mardi 18 février 2014

Diane (1956)


Aujourd'hui, affiche française. L'originale se passe dans
une maison close et n'a donc aucun rapport avec le sujet.

Comme vous le savez déjà si vous avez lu mes derniers articles, je suis un grand admirateur de Lana Turner, actrice méprisée de toutes parts mais qui, sans être la plus grande de toutes, a néanmoins toujours pris la peine d'essayer de faire quelque chose de ses rôles, s'arrangeant même pour avoir au moins un grand moment épique dans chacun de ses films. Mais qu'en est-il ici?

En soi, Diane partait avec un atout de taille, via un combo "intrigues machiavéliques - décors Renaissance - costumes flamboyants" toujours alléchant, soutenu en outre par une sublime partition de Miklós Rózsa. Malheureusement, l'engouement s'est mis à fléchir dès les premières minutes, la faute à une histoire mal exploitée qui, ne sachant que faire des deutéragonistes, finit par faire chavirer l'héroïne en cours de route; sans compter que les belles images du début, qui auraient au moins pu masquer les faiblesses du scénario, finissent par devenir par trop rébarbatives à force de ne montrer qu'une seule et unique cour pendant tout le film. L'impression est ainsi très mitigée, même si tout n'est pas à jeter non plus, heureusement.


Pour commencer, disons-le tout de go, je n'ai aucun problème avec les réinterprétations historiques du moment qu'on a une intrigue logique et bien ficelée. Par exemple, et ce n'est un secret pour personne, Les Diables de Ken Russell ou la Marie-Antoinette de Sofia Coppola comptent parmi mes chefs-d'oeuvre de prédilection. Mais dans le film incriminé, on est hélas à des lustres d'une histoire cohérente, ce que ne relève en rien la réalisation totalement plate de David Miller. Pourtant, tout commençait sous les meilleurs auspices, puisque le premier quart d'heure nous révèle une héroïne dotée d'un fort caractère, maniant aussi bien l'épée que l'étrier, et n'hésitant pas à défier le roi à l'occasion. Diane fait en outre preuve d'une intelligence politique redoutable puisque c'est plus par ses conseils avisés que par ses courbes qu'elle gagne l'estime du monarque, et, cerise sur le gâteau, elle ne se départit jamais d'un humour rafraîchissant qui lui permet de mettre tout le monde de son côté, notamment lorsqu'elle porte le deuil de son mari quand celui-ci ne souhaite pas la revoir à cause de soupçons infondés. Le personnage est donc très cool à la base mais, petit à petit, le scénario met son héroïne de côté pour se fixer sur des fantasmes italiens bien trop grandiloquents pour être honnêtes. Dès lors, on écarte Diane de la scène politique pour mieux faire place à François Ier s'en allant en guerre et autres événements sans trop de rapports avec la comtesse. On peut d'ailleurs mesurer le bâclage du scénario dans sa façon de traiter le fils aîné du roi. De deux choses l'une : soit on ne sait pas quoi en faire et on triche un peu en l'enlevant purement et simplement, ce qui n'aurait pas déparé vu que l'histoire se focalise uniquement sur Henri; soit on lui invente une storyline décente, en évitant de le faire venir et disparaître quand ça arrange les scénaristes! A vrai dire, c'est lui qui doit hériter, mais seul Henri est traité comme un futur roi. Ne sachant que faire de ce personnage encombrant, on finit du reste par l'éliminer de façon elliptique, et hop, c'est expédié.


Mais là, vous me direz qu'après tout, ce n'est qu'un figurant et qu'il reste assez de temps de fiction pour faire oublier ces erreurs, dans l'espoir de retrouver le personnage que j'avais envie de voir: Diane. Malheureusement, c'est elle qui devient à son tour figurante dans la seconde partie, dans la mesure où le film préfère se concentrer sur toute une série de fantasmes, dont une première catégorie est d'ordre astrologique. Et bien entendu, ces éléments sans intérêt n'ont ni queue ni tête. Par exemple, lorsque Ferrugi prédit à Catherine de Médicis qu'elle sera reine et surtout que ses trois fils régneront, quelle est sa réaction? "Cool! Trop d'la balle!" Mais ça veut dire que tes deux aînés vont mourir jeunes et sans héritiers quand même! Bref, rien à voir avec les inquiétudes palpables de Virna Lisi quarante ans plus tard. Pour le reste, on fait mumuse avec les astres afin de renvoyer une image pleine de mystère et d'exotisme mais au lieu d'améliorer l'histoire, ça l'alourdit plutôt, à grand renfort de sangliers qu'on nous ressert toutes les vingt minutes. Pire, ça spoile même méchamment la fin, quoiqu'il s'agisse de faits connus. Et sinon, pourquoi faire parler un jouvenceau pseudo-voyant si c'est pour le laisser jouer aussi mal? Parce que là, c'est du niveau de Charles et Marlene au Sahara avec le vieux devin aux yeux exorbités, ce qui n'est pas bon signe du tout.


Et comme nous ne sommes décidément pas au bout de nos surprises, il nous faut encore subir, avant de retrouver Diane, toute une flopée de fantasmes comploteurs. Ainsi, on nous apprend très intelligemment que les Italiens sont tous fourbes et vaniteux, qu'ils écoutent aux portes, se cachent derrière les rideaux et font des trous dans les tableaux pour mieux espionner les secrets d'alcôves, sans oublier d'empoisonner au passage la moitié de la cour pour mieux gouverner. Un cliché, c'est amusant. Cent mille, ça devient lassant. Et seul le personnage de Catherine apporte quelques nuances bienvenues : on découvre notamment qu'elle n'est pas la mégère que l'histoire l'accuse d'être, mais tous les criminels du film sont malgré tout italiens. En outre, les complots ne sont même pas logiques. Par exemple, il ne faut surtout pas empoisonner la comtesse de peur que le roi, pas très content de perdre sa favorite, en vienne à soupçonner les Italiens; par contre, décimer un par un tous les héritiers mâles de la couronne pour donner le pouvoir à Catherine, c'est en revanche super discret et ça ne risque aucunement d'attirer les soupçons. Evidemment...

Pour ainsi dire, toutes ces faiblesses traînent en longueur, et l'on a finalement vite tendance à décrocher. Mais heureusement, le film compte au moins deux éléments positifs qui parviennent à maintenir l'intérêt. Scoop : ce sont les deux héroïnes!


Lana est en effet passionnante dans la première partie, comme précisé plus haut, d'autant qu'elle est absolument sublime en préceptrice d'une classe infinie. Elle reste d'ailleurs toujours très digne, sans jamais rien de femme fatale, ce qui la place de facto dans l'autre catégorie de dames "amoureusement acceptables" puisqu'elle fait davantage office de confidente au grand cœur, un brin maternelle, comme s'il n'y avait que ces deux extrêmes convenus pour justifier une relation sentimentale dans la tête des scénaristes. Le discours n'est de toute façon pas du tout féministe car bien que brillante, Diane n'agit finalement que pour son époux, acceptant même de rester dans l'ombre selon son bon vouloir, avant de passer sous la tutelle royale sur deux générations. Mais elle a tant de caractère et de jugeote que même si l'intrigue tente d'en faire une subalterne, elle reste un milliard de fois plus fascinante que son entourage masculin, qu'elle bat à plate couture sur le terrain de la coolerie. Et Lana apporte la touche émotionnelle requise pour rendre Diane attachante, si bien qu'on ne peut qu'aimer le personnage. C'est pourquoi il est extrêmement dommage de laisser l'héroïne sur le carreau la moitié du temps pour mettre en valeur des interprètes dont on se contrefiche. Autrement, toute sympathique soit-elle, Diane n'est pas pour autant une grande création artistique, Lana ayant toujours des tics maladroits pour mimer certaines émotions, sans compter qu'il y a une absence totale d'alchimie entre elle et Roger Moore. Mais en même temps, que pouvait faire l'actrice face à un acteur aussi énergique qu'un arbre en hiver? Le rôle n'est donc pas fameux, mais pour ce qu'il était possible d'en tirer, Lana s'en sort tout de même de façon honorable.


Cependant, la vraie sensation, c'est Marisa Pavan, finalement presque aussi importante que Lana si l'on compte son temps d'écran. L'actrice doit ainsi jouer sur les clichés, montrer qu'elle les dépasse, et trouver le bon équilibre entre autorité de souveraine et émotions de femme esseulée. Il est surtout particulièrement jouissif de la voir jouer avec sa rivale en lui offrant une pomme possiblement empoisonnée, avec un petit regard sadique séduisant qui soutient l'image d’Épinal délirante de la séquence en question. Ceci dit, les autres confrontations entre les deux dames sont sublimes, et beaucoup plus adultes dans leur ton, ce qui permet aux actrices de briller tout en prouvant que c'est bien leurs rapports à elles deux qu'il aurait fallu développer tout au long du film. D'ailleurs, Catherine reste vraiment un personnage fascinant, même dans la limite de cette production peu satisfaisante, puisqu'elle est la seule du lot qui ose s'émanciper de la tutelle des autres pour tenter de se construire un avenir. Malheureusement, elle n'échappe pas non plus aux incohérences d'un scénario qui veut en faire une femme trop dure lors du climax, après l'avoir dotée d'un caractère plus humain et inquiet dans d'autres séquences, mais Marisa tire vraiment son épingle du jeu dans le reste, aussi est-il difficile de lui en tenir rigueur.


Quoi qu'il en soit, l'alchimie fonctionne parfaitement entre les deux femmes, au point de faire regretter que les autres personnages ne soient pas du même niveau. En effet, Pedro Armendáriz se contente de jouer au bon roi amateur de femmes, de gloire et de... gibier, sans vraiment faire avancer l'histoire outre mesure. Torin Thatcher livre pour sa part une énième version du mari loyal qui réduit quand même son épouse à son honneur et n'a aucun scrupule à l'enfermer. Cedric Hardwicke nous fait quant à lui l'astrologue qui comprend les choses avec gravité et puis s'en va. Henry Daniell est très méchant pour la 2857e fois de sa carrière, avec en prime une scène finale totalement ridicule. Et bien entendu, Roger Moore est... insupportable!

En somme, le film accumule beaucoup de maladresses, mais ça se sauve grâce à des personnages féminins captivants, une musique envoûtante, et un petit côté épique qui parvient toujours à faire mouche, notamment lors d'une séquence de tournoi bien chargée en tension. Etant donné ces diverses qualités, j'ai envie d'être généreux et de monter à un petit 5/10. Profitons-en, je ne serai peut-être pas d'aussi bonne humeur une prochaine fois.

2 commentaires:

  1. J'ai un peu transpiré en lisant le début de l'article parce que j'ai un bon souvenir (lointain) du film ... mais je suis bon public surtout pour ce genre de cinéma en couleurs et en costumes !

    Bref, j'ai respiré à la fin car nous sommes d'accord sur l'essentiel, à savoir Catherine de Médicis/Marisa Pavan que je nomme d'ailleurs en second rôle (je l'aime bien dans La Rose Tatouée mais là ... c'est autre chose !)

    Bonne continuation dans ton parcours Turner alors.

    L'Anonyme.

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  2. Je suis globalement d'accord avec tout ce que tu as pu dire sur Diane. J'ai été moins séduit que toi, le film se prenant un peu trop au sérieux alors qu'il enfile les clichés comme des perles. J'ai souri la première fois qu'on aperçoit Daniell espionnant discrètement le roi derrière une porte opportunément entrebâillé (Gale Sondergaard style) mais j'ai déchanté en me rendant compte que je devais prendre la menace italienne au premier degré.

    Ce qui pèche le plus dans le scénario (outre les personnages caricaturaux), c'est cette manie du drame à outrance qui donne lieu à de grands moments de n'importe quoi. Le dialogue entre Diane et son mari n'a absolument aucun sens et décrédibilise totalement Diane qui est censée être une fine diplomate. "Je ne t'ai pas trompé mais je ne refuse de me justifier et vais même en rajouter une couche en sous-entendant lourdement que le roi, qui n'est pas de bois, est un amant on ne peut plus convenable pour une comtesse". Il n'y avait pas plus simple pour justifier l'absence du comte à ses côtés?

    Je ne suis pas fan de la performance de Marisa Pavan en Catherine de Médicis. Le pire, c'est que c'est la première fois que je la vois à l'écran donc elle perd un potentiel capital sympathie qui aurait pu rendre son travail plus agréable. Elle n'est pas aidée par un scénario qui ne sait pas si il doit faire d'elle une dinde amoureuse d'Henri II ou une dangereuse Médicis capable de manier la dague et le poison sans sourciller. L'actrice est dotée d'une voix nasillarde qui donne l'impression que Catherine souffre d'un rhume des foins pendant 10 ans.

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