dimanche 20 mars 2016

The Assasszzzzzzzz...


Bon, voilà, je suis allé voir Nie yin niang (The Assassin) ce matin. Que vous dire? On m'avait prévenu qu'il y avait "quelques longueurs de ci de là" mais que c'était un beau film. Alors oui, c'est beau. Mais peut-on qualifier de film une succession d'images où il ne se passe rien, absolument rien, du premier au dernier plan, tout du moins jusqu'au centième plan de trois minutes sur un énième champ, après quoi je me suis décidé à quitter la salle pour de bon? Et peut-on raisonnablement utiliser les termes "quelques" et "de ci de là" quand 100% des séquences sont précisément des longueurs dans leur intégralité?

Car voilà la triste vérité, sur l'heure et quart de film que j'ai vu, on ne décèle environ que dix lignes de dialogue, et encore, chaque personnage se croit obligé de laisser un espace de deux secondes entre chaque mot, sans compter qu'une fois la réplique terminée, l'interlocuteur ne répond jamais et tout le monde se contente de rester là le regard fixe, comme pour nous dire: "Avez-vous bien compris que vous venez d'entendre des choses très intenses? Hein? Hein? Il vous faudra au moins une dizaine de minutes pour que vous réussissiez à digérer les dix mots prononcés, quitte à vous répéter la même phrase un peu plus tard, pour être bien sûr que vous ayez tout compris!" Ainsi, on nous assène plusieurs fois qu'il n'aurait jamais fallu confier l'héroïne à la nonne dans son enfance parce que celle-ci vient précisément de la former à tuer son cousin, mais c'est bien le seul rebondissement qui intervient dans cette première partie, et si l'on enlève tous les plans fixes sur les pivoines et les paravents, ce qui met une heure et quart à se mettre en place n'aurait duré que six minutes trente en temps normal. Autrement, la seule autre chose compréhensible, c'est qu'il est question d'une femme enceinte se créant de fausses menstrues avec du sang de poulet, mais comme cette découverte n'intervient qu'au bout d'une heure et que l'histoire n'a toujours pas commencé à ce moment-là, c'est peu dire que l'excitation suscitée par une telle réplique est proche du néant.

Et puis, même en admettant que l'histoire ait un but, la mise en scène ne fait pas toujours sens. Par exemple, l'héroïne, qui n'aligne que trois mots en une heure, a toujours l'air constamment passive, et on la fiche systématiquement sur des poutres où elle se contente de regarder intensément ses possibles victimes sans qu'on sache comment elle parvient à s'infiltrer dans les maisons en question. Pour que ça fonctionne, il aurait fallu que l'absence d'action soit compensée par une accentuation psychologique, mais comme les personnages restent à se contempler pendant des heures en se faisant rapidement éclipser par les motifs des moquettes au sol, impossible de déceler la moindre émotion sur leurs visages. Il n'y a donc aucun enjeu: si l'héroïne veut tuer quelqu'un, il lui suffit de sauter sur son cheval et d'expédier sa besogne en un tour de main, et si elle hésite, elle passe son temps à s'introduire dans les maisons avant de ressortir sans rien faire. Et le même enchaînement de se succéder jusqu'à l'épuisement. Par moments, on voit également des gens marcher longuement dans un jardin, ou des chevaux passer à l'extérieur, mais ces très longs plans-séquences n'aboutissent jamais sur rien, puisqu'on saute ensuite à une tout autre scène sans rapport avec la précédente.

Honnêtement, le seul et unique élément qui parvient à dynamiser le film, c'est lorsque le gouverneur s'énerve (enfin!!!) et jette son sceau d'or dans les escaliers, mais... là encore, on passe à une autre séquence et l'on se retrouve subitement dans la campagne à voir des épis onduler sous la brise légère pendant dix minutes. Bref, c'est insupportable, et j'ai du mal à concevoir que Hou Hsiao-Hsien ait remporté le prix de la mise en scène à Cannes: l'absence d'action et de psychologie n'est comblée par rien, tout est creux et vide à pleurer, et l'on a surtout affaire à un réalisateur qui veut en mettre plein la vue avec de très beaux décors et de très belles images. Malheureusement, une mise en scène réussie doit quand même servir une histoire avant toutes choses, et pas se reposer exclusivement sur la beauté des chinoiseries locales. La seule réussite du film est donc sa photographie, superbement contrastée par Mark Lee Ping Bin, en particulier dans les intérieurs où l'ocre des dorures sur fonds sombres est sublimé par la lueur des bougies. Hélas, comme cette beauté du geste est (à peine) au service d'un scénario contenu sur un timbre-poste, on est très vite exténué par ces trop belles images qui ne montrent rien. Franchement, j'aurais mieux fait de passer la matinée seul dans mon salon chinois à compter des moutons, ça m'aurait encore plus diverti. Et si je veux voir de jolis paysages, je préfère autant y aller par moi-même et les apprécier à l'air frais plutôt qu'étudier l'onde d'un lac se mouvoir doucement sous le vent pendant trois minutes et quarante-sept secondes.

Parce que c'est complètement creux et lisse, que l'histoire concrète ne dure que huit minutes et que le réalisateur croit impressionner le chaland en enchaînant les longs plans fixes sur des poutres ou des épis, je vois en cet Assassin une vaste imposture qui ne vaudra 2 que pour le joli paravent aux montagnes noires et jaunes que j'aimerais ajouter à ma collection. L'avantage, c'est que j'ai maintenant envie de courir voir Maggie Smith dans sa voiture pour finir la saison sur un film qui aura peu de chances de m'impressionner, mais devant lequel j'arriverai forcément à tenir jusqu'au bout sans fondre d'ennui.

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