépassable qu'il convient de nommer pour ses décors, ses costumes, le son, les chorégraphies, la meilleure chanson originale pour "Cheek to Cheek" et peut-être certains effets. Les interprètes sont quant à eux vraiment fun, mais ils auront du mal à s'imposer.

jeudi 23 juillet 2015

Inventaire 1971


Après plusieurs mois d'incertitudes quant à savoir comment organiser mes inventaires (devais-je faire une petite critique de chaque film? N'eût-ce pas été trop long et imprécis?), j'ai finalement décidé d'opter pour ce format, dans lequel je liste les aspects d'une œuvre qui à mon sens mériteraient nomination aux Orfeoscar. Ça me permet ainsi d'établir plus rapidement mes finalistes dans chaque catégorie, et de relever tout ce qui mérite d'être vu avant que ne commence l'épineuse sélection pour se limiter à cinq candidats. On débute avec 1971, étant en pleine exploration de l'année depuis le printemps.


Australie

Walkabout: de Nicolas Roeg, produit par Si Litvinoff, avec Jenny Agutter, Luc Roeg et David Gulpilil. Scénario d'Edward Bond d'après un roman de James Vance Marshall.
Nominations possibles: une très plaisante surprise qui ajoute à la compétition dans les catégories meilleur film et meilleur réalisateur; et plus certainement dans les catégories meilleur montage, qui participe pleinement de la réussite de la mise en scène; meilleure photographie, pour les superbes images colorées du bush; et peut-être dans la catégorie meilleure musique.


Etats-Unis

The Andromeda Strain: produit et réalisé par Robert Wise, avec Arthur Hill et Kate Reid. Scénario de Nelson Gidding d'après un roman de Michael Crichton.
Nominations possibles: éventuellement meilleurs décors et meilleurs effets spéciaux. Mais c'est bien tout, le film n'étant pas particulièrement réussi.


The Beguiled: produit et réalisé par Don Siegel, avec Clint Eastwood, Elizabeth Hartman et Geraldine Page. Scénario d'Irene Kamp et Albert Matz d'après un roman de Thomas Cullinan.
Nominations possibles: éventuellement meilleur acteur pour Clint Eastwood, en général pas du tout ma tasse de thé mais que j'ai assez apprécié ici, même si la concurrence est d'ores et déjà trop rude; meilleure actrice pour Geraldine Page, une fois de plus captivante mais pas au point de pouvoir s'imposer non plus; meilleur second rôle féminin pour Elizabeth Hartman, qui a encore une chance dans sa catégorie; et meilleur scénario adapté.


Big Jake: de George Sherman et John Wayne, produit par Michael Wayne, avec John Wayne et Maureen O'Hara. Scénario original d'Harry Julian et Rita Fink.
Nominations possibles: éventuellement meilleure photographie (William Clothier), mais il n'a aucune chance; et meilleure musique (Elmer Bernstein), mais c'est loin d'être sa plus grande partition. Le film n'est pas mauvais sans être ma tasse de thé, et il y a tellement mieux en face de toute façon.


Born to Win: d'Ivan Passer, produit par Philip Langner, avec George Segal, Paula Prentiss et Karen Black. Scénario original d'Ivan Passer et David Scott Milton.
Nominations possibles: aucune. C'est trop mal filmé pour être digeste.


Carnal Knowledge: produit et réalisé par Mike Nichols, avec Jack Nicholson et Art Garfunkel. Scénario original de Jules Feiffer.
Nominations possibles: c'est un bon film, mais la catégorie en question est surchargée donc non; éventuellement meilleur réalisateur mais on est face au même problème; probablement meilleur acteur pour Nicholson qui reste un candidat de choix sans livrer pour autant la meilleure performance de sa carrière; et très certainement meilleur scénario, l'histoire étant le meilleur atout du film. Officiellement nommée, Ann-Margret est franchement décevante dans un rôle de bimbo vulnérable à clichés, tandis que Rita Moreno brûle la pellicule mais son caméo dure à peine cinq minutes: ce ne sera pas suffisant.


Desperate Characters: écrit, produit et réalisé par Frank D. Gilroy, avec Shirley MacLaine et Kenneth Mars, d'après un roman de Paula Fox.
Nominations possibles: pas du tout mon genre de film (l'esquisse d'un quotidien ennuyeux est précisément tout ce que je déteste au cinéma), mais Shirley MacLaine montre bien la morosité qui pèse sur les épaules de son personnage.


'Doc': produit et réalisé par Frank Perry, avec Stacy Keach et Faye Dunaway. Scénario original de Peter Mill.
Nominations possibles: aucune. Ce n'est vraiment pas un bon film, d'autant que ça arrive un an après Little Big Man, avec lequel on ne peut s'empêcher de le comparer.


Escape from the Planet of the Apes: réalisé par Don Taylor, produit par Arthur Jacobs, avec Roddy McDowall et Kim Hunter. Scénario de Paul Dehn d'après des personnages de Pierre Boulle.
Nominations possibles: éventuellement meilleur maquillage, mais on s'arrêtera là.


Evel Knievel: de Marvin Chomsky, produit et interprété par George Hamilton, avec Sue Lyon. Scénario original d'Alan Caillou et John Milius.
Nominations possibles: /


Fiddler on the Roof: produit et réalisé par Norman Jewison, avec Chaim Topol et Norma Crane. Scénario de Joseph Stein d'après Tevye and His Daughters de Sholom Aleichem.
Nominations possibles: c'est excellent, aussi drôle que tragique, et visuellement florissant, alors pour sûr nominations comme meilleur film; meilleur réalisateur, parce que ç'a beau être une comédie musicale typique, la mise en scène participe pleinement de la réussite de l'ensemble; meilleur acteur pour Topol et sa performance dynamique et divertissante au possible; meilleur scénario adapté pour le subtil balancement entre deux tonalités; meilleur montage pour les parallèles entre l'annonce des mariages des filles et la superposition des images lors de la dernière danse; meilleure photographie pour les bougies du mariage et la campagne glacée; meilleurs décors pour les maisons en bois et les lieux de culte richement ornés; meilleurs costumes parce que ça va de soi; meilleur maquillage pour le vieillissement très crédible d'un acteur de seulement 35 ans; meilleure musique adaptée et meilleur son parce que la musique est l'une des plus belles réussites du film. Éventuellement meilleur second rôle féminin pour Norma Crane, mais elle va quand même avoir du mal à s'imposer. Officiellement nommé, Leonard Frey ne me semble néanmoins pas assez solide pour rester en lice.


The French Connection: de William Friedkin, produit par Philip D'Antoni, avec Gene Hackman, Roy Scheider et Fernando Rey. Scénario d'Ernest Tidyman d'après Robin Moore.
Nominations possibles: aïe, les choses commencent mal. Je n'aime vraiment pas ce film qui a franchement mal vieilli et, si j'entends la démarche, je reste totalement hermétique aux personnages et à leur point de vue. La photographie me semble quant à elle bien datée. Reste alors le montage, encore que j'aie là aussi de sérieux doutes car la fameuse séquence de course-poursuite, déjà aberrante sur le papier puisqu'on parle d'un policier pourchassant un métro en voiture, utilise de mémoire un même plan à différents moments. Le film continue d'être célébré de toutes parts mais je suis bien en peine d'y trouver un élément à mettre en valeur...


Harold and Maude: d'Hal Ashby produit par Colin Higgins et Charles Mulvehill, avec Bud Cort et Ruth Gordon. Scénario original de Colin Higgins.
Nominations possibles: éventuellement Ruth Gordon, mais j'ai trouvé plus à mon goût depuis; et le film est tellement daté...


The Hired Hand: joué et réalisé par Peter Fonda, produit par William Hayward, avec Warren Oates et Verna Bloom. Scénario original d'Alan Sharp.
Nominations possibles: éventuellement meilleure actrice pour Verna Bloom, qui impressionne par son sérieux et l'émotion qui perce sous cette façade, mais elle aura quand même du mal à s'imposer. Peut-être meilleur scénario s'il reste une place à prendre.


The Horsemen: produit et réalisé par John Frankenheimer, coproduit par Edward Lewis, avec Omar Sharif et Jack Palance. Scénario de Dalton Trumbo d'après le roman de Joseph Kessel.
Nominations possibles: le film est décevant mais des places sont potentiellement à prendre du côté de la photographie, des décors et des costumes, quoique l'année soit déjà bien chargée dans ces catégories...


The Hospital: d'Arthur Hiller, écrit et produit par Paddy Chayefsky, coproduit par Howard Gottfried, avec George C. Scott et Diana Rigg.
Nominations possibles: je suis loin d'être le plus grand fan du film, que j'ai en outre regardé de bon matin alors que je n'étais pas du tout d'humeur à entendre la voix rauque de George C. Scott me hurler dessus, mais le scénario reste assez intéressant pour décrocher une nomination. Diana Rigg est quant à elle éminemment charismatique mais elle fait un peu la même chose du début à la fin, ce qui l'empêchera de s'imposer de son côté.


How to Frame a Figg: d'Alan Rafkin, produit par Edward Montagne, avec Don Knotts. Scénario original de Don Knotts, Edward Montagne et George Tibbles.
Nominations possibles: /


Klute: produit et réalisé par Alan J. Pakula, avec Jane Fonda, Donald Sutherland et Roy Scheider. Scénario original d'Andy et David Lewis.
Nominations possibles: après avoir trouvé le film soporifique la première fois, j'ai largement revu mon opinion à la hausse: ça reste bien filmé et le parcours psychologique de l'héroïne a réussi à me captiver dans une certaine mesure. Dès lors, nominations fortement envisageables pour meilleure actrice, même si Fonda est encore en train de se débattre avec trois autres concurrentes pour espérer rester dans ma liste; meilleur scénario, pour l'inclusion des séances avec la psy afin de rendre l'histoire d'autant plus intéressante; éventuellement meilleure photographie mais c'est d'ores et déjà impossible vu la concurrence en face, et très probablement meilleure musique pour le thème d'amour langoureux à souhait.


Kotch: réalisé par Jack Lemmon, produit par Richard Carter, avec Walter Matthau. Scénario de John Paxton d'après un roman de Katharine Topkins.
Nominations possibles: franchement, ça se laisse regarder mais je ne vois pas quoi nommer non plus. Les acteurs ne sont guère les plus mémorables de l'année, et resterait alors une nomination éventuelle pour la meilleure chanson, s'il n'y a pas mieux en face.


The Last Picture Show: réalisé par Peter Bogdanovich, produit par Stephen Friedman et Bob Rafelson, avec un casting de luxe. Scénario de Peter Bogdanovich et Larry McMurtry d'après le roman de McMurtry.
Nominations possibles: l'un des grands chefs-d’œuvre de l'année, de la décennie, du siècle, à nommer absolument comme meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur scénario adapté, meilleur montage, pour l'assemblage de ces histoires croisées, meilleure photographie pour ces superbes plans en noir et blanc, et éventuellement comme meilleurs décors et costumes. Pour ce qui est des performances d'acteurs, c'est un feu d'artifice. Il me faut pour sûr Timothy Bottoms comme meilleur acteur, celui-là étant le plus lead du film; Jeff Bridges et Ben Johnson comme seconds rôles masculins; et Cloris Leachman comme second rôle féminin. A celle-ci, j'hésite fortement à ajouter Eileen Brennan et Ellen Burstyn, au moins l'une des deux, mais j'ai encore du mal à vraiment trancher dans cette catégorie, dans l'immédiat.


Little Murders: d'Alan Arkin, produit par Elliott Gould et Jack Brodsky, avec Elliott Gould et Marcia Rodd. Scénario de Jules Feiffer d'après sa propre pièce.
Nominations possibles: pas un grand film même si ça ne manque pas de piquer l'intérêt, alors peut-être un geste pour le scénario. Elizabeth Wilson et Marcia Rodd sont toutes deux assez drôles mais elles n'ont aucune chance.


The Love Machine: de Jack Haley Jr., produit par Mitchell Frankovich, avec Dyan Cannon. Scénario de Samuel Taylor d'après un roman de Jacqueline Susann.
Nominations possibles: le film a la réputation qu'il mérite, sans doute pour de bonnes raisons, mais la chanson interprétée par Dionne Warwick, ''He's Moving On'', reste assez sympathique, même si ça suinte les 70's par tous ses pores. Je me demande juste: c'est quoi le truc avec Jacqueline Susann's Whatever-le-titre-du-livre-dont-le-film-est-une-adaptation? Un gage de qualité?


Made for Each Other: de Robert Bean, produit par Roy Townshend, écrit et interprété par Renée Taylor et Joseph Bologna.
Nominations possibles: /


McCabe and Mrs. Miller: de Robert Altman, produit par Mitchell Brower et David Foster, avec Warren Beatty et Julie Christie. Scénario de Robert Altman et Brian McKay d'après McCabe d'Edmund Naughton.
Nominations possibles: on sait dès la première minute qu'on est devant un énorme chef-d’œuvre, alors nominations assurées comme meilleur film, meilleur réalisateur, meilleure actrice pour le plus beau rôle de Julie Christie, meilleur scénario adapté pour une histoire qui montre enfin le vrai visage du western, meilleur montage pour le duel final, meilleure photographie pour ces décors sublimés tels la croix sur le lever de soleil et le village enneigé, meilleurs décors pour les intérieurs rudimentaires d'une ville en construction et pour les maisons de bois, meilleurs costumes et meilleur son, pour l'excellent usage des magnifiques chansons de Leonard Cohen. Warren Beatty est vraiment bon de son côté, mais la nomination reste plus éventuelle qu'assurée.


The Mephisto Waltz: de Paul Wendkos, produit par Quinn Martin, avec Alan Alda et Jacqueline Bisset. Scénario de Ben Maddow d'après un roman de Fred Mustard Stewart.
Nominations possibles: /


The Million Dollar Duck: de Vincent McEveety, produit par Bill Anderson (Disney), avec Dean Jones et Sandy Duncan. Scénario de Ted Key et Roswell Rogers.
Nominations possibles: mea culpa, mea culpa. J'ai effectivement regardé ça.


Minnie and Moskowitz: écrit et réalisé par John Cassavetes, produit par Al Ruban, avec Seymour Cassel et Gena Rowlands.
Nominations possibles: c'est un bon film, mais c'est aussi une œuvre à très petit budget, alors difficile de lui donner ma préférence sur les grands films de l'année, notamment dans les catégories techniques. Reste alors le scénario, même si c'est loin d'être l'histoire la plus excitante du lot, et l'interprétation, franchement bonne, mais je ne suis que modérément sensible aux personnages et la compétition est déjà surchargée...


A New Leaf: écrit, interprété et réalisé par Elaine May, produit par Hillard Elkins, Howard Koch et Joseph Manduke, avec Walter Matthau, d'après une histoire de Jack Ritchie.
Nominations possibles: on m'a toujours vanté les talents comiques d'Elaine May et cependant, je suis passé totalement à côté de l'humour du film. Ça n'est pas drôle du tout et le numéro faussement coincé de l'actrice commence à tourner à vide au bout de seulement quelques minutes.


Night of Dark Shadows: écrit, produit et réalisé par Dan Curtis, coécrit par Sam Hall, avec Grayson Hall, Kate Jackson et David Selby.
Nominations possibles: /


The Panic in Needle Park: réalisé par Jerry Schatzberg, produit par Dominick Dunne, avec Kitty Winn et Al Pacino. Ecrit par Joan Didion et John Gregory Dunne d'après un roman de James Mills.
Nominations possibles: un bon film qui montre bien la déchéance d'une jeunesse plongeant dans l'enfer de la drogue et n'arrivant plus à exister lors d'une pénurie. Les acteurs sont bons, en particulier Kitty Winn qui esquisse une évolution tragique avec une sobriété exemplaire qui sied bien à son visage triste.


Play Misty for Me: joué et réalisé par Clint Eastwood, produit par Robert Daley et Jennings Lang, avec Jessica Walter. Scénario original de Jo Heims et Dean Riesner.
Nominations possibles: Jessica Walter est à mourir de rire dans un morceau de bravoure comique qui me donne constamment envie de la revoir, et malgré la compétition en face elle est à deux doigts de finir dans le top 5. Autrement, le film reste très sympa mais je ne vois pas pour quoi d'autre le nommer. Peut-on envisager un geste pour le scénario, pour certains dialogues très drôles comme la dernière réplique de la femme de ménage et la mention de Boucle d'Or et Papa Ours?


Pretty Maids All in a Row: de Roger Vadim, écrit et produit par Gene Roddenberry d'après un roman de Francis Pollini, avec Angie Dickinson et Rock Hudson.
Nominations possibles: /


Shaft: de Gordon Parks, produit par Joel Freeman et Roger Lewis, avec Richard Roundtree. Scénario de John Black et Ernest Tidyman d'après un roman de Tidyman.
Nominations possibles: ça n'a rien de catastrophique, mais ce n'est tellement pas ma tasse de thé que je m'en passe volontiers. La musique, récompensée par un Oscar, suinte quant à elle les 70's par tous ses pores, ce qui, vous l'avez compris, n'est pas du tout ma tassé de thé non plus.


Straw Dogs: de Sam Peckinpah, produit par Daniel Melnick, avec Susan George et Dustin Hoffman. Scénario de David Zelag Goodman et Sam Peckinpah, d'après The Siege of Trencher's Farm de Gordon Williams.
Nominations possibles: c'est excellent et très chargé en tension, alors éventuellement meilleurs film et réalisateur, avec néanmoins peu de chances de finir dans le top 5 vu qu'il y a encore mieux en face; peut-être meilleur acteur, mais je préfère Dustin Hoffman dans d'autres rôles; et plus certainement meilleure actrice, Susan George héritant d'une séquence hautement controversée (elle embrasse de plein gré son violeur), mais qui n'empêche en rien la réussite de sa performance. En raison du sexisme de la scène en question, voire de la représentation du personnage, j'ai plus de réserves envers le scénario, mais l'histoire reste autrement captivante. Enfin, une nomination est fortement envisageable pour la meilleure musique.


Such Good Friends: produit et réalisé par Otto Preminger, interprété par Dyan Cannon, écrit par Elaine May et David Shaber d'après un roman de Lois Gould.
Nominations possibles: j'attendais beaucoup de cette histoire étant donné les noms prestigieux y étant attachés, mais hélas, tout est raté. C'est très laid, ce n'est ni drôle ni touchant, sûrement pas spirituel et l'on peine à s'intéresser au sort de l'héroïne au bout de seulement dix minutes.


Summer of '42: réalisé par Robert Mulligan, produit par Richard Roth, avec Gary Grimes et Jennifer O'Neill. Scénario d'Herman Raucher.
Nominations possibles: j'ai finalement mis la main dessus, c'est un film nostalgique qui parvient à traiter un sujet universel, l'éveil à la sexualité, entre maladresses adolescentes et difficultés relationnelles en temps de guerre, sur fond de divertissement à travers une séance de Now, Voyager. Les acteurs sont adéquats dans leur registre mais ne me touchent pas plus que ça.


Taking Off: écrit et réalisé par Miloš Forman, produit par Alfred Crown, avec Buck Henry et Lynn Carlin. Coécrit par John Guare, Jean-Claude Carrièr et John Klein.
Nominations possibles: j'en ai déjà dit beaucoup de bien le mois dernier, alors assurément meilleur film, meilleur réalisateur (je lui donne même ma préférence sur Amadeus), meilleur scénario, meilleur montage, celui-ci étant absolument brillant; tandis que Lynn Carlin est également assurée d'avoir sa nomination. Reste à déterminer dans quelle catégorie: d'un côté, le couple qu'elle forme avec Buck Henry permet au film de se mettre en marche, mais au fur et à mesure des séquences, il ne sont plus que deux adultes parmi d'autres, l'actrice étant d'ailleurs absente des recherches dans New York alors que son mari fait des rencontres, et n'étant également qu'un personnage perdu dans la foule lors de la très longue séquence du congrès des parents. J'ai vraiment du mal à trancher, pour le coup. Quant à Buck Henry, il est excellent, mais où le ranger, également? D'autant que le morceau de bravoure de sa collègue est tellement énorme qu'il pâlit en comparaison, et se fait un peu éclipser. Reste enfin une nomination assurée pour la jolie ballade de Kathy Bates qui, ô miracle, sert en outre parfaitement le propos puisque les paroles sur la fin de l'enfance décrivent précisément l'état de la chambre de la fille lorsque ses parents vont y chercher des indices; et une dernière place probable pour ''I Believe in Love'' qui accompagne le générique sur un rythme hippie endiablé.


The Trojan Women: écrit, produit et réalisé par Michael Cacoyannis, coproduit par Anis Nohra, avec Katharine Hepburn, Geneviève Bujold, Irene Papas et Vanessa Redgrave. D'après Euripide.
Nominations possibles: si Klute a gagné un point au second visionnage, The Trojan Women en a perdu un, et je ne suis plus du tout friand de numéro de folle de Geneviève Bujold, qui m'inspirait jusqu'alors. Reste donc une nomination quasi assurée pour Irene Papas, et une nomination éventuelle pour Vanessa Redgrave, mais peut-être laisserai-je une place ici vu qu'elle sera nommée en premier rôle, malgré son cri d'une intensité rare. Irai-je jusqu'à faire un geste pour les haillons esthétiques en guise de costumes? Pas sûr qu'il reste assez de places pour ça.


Wanda: écrit, joué et réalisé par Barbara Loden, produit par Harry Shuster.
Nominations possibles: c'est un film de 1970, mais apparemment montré hors festivals qu'à partir de 1971. Pour être honnête, j'en suis peu friand, et si l'on peut apprécier l'audace d'une réalisatrice de filmer un sujet aussi sordide en faisant le choix d'une approche réaliste presque documentaire, le tout semble quand même légèrement amateur, et participe pleinement de la laideur visuelle des films de cette époque. Certains plans très longs ont été salués par la critique pour leur pouvoir de suggestion, mais je n'y vois personnellement qu'artifices et me suis ennuyé.


What's the Matter with Helen?: de Curtis Harrington, produit par George Edwards, avec Debbie Reynolds et Shelley Winters. Scénario original d'Henry Farrell.
Nominations possibles: d'accord, Debbie Reynolds est sympa, mais de là à la prendre en considération, non. Reste alors le prix des meilleurs costumes, auquel le film peut concourir sans avoir à rougir.


Who Is Harry Kellerman and Why Is He Saying Those Terrible Things About Me?: produit et réalisé par Ulu Grosbard, écrit et coproduit par Herb Gardner, avec Dustin Hoffman et Barbara Harris.
Nominations possibles: ce n'est certes pas un bon film, mais Barbara Harris est une fois de plus excellente et n'a certainement pas volé sa nomination. Reste à savoir si elle pourra s'imposer dans le top 5.


France

Le Chat: écrit et réalisé par Pierre Granier-Deferre, produit par Raymond Danon, avec Jean Gabin et Simone Signoret. Coécrit par Pascal Jardin d'après un roman de Georges Simenon.
Nominations possibles: la dimension quotidienne très grise est atrocement déprimante, mais ça fonctionne très bien dans cette histoire de rancœurs ou le couple se menace en silence à chaque séquence. Gabin et Signoret sont très bons mais une fois encore, j'ai du mal à les apprécier autant que tout le monde.


Les Deux Anglaises et le continent: de François Truffaut, avec Jean-Pierre Léaud et deux Anglaises. Scénario de Jean Gruault et François Truffaut, d'après Deux Anglaises et le continent d'Henri-Pierre Roché.
Nominations possibles: meilleur film étranger même si ce n'est pas mon Truffaut préféré, encore que ce soit vraiment bon, et pour 1972, très vraisemblablement meilleurs costumes et meilleure photographie, mais il me faudra revoir le film pour bien rejuger du reste.


Hongrie

Szerelem (Amour): réalisé par Károly Makk, avec Lili Darvas et Mari Töröcsik. Scénario de Péter Bacsó d'après un roman de Tibor Déry.
Nominations possibles: effectivement, c'est à la hauteur de sa réputation, et j'ai très envie de nommer Amour comme meilleur film et meilleur réalisateur pour l'intensité qui perce dans ce dialogue inventif, comme meilleur scénario pour le croisement de l'intime et du politique, comme meilleur montage pour les plans rapides sur les objets du quotidien mêlés aux flashbacks, comme meilleure photographie pour certaines prises de vue intéressantes à travers une loupe, et comme meilleure actrice pour Mari Töröcsik, aussi sublime calme qu'expressive. Lili Darvas donne également une bonne performance mais elle reste tout de même clouée au lit.


Italie

Morte a Venezia: écrit, produit et réalisé par Luchino Visconti, coécrit avec Nicola Badalucco d'après Der Tod in Venedig de Thomas Mann, avec Dirk Bogarde, Marisa Berenson et Silvana Mangano.
Nominations possibles: j'admets, ce n'est pas mon Visconti préféré et j'ai eu bien du mal à rester captivé jusqu'au bout. Malgré mon ressenti, ça reste évidemment excellent et fort bien mis en scène, alors nominations assurées comme meilleur film étranger, meilleure photographie, meilleurs décors, et meilleurs costumes. Il me faudra néanmoins revoir le film pour rejuger de la performance d'acteur, dont je ne me souviens plus dans le détail.


Royaume-Uni

Bedknobs and Broomsticks: de Robert Stevenson, produit par Bill Walsh (Disney), avec Angela Lansbury. Scénario de Bill Walsh et Don DaGradi d'après un livre de Mary Norton.
Nominations possibles: éventuellement meilleure chanson pour ''Portobello Road'' ou ''The Age of Not Believing''; meilleurs effets spéciaux, parce que même si datés, c'est toujours amusant de voir des animaux jouer au football et des chaussures qui marchent toutes seules; et meilleur son, à savoir la catégorie que j'ai beaucoup de mal à juger mais dans laquelle les films musicaux ne dépareillent pas.


The Devils: écrit, produit et réalisé par Ken Russell, coproduit par Robert Solo, avec Oliver Reed et Vanessa Redgrave. D'après The Devils of Loudun d'Aldous Huxley et The Devils de John Whiting.
Nominations possibles: assurément meilleur film, vu qu'il s'agit de l'un de mes chefs-d’œuvre favoris; meilleur réalisateur pour la mise en scène ultra stylisée; meilleur acteur pour Oliver Reed, meilleure actrice pour Vanessa Redgrave et sa performance superbement outrée; meilleur scénario pour cette histoire excitante à souhait; meilleure photographie pour Vanessa Redgrave, cheveux au vent, aux pieds du Christ; meilleurs décors pour les murs glacés du couvent et les petites vagues lors de la danse du roi; meilleurs costumes pour les vêtements de nones et les habits de cour; meilleurs coiffures et maquillage pour la transformation du héros et les coiffures d'époque. Éventuellement meilleur montage mais il y a encore des doutes sur l'enchaînement véritable de certaines séquences (la séance d'onanisme a-t-elle bien lieu avec l'os ou non?); meilleure musique adaptée et meilleur son pour l'usage de la bourrée dans la première séquence, même si le film n'est pas vraiment musical; et peut-être, enfin, meilleur second rôle féminin pour Gemma Jones qui ne se laisse pas marcher sur les pieds, bien que ce ne soit pas à elle que je pense le plus spontanément parmi les seconds rôles de l'année.


Diamonds Are Forever: de Guy Hamilton, produit par Albert Broccoli et Harry Saltzman, avec Sean Connery. Scénario de... Quel scénario?
Nominations possibles: beurk, c'est sans doute le pire James Bond de la franchise et l'un des plus mauvais films du monde, mais la chansons-titre de Don Black et John Barry est heureusement là pour relever le niveau pendant le générique.


The Go-Between: de Joseph Losey, produit par John Heyman, Denis Johnson et Norman Priggen, avec Julie Christie et Margaret Leighton. Scénario d'Harold Pinter d'après le roman de Leslie Hartley.
Nominations possibles: possiblement meilleurs film et réalisateur, le résultat étant très bon, mais il y a encore meilleur cette même année... On pourra heureusement se rattraper dans les catégories meilleur second rôle féminin pour Margaret Leighton, bien que sa place ne soit pas assurée non plus; meilleur scénario adapté, pour cette manière de dévoiler le drame à travers les yeux d'un innocent; meilleur montage, pour la cohérence d'un récit vu par le moins concerné des personnages; meilleure photographie pour les images sublimes de la campagne anglaise et les fleurs du jardin; meilleurs décors pour les intérieurs cossus et les fanions multicolores; meilleurs costumes et meilleures coiffures pour la reconstitution d'époque; et meilleure musique originale pour Michel Legrand.


Mary, Queen of Scots: de Charles Jarrott, produit par Hal B. Wallis, avec Vanessa Redgrave et Glenda Jackson. Scénario original de John Hale.
Nominations possibles: certes, c'est en partie raté, mais un grand duel épique entre l'actrice la plus charismatique du monde et l'actrice la plus magique du cosmos ne peut tout simplement pas laisser indifférent. On fera l'impasse sur les actrices qui sont encore plus inspirées ailleurs la même année, mais des nominations sont à prévoir du côté des décors, des costumes, de la musique et du son.


Murphy's War: de Peter Yates, produit par Michael Deeley, avec Peter O'Toole et Siân Phillips et Philippe Noiret. Scénario de Stirling Silliphant  d'après un roman de Max Catto.
Nominations possibles: vu les personnes associées au projet, j'attendais beaucoup plus de ce film finalement très dispensable. Siân Phillips a du charisme à revendre mais rien qui justifie toutefois une nomination.


Nicholas and Alexandra: produit et réalisé par Franklin Schaffner, coproduit par Sam Spiegel, avec Michael Jayston, Janet Suzman et Tom Baker. Scénario de James Goldman d'après la biographie de Robert Massie.
Nominations possibles: côté technique, c'est du tout bon, alors pour sûr meilleure photographie pour les soldats sur la place, meilleurs costumes pour la reconstitution très minutieuse, et surtout meilleurs décors pour les rideaux bleus du palais! Éventuellement meilleur montage pour certaines coupes intéressantes dans le dialogue. En revanche, je suis relativement déçu par un scénario qui tente de couvrir trop de thèmes à la fois et doit alors sacrifier des choses importantes, ainsi que par la musique, pas assez mémorable à mon goût. Quant aux acteurs, les deux héros sont vraiment bons, mais la concurrence est malheureusement trop forte. J'ai néanmoins un faible pour le Raspoutine de Tom Baker en second rôle, notamment pour son rire très charismatique lors de l'orgie fatale.


Sunday Bloody Sunday: de John Schlesinger, produit par Joseph Janni, avec Peter Finch et Glenda Jackson. Scénario original de Penelope Gilliatt.
Nominations possibles: le film est vraiment très bon, aussi ai-je très envie de le nommer comme meilleur film et meilleur réalisateur, même si la concurrence reste rude; idem pour les catégories techniques (montage, photographie, décors et costumes), qui ne pourraient vraiment servir qu'à combler un trou. En revanche, l'œuvre a plus de chances dans la catégorie meilleur son, pour le très bel usage de Così fan tutte; et il y a déjà trois nominations inamovibles pour Peter Finch, Glenda Jackson (son plus beau rôle) et Penelope Gilliatt, le scénario étant absolument excellent et novateur. Peggy Ashcroft reste marquante dans une unique séquence, mais elle n'a d'ores et déjà aucune chance de son côté.


Suède

Utvandrarna: de Jan Troell, produit par Bengt Forslund, avec Liv Ullmann et Max von Sydow. Scénario de Jan Troell et Bengt Forslund d'après Utvandrarna et Invandrarna de Vilhelm Moberg.
Nominations possibles: assurément meilleur film étranger, car c'est excellent, et pour les Oscar 1972, ça reste un candidat de choix pour le meilleur scénario et les catégories techniques: montage, photographie, décors et costumes. Liv Ullmann mérite vraiment sa nomination même si je la préfère dans le deuxième opus, mais je ne me souviens plus de la performance de son partenaire, alors à revoir au plus vite.


Voilà où j'en suis dans l'immédiat. En attendant de nouvelles découvertes, en priorité The Boy Friend, A Clockwork Orange et Macbeth.

jeudi 16 juillet 2015

Milady de Turner

de George Sidney

Il y a quelques temps, j'avais dit en parlant de Scaramouche que c'était un film plus séduisant que les médiocres mousquetaires du même George Sidney. Pour être plus exact, Les Trois Mousquetaires furent longtemps une sorte de film culte dans mon adolescence, d'une part parce que ça passait systématiquement le dimanche soir à l'heure euphorique où je pouvais m'enfuir de chez un père violent, et d'autre part parce que, sans être vraiment fan du XVIIe siècle, j'adore absolument l'atmosphère de complots et d'espionnage qui régnait, apparemment en vrai, à la cour de Louis XIII, d'où un mélange d'excitations variées plus que grisant. Mais pour avoir revu le film voilà quelques années, j'avais été un peu déçu par rapport à mes souvenirs fébriles, d'où ma relative amertume en évoquant l'adaptation en préambule de l'article sur Scaramouche. Ceci dit, j'ai revu l'œuvre à tête reposée le mois dernier, et force est de reconnaître que tout n'est qu'une question d'humeurs, ayant cette fois-ci retrouvé le plaisir que je prenais devant ces belles aventures en couleurs treize ans auparavant. Qu'en est-il dans le détail?


Lana, m'observant discrètement derrière mon écritoire,
pour vérifier que je ne vais pas dire de bêtises.

Tout d'abord, on notera que l'ambiance de complots recherchée est bien là: Milady apparaissant dans la pénombre d'un carrosse, et ne se montrant que sous un loup de dentelle noire; Constance et Buckingham conversant en ombres chinoises devant la chambre de la reine, les gros plans sur le coffret à ferrets lors d'une étreinte royale, ou sur les mains de Richelieu signant un arrêt d'une plume rouge sang; et surtout Marie Windsor et ses apparitions hautement subtiles au coin d'une rue ou d'un couloir; tout concorde en effet à faire jubiler l'amateur de cabales historiques que je suis, le tout sans que le film prétende s'embarrasser de finesse ou de psychologie: on est là pour être diverti, et il faut identifier au plus vite les gentils des grands méchants, d'où cette série d'images percutantes et excitantes à la fois. Misant encore sur le divertissement à grande échelle, cette adaptation ne ménage pas non plus de nombreuses scènes de batailles, avec ces duels de capes et d'épées fort bien chorégraphiés dans un parc aux couleurs chatoyantes, ou sur les rives d'une mer bleu foncé, sans compter que voir le héros sauter sur les toits du Louvre provoque en moi de nombreux frissons, n'aimant rien tant qu'imaginer des histoires romanesques sur les toits d'un château. Par ailleurs, le film n'oublie jamais sa dimension humoristique pour atteindre le degré de divertissement recherché, si bien que son caractère épique finit toujours sur une note prêtant à sourire, depuis d'Artagnan faisant son entrée solennelle sur le dos d'un percheron (amusant), à Jussac en caleçon après un duel (pas drôle), en passant par des personnages croustillants comme Planchet et la cruche stupide servant de suivante à Milady.


Les décors et costumes se devaient quant à eux d'être parfaitement au point afin de servir ces aventures colorées, mais j'avoue n'être qu'à moitié convaincu de ce côté-là. En effet, si les décors urbains sont réussis, entre les dorures et parquets luisants des appartements royaux, les portes monumentales du cabinet de Richelieu, les toits du palais et les rues impeccablement propres, les images rurales sonnent en revanche assez faux dès le départ, depuis tous ces relais de campagne aux fenêtres en vinyle flambant neuf, à ces peintures abjectes lorsque d'Artagnan chevauche sur une route boueuse dont la limite avec le carton-pâte est visible à trois kilomètres. De leurs côtés, les costumes de Walter Plunkett tentent d'être le plus pompeux possible, mais même les plus réussis ont l'air trop carnavalesques pour être réellement historiques, sans compter que l'habituellement talentueux costumier s'est vautré en beauté en essayant de faire porter un pompon à Milady, laquelle semble alors davantage sortie d'une série Z de science-fiction que d'un entretien au Palais-Cardinal. Par bonheur, il y a tout de même des réussites, mais il est vrai que les costumes d'Autant en emporte le vent paraissent beaucoup plus authentiques, pour comparer avec d'autres travaux de Plunkett sur des films en Technicolor.


Le pompon, cet accessoire tellement tendance.

Ceci dit, pompons ou pas, les éléments positifs l'emportent largement, et c'est l'essentiel. On suit alors l'histoire avec beaucoup d'intérêt même si d'aucuns préféreront le roman, que je n'ai pas le courage de relire pour ma part: la dernière fois que j'ai plongé dans un Dumas, des longueurs descriptives m'ont perdu et je ne suis pas d'humeur à m'y remettre cette année. Quoi qu'il en soit, les deux heures de film passent sans ennui, cette adaptation remplissant parfaitement son contrat de divertissement, quoique la musique d'Herbert Stothart ne soit pas des plus mémorables, en revanche. Mais quid des performances d'acteurs, pour compléter ce tableau?


Eh bien, reconnaissons tout d'abord à Gene Kelly une réelle agilité et une énergie non feinte, malgré la présence de doublures pour certaines pirouettes risquées. Par contre, niveau interprétation… Restons polis en avouant qu'il s'agit d'un danseur et chorégraphe très talentueux, et reconnaissons encore qu'il est l'auteur de films charmants (Hello, Dolly!) et le co-réalisateur d'un chef-d’œuvre, mais dans l'attente de nouvelles découvertes, j'ai énormément de mal à le prendre au sérieux en tant qu'acteur, tout du moins dans le registre comique où sa seule ficelle est de sourire en ouvrant la bouche le plus grand possible. Sa performance dans Les Trois Mousquetaires frise l'atrocité tant il se croit obligé d'écarquiller les yeux à chaque découverte, et son comportement de petit chien en rut lors de l'arrivée de Constance un étage plus bas n'est tellement pas drôle que c'en est consternant. Ou alors, c'est tout le contraire: son interprétation est géniale si l'on considère... qu'il n'existe pas d'individu de sexe féminin en Gascogne et que ce pauvre d'Artagnan n'en a jamais vu de sa vie avant d'arriver à Paris…


"Oh mon Dieu! Un humanoïde avec des seins?
Mais qu'est-ce que ça peut bien être?"

June Allyson se défend quant à elle très bien dans un rôle ingrat, et jouer à la brave fille ne l'empêche nullement de faire preuve d'humour et de charisme, mais la pauvre n'est tout de même pas très difficile, puisqu'elle tombe éperdument amoureuse du héros après l'avoir entrevu seulement deux minutes. Du côté des mousquetaires, Gig Young et Robert Coote font leur job sans génie particulier, mais Van Heflin a une plus large palette émotionnelle à exploiter, ce dont il s'acquitte lui aussi assez bien sans toutefois marquer durablement les esprits. En fait, on compte peu de performances mémorables dans l'ensemble, pas même dans les couloirs du palais où Frank Morgan reste beaucoup trop âgé pour être un roi crédible, où John Sutton est insipide en ambassadeur énamouré, et où Angela Lansbury est très cool lorsqu'elle défie le cardinal du regard mais ne bénéficie que d'un temps d'écran très limité. Mon favori Vincent Price est quant à lui idéalement distribué en éminence rouge machiavélique et charismatique, mais ce n'est pas son plus grand rôle pour autant, malgré son irrésistible panache qui me donne une fois de plus envie de l'épouser. Reste encore un Keenan Wynn judicieusement burlesque en valet maladroit, collant par-là même très bien à l'esprit du film; une Patricia Medina d'une sottise sans bornes en suivante de la comtesse; et une Marie Windsor en méchante espionne qui regarde tout le monde en coin, pour bien signifier qu'elle est… très méchante!


L'une de ces femmes est une espionne sournoise. Sauras-tu trouver laquelle?

En revanche, le film comporte bel et bien une lumière interprétative en la personne de Lana Turner, qui livre ici une performance… attention vous allez tous hurler si vous ne l'aimez pas… éblouissante à plus d'un égard. Et j'assume: son interprétation est parfaitement équilibrée entre divertissement et profondeur émotionnelle: ainsi, on frise parfois la caricature pour bien l'identifier comme une méchante (son mauvais rire complice avec Richelieu), mais elle s'arrête toujours pile au bon moment pour ne pas franchir la ligne, et tout est parfait. Quant au registre de l'émotion, toutes les séquences en Angleterre sont fabuleusement excitantes, lorsque Charlotte se lance dans le rôle de sa vie afin de se tirer d'un très mauvais pas. L'actrice y est en effet constamment juste, et tout en n'ayant jamais peur de présenter une femme irrémédiablement nocive, elle réussit à en faire le plus beau personnage du film, au point qu'on ne se soucie plus de ce qui peut arriver aux autres. Néanmoins, on ressentait déjà quelque chose pour Milady auparavant, notamment lors de son désarroi sincère en apprenant que son amant n'avait pu venir la visiter. En définitive, les deux seuls bémols la concernant sont le dernier regard pervers qu'elle jette alentour, seule devant sa coiffeuse, alors qu'il n'y a vraiment plus besoin de forcer le trait quant à la méchanceté du personnage à ce moment-là; mais aussi l'impossibilité totale de croire qu'une femme aussi intelligente que Milady puisse être bernée par d'Artagnan, quand bien même les chandelles sont éteintes dans la pièce. Mais ce dernier point est à mettre sur le compte du scénario, si bien que je n'ai en fait pas grand chose à reprocher à l'actrice, dont la performance m'exalte au plus haut point, malgré un ou deux regards maladroits.


Lana, s'apprêtant à faire un compte rendu de cet article au cardinal.

Les Trois Mousquetaires me laissent alors le même ressenti que Scaramouche: on est loin du chef-d’œuvre mais un caractère hautement divertissant, de jolies images colorées et un personnage féminin excessivement cool rendent l'expérience réellement enthousiasmante. Un petit 7/10 n'est nullement volé.


mercredi 8 juillet 2015

Temps d'écran


J'ai l'impression de ne pas avoir parlé cinéma depuis des lustres, la faute à un mois de juin surchargé, à des amis qui préfèrent me traîner voir des choses aussi délicates et raffinées que Jurassic World, à des séjours furtifs dans le Val de Loire, au projet suicidaire d'augmenter ma culture musicale des années 1980, une décennie qui regorge finalement de bonnes surprises; et au projet encore plus suicidaire de calculer le temps d'écran de toutes les performances que j'envisage de nommer aux Orfeoscar.

En effet, étant toujours obsédé par la frontière parfois ténue entre premier et second rôle, ou entre star de premier plan et interprète de genre, j'ai donc pour nouvelle lubie de calculer la durée d'une performance afin de déterminer où la classer dans ma liste.

Ceci dit, le temps d'écran n'est pas l'élément le plus important à prendre en compte, comme le rappellent les exemples contemporains d'Anthony Hopkins dans Le Silence des agneaux et Geraldine Page dans Interiors, dont l'effet produit sur les spectateurs conduit aujourd'hui encore bon nombre d'entre eux à considérer ces performances comme des premiers rôles malgré leur vingt minutes d'apparition. Mais pour moi, il est tout de même rassurant de pouvoir me raccrocher à une durée chiffrée, et voici où j'en suis pour le moment, sachant que les durées ne sont qu'approximatives, à quelques secondes près: je prends en compte tous les plans où apparaît un acteur, même au sein d'une foule, ainsi que les plans où l'on entend sa voix sans le voir; mais j'exclue les gros plans de quelques secondes sur des mains lorsque j'ai un doute et qu'une doublure aurait pu être utilisée.

Mae ClarkeWaterloo Bridge (1931) ≈ 49 minutes, soit 61%.
Claudette ColbertThe Smiling Lieutenant (1931) ≈ 28 minutes, soit 32%.
Miriam HopkinsDr. Jekyll and Mr. Hyde (1931) ≈ 21 minutes, soit 23%.
* Miriam HopkinsThe Smiling Lieutenant (1931) ≈ 24 minutes, soit 27%.
Katharine HepburnAlice Adams (1935) ≈ 65 minutes, soit 65%.
Merle OberonThe Dark Angel (1935) ≈ 44 minutes, soit 42%.
Alice BradyMy Man Godfrey (1936) ≈ 26 minutes, soit 28%.
Carole LombardMy Man Godfrey (1936) ≈ 39 minutes, soit 42%.
Myrna LoyLibeled Lady (1936) ≈ 34 minutes, soit 36%.
Irene DunneThe Awful Truth (1937) ≈ 61 minutes, soit 68%.
Tallulah BankheadLifeboat (1944) ≈ 44 minutes, soit 47%.

Dans l'immédiat, il ressort que les Smiling ladies occupent un temps d'écran vraiment réduit, même si la structure du film ne fonctionnerait pas sans elles; que les apparitions de Merle Oberon sont tellement bien réparties qu'on a vraiment l'impression qu'elle tient un vrai premier rôle malgré un temps d'écran pas si énorme que ça; et que Myrna Loy n'est qu'un membre du quatuor parmi d'autres, bien que là encore, le film ne saurait se passer de son personnage. La plus grande surprise actuellement vient de Carole Lombard, qui a davantage l'air de supporter William Powell au regard de son temps d'écran, même si j'ai du mal à considérer sa performance comme secondaire, bien qu'elle soit en fait un membre de la maisonnée parmi d'autres. Afin d'y voir plus clair, j'attends de comparer avec les autres premiers rôles féminins de la décennie. Mais je pressens que Miriam en 1931, Tallulah en 1944 et bien d'autres encore risquent de passer en supporting. A moins que la vraie question soit qu'un personnage ait un arc narratif propre et qu'il le complète de A à Z (Anna von Flausenthurm), sans seulement être un personnage secondaire gouailleur ou maléfique par rapport au héros. A méditer.