dimanche 10 juillet 2022

Peyrusse-le-Roc


Comme je le disais en mai, j'ai eu l'occasion d'aller pour la première fois en Aveyron ce printemps. Et j'ai tellement adoré ce voyage que j'ai eu la chance d'avoir au moins un coup de cœur par jour, chose qui ne m'était pas encore arrivé, pas même en Auvergne l'année dernière. Je suis notamment ravi d'avoir découvert la cité médiévale de Peyrusse-le-Roc dans le nord du département, d'autant que celle-ci n'était pas du tout prévue au programme : mon guide ne faisait que l'évoquer en un unique paragraphe sans illustration, tant et si bien que j'aurais pu totalement passer à côté, si un panneau salvateur ne m'avait invité à m'y rendre alors que je n'étais qu'à moins d'une dizaine de kilomètres.



Bien m'en a pris, car c'est à mes yeux le site le plus exceptionnel de cette partie du Rouergue, devant les bastides de Villefranche et Villeneuve, et devant les villages de Conques et Belcastel. Le plus surprenant est que ces ruines qui s'étagent le long d'une colline fort boisée se visitent gratuitement ! Je suis contre le capitalisme, mais quand une municipalité se retrouve avec autant de pierres historiques, d'eau et de verdure concentrées au même endroit, il est incroyable qu'elle ne cherche pas à en profiter financièrement. Cela dit, tant mieux pour nous et notre porte-monnaie, et surtout, tant mieux pour ces lieux magiques qui semblent encore épargnés par l'affluence de touristes, mais il faut dire que je les ai vus hors saison, d'où cette impression d'émerveillement total. Moi qui regrettais d'avoir dû annuler ma visite des Tours de Merle en avril, j'ai l'impression d'en avoir trouvé l'équivalent en Aveyron, et ce par le plus grand des hasards!


Si le village de Peyrusse-le-Roc se découvre plaisamment avec sa vieille porte fortifiée et sa maison à colombages faisant face à l'église, ce sont bien les ruines de la cité médiévale à flanc de colline qui en font un site d'exception, à commencer par le château inférieur que j'ai choisi en guise d'illustration. Édifiées sur le roc del Thaluc, ces deux tours de guet des XIIe et XIIIe siècles témoignent de la richesse de la cité, qui non contente d'être le chef-lieu du plus grand baillage du Rouergue, était surtout le centre d'exploitation de mines d'argent et de plomb. J'aurais bien aimé m'approcher davantage de ces ruines, mais ce fut impossible : les escaliers sont tellement à la verticale qu'ils ressemblent avant tout à une échelle, tant et si bien que j'ai commencé à avoir le vertige dès la troisième marche. À la place, je me suis rattrapé avec le beffroi, directement situé sur le chemin au cœur de la forêt, et bâti dans le même style que ses jumelles rocheuses. La promenade conduit ensuite à un mausolée du XIVe siècle dit « tombeau du roi », avant d'aboutir aux lieux de culte, dont l'église Notre-Dame-de-Laval, ici photographiée.


Remarquable par ses chapelles survivant au milieu des herbes folles, cette église reste un lieu envoûtant, à la fois baignée par la lumière d'un soleil matinal tout en restant dans l'ombre du roc del Thaluc. La communauté catholique, évidemment majoritaire à l'époque médiévale, n'était cependant pas la seule qui s'exprimait dans la place, puisqu'une tour très sombre en contrebas aurait, d'après les archéologues, servi de synagogue à une minorité juive. J'y ai brièvement passé la tête pour tenter de l'admirer, mais la montagne fait tellement d'ombrage à cet édifice que je m'y suis senti mal à l'aise. Avec ses fougères peinant à capter la lueur du jour, on a le sentiment que quelque chose d'assez sinistre s'est déroulé dans cette tour, ce qui n'invite pas à y séjourner longtemps quand on y est seul.


Plus lumineux au petit jour, mais offrant un visage tout aussi terrifiant, l'hôpital des Anglais se distingue quant à lui par sa cheminée du deuxième étage encore intacte et son conduit cylindrique s'élevant en pleine nature. Un acte notarié heureusement conservé démontre que l'hôpital était en service dès le XIIIe siècle. Le chemin contourne le monument pour en permettre l'accès par le bas : l'ambiance au milieu de ces très hautes ruines recouvertes de lierre est indéniablement magique. Reste à savoir s'il convient mieux d'y faire de la magie blanche ou de la magie noire : les deux sont tout à fait possibles vu l'aura mystique qui se dégage de cette cheminée perdue au milieu des arbres. Les bonnes âmes pourront de toute manière conjurer le mauvais sort en se réfugiant dans la chapelle Notre-Dame-de-Pitié juste à côté, mais qui n'a pour sa part rien de médiéval puisqu'elle date du XIXe siècle.


Cela nous conduit tout en bas de la colline, sur les rives de l'Audierne, un joli ruisseau qui nous plonge lui aussi dans un univers fantastique grâce à son chaos de pierre d'où jaillissent de petites cascades. En enjambant celles-ci, on finit par arriver au pont du Parayre, une construction romane qui permet de connecter la rivière à la ville haute en passant par la maison du meunier. Le son de l'eau autour de cette belle arche cernée par le feuillage ajoute une fois encore à la féérie des lieux.


Un oiseau mystique se cache sur cette photo. Sauras-tu le retrouver ?


Après une longue remontée au milieu des arbres, on revient au village actuel qui contient lui aussi les vestiges de bâtiments anciens. C'est le cas de la porte de la Barbacane, une belle porte fortifiée évoquant celle du château sur la place principale, et qui servait pour sa part à contrôler les entrées et sorties des habitants du temps jadis, avec en prime un assommoir pour limiter les risques d'invasion.


Comme on l'a vu, Peyrusse-le-Roc était une riche cité argentifère qui n'a pas manqué d'attiser la convoitise, et qui était bien entendu une place d'échanges commerciaux de la plus haute importance. C'est ce dont témoignent les arcades du marché couvert, à proximité de la porte de la Barbacane, où se tenaient les nombreuses foires annuelles et les deux marchés hebdomadaires. La concurrence avec les riches minerais du Nouveau Monde finit par entraîner le déclin de la ville médiévale, qui fut totalement abandonnée au cours du XVIIIe siècle. Les merveilleux vestiges qui subsistent rappellent heureusement les très riches heures de Peyrusse-le-Roc, tout en lui conférant une aura glaçante et envoûtante à la fois. Ce détour vaut nettement mieux que ce qu'en disent les guides : c'est un lieu touristique exceptionnel qui se doit absolument d'être vu, et ce au ralenti afin de bien s'imprégner de son atmosphère unique en son genre. Prévoir une matinée entière pour flâner le long des vieilles pierres et des cascatelles perdues dans la verdure n'est pas de trop.

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