Lors de ma rétrospective 1956 il y a deux ans, il me manquait Le Repas de noces, un film de Richard Brooks adapté d'un téléfilm écrit par Paddy Chayefsky, dont j'avais entendu le plus grand bien en ces lieux mêmes. Je pensais d'ailleurs que c'était une œuvre de bonne réputation, étant donné son casting de luxe, et quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que ce n'est pas du tout le cas: l'accueil fut mauvais dès l'époque, certains trouvant vulgaire la couleur comique donnée à un univers quotidien, et le film a aujourd'hui encore l'une des moins bonnes notes imaginables sur le site des tomates pourries. C'est à mon sens injustifié: j'ai beau ne pas être le plus grand admirateur du mouvement néo-réaliste et de ses images d'éviers dans de petites cuisines, j'ai suivi l'histoire avec intérêt.
Celle-ci se focalise sur une famille très modeste du Bronx: le père (Ernest Borgnine) est un chauffeur de taxi économisant le moindre centime pour pouvoir s'installer à son compte, la mère (Bette Davis) est quant à elle une ménagère qui passe son temps à préparer les repas et à faire le ménage, tandis que leur fille (Debbie Reynolds) leur annonce son intention d'épouser enfin son fiancé (Rod Taylor), lui-même issu d'une famille un peu plus aisée bien que gagnant sa vie comme professeur. Mais voilà! Alors que le jeune couple veut expédier les noces au plus vite et ne surtout pas organiser de cérémonie, la mère se met en tête de leur offrir un mariage digne de ce nom, bouquets de fleurs et limousines à l'appui. Etant donné l'état des finances de la famille, les conflits ne mettent pas longtemps à éclater...
Apparemment, Gore Vidal a changé plusieurs aspects de l'histoire originelle, ce qui d'après le livret du DVD lui valut les félicitations de Paddy Chayefsky. Je ne sais malheureusement pas en quoi ces modifications consistent, n'ayant pas vu le téléfilm de départ, mais tout se tient à mon sens. Chaque personnage est bien exploité, chacun ayant de quoi mettre de l'huile sur le feu dans la famille: la mère s'en veut de n'avoir pas été assez maternelle et souhaite ainsi se faire pardonner en offrant un beau mariage à sa fille, tout en lui souhaitant de ne pas connaître l'humiliation d'épousailles suite à un pari arrosé comme ce fut le cas pour elle; le père va croissant dans la déconfiture à mesure que les projets de sa femme épuisent ses dernières économies; la fille s'en veut de ne pouvoir réconcilier tout le monde, l'oncle incarné par Barry Fitzgerald est vexé de n'être pas convié à la cérémonie (car si on l'invite, il faut aussi penser au reste de la famille élargie, ce que ne veulent pas les fiancés); les parents du marié sont ostensiblement gênés par les manières frustes de leur belle-famille; et les amis du couple sont eux aussi affectés par l'affaire car, chômeurs, ils n'ont pas de quoi s'offrir robe ou costume et doivent faire croire qu'ils ont inopinément retrouvé du travail alors qu'ils se sont plus endettés qu'autre chose. C'est passionnant à suivre car on n'a jamais le temps de s'ennuyer: chaque personnage doit résoudre un conflit, même le petit frère qui se force à rester en famille alors qu'il préférerait aller au cinéma, et l'on attend toujours de voir où le scénario va nous emmener. Celui-ci multiplie d'ailleurs les fausses pistes pour notre plus grand plaisir: on s'attend vivement à un certain type de dénouement dès qu'entre en scène la compagne de l'oncle, mais on n'est heureusement pas au bout de ses surprises, avec une conclusion honnête alliant à la fois drame et comédie. L'alliance des deux tonalités est de toute manière réussie tout au long du film, car bien que certaines situations prêtent à sourire, on ressent toujours beaucoup de tristesse en arrière-plan, ce qui reste parfaitement crédible pour la famille dont on détaille le quotidien.
Le film est également bien servi par l'interprétation. Ernest Borgnine est notamment assez touchant à mesure qu'il voit ses rêves s'envoler, Debbie Reynolds est quant à elle toujours juste en jeune femme qui tente de réconcilier chaque parti, et Barry Fitzgerald fait comme à son habitude assez bien le vieillard un peu grincheux ayant pourtant bon cœur. Par contre, je dois avouer ma déception concernant Bette Davis. C'est l'un des rôles dont elle était le plus fière, car il n'était effectivement pas évident d'imaginer une star de son envergure jouer à la matriarche dodue d'une famille pauvre du Bronx, vêtements de supermarché sur le dos. Le rôle était d'ailleurs tenu par Thelma Ritter dans la version télévisée, mais c'est Richard Brooks qui, je crois, avait insisté pour offrir à Bette Davis un grand contre-emploi, ce qui est alléchant sur le papier, plutôt que laisser Thelma Ritter jouer une énième variation de son personnage type. Hélas, on n'a jamais l'impression d'avoir affaire à la véritable femme du Bronx qu'on veut nous présenter. Bette Davis utilise en effet ses tics les plus davisiens, jusque dans la modulation de la voix, sans imagination particulière, de telle sorte qu'on voit constamment l'actrice, la star même, au lieu du personnage. La coiffure, les habits et même le physique empâté se prêtent totalement au jeu d'un point de vue physique, mais l'interprétation ne me semble hélas jamais judicieuse. Davis fait tout de même tout son possible pour extraire le maximum de jus des séquences les plus poignantes, où elle révèle enfin des bribes de son passé, mais rien dans la colère ou le regret ne semble jamais propre à Agnes Hurley. Dommage, parce que je m'attendais vraiment à un tour de force de prime abord.
Moralité: The Catered Affair n'est pas un grand film, mais ça vaut nettement mieux que sa réputation. L'histoire est captivante à force de multiplier les points de vue et de balancer délicatement drame et comédie sans jamais oublier la dimension très terre à terre des personnages esquissés, et le tout se suit toujours avec intérêt. Deux ans avant La Chatte sur un toit brûlant, Richard Brooks montre qu'il sait parfaitement disséquer un conflit familial tout en lui donnant un réalisme poignant, même s'il fut apparemment infect avec Debbie Reynolds, qu'il méprisait et alla même jusqu'à gifler publiquement, ce qui lui fait perdre de nombreux points, surtout quand on voit l'investissement sincère de la jeune actrice dans le rôle. Parce que le tout est réussi et qu'on ne s'ennuie jamais, je n'ai aucun hésitation quant à monter jusqu'à 7/10, mais il est toujours regrettable de découvrir les parts d'ombres de personnes talentueuses derrière une caméra. A noter enfin que l'affiche est à mon sens un peu trop racoleuse: on nous présente une Bette Davis au pic de sa séduction allboutevienne, alors qu'elle ne ressemble clairement pas à ça dans le produit fini. Dommage également, qu'elle soit un peu trop ostensiblement actrice pour le coup, au lieu de réduire la distance avec un personnage très ritterien à la base.
Le film est également bien servi par l'interprétation. Ernest Borgnine est notamment assez touchant à mesure qu'il voit ses rêves s'envoler, Debbie Reynolds est quant à elle toujours juste en jeune femme qui tente de réconcilier chaque parti, et Barry Fitzgerald fait comme à son habitude assez bien le vieillard un peu grincheux ayant pourtant bon cœur. Par contre, je dois avouer ma déception concernant Bette Davis. C'est l'un des rôles dont elle était le plus fière, car il n'était effectivement pas évident d'imaginer une star de son envergure jouer à la matriarche dodue d'une famille pauvre du Bronx, vêtements de supermarché sur le dos. Le rôle était d'ailleurs tenu par Thelma Ritter dans la version télévisée, mais c'est Richard Brooks qui, je crois, avait insisté pour offrir à Bette Davis un grand contre-emploi, ce qui est alléchant sur le papier, plutôt que laisser Thelma Ritter jouer une énième variation de son personnage type. Hélas, on n'a jamais l'impression d'avoir affaire à la véritable femme du Bronx qu'on veut nous présenter. Bette Davis utilise en effet ses tics les plus davisiens, jusque dans la modulation de la voix, sans imagination particulière, de telle sorte qu'on voit constamment l'actrice, la star même, au lieu du personnage. La coiffure, les habits et même le physique empâté se prêtent totalement au jeu d'un point de vue physique, mais l'interprétation ne me semble hélas jamais judicieuse. Davis fait tout de même tout son possible pour extraire le maximum de jus des séquences les plus poignantes, où elle révèle enfin des bribes de son passé, mais rien dans la colère ou le regret ne semble jamais propre à Agnes Hurley. Dommage, parce que je m'attendais vraiment à un tour de force de prime abord.
Moralité: The Catered Affair n'est pas un grand film, mais ça vaut nettement mieux que sa réputation. L'histoire est captivante à force de multiplier les points de vue et de balancer délicatement drame et comédie sans jamais oublier la dimension très terre à terre des personnages esquissés, et le tout se suit toujours avec intérêt. Deux ans avant La Chatte sur un toit brûlant, Richard Brooks montre qu'il sait parfaitement disséquer un conflit familial tout en lui donnant un réalisme poignant, même s'il fut apparemment infect avec Debbie Reynolds, qu'il méprisait et alla même jusqu'à gifler publiquement, ce qui lui fait perdre de nombreux points, surtout quand on voit l'investissement sincère de la jeune actrice dans le rôle. Parce que le tout est réussi et qu'on ne s'ennuie jamais, je n'ai aucun hésitation quant à monter jusqu'à 7/10, mais il est toujours regrettable de découvrir les parts d'ombres de personnes talentueuses derrière une caméra. A noter enfin que l'affiche est à mon sens un peu trop racoleuse: on nous présente une Bette Davis au pic de sa séduction allboutevienne, alors qu'elle ne ressemble clairement pas à ça dans le produit fini. Dommage également, qu'elle soit un peu trop ostensiblement actrice pour le coup, au lieu de réduire la distance avec un personnage très ritterien à la base.
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