lundi 17 août 2020

Oscar de la meilleure actrice 1963

En 1963, les cinq heureuses élues furent:

* Leslie Caron pour La Chambre indiscrète (The L-Shaped Room)
* Shirley MacLaine pour Irma la Douce
* Patricia Neal pour Le Plus Sauvage d'entre tous (Hud)
* Rachel Roberts pour Le Prix d'un homme (This Sporting Life)
* Natalie Wood pour Une Certaine Rencontre (Love with the Proper Stranger)


Et c'est Patricia Neal qui remporta la statuette! On dit souvent que c'était un prix de sympathie, puisque à l'instar de Jane Wyman quinze ans plus tôt, Patricia Neal venait de perdre un enfant en bas âge, conduisant ainsi ses pairs à reconnaître son talent évident, tout en lui témoignant de leur profond soutien. Ce serait aussi pour cette raison qu'on la nomma directement comme premier rôle, malgré un temps d'écran limité, dans un excellent film centré sur ses partenaires masculins. Quoi qu'il en soit, la comédienne fut assurément la grande favorite de la critique cette année-là, puisqu'elle remporta le National Board of Review de la meilleure actrice, et triompha à New York, publication hautement prestigieuse qui ne distinguait pas encore les seconds rôles. Idem pour les Baftas, qu'elle remporta dans la catégorie meilleure actrice étrangère, devançant les actrices de légende qui s'était affrontées aux Oscars en 1962. Fut-elle la favorite pour autant? Assurément, elle était avantagée par son film, Hud, le plus américain de la sélection, alors qu'Une Certaine Rencontre avait un parfum italianisant, Irma la Douce une fragrance parisienne, et que les deux autres films étaient cent pour cent britanniques. Le western texan avait en effet triomphé au box office, reçu d'excellentes critiques, en particulier pour son quatuor d'interprètes, et décroché sept nominations aux Oscars, soit nettement plus que les autres films représentés par leurs actrices. Finalement, le seul prix qui échappa à Patricia Neal fut le Golden Globe, seule organisation à l'avoir placée comme second rôle, où on lui préféra Margaret Rutherford, grande favorite de cette catégorie.


La place étant ouverte, c'est Leslie Caron qui remporta le Globe drame, devant Rachel Roberts et Natalie Wood, tandis que Shirley MacLaine s'imposait comme la reine comique de l'année avec le succès colossal d'Irma la Douce. Les recettes fracassantes de la comédie de Wilder assurèrent certainement à la populaire MacLaine sa place dans la sélection, mais ce film coloré ne décrocha cependant que trois nominations, dont deux techniques. Les Oscars furent certainement tentés par des performances plus sérieuses cette année-là, aussi peut-on supposer que si Patricia Neal avait été nommée comme second rôle, c'est Leslie Caron qui aurait gagné. L'actrice franco-américaine fut en effet la seule qui concurrença Patricia Neal à New York, et son Globe, outre le succès d'un film au sujet a priori peu attractif, l'aida sans doute à se classer seconde au tableau final. On peut même supposer que son Bafta de la meilleure actrice britannique (sic), pour l'année 1962, avait préparé le terrain. Le Prix d'un homme, qui plut davantage aux États-Unis qu'en Grande-Bretagne à sa sortie, fut, comme La Chambre indiscrète, d'abord considéré comme un film d'acteurs, mais il n'y a guère que dans son pays que Rachel Roberts remporta des lauriers, avec le même Bafta que Leslie Caron un an plus tard. Finalement, le film le plus aimé par l'Académie après Hud, parmi les cinq en question, fut Une Certaine Rencontre, décrochant cinq nominations dont une pour son scénario, tout comme le western de Martin Ritt. Natalie Wood, toute fraîche de ses grands succès de 1961, aurait-elle eu plus de chances une autre année? Qui sait?


En tout cas, on notera que 1963 fut une année "populaire", pour ne pas dire "prolétarienne" pour les actrices: la gouvernante d'un petit ranch sur le déclin et la logeuse d'une cité minière du Yorkshire y côtoyaient une prostituée des Halles de Paris, et deux jeunes femmes mises en cloque avant le mariage, dont une caissière issue d'une famille d'immigrés italiens. Finalement, seule la mystérieuse française de La Chambre indiscrète provenait d'un milieu huppé, mais elle n'en évoluait pas moins dans un quartier marginal, bien avant la gentrification de Notting Hill. En dehors d'elle, pas d'Eleanor Roosevelt ou de Mary Tyrone pour embourgeoiser un peu ce cru, l'un des meilleurs jamais cités par les Oscars, et pourtant le moins évoqué sur l'ensemble de la décennie. J'ai très honnêtement le sentiment que 1963 est la sélection la plus discrète des années 1960, peut-être parce que personne n'a jamais rien eu à redire sur le choix de la lauréate, ou parce que les deux comédiennes vraiment passées à la postérité de nos jours, Shirley MacLaine et Natalie Wood, n'y étaient pas représentées par leurs films les plus célèbres. Peut-être aussi parce qu'aucun des cinq personnages n'a fait l'histoire, à l'inverse d'une Annie Sullivan, d'une Mary Poppins ou d'une Aliénor d'Aquitaine; mais encore parce que toutes les autres années ont offert des récits plus romanesques: la résurrection miraculeuse d'Elizabeth Taylor en 1960, la victoire historique de Sophia Loren en 1961, le duel bien connu de 1962, la revanche de Julie Andrews en 1964, l'avènement de Julie Christie en son an de grâce, le rôle de la décennie triomphant l'année suivante, Katharine Hepburn surpassant des films iconiques en 1967, la surprise de taille de 1968, tandis que Maggie Smith concluait cette série d'événements haletants en conquérant, à la surprise générale, le trône convoité par toute la royauté d'Hollywood. Pourtant, 1963 mérite qu'on s'y attarde avec attention, à commencer par...


Mon classement




5 ~ Shirley MacLaine pour Irma la Douce, pour le rôle d'une prostituée parisienne entretenant une relation compliquée avec un gendarme en apparence intègre. J'étais tout content d'avoir trouvé le disque dans une belle édition le mois dernier, mais une revisite quinze ans plus tard me confirme que je n'aime pas du tout ce film, qui traîne en longueur et manie le second degré d'une façon plutôt sinistre. À ma grande surprise, car je n'avais aucun souvenir de son interprétation, Shirley MacLaine a très peu à faire malgré la très longue durée du récit, ce qui ajoute sûrement au sentiment de déception. Certes pas rien à faire, mais sa composition se limite à une poignée de trouvailles physiques pour se mettre dans la peau de la prostituée: balancement des hanches lorsqu'elle monte les escaliers, et cigarette au bec illustrant la vulgarité du personnage. Mais sous cette surface forcément tapageuse, les émotions à suggérer ne sont pas légion, la comédienne faisant d'ailleurs le choix de la retenue, afin d'apporter un contraste subtil à la farce colorée qui lui sert d'écrin. Les yeux légèrement rougis, elle est sincère quand elle réalise son attachement à Jack Lemmon, tandis qu'un peu plus tard, la scène de colère, la plus expressive qu'elle ait à jouer, est parfaitement irréprochable, même si les pleurs à l'arrière-plan sont trop ostensiblement sonorisés. Le vrai problème, finalement, c'est que l'impact du film ne vient pas d'elle: son partenaire fait tout, et toute grande actrice soit-elle, Shirley MacLaine échoue à susciter l'intérêt. La comédienne elle-même a toujours considéré cette citation comme fort étonnante, et l'on comprend pourquoi, car compte tenu de son talent, ce rôle ne lui offre que peu de grain à moudre. Je serai curieux d'entendre son discours de remerciement aux Globes, qui fut apparemment censuré.


4 ~ Natalie Wood pour Une Certaine Rencontre (Love with the Proper Stranger), pour le rôle d'Angela Rossini, une jeune femme à la recherche de l'homme qui l'a mise enceinte, et qui était à ses yeux plus qu'une aventure d'un soir. C'est là une performance dont il conviendra de distinguer les scènes familiales, portées par une théâtralité exacerbée, des scènes avec Steve McQueen, heureusement plus nombreuses et nettement plus naturelles. Dans les premières, sa colère est constamment appuyée vocalement, quand l'actrice veut souligner l'agacement que ressent l'héroïne de loger dans un appartement où elle n'a pas d'intimité, mais elle ajoute encore des gestes des mains destinés au dernier rang des spectateurs, tout en prétendant s'occuper de mille choses à la fois, telle une pile électrique qui ne veut plus s'arrêter. Mais c'est là le seul défaut d'une interprétation autrement réussie: comme précisé, l'alchimie avec son partenaire fait mouche, la comédienne faisant preuve d'une réserve de bon aloi qui sert magnifiquement le propos. Elle se paye même le luxe de faire une entrée en scène tout à fait charismatique: dynamique mais déçue de n'être pas reconnue, elle regarde l'homme qu'elle a aimé avec insistance pour lui asséner d'emblée la vérité, et son incrédulité devant l'incompréhension de celui-ci, prête à faire place à une colère contenue, donne immédiatement envie de s'intéresser au personnage. Lorsqu'elle renoue avec lui, et qu'elle le sent prêt à lui venir en aide, les scènes silencieuses de désarroi sont criantes de vérité: qu'elle apprenne que l'avortement est au-dessus de ses moyens, ou qu'elle éprouve de la reconnaissance envers McQueen d'être revenu, ses yeux naturellement expressifs suffisent à en dire plus long que toute forme de théâtralité. Celle-ci n'est toutefois pas totalement absente de ses rapports complices avec lui, comme en témoigne la grande scène d'hystérie, alors que son amant tente de persuader Angela de quitter l'appartement sordide où doit avoir lieu l'avortement clandestin, et où l'actrice se lance dans une scène de fureur volcanique, alternant entre sincérité bouleversante et théâtralité un peu forcée dans l'expression des pleurs. Finalement, cette émotivité qui se veut souvent spectaculaire lui sied bien, car Natalie Wood a toujours été une actrice à fleur de peau. Je suis même content de cette revisite, car c'est une performance qui ne m'avait pas marqué jadis, mais qui se révèle pourtant excellente dans le détail, sans que j'aime particulièrement le film.


3 ~ Patricia Neal pour Le Plus Sauvage d'entre tous (Hud), pour le rôle d'Alma Brown, bonne à tout faire dans une famille exclusivement masculine, où les tensions ne sont pas longues à éclater. Tuons le suspense dès à présent: la victoire de Patricia Neal fut amplement méritée, ne serait-ce que pour le talent de l'actrice à crever l'écran malgré un rôle secondaire, face à un Paul Newman dans ce qui est généralement considéré comme sa composition la plus intense. Il faut dire que le charisme foudroyant est un peu la marque de fabrique de la comédienne, qui dès ses premiers films, dont Le Rebelle et Secrets de femmes, s'imposait au sein de distributions prestigieuses. C'est encore le cas chez Martin Ritt, bien que nul ne vole la vedette à quiconque dans le quatuor, où sa composition est d'ailleurs remarquablement brute: une cigarette toujours allumée, les mains occupées à mille tâches ménagères, Alma est assurément une personnalité terrienne, qui s'enthousiasme pour les choses simples de son quotidien sans jamais y chercher un côté poétique. Son manque de raffinement est d'ailleurs sa force, car c'est exactement cela qui lui permet de survivre dans cet environnement sec et toxique, l'actrice n'ayant pas son pareil pour tenir tête aux hommes qui l'emploient quand elle estime qu'ils ont passé les bornes. Elle prend alors ses aises et remet son travail à plus tard pour fumer tranquillement à quelques mètres du patriarche, et elle n'oublie pas d'avoir du répondant face au jeune Brandon deWilde, qu'elle materne de son mieux en s'autorisant à le chatouiller pour le forcer à se lever, tout en ne lui épargnant aucune remarque sur sa façon de dormir nu.
          C'est néanmoins avec Paul Newman que les choses se corsent: irrésistiblement attirée par son corps de rêve et sa personnalité cynique, elle fait toutefois tout son possible pour lui résister; Patricia Neal montrant avec vigueur qu'Alma a bien vécu avant d'en arriver là, et qu'elle ne veut pas revivre les tourments connus avec son ancien mari. La conversation dans la chambre à coucher est à ce titre remarquable de finesse: le sourcil légèrement arqué, elle parvient à sourire dans le même plan pour souligner qu'elle n'est pas dupe des façons de faire du héros, tout en le regardant intensément avec autant de désir que de crainte. Elle sait que Hud est quelqu'un de dangereux qui lui fera du mal si elle le laisse s'approcher, mais il ne lui est pas facile de fermer cette fenêtre étroite qui illumine ses mornes journées. Tout cela jusqu'à l'irréparable, où sa résistance est d'une grande justesse, sachant que sa prise de décision courageuse laisse entrevoir le profond regret qu'elle a de tourner le dos à tout ça. Sa grande scène finale est réellement bouleversante, et l'on comprend tout à fait qu'elle ait raflé les grands prix d'interprétation de l'année. Je ne la classe que troisième car Alma est vraiment secondaire par rapport au duo Newman-deWilde, mais ça ne fait que décaler son Oscar à l'autre catégorie. Toujours est-il que c'est un grand plaisir de voir Patricia Neal s'illustrer dans un grand rôle, mais j'aurais tout de même été curieux de voir ce qu'une actrice noire (Dorothy Dandridge peut-être?) aurait pu faire du personnage, si Martin Ritt était resté plus fidèle au roman. 


2 ou 1 ~ Rachel Roberts pour Le Prix d'un homme (This Sporting Life), pour le rôle de Margaret Hammond, une logeuse récemment veuve, séduite par le rugbyman qu'elle héberge. Je suis obligé de reconnaître l'extrême réussite du film, même si je ne cautionne pas le meurtre d'une araignée pour les besoins de l'histoire, celle-ci offrant à Rachel Roberts un grand rôle "coup de poing" qui la montre toujours en lutte avec la force brutale de Richard Harris. Évidemment, le personnage a sa fierté: Margaret a peur de s'attacher, pour ne pas revivre la douleur d'une perte, aussi se refuse-t-elle toujours au sentiment, restant constamment digne mais cassante pour rebuter son partenaire, tout en donnant une grande densité à leurs dialogues soulignant que la dame a déjà bien vécu avant de le rencontrer. La brusquerie dont elle fait montre, lorsque les échanges deviennent trop intenses, est aussi le témoin de sa condition sociale: comme les autres candidates de l'année, c'est une femme du peuple qui sait reconnaître des mains qui n'ont jamais travaillé; on la verra ainsi très souvent vaquer à des occupations manuelles, qu'elle plie une nappe ou recouse un bouton, afin de canaliser la nervosité que provoque en elle son locataire. Il faut dire que celui-ci, clairement pas intellectuel, n'y va jamais par quatre chemins pour obtenir ce qu'il veut, ou pour lui lancer des piques avec franchise, aussi est-il naturel de la voir se méfier de lui en retour, en grande partie parce qu'elle se méfie d'elle-même.
          Pourtant, Margaret est aussi capable de décontraction: elle sait faire de l'humour avec le sourire, comme lorsqu'elle répond au sportif, qui lui demande quel est son prix depuis qu'il a signé un contrat, qu'il ne vaut guère plus de trois centimes. Mais toujours, les ombres du passé resurgissent: son regard redevient très dur, avec un fond de tristesse, lorsqu'elle découvre que le montant en question est le même que celui qu'elle a touché à la mort de son mari. La voix s'estompe d'ailleurs quand elle ose se confier sur cette histoire pour la première fois. Le contraste entre des instants lumineux dans une ambiance généralement sombre constitue d'ailleurs le fil conducteur de son interprétation, à mesure que ces deux forces de la nature commencent à s'appréhender: si l'extérieur lui permet de s'ouvrir, en souriant à le voir jouer au ballon avec ses enfants, l'intérieur de sa maison exiguë l'oblige à rester sur la défensive, au prix de regards intenses où se reflète une crainte réelle devant l'emportement de Richard Harris, dont le bouillonnement titanesque contraste avec le calme apparent, mais toujours follement expressif, de la comédienne.
          Sans surprise, leurs rapports belliqueux atteignent leur paroxysme lorsque le rugbyman tente de la prendre de force: elle résiste avec une verdeur convaincante à ses avances, avant de se montrer merveilleusement poignante après avoir cédé, lui reprochant de ne lui laisser aucune chance. Ce premier contact, à moitié désiré, est encore l'occasion pour l'actrice d'apporter de nouvelles nuances au personnage. En effet, cette expérience a réveillé en elle des choses enfouies, aussi est-ce avec mélancolie, et une vraie lumière dans le regard, qu'elle parle des bons moments passés avec son époux. Elle fait également preuve d'une délicatesse qu'on ne lui soupçonnait pas forcément en découvrant que son amant est édenté suite à un combat trop violent, et c'est encore avec enthousiasme qu'elle admire le manteau de fourrure que lui offre son partenaire.
          Mais comme toujours, l'ombrage n'est jamais loin: même dans l'envie, la gêne est déjà là car sa voisine a été témoin du présent en question, de quoi déclencher une vague de honte qui hantera Margaret dans le reste du film. Un tel sentiment est joué avec une retenue magnifique au restaurant, mais plus encore au mariage des amis, car cette héroïne terre à terre, qui ne s'est jamais autorisée à rêver, réalise qu'elle est désormais perçue par ses voisins comme une femme entretenue. Elle revient donc logiquement à une fermeté insultante envers l'homme qui aura bouleversé sa vie quelques mois. En écrivant, je réalise qu'il y a beaucoup à dire sur cette interprétation d'une richesse incroyable malgré un temps d'écran limité. Mais Rachel Roberts domine le film au même titre que Richard Harris et n'a jamais l'air d'un second rôle.


1 ou 2 ~ Leslie Caron dans La Chambre indiscrète (The L-Shaped Room), pour le rôle de Jane Fosset, une jeune fille de bonne famille cherchant à échapper à sa condition étouffante en se réfugiant dans un quartier populaire de Londres, et tâchant de vivre une histoire d'amour alors qu'elle est enceinte. La première chose qui frappe dans cette interprétation, c'est l'extrême élégance que dégage l'actrice, afin de bien montrer que le personnage n'appartient pas au milieu social dans lequel elle se dissimule, créant par-là même le contraste qui sert de moteur au film. Les bras croisés, comme pour se protéger alors qu'elle visite la chambre, sa distinction renversante tranche avec l'attitude vulgaire de la logeuse dès la première scène, ce que vient confirmer par la suite une larme, traduisant la sensation d'étouffer d'une héroïne qui s'est décidée sur un coup de tête. Ses réactions sont d'ailleurs similaires avec les autres locataires de l'immeuble: elle prend ainsi un air supérieur quand elle répond à son voisin qui l'aide à ramasser ses affaires, et semble tout à fait apeurée, comme prise au piège, quand le musicien lui parle à travers la cloison. Ferme, mais jamais agressive car distinguée, elle sait faire comprendre à son futur amant, avec calme, qu'il se mêle de ce qui ne le regarde pas, afin de garder sa part de mystère. Idem avec le médecin, avec qui elle s'autorise une légère ouverture, dans le positif comme dans le négatif: elle n'aime pas être jugée et le lui fait bien sentir. Un brin d'ironie mâtiné de détente parvient d'ailleurs à percer dans la conversation, alors qu'elle parle de ses parents pourtant difficiles, mais elle revient très vite à attitude fermée, très sérieuse, afin d'exprimer une colère calme tout aristocratique lorsqu'elle change d'avis et décide de garder l'enfant, après avoir été choquée par le discours discourtois du médecin. Elle reste assurément une grande demoiselle qui se sent insultée, traitée comme une fille de rien, soulignant que le voyage qu'elle s'impose dans les bas-fonds lui coûte malgré sa détermination.
          Par bonheur, le temps adoucit les choses, et c'est parfaitement décontractée qu'on la retrouve avec les deux voisins de son âge avec qui elle a fini par sympathiser: le rire est peut-être un peu niais car elle tente sûrement de jouer un rôle qui ne lui est pas consubstantiel à ce moment-là, mais elle s'intègre finalement très bien à ses nouveaux amis. En outre, des fêlures ne manquent pas d'apparaître: malgré son arrogance, lorsqu'elle reproche à sa logeuse l'insalubrité du bâtiment, elle n'est pas tout à fait en mesure de tenir tête à sa démesure prolétarienne. Elle réagit alors comme une princesse blessée dans son amour propre, mais se ressaisit en un clignement d'yeux, port de tête royal à l'appui, lorsqu'elle voit que ses voisins ont observé la scène. Par la suite, sa complicité à Tom Bell fait plaisir à voir même si tout n'est pas rose dans cette relation: elle se révèle à nouveau déçue avec hauteur lorsque celui-ci entend la quitter après avoir découvert son secret, de quoi aboutir à un très beau déchirement, tout de discrétion, sur le lit d'hôpital: "Yes, I'm going home."


Comme vous le voyez, je suis incapable de me décider pour une lauréate tant Rachel Roberts et Leslie Caron sont brillantes, de même que Patricia Neal malgré un défaut de catégorisation. Cela étant dit, il convient à présent de s'intéresser aux comédiennes qui ne furent pas sélectionnées par l'Académie cette année-là, bien que certaines eussent pu donner bien du fil à retordre à cette pourtant excellente catégorie. Pour information, vous trouverez ici la liste de tous les films éligibles à Los Angeles en 1963, et ici ceux que j'ai vus au sein de cette même liste. Voyons donc quelles sont les...


Alternatives




Ann-Margret dans Bye Bye Birdie, pour le rôle de Kim MacAfee, une adolescente décérébrée qui attend de se faire embrasser par sa rockstar préférée. Bon. Comme l'indique ce résumé, le film est d'une bêtise affligeante, ce qui ne l'empêche pas d'être tout à fait divertissant, malgré une scène d'ouverture horrifiante où la jeune actrice braille la chanson-titre avec autant de grâce qu'un bulldozer! Ces prémices cataclysmiques ne doivent cependant pas faire oublier que c'est là un choix délibéré, car les autres séquences musicales montrent qu'Ann-Margret est en fait assez bonne chanteuse, et soulignent surtout son véritable don pour un comique de situation que l'on pourra qualifier de juvénile. En effet, tout en elle respire une jeunesse authentique, qu'elle a parfaitement bien captée à déjà vingt-deux ans, malgré un aspect volontairement appuyé. Ainsi, son enthousiasme sonne juste quand elle annonce une bonne nouvelle à sa copine au téléphone, sachant qu'elle surjoue comme le ferait une adolescente en disant qu'elle se sent vivre pour la première fois, tout ça parce que son ersatz d'Elvis débarque dans sa ville... Par ailleurs, elle utilise tous les moyens à sa disposition pour faire rire, depuis un pull trop grand dans lequel elle se débat, à ses hideux chaussons roses avec lesquels elle saute de joie en apprenant qu'elle a été sélectionnée pour recevoir le baiser du chanteur. Vraiment, elle fait très bien l'idiote et épingle à la perfection l'imbécillité des fans devant leurs idoles, avec un air très enfantin dans sa façon de se mouvoir. Ce n'est certes pas Carole Lombard dans My Man Godfrey, mais à certains moments, un écho se fait entendre et rend son interprétation amusante, malgré la stupidité incroyable du film. La réussite provient surtout de ce qu'une personnalité adulte commence à affleurer sous la candeur juvénile, ce que soutient le charisme d'une jeune femme en train de se transformer en star. Elle arrive par exemple à voler la vedette à ses parents, et pour tout dire tous les adultes du film, y compris Janet Leigh; et elle sait aussi se montrer à la fois romantique et séductrice avec son petit ami, lors du numéro "One Boy". En somme, l'histoire en question a beau voler aussi haut qu'un pré du Flevoland, Ann-Margret parvient à saisir la réalité de l'envie de grandir des jeunes filles, tout en faisant rire avec une décontraction étonnante.


Lucille Ball dans Critic's Choice, pour le rôle d'Angela Ballantine, l'épouse au foyer d'un critique de théâtre connu pour sa plume acérée, qui entreprend d'écrire elle-même une pièce pour Broadway. Je ne suis pas friand du film, mais c'est là une jolie performance comique de Lucille Ball, dont le couple qu'elle forme avec Bob Hope fonctionne très bien à l'écran, ce qu'illustre une série de gestes complices. Son entrée en scène révèle une grande dame élégante, ayant la manie de remettre son col d'aplomb pour occuper ses mains, mais l'actrice n'est jamais en reste pour apporter la petite touche populaire qui a toujours fait son succès à l'écran. Elle joue ainsi avec les objets du quotidien, retirant par exemple un plat du four avec un gant de base-ball, et elle sait prendre des poses amusantes dans la veine du Lucy Show. En fait, son visage est naturellement comique, ce qui lui permet d'être drôle rien qu'en souriant, tandis que son air du Penseur de Rodin, alors qu'elle cherche l'inspiration devant sa machine à écrire, fait mouche. Mais l'intérêt de cette interprétation, c'est qu'il n'y a rien d'ostensible dans tout ça: elle joue finalement avec retenue, sans chercher à forcément faire rire avec mille et un tics, ce qui reste tout à fait rafraîchissant, comme lorsqu'elle est absorbée par ce qu'elle écrit sans faire attention aux incidents quotidiens qui ont lieu autour d'elle, ou lorsqu'elle se déplace plus ou moins discrètement afin d'espionner son partenaire en pleine lecture de sa pièce. Surtout, une véritable sincérité affleure au-delà de ces trouvailles gentillettes: elle se sent vraiment humiliée quand sa mère doute de ses capacités à écrire, et elle est réellement déçue quand son mari lui donne une critique négative. Son répondant est alors bienvenu, car cette femme qui s'était jusqu'à présent complu dans l'ombre de son époux fait preuve d'une réelle personnalité, sachant lui reprocher de ne pas être objectif. Il est toutefois dommage que Lucille Ball n'arrive pas à susciter l'intérêt jusqu'au bout, en tout cas pour moi: je me suis désintéressé de l'histoire assez rapidement, la faute à des situations répétitives ralenties par un rythme traînant.


Polly Bergen dans La Cage aux femmes (The Caretakers), pour le rôle de Lorna Melford, patiente d'un asile psychiatrique après avoir été torturée par Doris Day dans Pousse-toi, chérie! Si vous espériez voir La Fosse aux serpents quinze après, c'est raté: c'est malheureusement l'une des plus mauvaises performances de l'année où l'actrice se révèle indigeste dès le départ, avec ses yeux si écarquillés, et son visage tellement crispé, tant elle veut bien faire comprendre aux spectateurs les plus inattentifs qu'elle joue une folle à lier. Sa manière de hurler devant l'écran de cinéma, comme un bébé qui n'aurait pas eu son dessert, est la chose la plus ridicule du cosmos, et ses façons de se débattre comme un animal en cage, de se replier dans un coin, ou de se mordre le bras, finissent par devenir insupportables, car tout en elle bouge en permanence! Même quand elle est supposée être plus calme, elle ne peut s'empêcher de se tordre les mains, les cheveux ou la bouche, parfois tout dans la même seconde, tant et si bien que lorsqu'elle s'agace d'être bien trop normale par rapport aux autres folles, et qu'elle n'a pas à rester ici, c'est un peu l'hôpital de Bethlem qui se moque de la charité! Par ailleurs, sa diction dans la colère est trop forcée; ses tremblements de poing et de visage, tel le Vésuve en éruption, alors qu'elle semble prête à frapper une autre internée, sont carrément hilarants; et sa manière de regarder au ciel en plissant les yeux est épuisante. Moins drôle, le balancement des yeux, comme une pendule, avant une cure aux électrochocs, accompagne le suspense de la séquence la plus dure du film, mais dans toutes les autres scènes, ses gestes très brusques, jamais naturels, sont clairement ceux d'une actrice qui joue sans parvenir à rentrer absolument dans son rôle. Surtout, Polly Bergen est complètement éclipsée par les autres dames, dont Ellen Corby, Janis Paige et Barbara Barrie, toutes autrement poignantes avec pourtant bien moins de temps d'écran. Malgré tout, on ne pourra s'empêcher de rire sous cape en réalisant que l'actrice est finalement à l'unisson d'un film ultra camp, dans lequel l'inimitable Joan Crawford, chantre des méthodes les plus sadiques (!), entraîne les infirmières comme l'armée des clones de Star Wars pour résister aux attaques de leurs patientes (!!), avant de demander au psychiatre... le respect (!!!) qui lui est dû! Ce n'est manifestement pas son premier tour de rodéo.


Claire Bloom dans La Maison du diable (The Haunting), pour le rôle de Theodora, une médium saphique invitée à étudier les événements paranormaux d'un manoir hanté. La principale ligne de conduite de Claire Bloom dans ce film d'horreur psychologique, c'est de s'opposer à l'interprétation plus démonstrative de Julie Harris: la comédienne fera donc toujours montre d'une grande assurance et d'une décontraction naturelle, comme en témoigne son apparition très charismatique, contrepoint parfait à la nervosité de sa partenaire. Il lui faut aussi projeter un air de mystère qui intrigue et fait constamment douter cette dernière, ce dont elle s'acquitte à la perfection: comment sait-elle tout ça? Elle est médium bien sûr, mais cela n'est pas fait pour rassurer la pauvre Eleanor. Néanmoins, bien qu'elle cherche constamment à donner le sentiment qu'elle domine la situation, Claire Bloom n'a pas son pareil pour dévoiler les interrogations véritables de Theo, rendant celle-ci tout à fait humaine: elle joue par exemple avec subtilité le soulagement qu'elle éprouve en réalisant que la voix qu'elle vient d'entendre est celle du docteur, et non celle d'un fantôme. Surtout, sa peur est entièrement sincère lors de la grande scène des coups frappés à la porte, en pleine nuit: les cheveux défaits, son assurance se fissure au point la rendre terriblement angoissée, et de la conduire à parler fort, chose inhabituelle chez un personnage qui se prétend insensible. C'est là une opposition très marquée par rapport à ce qu'elle a présenté jusqu'à présent, alors que dans la même séquence, Julie Harris ne surprend pas, car elle régit déjà de la même manière aux situations les plus banales. Mais Theo n'est pas Eleanor: elle sait se ressaisir au plus vite, tant et si bien que rien ne transparaît de la nuit qu'elle vient de passer. Claire Bloom revient alors au fil conducteur de sa performance, n'ayant pas peur d'enchaîner les répliques cinglantes sous une apparence froide, pour faire sortir Eleanor de ses gonds, et n'ayant pas honte de faire des sous-entendus: "My new companion", tout en dévorant l'intéressée du regard sans rien entreprendre d'agressif. Son désir est peut-être plus intellectuel que physique, mais elle n'est pas aussi détachée de ses passions qu'elle le voudrait: lors d'une dispute entre les deux femmes, elle se vexe et se ferme, les bras croisés sur son buste, car touchée en plein cœur. Elle semble toutefois tenir sincèrement à sa partenaire: son regard restera toujours absent après le départ de celle-ci, comme si ce qu'il l'avait fait vibrer lors de ce séjour particulier lui manquait.


Capucine pour Le Lion (The Lion), pour le rôle de Christine Bullit, une femme qui renoue avec le père de sa fille afin d'aider celle-ci à se détacher de sa fascination pour l'Afrique. Il est toujours difficile d'évaluer une performance dans un film qui n'est qu'un prétexte à safari, mais le personnage de Christine est assez intéressant sur le papier pour piquer l'intérêt: elle a refait sa vie avec un autre homme, mais reste irrésistiblement attirée pour son ex, à présent que le charme de l'exotisme est rompu. Hélas, l'interprétation de Capucine est trop explicative d'entrée de jeu: on la découvre à un moment de sa vie où l'envoûtement de l'Afrique n'a plus d'effet sur elle, de telle sorte qu'elle ne semble pas s'intéresser à son environnement, pas plus qu'à son époux actuel, Trevor Howard. Tout est dit depuis le début, et l'on devine trop aisément son choix final, ce qui nous prive d'admirer comment le personnage va évoluer alors que l'histoire n'est pas exactement centrée sur elle. En tout cas, sa manière de regarder silencieusement William Holden par moments est très explicite, et il ne lui faut pas longtemps pour lui témoigner de son affection qui ne s'est jamais vraiment éteinte. On sera peut-être davantage sensible à l'extrême élégance de la dame, et à sa courtoisie innée, de quoi donner à l'ensemble une touche de classe particulièrement plaisante, d'autant que l'actrice sait faire passer un peu d'aigreur dans ses rapports à son ex, afin d'ajouter une dimension supplémentaire à la personnalité autrement trop lisse de Christine. Son sentiment le plus authentique est la fierté qu'elle éprouve devant sa fille, les gros plans montrant par ailleurs très bien son inquiétude lorsque celle-ci joue avec le lion. Il est d'ailleurs intéressant d'observer sa dureté inattendue lorsqu'elle explique à son ex, avec fort peu de satisfaction, que le meilleur ami de leur fille est un félin. Malgré tout, Capucine n'en reste pas moins une actrice peu expressive: sa performance reste sur la même note tout du long, et dès qu'elle témoigne d'un peu de rancœur, elle redevient immédiatement digne, comme si elle craignait d'explorer davantage ses compétences. La confession des sentiments aux deux hommes de sa vie est quant à elle jouée de manière correcte mais sans génie particulier: même si le choix est clair pour la mère dès le début, Pamela Franklin joue le même conflit avec beaucoup plus de vigueur qu'elle.


Claudia Cardinale pour Le Mauvais Chemin (La viaccia), pour le rôle de Bianca, une prostituée florentine du XIXe siècle prisonnière de sa condition. Comme pour Shirley MacLaine, la part de composition physique pour se mettre dans la peau du personnage est à saluer, mais le film étant cette fois-ci très sérieux, les trouvailles de l'actrice ne prêtent jamais à rire. Dotée d'une voix rauque traduisant l'épuisement réel d'une femme tenue de soulager au moins trois clients par jour, Bianca se démarque par une attitude passablement vulgaire, forcément, et surtout par un désabusement qui sera sa ligne de conduite tout du long. Alors qu'elle s'écoute parler, sans accorder de crédit à ce que pourrait lui répondre un Jean-Paul Belmondo sorti tout droit de sa campagne, elle projette une vraie dureté qu'on pourrait qualifier d'insensible, comme si elle cherchait à se protéger derrière une carapace afin de rester en vie dans un métier répugnant. Tout cela est fort bien interprété, mais à la longue, on a trop souvent l'impression que l'actrice reste sur la même note: Bianca s'est tellement endurcie qu'elle ne semble plus capable de désirer sincèrement quelque chose, tant et si bien que, lorsque le récit apporte des nuances au personnage, et qu'elle embrasse son partenaire en le félicitant de l'avoir prise de force, son enthousiasme reste froid et calculé. Idem lorsqu'elle entreprend le récit de son passé, toujours de la même voix désenchantée. En vérité, c'est une performance remarquablement construite puisque l'actrice entend rester fidèle au personnage, sans ornements, alors si Bianca se refuse au sentiment, Claudia n'a pas d'autre choix que de faire de même. Elle restera ainsi dans la provocation jusqu'à la fin, mais n'évoluera pas: le portrait est cohérent mais le rôle n'en reste pas moins limité. Par bonheur, le second acte lui permet d'apporter d'infimes variations qui dévoilent enfin quelques fêlures sous la cuirasse qu'elle ne veut pas quitter. Vient tout d'abord une scène de confessions où malgré l'aigreur, on la sent prête à craquer alors elle s'avoue prisonnière de ces murs, et se définit comme une bête sans avenir. La scène où elle est ignoblement battue par le personnage principal la voit quant à elle faire preuve de l'inénarrable dureté qu'on lui connaît, afin de montrer qu'elle n'est pas quelqu'un que l'on peut briser facilement, mais avec un désarroi profond qui réussit à percer sous l'écorce. Enfin, les larmes qu'elle s'autorise dans sa dernière scène, en avouant brièvement sa sincérité, sont très convaincantes et font un bien fou.


Doris Day dans Le Piment de la vie (The Thrill of It All), pour le rôle de Beverly Boyer, une femme au foyer qui devient célèbre en vendant du shampoing. C'est un synopsis du meilleur goût, n'est-ce pas? Ahem. Doris Day est certainement une bonne actrice, mais on ne peut pas faire plus sexiste que cette comédie, dont la morale vous dit que les femmes qui osent gagner de l'argent par leur propre travail sont dangereuses pour la famille, et qu'il convient de les humilier afin de les faire rentrer dans le rang. En tout cas, il ne faut pas compter sur Doris Day pour bousculer les conventions: elle reste dans son élément, incarnation inébranlable de la sacro-sainte maman d'une famille nucléaire, qui torche ses insupportables rejetons pendant que monsieur s'épanouit dans une profession médicale fort lucrative. D'autant que la tentative d'émancipation de l'épouse passe par le culte de la télévision et de la société de consommation, que l'histoire prend bien soin de ne pas trop égratigner dans une semi-critique vulgaire, montrant de riches bourgeois attendre la page publicitaire comme le Messie pour reluquer une femme nue dans son bain moussant. Heureusement, bien que noyée par des bulles de savon qui piquent les yeux rien qu'à y penser, la comédienne est toujours juste et parvient même, miracle!, à n'être jamais ridicule. Elle sait notamment faire preuve de fermeté face à des enfants qui lui en font voir de toutes les couleurs, sans jamais qu'on doute de ses sentiments maternels à leur égard, tandis que son don pour la comédie pimente judicieusement les scènes les plus importantes. Ainsi, la voir répéter son texte, passant de la blonde idiote à la matrone autoritaire avant de trouver le ton juste, lui permet de montrer l'étendue de ses compétences; et sa colère ébouriffée, agrémentée d'un cri aigu bien sonore, s'arrange pour donner un peu d'épaisseur à son couple. Sachant également faire preuve de nuances, ses pleurs sont d'ailleurs tout à fait crédibles lors de la réconciliation, bien que la scène soit totalement humiliante pour un personnage qui restera élégant quelles que soient les avanies que lui fait subir son mari.


Doris Day dans Pousse-toi, chérie (Mover Over, Darling), pour le rôle d'Ellen Wagstaff Arden, une femme déclarée morte après un accident d'avion, et qui réapparaît le jour du remariage de son époux. Cela vous rappelle vaguement quelque chose? C'est normal! Il s'agit du remake de My Favorite Wife (1940) avec Irene Dunne dans le même rôle, le film étant d'ailleurs cité dans l'histoire alors que l'héroïne essaie maladroitement de révéler la vérité à la femme qui vient de prendre sa place. On sait aussi que Marilyn Monroe aurait dû tenir le rôle sous la direction de Cukor dans l'inachevé Something's Got to Give, mais Doris Day s'approprie intelligemment le récit, projetant quelque chose de très familial qui rappelle davantage Dunne que Monroe. Très excitée à l'idée de retrouver ses filles, c'est avec une émotion discrète, et donc d'autant plus forte, qu'elle renoue contact avec celles-ci, ce qui met d'emblée dans de bonnes dispositions pour apprécier le reste de son interprétation. Elle se laisse néanmoins voler la vedette par une Thelma Ritter en grande forme dans le premier acte, surjouant le choc de l'annonce du remariage en s'appuyant contre un fauteuil, dos à la caméra; se montrant encore presque trop sirupeuse lors des retrouvailles avec son mari; et accentuant délibérément la colère et la déception alors que perce le brin d'hystérie dont a si bien parlé Francesco, chose surprenante quand on pense à l'image exquisement sereine projetée par Doris Day à l'écran. Mais elle domine à n'en point douter la seconde partie du film, lorsqu'elle revient affublée d'un accent suédois sous les traits d'une infirmière. Son faux massage qui vire au catfight n'est certainement pas d'une finesse exemplaire, mais elle est très honnêtement hilarante quand elle frappe sa rivale dès que celle-ci la contredit, avec une manière sérieusement menaçante, et cependant si drôle, de se mettre à genoux sur elle comme pour la découper en rondelles. Pas étonnant que Polly Bergen ait fini à l'asile après ça! C'est là le point d'orgue d'un film autrement vulgaire, desservi par une musique de sitcom du plus mauvais effet, et par une scène "paradisiaque" d'un grotesque insondable.


Pamela Franklin pour Le Lion (The Lion), pour le rôle de Tina Hayward, une jeune fille élevée au cœur de la savane, que ses parents tentent de faire revenir à "la civilisation". La principale caractéristique de cette interprétation, c'est le dynamisme physique de Pamela Franklin, une jeune comédienne d'onze ans qui saute et qui court sans relâche dans les paysages africains. À vrai dire, cette énergie est le reflet de la grande présence de cette jeune fille devant la caméra: à la manière dont elle se tient, il lui suffit de manger une pomme pour avoir l'air charismatique, et force est de constater qu'elle ne se laisse jamais voler la vedette par les adultes. Elle est évidemment plus agile qu'eux, mais surtout capable d'une franchise désarmante dont seuls les enfants ont le secret, notamment lorsqu'elle avoue sans gêne aucune à son propre père qu'elle ne le considère que comme l'ex de sa mère, et appelle Trevor Howard "Daddy" devant lui. Il faut dire qu'à la différence de sa mère, Tina est encore en plein envoûtement, de telle sorte qu'elle est tout à fait dans son élément dans la savane: son enthousiasme juvénile est donc beaucoup plus cinématographique que la retenue un peu éteinte de Capucine. Surtout, il nous faut louer le courage de Pamela Franklin pour la complicité véritable qu'elle noue avec le lion, parvenant à se rouler par terre avec lui sans jamais faire douter qu'elle se sent parfaitement en sécurité. Cela ne me rend pas plus sensible pour autant aux personnages enfantins, mais il faut reconnaître le talent d'une actrice en herbe capable de donner une vraie densité aux scènes les plus tragiques: jouant d'abord un état de choc qui l'empêche de parler, elle surprend en laissant éclater sa rage quelques secondes plus tard. Assurément, on sent toute la différence avec l'autre performance juvénile dont je parlerai un peu plus bas, puisque bien qu'ayant le même âge, Pamela Franklin sait, contrairement à Patricia Gozzi, comment dompter une caméra. Savoir qu'elle a également plus de puissance que Capucine dans la confusion qui les oppose aux deux hommes joue également en sa faveur.


Ava Gardner pour Les 55 Jours de Pékin (55 Days at Peking), pour le rôle de Natacha Ivanoff, une baronne russe égarée dans la guerre des Boxers, dans les derniers feux de la Chine impériale. Je ne me souviens plus de son temps d'écran, mais je suppose qu'on pourrait la considérer comme passablement secondaire dans ce film-fleuve, que je n'aurais pas le temps de revoir cet été mais dont je garde un bon souvenir, malgré des choses hideusement problématiques comme l'inévitable grimage de Flora Robson en Chinoise. Toujours est-il qu'Ava Gardner est trop ostensiblement star pour être reléguée comme second rôle. D'ailleurs, son entrée en scène est celle d'une star de cinéma: très élégante dans ses costumes 1900, elle se promène dans l'hôtel avec une sérénité qui fascine une caméra toujours amoureuse d'elle, et c'est encore avec un calme renversant qu'elle cache sa déception par un sourire désabusé, alors qu'on lui annonce que son visa a expiré et qu'elle est persona non grata en Chine. Voyez-vous où je veux en venir? Loin de jouer la prise de risques, Ava est une fois de plus dans son élément en interprétant une énième variation de la dévoyée au grand cœur. Ce qui n'est pas pour me déplaire, car c'est un registre qui lui sied à ravir, bien qu'elle soit loin d'être aussi inspirée que par le passé. Déjà, il n'y a aucune trace d'accent, mais on peut difficilement lui en faire le reproche puisque la mode n'était pas, alors, au réalisme linguistique; le vrai défaut de cette performance étant qu'elle est bien trop éthérée tout du long. Elle traverse en effet le film comme si rien ne pouvait l'atteindre, quelles que soient les circonstances: elle a toujours l'air de prétendre qu'elle n'est pas blessée par le rejet de ses pairs au bal; elle est parfaitement calme mais sans émotion palpable alors qu'elle soigne un soldat après s'être engagée comme infirmière; elle est encore d'une retenue trop limitée lorsqu'elle relate l'histoire de la mort de son époux; et les regards de défi qu'elle jette à son beau-frère, qui lui en veut, sont estompés par une voix éteinte qui ne se sent déjà plus concernée par la question. Même lorsqu'elle tire sa révérence, c'est avec un calme tout à fait adapté à la scène, mais qui finit par agacer à force d'être trop olympien! On préférera finalement la voir décontractée mais vivante lors des scènes de séduction avec Charlton Heston, ce qui ne suffit pourtant pas à donner de l'épaisseur au rôle.


Judy Garland dans L'Ombre du passé (I Could Go On Singing), pour le rôle de Jenny Bowman, une chanteuse à succès qui tente de recréer un lien avec son fils, qu'elle avait abandonné jadis. C'est la dernière fois que le public put voir Judy Garland sur grand écran, et force est de reconnaître qu'elle fait honneur au rôle, bien que le film manque singulièrement d'éclat. Dès l'ouverture, elle donne une vraie gravité dans ses rapports à Dirk Bogarde, jouant notamment très bien l'incompréhension quand il refuse de la laisser voir son fils, et qu'elle enrage avec justesse en s'écriant qu'elle n'est pas contagieuse. Les yeux très expressif, la mâchoire légèrement tremblante, elle est prête à craquer bien qu'elle tente de garder sa dignité et préfère sortir pour éviter un esclandre. À l'inverse, elle est lumineuse quand elle revoie son fils pour la première fois, avec un sourire éloquent qui fait du bien après la longue première scène, sans compter que les touches d'humour prévues par le scénario lui permettent de faire vibrer les autres cordes de son arc, qu'elle réalise qu'elle a de la boue jusqu'aux genoux, ou qu'elle sursaute au son d'une cloche. Évidemment, le clou du spectacle restent avant tout les numéros musicaux, où elle se révèle particulièrement à l'aise malgré des costumes hideux, et à travers lesquels elle transmet de belles émotions. Dommage que je n'aime décidément pas sa voix, pourtant puissante, ce qui me prive d'une bonne part du plaisir que les fans doivent ressentir à l'écouter, quoique ça reste un instrument dont elle joue en virtuose afin de rendre son personnage tragique et attachant. Jouant sur la retenue, elle est notoirement poignante lorsque son partenaire menace de reprendre leur fils, se montrant encore joliment émue lors du dialogue final. Le dernier chant, qui devait conclure le film et la carrière de la dame en apothéose, est en revanche assez surjoué, avec les mains sur les joues comme s'il s'agissait d'une torture, ce qui déçoit quelque peu sans éroder pour autant la réussite de cette interprétation.


Patricia Gozzi dans Les Dimanches de Ville d'Avray, pour le rôle de Françoise, dite Cybèle, une jeune fille souffrant de l'indifférence de son père et se prenant d'une vive affection pour un pilote amnésique. Comme tous les films de la Nouvelle Vague, le chef-d’œuvre de Serge Bourguignon me laisse de marbre, malgré de très beaux jeux de reflets dans l'eau, la faute à une histoire qui se répète à l'infini en un tempo largo. Patricia Gozzi n'avait qu'une douzaine d'années au moment du tournage, et l'on sent qu'elle fut constamment dirigée par son metteur en scène: ce n'est pas de sa faute, mais tout en elle transpire l'élève appliquée qui veut bien faire, ce qui nous prive par-là même d'un naturel qui fit cruellement défaut aux films de ce courant-là. Les pleurs affectés de l'enfant abandonnée sont ostensiblement récités, bien que la jeune fille tente de faire de son mieux; et à l'opposé du spectre, son enthousiasme juvénile, lorsqu'elle entend devenir une grande doctoresse pour soigner son père de substitution, a également du mal à sonner juste. L'une des promenades nous fait d'ailleurs entendre une diction franchement crispante, alors que la jeune héroïne s'offusque qu'un peintre a l'audace de représenter son arbre favori sur son tableau. Il ne faut cependant pas la juger sévèrement: c'est clairement une enfant qui n'avait rien demandé et qu'on a dirigé au mieux, mais elle n'est pas en mesure de me faire trouver touchant un film élégant et perturbant à la fois.


Nadia Gray pour The Maniac, pour le rôle d'Eve Beynat, tenancière d'un café qui entame une liaison avec son locataire, alors que son époux est enfermé dans un hôpital psychiatrique suite à un meurtre sordide. Tout d'abord, rendons hommage à la dureté virile de Nadia Gray, qui arbore mieux que quiconque l'air de la méchante marâtre de contes de fées: le regard imperturbable mais sinistre qu'elle jette constamment à sa bru, lorsqu'elle la voit danser ou s'entretenir avec leur locataire, est impayable! D'autant que la voir se promener en tenue de cowboy dans un bistro provençal, et sembler très à l'aise dans son élément, en nettoyant des verres, donne au personnage une allure mémorable. Avec cela, le suspense tombe un peu à plat pour le reste de son parcours, car tout est révélé trop vite, mais on appréciera la nuance dont elle fait preuve en essayant de rallier son compagnon à sa cause, en révélant son histoire avec une forme de détachement, tout en semant des graines de séduction avec une fausse fragilité perceptible seulement quelques fractions de seconde. En tout cas, elle n'a pas froid aux yeux: à l'image des grandes femmes fatales du Facteur ou d'Assurance sur la mort, on n'a aucun mal à croire qu'elle réussisse à prendre un homme dans ses filets, d'autant que si elle est brûlante lors du baiser sur la plage, des éclairs d'humanité la rendent d'autant plus troublante lors de l'étreinte qui suit. Le reste de l'histoire appartient au film d'épouvante, avec des rebondissements inattendus qu'il sera permis de ne pas toujours trouver convaincants, mais cela n'enlève rien au portrait macabre proposé par Nadia Gray. Disons qu'au regard des horreurs que connaît sa bru, le ton est beaucoup trop sinistre pour la trouver cool, mais compte tenu de ce qu'on lui demande, son interprétation n'en reste pas moins réussie.


Julie Harris dans La Maison du diable (The Haunting), pour le rôle d'Eleanor Lance, une femme perturbée étrangement attirée par le manoir hanté qui la terrifie tant. Nous venons d'entrevoir Eleanor à travers le regard observateur de Theo, mais il convient désormais de faire plus ample connaissance avec elle. D'entrée de jeu, Julie Harris se montre fébrile alors qu'elle se débat contre une famille qui l'infantilise, au sein de laquelle elle se sent prise au piège. Mais elle n'est pas une petite chose qu'on peut broyer facilement: sa colère est notoirement brutale quand elle veut mettre tout le monde dehors. Julie Harris étant l'immense actrice que l'on sait, on ne sera pas surpris de la voir ajouter quelques nuances très fines à sa performance, à l'image du sourire de contentement qu'elle arbore lorsque s'ouvre un nouvel horizon, bien qu'elle soit en proie à l'inquiétude au même moment. La détermination l'emporte tout de même, mais elle arrive à faire passer un air de doute sur son visage alors qu'elle tente de se rassurer elle-même via la narration: "I'm a new person".
          En découvrant le manoir, les contradictions qu'elle parvient à transcrire en quelques clignements d'yeux sont quant à elles extraordinaires: la culpabilité d'avoir désobéi à sa famille se mêle ainsi à la satisfaction de l'avoir fait, avec une attirance très marquée pour la demeure. Devant les autres invités, son attitude est évidemment fermée: les mains en croix, elle se touche souvent le visage, le regard attiré mais à la fois effrayé par les lieux, et par les autres occupants. À ce titre, son rapport au château la montre toujours prompte à s'inquiéter au moindre bruit, et ses relations à ses prochains sont parfaitement contrastées en fonction de la personne: puérile devant le docteur, minaudant comme une collégienne devant le représentant d'une gent qu'elle n'a jamais connue intimement; elle cherche en revanche l'approbation de Theo dès leur première rencontre, comme si elle se plaçait elle-même en position d'infériorité devant une figure autoritaire, qui lui rappelle peut-être sa mère.
          Cela dit, Eleanor ne se départit jamais de sa dureté puisqu'elle sait remettre les autres à leur place quand elle se sent attaquée. C'est finalement logique: ne s'aimant pas elle-même, elle ne sait pas se rendre aimable. Autre trait de caractère d'une force surprenante, elle a beau pleurer en entendant les coups frappés à la porte, son silence donne paradoxalement l'impression qu'elle est davantage maîtresse d'elle-même par rapport à Theo: debout devant le lit, c'est elle domine pour une fois, et c'est encore elle qui a l'audace de frapper la porte, alors que Theo se cache. Julie Harris parvient d'ailleurs à dominer les scènes de dispute par sa fermeté étonnante, malgré le charisme tranquille de Claire Bloom.
          On notera encore que le rapport à sa mère évolue en fonction du confident: alors qu'elle parvient à en rire devant Theo, pour une fois détendue, un verre d'alcool à la main; elle se sent pourtant hautement coupable lorsqu'elle se confie au docteur sur le même sujet. Et en parlant de celui-ci, elle se révèle inquiète et discrètement dévastée, car interloquée, lorsqu'on lui présente son épouse. De plus en plus désespérée, elle tente alors de se convaincre par la narration qu'elle mérite d'être heureuse, mais comme toujours, tout est nuancé: alors qu'elle se sent aspirée par la maison, avec des mouvements quasi chorégraphiques, sa terreur et son désarroi sont illuminés par un sourire enfantin, voire serein, dans l'escalier à vis. C'est cette attirance irrésistible qui la poussera à supplier les autres de rester.


Susan Hayward pour Les Heures brèves (Stolen Hours), pour le rôle de Laura Pember, une héritière insouciante découvrant qu'elle est atteinte d'une grave maladie. Les Heures brèves sont en fait la Victoire sur la nuit du pauvre: les couleurs délavées font perdre tout éclat à l'intrigue, et la transposition contemporaine est loin de redorer le blason du film. En outre, l'histoire est emprisonnée dans des intérieurs mal décorés, et tout va trop vite d'entrée de jeu: par exemple, le médecin ausculte l'héroïne dès la réception qui ouvre le film, privant par-là même le personnage de sa résistance à demander un conseil médical. Malgré tout, Susan Hayward est parfaite, comme on pouvait s'y attendre de sa part, dans un rôle malheureusement prémonitoire pour elle. Physiquement, elle réussit tout ce que son interprétation demandait, plissant les yeux pour marquer les effets de la maladie alors qu'elle est au volant, mais c'est surtout ce qu'elle suggère dans sa personnalité qui fait le sel de sa performance: elle fait notamment preuve d'une arrogance toute bourgeoise quand elle dit ne pas être habituée à être contredite, mais encore d'un agacement palpable quand elle refuse que le médecin l'aide à allumer sa cigarette. Par la suite, elle cherche à jouer subtilement les rebondissements les plus dramatiques. Ainsi, la première annonce d'un problème à traiter la verra sortir dans son jardin pour regarder le clair de lune les yeux humides; tandis que la découverte du prognostique verra son regard se figer d'incompréhension, sans que rien ne transparaisse dans sa gestuelle puisqu'elle fait comme si de rien n'était en rangeant son dossier à sa place. Contrairement à Bette Davis, elle n'est pas directement explosive: elle cherche à cacher son désarroi au médecin dans un premier temps, bien qu'offrant au spectateur un regard perdu dans le vide dès qu'il tourne le dos, avant que sa colère n'éclate enfin au marché, quitte à perdre en finesse: "Don't touch me!". Le temps de l'acceptation au bord de la mer revient quant à lui à une délicatesse finement ciselée, qui conduit à une scène d'adieux, toute de non dits, notoirement bien jouée. Et c'est là tout le problème: tout sonne très juste, mais Susan Hayward n'a pas l'éclat de Bette Davis dans la version précédente, ni le génie qui l'habitait dans ses grands rôles d'antan. Le résultat est une performance de routine dans un film bas de gamme qui n'a pas eu grande incidence sur sa carrière.




Tippi Hedren pour Les Oiseaux (The Birds), pour le rôle de Melanie Daniels, une femme capricieuse qui cherche à séduire un homme alors que la station balnéaire où elle l'a suivi est attaquée par des nuées d'oiseaux. Tippi Hedren me fascine depuis l'enfance pour son allure: son tailleur vert et son chignon impeccable sont assurément des icônes que je vénérai avant même d'avoir vu le film, interdit pour moi avant la majorité, en raison de sa violence. Mais est-elle bonne actrice? On sait qu'elle a débuté comme mannequin et qu'elle n'avait pas d'expérience, mais il reste malgré tout difficile de répondre à cette question, car son rôle dans ce film d'horreur est trop particulier. En effet, les personnages, quoique bien interprétés, n'ont pas vraiment d'existence propre, le film se concentrant bien davantage sur les attaques d'oiseaux, en faisant tout pour conserver la part de mystère des protagonistes. En vérité, on demande essentiellement à l'actrice de livrer une performance physique: elle court, se débat contre des volatiles et sauve par la même occasion des enfants, se découvrant une générosité que l'héroïne n'avait manifestement pas au départ. Au crédit de la comédienne, la plupart des scènes sont tout à fait convaincantes, de son dégoût réel de voir les enfants se faire picorer à la fête d'anniversaire, à sa nervosité palpable sous son calme apparent, alors qu'elle fume en attendant la sortie scolaire, qui soutient admirablement le suspense avant l'attaque de l'école.
          Mais dans certains cas, une gestuelle mécanique, vraisemblablement souhaitée par le metteur en scène, ôte tout naturel au personnage, à l'image de sa façon de hocher la tête, alors qu'elle revient en barque après une farce réussie, ou de la série de poses terrifiées lors de l'explosion en ville. De même, si sa manière de s'effondrer sur le volant après avoir arraché les élèves aux becs destructeurs traduit un épuisement sincère, sa diction apeurée, adossée à la barrière, après une découverte terrible, reste superficielle.
          Le clef de l'énigme, qui explique l'artificialité de l'interprétation, c'est que tout cela est au service d'un projet misogyne: Hitchcock s'est manifestement amusé à humilier l'actrice à travers l'héroïne, de telle sorte que la performance physique qu'il lui demande est celle d'un pantin dont il veut continuer à tirer les ficelles, d'où ces gestes non naturels et ces décisions sans cohérence. J'entends par là que Melanie n'a aucune raison de sortir pour se retrouver projetée dans une cabine téléphonique, ou d'entrer dans le grenier en sachant ce qu'il y a derrière, si ce n'est que le réalisateur a souhaité s'acharner sur elle dans un maximum de scènes. À ce titre, l'attaque finale est immonde, car Hitchcock s'ingénie à faire durer le supplice, tout content de voir la pimbêche de départ se retrouver en sang, les vêtements déchirés, et l'on sait pourtant à quel point le tournage fut dangereux avec l'usage d'oiseaux réels. Le film n'en reste pas moins une grande réussite technique, mais j'ai de plus en plus de mal à digérer la férocité des auteurs face à leurs personnages, a fortiori quand cela se double d'une obstination malsaine envers une actrice. Dans ces conditions difficiles, Tippi Hedren s'en est tout de même tirée avec tous les honneurs: son état de prostration et ses "non" de terreur, la voix parfaitement timbrée, sont criants de vérité et permettent de conclure son travail sur une bonne note.


Audrey Hepburn dans Charade, pour le rôle de Regina Lampert, une jeune veuve partant à la chasse au trésor en compagnie d'un homme aux multiples facettes. En voilà une surprise, voir la délicate Audrey Hepburn jouer un personnage plutôt cynique, qui n'a pas peur de papoter sans discrétion à des funérailles! En tout cas, son apparition, dissimulée son des lunettes de soleil inquiétantes, est tout à fait délectable: son alchimie avec Cary Grant fait des merveilles d'entrée de jeu, et la star semble d'ailleurs très à l'aise avec les sous-entendus, histoire de sortir un peu de l'image trop lisse qui avait fait son succès jadis. Ce qui ne veut pas dire qu'elle maîtrise toutes les situations: son incompréhension lors du premier interrogatoire est hilarante, de quoi nous attacher à une héroïne finalement humaine qui va devoir résoudre l'énigme par ses propres moyens. Mais vraiment, son air détaché se marie idéalement au ton de cette comédie noire, notamment lorsqu'elle avoue faire une dépression nerveuse comme pour dire un bon mot, alors qu'on vient de la torturer dans une cabine téléphonique. D'ailleurs, elle donne d'autres dimensions au personnage, pleurant avec une retenue qui fait mouche, et qui révèle les bouleversements sincères qui heurtent son esprit. De son côté, la romance avec son mystérieux partenaire est intensément cinématographique: c'est normal compte tenu des deux charismes qui entrent en collision, mais il ne faut pas nier pour autant la séduction mâtinée de tendresse qui émane d'elle. Et puis décidément, ce détachement qui revient toujours donne une coloration pittoresque à leurs rapports, comme lorsqu'elle ne semble pas s'inquiéter outre mesure que l'homme qui la suit partout en soit à sa troisième identité, comme si plus rien ne pouvait l'étonner. À la fin, le rôle n'est pas forcément le plus exigeant de sa carrière, mais Audrey lui fait honneur avec un charme et une décontraction jubilatoires, qui participent amplement de la réussite du film.


Wendy Hiller dans Le Tumulte (Toys in the Attic), pour le rôle d'Anna Berniers, une vieille fille courageuse témoin des passions malsaines qui frappent son entourage. Plus fort que le diable, voici le vice: dans ce temple de la frustration, Anna est en quelque sorte la Theo chargée de canaliser les réactions démesurée de Carrie, une femme perturbée comme pouvait l'être Eleanor dans le manoir hanté, avec toutefois un côté dangereux pour autrui qui complique la tâche de sa sœur. Cela se ressent dans le jeu des actrices, puisque à l'instar de Claire Bloom, Wendy Hiller doit faire preuve de retenue face au jeu plus délibérément expressif de Geraldine Page, qui pour sa part est très loin du brillant atteint par Julie Harris. Nous en reparlerons tout à l'heure, et concentrons-nous sans plus tarder sur Wendy la magnifique, qui bien que coincée dans un environnement terne sait à présent où elle va: elle est le pilier de la famille, et bien qu'elle ait une folle envie de partir découvrir l'Europe, elle s'oblige à rester afin de maintenir en bon état une cellule prête à éclater. Un peu rustre, car elle n'a jamais connu le bonheur, elle est toujours sérieuse et sèche devant sa sœur puérile, puisqu'il faut bien que l'une des deux garde la tête sur les épaules, mais elle est aussi lumineuse face à un frère qu'elle apprécie beaucoup, et qu'elle prend plaisir à retrouver. C'est d'ailleurs elle qui se charge de réserver un accueil chaleureux à l'épouse de celui-ci, l'actrice étant très douée pour se montrer immédiatement attachante. C'est néanmoins dans le combat à fleurets mouchetés avec Geraldine Page qu'elle donne le meilleur d'elle-même: après avoir supporté ses jérémiades toute une vie, elle explose enfin, tenue de mettre sa sœur face à ses responsabilités, la comédienne faisant alors le choix d'une colère contenue jamais loin de chauffer jusqu'à la nuée ardente, et par-là même bien plus puissante que si elle en avait trop révélé dès le départ. D'autant que cette colère là est joliment tempérée par le dégoût profond qu'elle ressent en donnant un nom aux choses que Carrie ne veut pas admettre. Choquée, profondément émue dans le second acte, alors que la voûte céleste qu'elle s'efforçait de soutenir a fini par s'effondrer, elle s'approprie la théâtralité de l'exercice pour la rendre authentique et terriblement humaine, ce qu'échoue à faire Geraldine Page de son côté. Certes, celle-ci a le rôle le plus intéressant sur le papier, mais je suis pour ma part entièrement ébloui par Wendy Hiller, la lumière du film, qui a très bien compris que la force d'un personnage réside dans la nuance et l'atténuation, telle une promenade face à la curée. Ces deux interprétations forment un tableau pittoresque, mais chacun a sa propre sensibilité: la mienne me conduit à préférer la couleur volontairement estompée aux teintes constamment ravivées qui cherchent à en mettre plein la vue.


Marie Laforêt pour La Fille aux yeux d'or, pour le rôle d'une mystérieuse anonyme qui intrigue un séducteur invétéré. Comme beaucoup d'homosexuels francophones, élevés par leur mère, battus par leur père et s'intéressant aux différentes cultures du monde, j'aime beaucoup Marie Laforêt comme chanteuse: son répertoire folklorique me fait voyager depuis l'enfance entre la Russie et l'Amérique du Sud, et ses interprétations qui n'ont pas peur d'être honteusement mélodramatiques me réjouissent au plus haut point. J'aurais même adoré la voir sur scène dans le rôle de la Callas, eussé-je eu quelques années de plus. Malheureusement, il m'est difficile de cautionner ce qu'elle fait dans ce film indigeste au possible, malgré une jolie photographie en noir et blanc soutenue par des airs de guitare mélancoliques. Déjà, le rôle n'est pas très gratifiant sur le papier: dans la nouvelle de Balzac, l'héroïne est un objet qu'on déplace d'un homme à une femme sans que l'on connaisse ses désirs propres, et Marie Laforêt ne fait rien pour clarifier la situation. Elle se laisse balader de droite à gauche, ne répond jamais quand son horrible partenaire l'humilie après avoir assouvi son désir, et se laisse complètement dévorer par la troublante Françoise Prévost, qui hérite pour sa part du rôle en or de la lesbienne charismatique. La part de mystère est certes essentielle mais au bout d'un moment, il aurait fallu savoir exprimer autre chose: quand on la découvre, l'héroïne ne sait pas ce qu'elle veut, et quand on la quitte, elle ne le sait pas non plus, comme si le personnage était inexistant et ne servait qu'à nourrir les fantasmes de son entourage. A-t-elle jamais aimé son amante? Est-elle réellement amoureuse du comte, comme ses brèves larmes essaieraient de nous le faire croire? Rien n'est moins sûr. Une scène de cri où elle peut enfin hurler son désarroi ajoute - enfin! - un peu de mouvement à la torpeur générale, mais on ne comprend guère plus le personnage après coup. Le gros problème de cette interprétation est que l'actrice parle d'une voix fluette à la limite d'être éteinte: on entend rarement ce qu'elle dit, et cela rend la demoiselle si fragile qu'elle en devient exaspérante. On se demande ce que les autres ont pu lui trouver, malgré sa beauté renversante.


Janet Leigh dans Bye Bye Birdie, pour le rôle de Rosie DeLeon, une secrétaire prête à tout pour épouser son petit ami, malgré l'interdiction formelle de la mère castratrice de celui-ci. Le gros problème de Janet Leigh dans ce film, c'est qu'elle fait tout son possible pour se raccrocher aux branches alors que tout lui échappe: le scénario et la mise en scène lui préfèrent clairement Ann-Margret, qui est en outre chargée de la partie musicale alors que la pauvre Janet est quelque peu à la traîne de ce côté-là. Et pour cause! Elle ne sait pas chanter, bien qu'elle sache suggérer de belles émotions sur le numéro "One Boy", et ses quelques pas de danse sur la piste ne sont pas spécialement renversants. Dès lors, pour compenser cette limite, elle décide d'en faire trop afin de rester mémorable, mais c'est hélas rapidement épuisant: son entrée en scène est hystérique, l'actrice se montrant toujours agitée, avec des soubresauts de la tête et des gros yeux permanents; choix certes volontaire mais qui ne fait pas franchement rire. Et il en va de même dans le reste du film: elle tente maladroitement d'exister face à un Dick Van Dyke qui ne la laisse pas parler, bougeant à n'en plus finir la bouche grande ouverte, ou éventant plus tard de la fumée avec force battements de la main. Par bonheur, l'intelligence de la comédienne parvient à transparaître sous ce cabotinage éhonté, les scènes les plus calmes étant les plus réussies, car elle suggère une vraie gravité derrière un sourire de façade, soulignant à quel point telle tient à son ami et enrage de ne le pouvoir épouser. Les trouvailles comiques les plus sereines sont de toute manière le point fort de sa prestation, notamment lorsqu'elle boude en voyant son partenaire danser avec son propre hologramme, ou quand plus rien ne semble l'étonner alors que celui-ci vient de la laisser choir dans l'herbe sans délicatesse aucune. Malheureusement, le film lui offre une conversation avec Ann-Margret dont le seul effet est de souligner le malaise ambiant, puisque toute grande actrice soit-elle, Janet Leigh échoue péniblement à lui voler la vedette malgré tous ses efforts. En effet, alors que la starlette reste tout à fait calme, Janet exagère une fois de plus ses regards, se promène en soutien-gorge et joue à l'Espagnole torride, mais le résultat est contraire à celui recherché, car on sent constamment l'actrice qui se débat dans un projet qui n'est pas vraiment le sien.


Janet Leigh pour Le Divan de l'infidélité (Wives and Lovers), pour le rôle de Bertie Austin, une femme au foyer pensant que son époux la trompe avec son éditrice. Cette fois-ci, Janet est la vraie star de son film, encore que Shelley Winters fasse tout son possible pour lui voler la vedette en voisine alcoolique, mais pas de chance, elle n'a pas réussi à éveiller mon intérêt. Il faut dire que le tout ressemble à une sitcom et que les nombreuses péripéties supposées faire rire ne sont pas spécialement drôles. Surtout, comment s'enthousiasmer pour une histoire où une femme qui fait vivre sa famille par son propre labeur abandonne tout du jour au lendemain, dès que son mari rencontre le succès, pour attendre toute la journée dans sa maison le retour d'icelui? L'actrice s'arrange cependant pour être toujours juste, mais le rôle est si peu gratifiant que le soufflé retombe malgré elle. À son crédit: la belle complicité qu'elle noue avec Van Johnson et leur fille, et sa capacité à faire vivre le décor, alors qu'elle se recoiffe dans la cuisine pour souligner l’exiguïté de l'espace. Mais en dehors de ça? Certes, le film prend le temps de nourrir la relation de couple, montrant la comédienne masser le front de son partenaire, ou bouder un peu, afin de semer les graines de la jalousie, avant que le couple ne roule par terre pour s'embrasser sur un tapis, mais tout cela me laisse de marbre. Parfois, un brin d'outrance apparaît ça et là, mais ne pimente ni n'altère la qualité de son travail, qu'elle ouvre un peu trop grand les yeux pour affirmer qu'elle aime ce qu'elle fait, ou qu'elle s'exalte en apprenant que son cher et tendre est enfin publié. Sa déception au téléphone est en revanche authentique, alors qu'elle découvre que son époux est retenu à une soirée, mais une telle émotion ne fait qu'annoncer le ton sinistre de la seconde partie. En effet, au lieu de prêter à sourire, les ressorts comiques tombent à plat, sans que Janet Leigh parvienne à être drôle par elle-même, jouant trop sérieusement les scènes où Shelley Winters sème le doute en elle, alors que sa liaison d'un soir n'a même pas l'air motivée par quelque élan. Dans ces conditions, difficile d'apprécier les retrouvailles supposément amusantes à leur juste valeur.


Corinne Marchand pour Cléo de 5 à 7, pour le rôle de Florence, dite Cléo, une chanteuse errant dans Paris dans l'attente angoissante de résultats médicaux. La revisite me confirme que le film est un chef-d’œuvre, et Jupiter sait si le courant en question n'est pas du tout ma tasse de thé!, même s'il faut encore déplorer le meurtre d'animaux filmé comme une chose anodine. Corinne Marchand est quant à elle affublée d'une voix très... sixties, avec un phrasé particulier qui n'est pas toujours convaincant, mais qui sied parfaitement à un personnage encore très enfantin dans ses réactions. Lorsqu'on lit dans les pensées de sa partenaire, on nous rappelle en effet que Cléo est une enfant, spirituellement, d'où ses émotions volcaniques, toujours très jouées, qu'elle pleure devant le miroir en s'imaginant avoir déjà un pied dans la tombe, ou pique un gros caprice pour obtenir son café. Pour le coup, l'actrice est rapidement expressive et joue délibérément avec ce côté artificiel, présentant une très jolie femme obsédée par son apparence, qui se recoiffe dès qu'elle est calmée, qui essaie des chapeaux en s'amusant comme une gamine, mais qui sous cette façade futile craint profondément que la maladie ne marque son visage. Certaines séquences ne sont pas toujours crédibles, à l'image de son agacement peu naturel en voiture, en entendant l'une de ses chansons qu'elle juge ratée; mais dans l'ensemble, l'interprétation de la comédienne fait mouche, car pleinement à l'unisson de l'existence vaniteuse d'une héroïne qui n'a pas encore grandi. Elle est ainsi parfaitement frivole dans son lit à baldaquin, alors qu'elle reçoit son amant espagnol, malgré une diction longtemps problématique lorsqu'elle s'enthousiasme devant ses musiciens, ou parle de sa maladie à sa meilleure amie. Mais, tout l'intérêt de cette histoire, c'est de voir Cléo évoluer vers plus de maturité en deux heures: le chemin vers l'acceptation la verra toujours chantonner comme une petite fille au parc Montsouris, mais la rencontre avec l'inconnu la rend finalement plus adulte, comme en témoigne sa réserve plus en accord avec son âge lors du joli dialogue des signes du zodiaque. Et puis, comme elle n'oublie pas l'art de la nuance, elle sait aussi se dérider, avec cependant un air toujours mélancolique dans le fond. L'apogée du film n'en reste pas moins la chanson "Sans toi", qui lui permet d'évoquer la mort dans un gros plan discrètement lacrymal, et qui révèle que la comédienne est finalement plus à l'aise dans le chant que dans le jeu. Le résultat est un peu en demi-teinte, mais les éléments positifs l'emportent haut la main.




Merle Oberon dans Le Jardin de mes amours (Of Love and Desire), pour le rôle de Katherine Beckmann, une bourgeoise nymphomane qui cherche enfin à vaincre ses démons en se prenant d'affection pour l'invité de son demi-frère. Certes, ce n'est pas un bon film, du tout, et certes, c'est un mélodrame éhonté, mais je suis très agréablement surpris par Merle Oberon, qui en fin de carrière se révèle décontractée comme elle ne nous y avait pas toujours habitués. En effet, son jeu a beau être de la vieille école, il n'en reste pas moins constamment juste dans l'outrance comme dans la retenue. La première chose à mettre à son crédit, c'est qu'elle est très à l'aise en mondaine qui reçoit, se montrant naturellement souriante en société, tout en se révélant judicieusement contrariée avec son demi-frère qui au fond d'elle l'effraie. En outre, elle n'a pas besoin de se forcer pour être séduisante: la cinquantaine lui va à ravir, et il lui suffit de miser sur sa présence pour plaire. Et pourtant, malgré cette façade polie à l'extrême, elle est tout à coup capable de la bestialité la plus sauvage, hurlant "Please! Please!", alors qu'elle tente de déshabiller l'homme qui vient juste de l'embrasser, mais avec une justesse de bon aloi: l'incompréhension d'avoir été stoppée dans son élan est notamment très bien jouée, alors qu'elle s'agace de voir son amant lui reprocher d'aller trop vite. Les explications qui s'ensuivent, larmes dans les yeux, sont également parfaites, cette fois-ci dans un registre plus théâtral qui la conduit à détourner la tête brusquement pour aller s'effondrer derrière un canapé: on sent à la fois sa faim et sa honte, et l'on a pitié d'elle car on se rend compte à quel point elle ne va pas bien, avec tant de traumatismes enfouis dans sa conscience qu'elle parvient à nous faire ressentir. Malgré cette réussite, dont les accents les plus merveilleusement mélodramatiques sont portés par une jolie musique hispanisante de Ronald Stein, elle n'arrive pas à soutenir l'intérêt tout du long: le film est trop ennuyeux pour ça, mais elle reste convaincante de bout en bout. Qu'elle cherche à lutter contre une étreinte, à avouer ses sentiments, ou à se battre contre son frère lors d'une révélation attendue, elle prend manifestement plaisir à jouer et son professionnalisme est impressionnant. Le courage d'interpréter un rôle aussi sulfureux est assurément des plus honorables.


Geraldine Page dans Le Tumulte (Toys in the Attic), pour le rôle de Carrie Berniers, une vieille fille manipulatrice aux sentiments incestueux pour son frère. Comme vous le savez, une performance de Geraldine Page a toujours le choix entre deux directions opposées: faire mouche et mériter révérence, ou rester contre-productive et finir par dégouliner d'excès. Bien que servant totalement l'histoire, sa caractérisation dans Le Tumulte tombe malheureusement dans la seconde catégorie. Exaspérante d'entrée de jeu, très théâtrale à écarquiller les yeux sans cesse, à se passer la main sur le front à n'en plus finir dès qu'elle est contrariée, et à parler d'une voix haut perchée, elle compte bien jouer pour le dernier rang quoiqu'il y ait une caméra devant elle: on ne s'appelle pas Geraldine Page par hasard! Malgré tout, cette outrance épuisante sert le personnage, détestable par nature, et de la sorte opposé à l'humilité tranquille de Wendy Hiller. Mais ça n'est pas une raison pour tout excuser! Passe encore  qu'elle ait du mal à s'arrêter de parler, ou fasse sentir qu'elle est totalement perturbée, même lorsqu'elle est heureuse et se remémore de bons souvenirs avec son frère. Mais qu'elle surjoue épouvantablement en apprenant le retour de celui-ci, écarquille autant les yeux de manière crispée lorsqu'elle parle à son épouse, ou ait l'air de la créature de Frankenstein rien qu'en regardant une robe, en voilà trop! Sa démarche ostensiblement chaloupée de femme irresponsable aurait dû suffire, mais admettons que sa théâtralité fait parfois mouche, à sa manière de prononcer "me" à chaque fin de phrase en appuyant sur le mot, et en levant les yeux au plafond, lors d'une scène de crise particulièrement puissante. On a cependant le droit de préférer la colère sourde de Wendy Hiller, bien plus impressionnante dans le calme, alors que sa partenaire cherche à occuper tout l'espace en écarquillant une fois de plus les yeux de défi, et en surjouant l'incompréhension avec violence, tournant brusquement la tête vers le mur, lorsque sa sœur la met face à ses désirs inavouables dont elle se refuse à avoir conscience. Sa plus grande scène est celle où elle manipule sa belle-sœur: elle domine complètement la pauvre Yvette Mimieux et se fait plus avenante pour instiller sa dangerosité, sans pouvoir s'empêcher d'en faire des tonnes pour autant: même son regard silencieux, dans l'attente de voir son plan aboutir, est très joué. La fin pathétique est en accord avec le personnage: l'interprétation est courageuse, mais la comédienne aurait dû savoir qu'au cinéma, l'atténuation en dit souvent plus long qu'une gesticulation éreintante.


Debra Paget pour La Malédiction d'Arkham (The Haunted Palace), pour le rôle d'Anne Ward, épouse de l'héritier d'un château hanté, qui découvre les lieux pour la première fois. Ce fut là le dernier film tourné par Debra Paget, avant sa retraite anticipée, mais ça me confirme malheureusement que sa beauté a toujours été inversement proportionnelle à son talent. Pour commencer, quelque chose de trop contemporain, et de trop exotique à la fois, dans son allure, empêche de la prendre au sérieux dans une histoire gothique du XIXe siècle, sans compter que des maladresses sont trop ostensiblement visibles dès son arrivée, entre sourires un peu niais et manie de bouger constamment la tête lorsqu'elle ne parle pas, ne sachant manifestement pas se poser. Plus tard, on la retrouve tétanisée, mais dans l'exagération, alors qu'elle découvre un python dans sa nouvelle demeure, tandis qu'à l'inverse, elle ne songe pas à jouer les réactions les plus potentiellement intéressantes pour le personnage. Ainsi, lorsqu'elle sous-joue la terreur devant les êtres difformes, on dirait plus une limite qu'un choix; et quand Vincent Price devient fou, lui reprochant de l'espionner, elle ne résiste pas et s'exécute sans mot dire, nous privant par-là même de déceler d'autres dimensions chez cette femme, qui se contente d'errer dans sa maison l'air un peu absent. À la réflexion, elle apparaît trop souvent pour n'être qu'un second rôle, mais dans les faits, tout lui échappe: ce n'est pas son histoire, et elle se laisse éclipser par Vincent Price et les éléments fantastiques du récit. Par bonheur, l'inquiétude est jouée de manière tout à fait correcte dans un grand nombre de scènes, ce qui est à mettre à son crédit.


Irène Papas pour Antigone (Aντιγόνη), pour le rôle de la célèbre héroïne de Sophocle, déterminée à offrir une sépulture à son frère malgré l'interdiction formelle de leur oncle, le roi Créon. À mes yeux, Irène Papas est la plus grande tragédienne classique de cinéma, tant sa capacité à donner une incroyable puissance à ses rôles en quelques regards silencieux est impressionnante. Son Antigone m'en est témoin, car elle se révèle d'entrée de jeu sublime et nuancée. En effet, le texte a beau être déclamatoire comme au théâtre, son regard, alors qu'elle serre sa sœur de désespoir, est quant à lui authentiquement tragique. Sa présence, autant physique que vocale, est à coup sûr incroyable: elle sait par exemple donner une grande densité au personnage malgré la théâtralité du mouvement, alors qu'elle s'adosse au mur. En tout cas, tout sonne parfaitement juste: elle est sincèrement outrée par l'édit de Créon, et sa détermination de braver l'ordre reste parfaitement audacieuse, bien qu'elle sache nuancer sa rancœur froide en révélant à quel point Ismène la déçoit, à ne pas vouloir s'opposer à la loi. Déjà très expressive dans ces premières scènes, elle l'est encore plus alors qu'elle inhume elle-même son frère: son désarroi montre une femme brisée, dévastée par la mort de ses proches et le traitement ignominieux réservé à sa famille, tant et si bien que se faire arrêter n'a aucune importance pour elle. C'est alors avec dignité qu'elle répond aux accusations du roi de Thèbes, et relève la tête de la manière la plus aristocratique qui soit, en profitant à l'occasion pour défier son oncle avec une arrogance teintée de douleur. Malgré cette réussite, c'est le rapport à Ismène qui est un feu d'artifice de complexité: elle lui reproche vivement de ne pas l'avoir aidée, mais elle tient tout de même à elle et montre une réelle affection lorsqu'elles se prennent dans les bras. Elle cherche en quelque sorte à la protéger de la mort, mais ses reproches n'en sont pas moins sincères. Le dernier acte apporte quelque chose de différent, à mesure que la comédienne estompe sa force pour se montrer prête à défaillir, d'abord devant son fiancé Hémon, puis devant tous les soldats qui la conduisent à son lieu d'exécution: dévastée, elle s'effondre sur la terre, la voix brisée, craignant la mort et la solitude. Mais comme tout est une fois de plus nuancé à la perfection, elle sait se relever avec hauteur pour marcher vers la caverne, avant de se montrer sous le visage sincère d'une femme épuisée par tous les drames de sa vie, lors d'un grand monologue final. Comme toujours avec Irène Papas, c'est une excellente interprétation, mais curieusement, c'est presque un second rôle dans son propre film.


Iya Savvina pour La Dame au petit chien (Дама с собачкой), pour le rôle d'Anna Serguéievna von Diederitz, une aristocrate mal mariée prête à découvrir de nouveaux horizons lors de vacances en Crimée. La Dame au petit chien me confirme que le cinéma soviétique a décidément offert les plus belles images du monde, la beauté délicate de la comédienne n'y étant pas pour rien. Mais loin de s'arrêter là, Iya Savvina révèle, dès son premier film, la grande actrice qu'elle fut, passée maîtresse dans l'art de la nuance. Ainsi, les regards audacieux qu'elle jette à Dimitri, lorsqu'elle ose l'admirer dans les yeux, tranchent dès l'ouverture avec une première impression d'extrême fragilité. Dotée d'une voix fluette et d'un port de tête impérial, elle est extrêmement convaincante en aristocrate en vacances au bord de la mer, ce qui constitue presque une innovation dans le cinéma soviétique d'alors, habitué aux héroïnes du peuple plus promptes à manier des munitions qu'une ombrelle. Toutefois, malgré sa distinction renversante, elle n'en est pas moins passionnée: elle garde les yeux fermés après le premier baiser, comme si elle ne voulait pas y croire et en redemandait inconsciemment malgré le choc, tout cela avant d'apparaître sous les traits d'une pécheresse repentante, les yeux humides et les cheveux défaits devant une bougie, après la faute. Mais ce repentir n'arrive pas à gommer son extrême satisfaction d'avoir goûté à la passion, malgré les larmes d'incompréhension devant la nouvelle vie qui s'ouvre à elle, à mesure que la musique devient élégiaque devant des paysages ensoleillés. On sent en tout cas bel et bien qu'elle est un être passionné sous son maintien impeccable. Plus tard, lors des retrouvailles inattendues à Saratov, sa gêne est palpable dans tous les plans d'ensemble puisqu'elle est accompagnée à l'opéra par son mari, mais un gros plan souligne son bonheur serein de retrouver l'homme qu'elle aime. Sa gestuelle est encore admirable dans le second acte: elle se serre elle-même, les bras croisés, d'une manière très élégante, marquant ainsi sa déception de devoir vivre un amour caché. Elle désire certainement que rien ne s'arrête, tout en sachant qu'elle va droit dans le mur. Le tour de force est qu'elle dégage une incroyable fermeté et domine la fin du film, malgré son apparence fragile: c'est tout à fait surprenant car il était difficile de le prévoir lors de son apparition à Yalta.


Maria Schell pour Une Vie, pour le rôle de Jeanne Dandieu, une femme éperdument amoureuse d'un époux qui la méprise, dans la campagne normande du XIXe siècle. Une jolie adaptation de Maupassant, bien plus vivante que la version récente, et qui me confirme que Maria Schell est décidément une grande actrice internationale. Comme dans Gervaise deux ans plus tôt, elle joue un rôle entièrement francophone avec un délicieux accent. Sa fragilité, son air angélique, lui sont consubstantiels: sa candeur est constamment juste et n'a jamais l'air d'être jouée. Peut-être est-elle trop ostensiblement insouciante au début, puisque même lorsque sa bonne accouche dans la boue en plein hiver, elle ne peut retenir un sourire niais devant son époux adoré, malgré la situation dramatique. Cela sert le personnage, mais c'est un défaut minime qu'on aurait pu gommer. Autrement, les nuances sont parfaites, car son amour inconditionnel n'est jamais exaspérant: elle sait tenir tête quand il le faut, où cracher un peu de bile sans que l'aigreur se départisse d'une touche de pureté indélébile, ce qui reste un exploit. À vrai dire, elle réussit à composer le personnage le plus intéressant du film, à mesure qu'elle montre sa déception sans se décourager pour autant, et sachant pardonner toujours sans être dupe, mais on comprend en quoi elle agace les autres à force de bonté et de jovialité. Elle ajoute assurément une touche de délicatesse au tourbillon infernal qui l'aspire, et la voit perdre successivement son amour, sa mère alors qu'elle est seule à son chevet, et pour tout dire son innocence. Elle parvient même à transcrire un désarroi sincère lors de la scène finale, bien qu'elle s'égare dans des plans larges sur la campagne, alors qu'elle tente de retarder l'inéluctable. Autrement, sa performance vocale est encore à louer, car sa narration se superpose joliment aux images colorées de ce manoir normand.


Lilia Skala pour Le Lys des champs (Lilies of the Field), pour le rôle de la mère supérieure d'un couvent, cherchant un homme de main pour bâtir une chapelle. Lilia Skala fut nommée pour l'Oscar du second rôle cette année-là, mais la religieuse est en fait un personnage principal au même titre que Sidney Poitier. L'intérêt de sa performance est d'ailleurs d'être en conflit avec l'ouvrier: les rapports difficiles de la nonne immigrée et de l'homme noir font tout le sel du récit, obligeant par-là même l'actrice à alterner entre une sévérité tout ecclésiastique, et une réjouissance sincère. Dans le premier cas, c'est toute l'autorité de la mère supérieure qui se fait entendre, car celle-ci aime que les choses marchent à sa façon, et elle n'apprécie guère les manières trop exigeantes de son hôte, qui a eu l'outrecuidance de demander son déjeuner au lit! Elle surveille encore ses ouailles quand Sidney Poitier leur apprend un cantique de son cru, luttant quelque peu contre le refrain irrésistible qui finit par l'emporter, mais ses grandes scènes arrivent plus tard, quand elle ose faire preuve de colère devant les quelques briques dérisoires que lui réclame le bâtisseur, comparé aux tourments qu'a enduré la congrégation lorsqu'il a fallu quitter l'Allemagne, et batailler dur pour s'imposer au beau milieu de l'Arizona. C'est là une réplique intense, très jouée mais tout à fait crédible, qui met en lumière toute la fierté d'une dame qui se réfugie derrière Dieu par peur d'avouer sa gratitude à un simple mortel, et qui, signe de faiblesse, prend prétexte des épreuves du passé pour excuser son avarice, comme si le service architectural envers Dieu devait suffire au héros, en lieu et place d'une somme sonnante et trébuchante Toutefois, la complicité qui se noue entre ces deux personnes têtues colore joliment ces conflits latents, de quoi nous conduire à saluer la "bouille" de Lilia Skala, qui malgré son voile n'en est pas moins très expressive dans la ferveur de l'enthousiasme. On sent ainsi qu'elle prend un plaisir non feint aux joutes linguistiques avec Sidney Poitier, qui lui apprend l'Anglais, à commencer par sa joie communicative de trouver par elle-même le nom des couleurs. La voir entraînée par le tourbillon du cantique, qui lui inspirait quelque crainte au début, est également jubilatoire, point d'orgue d'une interprétation honnêtement réussie mais qui peine malgré tout à m'impressionner.


Tamara Syomina dans Résurrection (Воскресение), pour le rôle de Katioucha Maslova, une prostituée accusée de meurtre dont le procès éveille la conscience du prince qui l'avait abandonnée jadis. Tout d'abord, rendons hommage au visage magnifiquement expressif de Tamara Syomina, qui porte brillamment trois heures de film à seulement une petite vingtaine d'années, bien qu'elle ne soit pas de toutes les séquences. Elle est aussi bien aidée par la mise en scène de Mikhail Schweitzer, qui a eu l'idée de génie de jouer avec des fondus enchaînés sur son visage, revenant de la prisonnière anéantie aux années de jeunesse et de candeur, alors que Nekhlioudov la reconnaît dans la salle et revit mentalement toutes les époques de leur histoire: on voit bel et bien comment le personnage a évolué, et l'actrice peut en montrer toutes les facettes en quelques plans fixes. C'est déjà le signe d'un grand talent, qui se matérialise dans le charisme d'une interprète qui ne se laisse pas dépasser par les situations les plus dangereuses: elle tempère les effets de la basse extraction d'un personnage qui aurait pu se laisser piétiner par l'élite, par un air arrogant et vulgaire en présence des gardes, et par une forte personnalité quand elle répond aux juges. Elle fait pourtant bien ressentir le désarroi de Katioucha, mais elle ne s'efface pas malgré tout et reste ferme dans ses réponses. On voit d'ailleurs tout le chemin parcouru, car les retours en arrière dévoilent comment cette femme s'est endurcie par la force des choses. Par exemple, lors de la fête religieuse, elle arbore l'air de simplicité d'une jeune fille naïve qui n'a pas encore vécu, en une image virginale soutenue par la bougie qu'elle porte dans sa main. Le trouble de contentement qu'elle éprouve, alors que le prince lui parle à l'oreille, est par ailleurs criant de vérité, et tout en restant sage en apparence, ses regards impétueux permettent de connecter l'héroïne avec son futur, que le spectateur connaît déjà, puisqu'on y décèle déjà la force de l'accusée aguerrie, sans qu'elle trahisse encore, à ce moment, la bonté réelle d'une jeune fille sincèrement éprise. Un autre retour dans le passé souligne justement sa gêne de voir le prince trop insistant à son égard au sein même de la maison où elle travaille, car bien qu'amoureuse elle tient à sa réputation. Si l'on remet en ordre les pièces du puzzle, cette gêne la conduit à un désarroi fébrile alors qu'elle voit sa perte se profiler devant ses yeux, désarroi qui s'efface lui-même devant une colère magnifiée par une voix rauque et des reproches qui, à force d'être intenses, la mènent tout droit à sa fatigue indéniable sur le banc des accusés, fatigue appuyée par une vie de misère. Sa peur, à l'annonce du verdict, est même terrifiante, car on sent bien qu'elle fut une fille bien sous tous rapports avant de sombrer: le naturel ne s'efface pas. Tamara Syomina conclut d'ailleurs brillamment cette démonstration, en clamant son innocence d'une manière théâtrale mais profondément sincère.




Elizabeth Taylor pour Cléopâtre (Cleopatra), pour le rôle de Cléo de 5 à 724, parce que le film est tellement long qu'on pourrait loger trois destins de femmes en son sein. En vrai, j'aime beaucoup ce très beau péplum de Mankiewicz, dont le coût scandaleux est largement compensé par le somptueux festin qui nous est offert, entre architecture colorée et batailles navales épiques. Surtout, l'interprétation fait tout à fait honneur aux quatre heures de film, et ce n'est pas pour rien si la reine d'Égypte est devenue l'un des rôles emblématiques de la carrière de la superstar de la décennie. En effet, Elizabeth Taylor est rien moins qu'éblouissante dans cette entreprise pharaonique, son indéniable charisme de star se mariant très bien à l'allure royale de la souveraine, malgré un côté glamour parfois trop prononcé, jamais loin de la faire ressembler à une pouffe circassienne, encore que l'on imagine très bien la reine des reines être très à l'aise avec son corps. En tout cas, l'interprétation est celle d'une star de cinéma: elle ne se laisse jamais marcher sur les pieds, ni par Rex Harrison, ni par Richard Burton, et son répondant est teinté d'une théâtralité qu'elle manie comme un diamant, faisant scintiller le côté déclamatoire des répliques de colère avec un éclat et une hauteur que ni César ni Antoine ne sont en mesure de soutenir. Qu'on pense à sa rage lors de la destruction de la bibliothèque d'Alexandrie, ou à sa manière de faire plier le triumvir sans jamais donner une impression de faiblesse, bien que la reine soit en grande difficulté à ce moment-là. Il me faudrait revoir le film pour détailler davantage mon propos, mais l'été touche à sa fin: je me contenterai d'affirmer que j'avais beaucoup aimé l'ensemble la dernière fois, et qu'Elizabeth Taylor figurait alors en bonne place sur mon bulletin. Je crois me souvenir de scènes de tendresse qui nuançaient joliment l'aspect grandiose de cette performance, de même que des touches d'humour rafraîchissantes, elles aussi plus cinématographiques que parfaitement crédibles, mais précisément délicieuses pour cette même raison: le clin d’œil après son arrivée en fanfare dans Rome est certainement partie intégrante du mythe.


Ingrid Thulin pour Les Communiants (Nattvardsgästerna), pour le rôle de Märta Lundberg, une institutrice athée amoureuse d'un pasteur en pleine crise de sa foi. Cet article aura été l'occasion de voir les très attendus Communiants de Bergman, et découvrir par-là même une nouvelle grande performance d'Ingrid Thulin, cette fois-ci portée par un aspect particulier, intellectuel. Comme pour toutes les autres actrices de talent citées ici, l'intérêt de son interprétation est la complexité qu'elle donne à l'héroïne, ne la limitant jamais à une dimension. Qu'on prenne son premier dialogue avec Gunnar Björnstrand, où elle parvient à suggérer à la fois de l'affection et de la rancœur, à grand renfort d'une gestuelle maternelle, une main sur le front et l'autre sur l'épaule, tout en gardant au même moment la mâchoire serrée, afin de contenir toute la dureté qui voudrait s'exprimer. On retrouve également beaucoup d'émotion dans ses sourires, mais aussi beaucoup d'audace, chose surprenante chez un personnage dont les baisers vigoureux démentent la froideur apparente. À vrai dire, la vigueur même est nuancée, puisque la comédienne parle tout du long d'une voix un peu éteinte, à l'image d'une liaison qui s'estompe, sans oublier de pincer les lèvres de regret. En fait, toute la panoplie de ce qu'une grande actrice peut faire en une scène est là: on passe en revue toutes les émotions sans jamais rien perdre de la cohérence du personnage, ce dont témoigne l'incandescent monologue de la lettre. Apportant beaucoup de gravité à sa narration, colorant encore sa déception d'une touche d'amertume, elle sait aussi illuminer le propos d'un sourire, mais un sourire un peu amer, qui dévoile le regret d'une chose qu'on a eue et qu'on sent nous échapper. Tout est fort subtil, vraiment, car si les yeux restent grands ouverts, le pincement des lèvres suffit à indiquer les variations d'émotions, le tout dans un contrôle absolument parfait de ce qu'elle joue. Elle en arrive ainsi au bord des larmes, mais elle est trop fine pour les dévoiler ouvertement au spectateur et les réserve à son amant, avant d'amorcer un retour à une âpre dureté, et à un désespoir plus marqué mais teinté d'ironie. Et même si Märta se définit d'abord comme cérébrale (nous sommes chez Bergman, après tout!), elle n'est cependant pas en mesure de taire les élans de son corps: Ingrid Thulin se montre ainsi passionnée lorsqu'elle revient relever le pasteur et l'embrasse sans retenue, celui-ci venant de rejoindre ses convictions athées. Sa manière de lui prendre la main est aussi une façon de se raccrocher à lui, tout en l'agrippant, de peur de le voir s'échapper à nouveau, ce qui ne manque pas d'arriver: lors du monologue de rejet, ses silences, entre déception et désillusion, soutiennent magnifiquement, et tragiquement, la violence d'un propos qui la gifle en pleine face, alors qu'elle est comparée à la défunte épouse. L'écluse étant désormais ouverte, il lui est enfin possible d'être lacrymale, bien que ses réponses reflètent une forte personnalité qui ne se peut briser. Décidément, c'est l'une des grandes performances de l'année, peut-être ma préférée dans l'absolu.


Jolanta Umecka pour Le Couteau dans l'eau (Nóż w wodzie), pour le rôle de Krystyna, une épouse désabusée dont le weekend avec son mari est perturbé par l'irruption d'un auto-stoppeur. Comme pour Claudia Cardinale, la constante de l'interprétation de Jolanta Umecka est de garder un air impassible quelle que soit la situation: c'est le cas dès la première séquence en voiture, où la voir ignorer son mari révèle d'emblée que le couple est en crise. Sur le yacht, elle s'occupe de tout, l'air indifférent, comme si elle voulait ne surtout pas paraître impressionnée par l'étudiant, refusant par exemple qu'il lui prête son couteau pour éplucher un navet, ou lui posant des questions sans le regarder, comme pour faire la conversation afin de rester polie dans des circonstances imprévues. À ses yeux, l'étudiant est de toute manière un enfant: elle l'infantilise et le gronde, lui reprochant de ne pas se tenir correctement, mais on ne trouvera nulle trace, sur le visage de l'actrice, d'une forme de désir inavoué dissimulé sous ces reproches, bien que le scénario nous invite à aller dans cette direction. Pour cela, il faut attendre de voir le personnage se décontracter un tant soit peu, notamment lorsqu'elle le voit courir sur l'eau et semble heureuse de profiter de ces moments-là. Malgré tout, le détachement reste la constante de la dame: bien qu'elle suggère le minimum requis d'inquiétude une fois que son mari jette leur invité à l'eau, alors qu'il ne sait apparemment pas nager, elle n'hésite pas à s'y jeter elle aussi, mais elle reste tout à fait maîtresse d'elle-même bien que n'arrivant pas à le retrouver. La dispute qui suit lui sert à cracher son mépris sur son époux: elle lui reproche d'avoir tué un homme et entend qu'il en paie le prix, mais elle ne semble pas perturbée outre mesure pour l'étudiant. On comprend finalement ce choix interprétatif quelque peu restreint, car c'est précisément là où veut en venir le récit, à savoir étudier la relation de confiance dans un couple qui se désagrège. On pourra tout de même trouver que les insultes qu'elle assène à son mari, après qu'il quitte le bateau, manquent légèrement de puissance par rapport à la déception (dégoût?) que cet homme lui inspire, mais le piquant est bel et bien au rendez-vous lors du retour inattendu de l'étudiant, qu'elle gifle sans gêne aucune pour lui reprocher de lui avoir menti: il savait bel et bien nager. Il sera également permis de croire que, l'entendre répéter qu'il n'est qu'un enfant n'est pas la chose la plus crédible au monde, considérant que les deux acteurs ont le même âge. Fidèle à sa ligne de conduite, la comédienne fait en tout cas semblant de ne pas paraître affectée par le baiser, bien qu'au fond, elle se laisse séduire avec grand plaisir. Elle fait certainement vibrer la gamme limitée de sa partition avec brio, mais cette étude de couple, sur fond de lutte sociale au parfum de crime, ne lui permet pas d'apporter assez de nuances pour éblouir.


Marina Vlady dans Le Lit conjugal (L'ape regina), pour le rôle de Regina, une jeune femme arrivant vierge au mariage et se découvrant une voracité sexuelle inattendue. Madame de Polignac vous dirait que les origines russes de Marina Vlady la rendent tout à fait crédible dans ce rôle insatiable, mais c'est là une référence douteuse. En vrai, l'actrice surprend par l'extrême sérénité qu'elle dégage tout du long, ce calme olympien, un sourire toujours espiègle au coin de la bouche, l'aidant à réaliser sa métamorphose de jeune fille avide de découvertes en madone à l'enfant plus vraiment vierge. Le choix est payant parce que, dans le fond, Regina est un être dominateur depuis le départ, ce qui explique pourquoi elle semble assujettir le pauvre Ugo Tognazzi dès le début. Il est vrai que son élégance en impose dès son apparition, la comédienne s'ingéniant à porter sa nudité avec un aplomb extraordinaire, tout en se laissant toucher avec une grâce infinie. Son charisme est également le reflet de la force du personnage: l'esprit en plein éveil, la bouche entrouverte et le regard pétillant, elle est désireuse d'apprendre, sans fausse pudeur, avant cette première fois incongrue sur des épis de maïs. Par la suite, elle s'approprie l'espace du lit, se roulant dans les draps comme si c'était son élément naturel, surpassant par-là même son mari qui se faisait pourtant un plaisir de l'initier à ces jeux-là. En fait, cette satire religieuse fonctionne parce que la puissance masculine est tournée en ridicule: l'époux croit tout apprendre à sa femme, mais il se trouve pris à son propre piège, alors que tout le bénéfice de ces ébats va à la dame. C'est pour cette raison que Marina Vlady se montre détachée, presque éthérée, dès le départ, soulevant d'ores et déjà un coin du voile pour montrer que sous l'apparence d'une jeune fille absolument charmante, et d'une beauté renversante, se cache une mante religieuse prête à user du sacrement du mariage pour obtenir ce qu'elle veut. L'air supérieur qu'elle arbore, même en phase de découverte, met ainsi en lumière une indifférence déjà palpable pour un homme qui n'est pour elle qu'un fécondateur, chose que le foulard qui entoure impeccablement son visage ne parvient pas à dissimuler. Son élégance devient d'ailleurs glaçante dans le plan final, preuve que l'actrice a parfaitement saisi l'évolution de l'héroïne, d'une hypocrisie toute bourgeoise que le scénario se fait une joie d'épingler. À noter que Marina fut doublée dans la version italienne d'origine, mais ce n'est nullement un problème dans la mesure ou sa performance est avant tout physique: son allure révèle tout ce qu'il fallait montrer, sans ornements superflus.


Shelley Winters pour Le Balcon (The Balcony), pour le rôle de Madame Irma, tenancière d'un bordel, qui demande à ses employées de jouer des rôles pour satisfaire les fantasmes de ses clients, alors qu'une révolution éclate alentour. Le film étant choral, et faisant la part belle aux prostituées, difficile de savoir si Shelley Winters est vraiment un premier rôle, mais comme elle tire les ficelles, elle reste assurément le centre de gravité du récit. En général, j'ai tendance à détester l'actrice, mais ce début des années 1960 fut certainement sa période la plus intéressante, puisqu'un an après Lolita je me retrouve une fois de plus étonnamment conquis. C'est sûrement dû au fait que, pour changer, elle évite de surjouer atrocement et ne geint pas: la force tranquille qui émane d'elle, alors qu'elle se déplace dans l'élément qui est le sien, prend ainsi le temps de poser le personnage et ne manque pas d'intriguer dès le départ. On appréciera également son charisme, où une fois n'est pas coutume rien n'est forcé, pas même dans ses gestes, puisqu'il lui suffit d'un claquement de doigts pour obtenir ce qu'elle veut, ou d'un brin de dureté dans la voix pour donner des ordres. Elle parvient même à dominer ses partenaires, Lee Grant et Ruby Dee, par ses regards intenses où semble se refléter une forme de compassion, même lorsqu'elle leur refuse des choses avec une vraie justesse de ton. Idem avec Peter Falk, où sa théâtralité est pour le coup exacerbée, mais jamais fausse, et où sa vulgarité refait surface pour mieux servir cette profession particulière. Plus tard, elle joue elle-même un rôle, sa reine n'étant pas le personnage le plus convaincant du monde, mais c'est aussi parce que Madame Irma n'est pas supposée être une actrice, aussi est-il logique d'y retrouver plus de limites que dans le reste de l'interprétation, d'autant que la virulence de son partenaire emporte tout sur son passage à ce moment-là. Autrement, il m'est difficile de détailler plus avant mon ressenti. Et pour cause! Cette histoire délirante m'échappe complètement, mais je n'en reste pas moins agréablement surpris par une actrice que je n'aime pas en temps normal, et qui offre ici de jolis regards émouvants lors de la conclusion.


Joanne Woodward pour La Femme à la casquette (A New Kind of Love), pour le rôle de Samantha Blake, une graine de vieille fille se faisant passer pour une hétaïre afin de séduire le sulfureux Paul Newman. Un film que j'avais très envie de voir à cause de son affiche mythique, mais qui déçoit dès les premières secondes, alors qu'une horde de clientes d'un grand magasin est comparée à un troupeau de bœufs, bruitages à l'appui. Pour tout dire, l'histoire n'est qu'un prétexte pour montrer des demoiselles en petite tenue, ce qui devient épuisant au bout de dix minutes: que vient faire Joanne Woodward dans cette galère? Ça ne l'empêche évidemment pas de donner une bonne performance, parce qu'elle est une grande actrice capable de se sortir de toutes les situations, y compris des costumes tous plus hideux les uns que les autres, de son look de pirate de la mode, crayons dans les cheveux et lunettes de soleil de science fiction à l'appui, à son aspect de poule de luxe soutenu par une perruque immonde. Jouant de ces physiques rocambolesques, l'actrice fait preuve d'un vrai talent pour la comédie: par exemple, lorsqu'elle s'avance dans la foule festive vers son verre de champagne, son expression d'être dépassée par les événements est hilarante, sachant qu'il lui suffit simplement de pincer les lèvres pour être drôle. Sa composition pour être peu séduisante, dans le premier acte, la voit par ailleurs faire feu de tout bois: un hoquet qui ne veut pas s'éteindre, les épaules en avant de manière peu gracieuse, sa gêne palpable de danser avec Maurice Chevalier, voilà autant de trouvailles qui la conduisent vers une transition grinçante, alors qu'elle entreprend une série de grimaces réussies sous des perruques moches, qui la font ressembler à une sorcière. Par la suite, elle joue vigoureusement du côté volontairement caricatural de la blonde platine, s'acharnant à créer un personnage qui ne lui correspond pas, au moyen de gaffes amusantes avec un porte-cigarettes. N'en reste pas moins un film vulgaire et pas drôle, où Paul Newman est assez épouvantable, et où les trois gros plans répétitifs sur le fessier de l'héroïne, qu'il appartienne à Woodward ou une doublure, sont particulièrement lamentables.


Joanne Woodward pour The Stripper, pour le rôle de Lila Green, une effeuilleuse qui s'imagine pouvoir vivre une relation sentimentale avec le fils de son amie. C'est le signe d'un grand talent, que de pouvoir passer de la vieille fille déterminée qui sait ce qu'elle veut, à la femme naïve qui se laisse mener par le bout du nez. Or, Joanne Woodward est aussi crédible dans ce rôle qu'elle l'était dans le film précédent. Avec ses faux airs de Marilyn, elle fait une entrée remarquable dans l'histoire alors qu'elle rit d'elle-même car incapable d'appuyer sur un bouton, se révélant au passage tout à fait vulgaire, aidée par un phrasé populaire qui sert totalement le personnage, avec des "Hey" pour interpeller autrui. Et cela en ayant bien conscience de sa séduction, malgré un enthousiasme enfantin qui, s'il reflète l'idée qu'elle n'est pas la fille la plus futée de la ville, conduit à s'interroger sur sa volonté de charmer: le fait-elle aussi consciemment qu'on pourrait le croire? La voir se promener avec un gros panda en peluche la rend assurément touchante, car on sent bien la petite fille qui n'a pas vraiment grandi, et qui laisse les situations lui échapper. Malgré tout, comme elle est bien adulte à trente ans passés, elle nuance cette impression en dévoilant un côté maternel, ou plus exactement sororal avec son hôte plus jeune qu'elle, de telle sorte qu'en refusant ses avances, on la sent gênée comme une grande sœur le serait, mais aussi flattée comme l'est déjà la future amante. En tout cas, elle a bien conscience de la différence d'âge, ce dont elle s'efforce à rire pour diminuer l'effet qu'ont les tentatives du jeune homme sur elle. Son désarroi est assurément sincère lorsqu'elle le repousse après un baiser volé, et l'on retrouve une fois de plus la petite fille qui parle de son suicide raté avec une spontanéité peu commune. La fin, terriblement embarrassante, fait quant à elle intervenir une autre dimension, puisque c'est désormais la différence sociale qui entre en jeu: quand Lila prend conscience de tout ce qui la sépare de son nouvel ami, alors qu'elle se déhanche sur scène sans désir aucun, elle acquiert enfin la maturité qui lui manquait jusqu'alors, comme si avoir été abandonnée dans cette petite ville de province était la condition nécessaire pour grandir enfin.


À découvrir: Gianna Maria Canale pour Les Nuits de Raspoutine (1960); Valentina Cortese pour Square of Violence (1961); Rita Gam et Viveca Lindfors pour Huis clos (No Exit) (1962); Juliette Gréco pour Maléfices (1962), Setsuko Hara et Yuriko Hoshi pour Ma Fille et moi (娘と私) (1962); Sarah Miles pour La Cérémonie (The Ceremony); Hideko Takamine pour Chronique de mon vagabondage (放浪記) (1962).


Conclusion


Quelle année! Savoir qu'il y a pléthore d'excellentes performances en langue étrangère est une idée rafraîchissante, et découvrir que les actrices d'antan étaient encore en grande forme, même en fin de carrière, rend ce passage en revue tout à fait délectable. Cela dit, même si Judy Garland et Merle Oberon, entre autres, m'ont très agréablement surpris, voir les Oscars s'être dirigés vers des interprétations plus modernes, qui avaient de nouvelles choses à raconter alors, n'est pas pour me déplaire. Avec tant de réussites dans des registres très différents, il devient dérisoire d'établir une sélection personnelle limitée à cinq personnes, sachant que, si l'Académie a une catégorie parallèle pour les films en langue étrangère, on a largement de quoi faire de même avec les actrices. Et encore! Certaines seraient appelées à rester sur le carreau, aussi est-il difficile de résoudre cette équation. Même si je ne cautionne pas tous leurs choix, les Golden Globes ont sûrement eu raison d'étendre le nombre de candidates à huit, mais appliquer ce concept là ne servirait tout de même à rien car il me serait impossible de me limiter à une seule lauréate. La seule certitude, c'est que le Globe comédie se jouerait entre Audrey Hepburn et Marina Vlady, sachant que j'hésite fortement, là encore.


Je suppose que dans l'humeur du moment ma sélection personnelle serait composée de:

* Leslie Caron pour La Chambre indiscrète
* Julie Harris pour La Maison du diable
* Rachel Roberts pour Le Prix d'un homme
* Tamara Syomina pour Résurrection
* Ingrid Thulin pour Les Communiants


En restant le cœur brisé de laisser Irène Papas pour compte, pour la simple raison que je la nomme l'année précédente pour Électre, et l'année suivante pour Zorba. Mais tout cela est susceptible de changer: après tout, Hideko Takamine reste encore à découvrir, alors cela promet!

4 commentaires:

  1. J'ai l'impression que ça fait des siècles que nous n'avions pas eu le droit à ce type d'article ! Merci !
    Je vois qu'en ce qui concerne les nommées, nous sommes à peu près d'accord sur tout (mais il faudrait vraiment que je revoie Une Certaine rencontre, ce que tu en dis m'a motivé d'autant plus d'ailleurs). Je crois que j'aurais le même placement et les mêmes hésitations.

    En ce qui concerne les autres, j'espère que tu as quand même pris plaisir à voir La Cage aux femmes, malgré la "prestation" de Polly Bergen qui me fait tellement rire à chaque fois que je ne suis pas loin de la nommer comme meilleure actrice comique de l'année (mais contrairement à Jessica Walter, soyons honnête, elle ne fait pas exprès d'être drôle). Notre seule vrai point de divergence portera, sans surprise, sur le cabotinage de Miss Page, mais là dessus, comme pour Luise Rainer, nous sommes sommes irréconciliables, hélas ;)

    Je rêve de voir Of Love and Desire !!!! Comment as-tu fait ????

    Et sinon, je note que Debra Paget a terminé sa carrière dans un film gothique qui du coup me tente (je n'en avais pas idée) et je suis aussi curieux de voir l'adaptation de Balzac avec Maria Laforêt (que je ne connais pas comme chanteuse en fait non plus). Et bien entendu tes plus rares actrices étrangères que tu mentionnes dans ta sélection finale.

    Le Vengeur démasqué

    Au plaisir de lire le prochain article !

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    1. Le grand problème de Polly Bergen, c'est qu'elle crie de la même manière dans Pousse-toi, chérie, ce qui rend son erreur de calcul dans La Cage aux femmes d'autant plus apparente. Cela dit, sans surprise de ma part, j'ai surtout été marqué par Crawford et son armée d'infirmières en débardeur: c'est tellement grotesque que c'est encore plus drôle que la performance involontairement comique de Polly Bergen!

      Et navré pour Geraldine Page, qui est merveilleuse dans d'autres films. Sa composition était un peu trop... tumultueuse pour me séduire cette année.

      Je te remercie vivement de ta lecture! J'espère que ce n'était pas trop long ou répétitif à parcourir. Au plaisir de te lire en retour!

      PS: J'ai envoyé un merle poster quelque chose dans ta boîte aux lettres... A surveiller!

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  2. Content de revoir un article sur les actrices ! D'autant que je connais peu cette année là (comme les années 60 en général).
    Je remarque que tu as poussé l'ambition encore plus loin en nous concoctant une liste non seulement exhaustive, mais surtout très détaillée ! Bravo, ça demande beaucoup de temps. Et dire que je pensais être trop ambitieux pour mon prochain article...!!

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    1. Merci, mon général! 1963 était aussi terra incognita pour moi, mais je crains que cet article fut un miracle de motivation qui risque de ne pas se reproduire de si tôt. J'en prépare un similaire sur une année récente, mais la liste sera nettement moins exhaustive.

      Pour sûr, hâte de lire ton prochain article!

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