mardi 25 décembre 2018

Le Retour de Mary Poppins


Avant toutes choses, je dois préciser qu'il y a toujours eu une distance entre Mary Poppins et moi: je n'ai découvert le classique avec Julie Andrews qu'à l'âge adulte, découverte assez récente, donc, qui dans mon esprit n'est pas un vrai classique Disney comme peuvent l'être La Belle au bois dormant ou Le Livre de la jungle parmi les autres films d'animation des années 1960. Avoir vu le film trop tard m'a probablement fait passer à côté de sa magie, quoique certaines séquences, Feed the birds en tête, aient su me toucher.

Je suis tout de même allé voir son Retour hier soir, en compagnie d'amies avec qui j'ai dansé dans la salle sur le générique de fin: quel bon moment! Cette suite me convainc d'ailleurs de revoir l'originel pour lui redonner une chance, car je l'ai finalement assez aimée. J'ai même été totalement emporté par le combo "nostalgie - optimisme - retour en enfance" qui m'a humidifié les yeux à plusieurs reprises, sans doute parce que le film, conscient des limites du premier opus, a su insérer assez d'émotions discrètes qui n'ont pas manqué de faire mouche.

Une grande partie des émotions vient en fait d'Emily Blunt, vraiment impressionnante à tous niveaux. Car non contente de soutenir la comparaison avec Julie Andrews, elle s'approprie le personnage sans chercher à imiter son aînée, de telle sorte qu'on peut désormais imaginer la célèbre gouvernante britannique aussi bien sous les traits de l'une que de l'autre. Son entrée en scène fabuleusement charismatique est parfaitement jouée (les remarques sarcastiques en rentrant dans la maison!), et la dose d'orgueil est toujours très drôle. Emily Blunt réussit même l'exploit de rendre convaincantes des séquences musicales qui auraient pu la faire sortir du personnage, notamment celle du cabaret où la nanny rigide devient Sally Bowles l'espace d'un instant, sans pourtant jamais perdre l'essence même de Mary! Mais comme je le disais, Emily Blunt est encore excellente dans le domaine des émotions, chose qu'elle fait avec une discrétion de bon aloi qui touche bien davantage que si elle avait agité des ficelles trop voyantes. En effet, il lui suffit d'un bref regard lors d'un accès de colère de Michael, ou d'un regard où passe un soupçon de tristesse derrière une porte, pour rendre le film et le personnage vraiment émouvants. Ceci dit, même après 54 ans, Mary Poppins est toujours un personnage quelque peu "limitant" pour une comédienne: on n'en sait finalement pas plus sur elle et son passé, et comme dans le premier opus, l'héroïne s'efface progressivement dans les dernières séquences, ce qui est quelque peu dommage, bien que cela fasse sens, tout de même, puisque Mary est là pour pousser les autres à agir par eux-mêmes. Quoi qu'il en soit, je trouve Emily Blunt réellement parfaite dans le rôle, trouvant tout ce qu'il y avait à en tirer et y ajoutant de petites touches personnelles tout en lui restant fidèle, et ce à tel point qu'elle me donne envie de revoir le film pour elle.

Les autres performances réussies dans le film sont Ben Whishaw dans le rôle d'un Michael dépassé par les événements, et Lin-Manuel Miranda en falotier dansant. Le premier donne une grande puissance émotionnelle à l'ensemble, en passant par différents états d'esprit complexes: bon père mais capable de colère, veuf éploré mais sachant être souriant pour ne pas le montrer à ses enfants, artiste refoulé qui cherche toujours à percer derrière la façade plus terre à terre de l'employé de banque: Ben Whishaw est effectivement très bon. Le second est quant à lui un personnage important qui n'apporte pas grand-chose à l'histoire (son histoire romantique est convenue au possible), mais il chante et danse comme une grande star de comédie musicale, tout en portant sur lui une dose d'optimisme qui fait plaisir. Les caméos d'Angela Lansbury et Dick Van Dyke sont tout aussi agréables, d'autant qu'il est également très plaisant de les voir en si grande forme à 93 ans bien sonnés! Autrement, si Julie Walters est tout à fait correcte en cuisinière, on regrettera que Colin Firth soit enfermé dans un rôle cartoonesque de méchant, affublé d'une dernière apparition cathartique à mon goût un peu trop lourde, c'est précisément le cas de le dire! Mais à quelques caricatures près, tout le monde est bon. Tout le monde sauf... Meryl Streep, une fois de plus épouvantable dans un numéro de cabotinage affligeant, dans un rôle de Médusa d'Europe de l'est qui n'apporte strictement rien à la narration.

C'est d'ailleurs là tout le problème du film: le déséquilibre entre des scènes formidables, généralement celles de la réalité, avec la famille et ses problèmes d'argent, des scènes musicales plus inégales, et une scène totalement gratuite et inutile, celle de la cousine frappée: on passe tout de même une demi-heure à nous rappeler qu'il est de la plus haute importance de réparer le vase, tout ça pour aboutir à Meryl Streep qui récupère le-dit vase et disparaît avec sans laisser de traces, à tel point qu'on ne saura jamais si celui-ci aura bel et bien été réparé et, pire encore, ce qu'il représentait sentimentalement pour la mère défunte. Mais ce n'est pas trop grave: on prétendra que cette séquence n'existe pas, et l'on admirera surtout comment Emily Blunt parvient à sauver les meubles, alors qu'elle défonce une porte à coups de parapluie sans jamais rien perdre de sa rigueur et de sa distinction, preuve que Mary est décidément practically perfect in every way. Pour le reste du film, si les scènes familiales sont touchantes malgré un fil narratif un peu lisse, et surtout nostalgiques à souhait avec de nombreux clins d’œil à la version Andrews, les numéros musicaux me laissent effectivement sur ma faim, car non seulement les chansons ne sont absolument pas mémorables, et à l'exception des jolies scènes des lampadaires et des ballons, aux montage et chorégraphies cependant quelconques, les autres sont loin d'être visuellement superbes: la séquence sous-marine a des couleurs plus criardes qu'autre chose, et la belle séquence à l'ancienne dans le vase est desservie par un numéro de cabaret trop long, qui finit en outre en une course-poursuite à la Indiana Jones, totalement puérile et inappropriée. Ce sont donc bel et bien les séquences du monde réel qui me touchent, les costumes et décors, et ce jusqu'aux fils des ballons, y étant nettement plus beaux et chamarrés que dans les séquences magiques.

En conclusion, Le Retour de Mary Poppins n'est pas un grand film, mais c'est extrêmement divertissant, surtout lorsque l'on y parle de problèmes concrets: deuil, famille et maison à sauver. Il me faudra vraiment revoir le film de 1964 pour savoir lequel des deux est le meilleur, mais le charme de cette nouvelle version opère malgré certains défauts. A voir, au moins pour Emily Blunt, qui en est l'aspect le plus mémorable.