dimanche 7 mai 2023

Mrs. Miniver


Comme chaque année, je suis pris d'une furieuse envie de revoir des films de William Wyler, possiblement mon réalisateur favori de l'histoire du cinéma. Mais autant j'ai revu L'Insoumise (1938), Les Hauts de Hurlevent (1939), La Lettre (1940), La Vipère (1941) et L'Héritière (1949) au moins un million de fois chacun, autant j'ai toujours tendance à faire l'impasse sur Mrs. Miniver (1942), vers laquelle je n'avais jamais pris la peine de revenir après une découverte déjà très ancienne à la fin de l'adolescence. Non que je n'avais pas aimé : j'ai toujours estimé qu'il s'agissait d'un bon film, mais celui-ci pâlit forcément par comparaison avec le chef-d'œuvre absolu que sont Les Plus Belles Années de notre vie (1946), pour rester dans la thématique de la guerre par le même metteur en scène. Ces deux films ont d'ailleurs triomphé de manière quasi identique aux Oscars à seulement quatre ans d'intervalle, avec des prix comme meilleur film de l'année, meilleure réalisation, meilleurs premier et second rôles (féminins pour les dames « anglaises », masculins pour les soldats américains), meilleur scénario, et meilleur prix technique d'importance (photographie pour Mrs. Miniver et montage pour Les Plus Belles Années).


Ces deux films avaient assurément réussi à capter l'air du temps : la guerre à proprement parler en 1942, et le retour à la vie civile quatre ans plus tard, d'où leurs grands succès critiques et populaires. Pourtant, le film de 1946 reste incomparablement supérieur à son aîné, qui souffre d'un aspect propagandiste qui nous paraît forcément moins subtil aujourd'hui. L'autre raison qui explique pourquoi je n'avais pas encore retenté l'expérience Miniver depuis tant d'années, c'est que lorsque je pense à Greer Garson, les trois mots qui me viennent systématiquement à l'esprit sont Prisonniers du passé (1942), un superbe film de Mervyn LeRoy qui reste le sommet incontesté de la dame. La redécouverte de Mrs. Miniver vient de me rappeler qu'elle était déjà excellente dans ce premier film sorti cette année-là, preuve qu'elle avait bien mérité son propre Oscar, qui pourtant lui valut d'emblée de vives critiques à cause d'un discours de remerciement notoirement interminable.

La première chose qui m'a frappé en revoyant Mrs. Miniver, c'est à quel point le premier acte souhaitant montrer la vie quotidienne avant la guerre est aussi exaspérant que le débit de paroles de l'actrice lors de la célèbre cérémonie ! William Wyler souhaitait visiblement accentuer le contraste entre une vie civile placée sous le signe de la joie de vivre avec d'infimes contrariétés, et la guerre atroce où tout le monde craint de perdre un fils au combat, ou de périr lors des terribles bombardements du Blitz. Le problème, c'est que les prémices du film sont tellement mièvres et petites-bourgeoises que j'ai eu toutes les peines du monde à dépasser la première demi-heure. Je me souvenais bien de cette histoire de chapeau hors de prix donnant beaucoup d'allure à Greer Garson, mais j'avais oublié l'hypocrisie allant avec. Ainsi, les Miniver passent leur temps à dire à leurs amis qu'ils sont dans l'embarras, et qu'ils doivent faire attention à ne pas trop vivre au-dessus de leurs moyens, alors qu'ils habitent dans une maison cossue ornée d'une véranda sur la Tamise (!), que Monsieur achète une voiture de luxe sans trop regarder à la dépense (!), que Madame court les boutiques de haute couture où les vendeuses lui réservent les meilleurs articles puisqu'elle est une bonne cliente (!), qu'elle se promène dans tout Londres avec un renard assassiné sur l'épaule (!), que le couple a les moyens de payer des cours de musique particuliers et à domicile à ses enfants (!), et qu'ils emploient une domestique à temps plein à qui ils imposent de rentrer à heure fixe même quand elle veut passer la soirée avec son petit-ami (!) ! Le cinéma était certes supposé vendre du rêve en période de crise économique, mais de là à écouter les Miniver se plaindre sans arrêt de  n'appartenir qu'à la classe moyenne alors qu'ils mènent clairement un train de vie bien supérieur à la majorité des gens de l'époque donne des envies de les assommer avec les décrets français d'août 1789 !!!


« Je vous demande de vous effacer, car je vous suis infiniment supérieure-han ! »

Échouant à faire des Miniver les représentants réalistes de la société britannique d'alors, le scénario les oppose aux très aristocratiques ladies Beldon afin de leur donner un semblant d'infériorité. Chose dont personne n'est dupe puisqu'il est acté d'entrée de jeu que les deux familles vont s'unir. D'ailleurs, elles siègent toutes deux au même rang à l'église, alors la grand-mère a beau dire qu'elle aurait espéré un meilleur parti pour sa petite-fille, on a déjà compris que les Miniver sont une alliance finalement très acceptable pour les nobles dames, parce que cette famille a des revenus et un comportement racé qui correspond à leurs attentes. Les premières confrontations sont toutefois houleuses, et tant mieux, puisque cela donne une petite dose d'énergie à toutes ces personnes très collet monté. L'entrée de Carol dans le monde des Miniver est notamment désastreuse, puisque Mademoiselle arrive dans son pire mode Marie-Ludivine de La Rochebeaucourt pour demander, comme si c'était un dû, que la plèbe ne participe pas au concours floral du village afin de laisser son aïeule triompher comme à l'accoutumée. Cela lui vaut les moqueries sarcastiques de Vincent, qui se fait tout de même réprimander par ses parents, affolés, autant que des Britanniques puissent l'être, que leur rejeton parle mal à leur voisine. De toute manière, cette tension n'est que l'étincelle du coup de foudre : les deux tourtereaux sont déjà fous amoureux, les deux familles déjà réconciliées avant même de s'être opposées, alors tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes ! D'ailleurs, Carol finit par admettre que sa démarche n'était pas très charitable, c'est dire ! Bon, Lady Beldon exige quand même que Mrs. Miniver lui serve le thé quand elle s'invite chez elle, mais dans le fond, toutes ces personnes ont bon cœur, et tout le monde fait preuve d'une exquise courtoisie au point que ce n'est certainement pas dans cette mini-confrontation sociale que le film maintien son suspense.

Cela dit, la guerre des Deux-Roses reste une excellente trouvaille pour nuancer les drames autrement poignants du second acte. On entrevoit même une infime percée démocratique dans le processus féodal, puisque par sa grâce et ses manières hautement bourgeoises, Kay Miniver parvient à convaincre sa nouvelle parente de laisser un travailleur remporter le concours, alors que le vote des jurés était verrouillé en sa faveur depuis des siècles. Après, l'idée reste surtout de jeter des miettes au peuple et de ne surtout pas renverser l'ordre établi : lady Beldon est assez altruiste pour proposer ses caves comme refuge à tous les habitants alors qu'une attaque imminente est annoncée, mais la hiérarchie sociale n'est jamais remise en cause par le film. Les bribes démocratiques esquissées par les Miniver ont surtout pour but de montrer à quel point il s'agit d'une gentille famille à laquelle le public est invité à s'identifier, et pour aller plus loin, ces petites frictions doivent surtout souligner à quel point le peuple anglais reste malgré tout uni face à un ennemi commun, quelle que soit leur origine sociale. La succession de sièges vides lors de la dernière messe dévoile d'ailleurs que les drames peuvent frapper n'importe qui, ce qui invite les spectateurs à délaisser l'embryon de critique du système aristocratique pour mieux faire front autour de valeurs communes et d'un fort patriotisme accentué par la partition de Land of Hope and Glory. Le rapprochement des deux êtres les plus coriaces dans chaque faction de la famille est à ce titre un symbole très fort.


Au cours du film, la guerre prend donc le pas sur les différences sociales, ce qui apporte beaucoup de densité aux personnages, tous gagnant ainsi en intérêt, de même que le montage et le scénario. Notons en outre que si Wyler avait eu la main un peu lourde sur la partie sociale saupoudrée de romance, il restait assez ingénieux dès le départ en invitant quelques travailleurs à commenter l'actualité entre chaque séquence impliquant les Miniver, histoire de donner la parole à tout le monde. C'est évidemment plus intéressant que de chanter les louages de l'héroïne dès le début, à travers le personnage d'Henry Travers qui ne tarit plus d'éloges sur Kay Miniver, au point de baptiser sa nouvelle création de son propre nom. Insister sans cesse sur la perfection de son comportement est une manière pas très subtile de nous inviter à aimer la dame du titre alors que nous ne la connaissons pas vraiment à ce moment-là. Mais il est vrai que ce qui a besoin d'être énoncé est ce qui ne va pas de soi : or, rien dans la folie dépensière de Mrs. Miniver, ou dans son petit air un peu supérieur devant les représentants du monde ouvrier, ne pouvait la rendre immédiatement sympathique, d'où ce besoin assez pesant de marteler sans cesse à quel point celle-ci est la matriarche britannique dont la grandeur d'âme saura faire chavirer les cœurs en ces temps troublés. Le contraste avec Paula Ridgeway de Prisonniers du passé ne joue d'ailleurs pas tout à fait en faveur de Kay Miniver, puisque là où la première savait venir en aide à un quidam sans porter aucun jugement sur lui, la seconde prend quand même le temps de montrer au chef de gare qu'elle n'a pas de temps à lui consacrer, et que céder à sa demande est une faveur qu'elle lui fait.

C'est donc le grand défaut du film à mes yeux : je n'arrive décidément pas à trouver les Miniver attachants, bien que le scénario fasse tout son possible pour en faire des héros réjouissants. Par exemple, la famille Gibbons dans Heureux mortels de David Lean, sorti au Royaume-Uni deux ans plus tard, me semble être un échantillon plus réaliste d'une famille de la classe moyenne anglaise du début du XXe siècle. Finalement, quoique d'esprit très britannique, Mrs. Miniver n'en reste pas moins un film américain, avec tout son lot de fantasmes et d'artificialité géniale dont Hollywood avait le secret. De toute façon, une famille ayant donné à son chat le prénom d'un dictateur odieux, et clairement pas pro-british, ne pouvait inspirer totalement confiance ! C'est donc l'arrivée de la guerre dans la paisible campagne proche de Londres qui permet de s'identifier enfin aux personnages, et d'oublier leurs travers pour vivre leurs drames avec angoisse. Les mouvements armés sont d'ailleurs les plus réussis dans l'ensemble du film, car Wyler y montre parfaitement l'horreur que vivaient les populations civiles au même moment. Ces instants-clefs sont d'ailleurs tous centrés sur le visage inquiet de Greer Garson, qui devient plus que jamais l'incarnation de la société en proie à la terreur. La tension est ainsi extrêmement palpable lors du bombardement du village, alors que la famille est réfugiée dans l'abri souterrain sans savoir si sa maison sera encore debout le lendemain. La rencontre avec l'aviateur allemand recherché est une autre séquence particulièrement marquante, puisque l'héroïne isolée de bon matin se retrouve menacée dans sa propre maison avec une arme à feu. Ici, le scénario ne s'embarrasse pas de subtilité et appuie tout particulièrement sur la folie meurtrière du nazi, certes immobilisé par sa blessure, mais dont le discours glaçant en fait évidemment un individu à mettre hors d'état de nuire, là où par contraste l'héroïne anglaise se révèle altruiste malgré sa situation délicate. Nous ne ferons certainement pas reproche au film de brosser un portrait sans nuance d'un tel ennemi : on ne peut pas discuter avec l'extrême-droite, il faut donc la combattre par tous les moyens, et rendre héroïque une femme banale pour renforcer la cohésion d'un peuple victime de la guerre est un outil tout à fait acceptable, à défaut d'être le choix artistique le plus captivant qui soit.

Ces deux séquences conduisent au point d'orgue du film que constitue le retour en voiture dans l'obscurité après le charmant interlude floral qui avait permis d'oublier la guerre quelques heures. Coincées sous les tirs et les bombardements, et ne pouvant évidemment pas allumer les phares sous peine d'être prises pour cibles, Carol et Kay se retrouvent subitement au cœur d'un combat dont l'issue est forcément tragique. La photographie de Joseph Ruttenberg soutient d'ailleurs très bien le jeu des actrices, alors que l'obscurité est parsemée d'éclairs lumineux provoqués par les flammes alentour. Une quatrième séquence marquante est aussi un fait d'armes, lorsque Mrs. Miniver regarde les avions passer depuis sa fenêtre en cherchant à reconnaître celui de son fils : son visage filmé sous un angle renversant exprime aussi bien la fierté que l'inquiétude, ce qui est tout à l'honneur de Greer Garson, qui porte effectivement le film sur ses épaules.


Il est d'ailleurs dommage que nombre de cinéphiles ne fassent plus grand cas de ses talents d'actrice de nos jours. Sur les quelques pages anglophones que j'ai consultées ces dernières années, la dame est souvent moquée pour sa filmographie redondante et ses trop bonnes manières, qui entraîneraient apparemment un manque de caractère ou de fantaisie qui ferait pâle figure face à des Bette Davis, Katharine Hepburn ou Barbara Stanwyck. Personnellement j'adore Garson ! Elle n'est pas nécessairement au premier rang de mes archi favorites, mais je suis absolument ravi qu'une actrice aussi courtoise et d'aussi bonne humeur ait évolué sur les écrans à un moment donné. Et certes, sa filmographie manque d'éclat par rapport à d'autres, mais même si je suis en train d'achever ma migration à l'extrême-gauche de l'éventail politique, je reste tout de même trop attaché aux notions de politesse et de bonnes manières pour renier Greer Garson. D'ailleurs, est-elle si barbante que ses détracteurs le prétendent ? Pas du tout ! Au revoir, M. Chips nous révèle ainsi une femme absolument charmante qui nous transmet sa joie de vivre particulièrement communicative, Orgueil et Préjugés nous montre pour sa part qu'on peut être une personne bien élevée tout en sachant faire preuve d'esprit et de détermination, tandis que Prisonniers du passé reste son chef-d'œuvre d'interprétation, avec une scène musicale écossaise délicieusement inattendue avant l'arrivée d'émotions plus sérieuses jouées avec une grande finesse. De leur côté, les versions âgées de Madame Curie et Mrs. Parkington soulignent un véritable goût pour la composition, avec d'ailleurs des traces d'humour bienvenues chez la seconde, et n'oublions pas que Greer Garson fut assez bonne actrice pour duper Citizen Kane lui-même et lui faire croire qu'elle était… un homme ! Et même si Rosalind Russell est une Auntie Mame imbattable, j'aurais adoré voir ce qu'en fit Garson lorsqu'elle la remplaça à Broadway. Si l'on en croit les bonnes critiques qu'elle y reçut, elle y trouva assurément le rôle comique qu'elle méritait et que La Belle imprudente en demi-teinte n'avait fait qu'esquisser.

Toujours est-il que même si un Oscar pour Random Harvest eut été préférable, elle n'a certainement pas volé sa victoire avec Mrs. Miniver. J'ai déjà parlé du passage des avions que l'héroïne regarde depuis sa fenêtre, celle-ci étant la parfaite illustration de ce que l'actrice propose dans l'ensemble du film, à savoir un heureux mélange entre drame et sourire. Greer a au moins le bon goût d'être réellement charmante bien que son personnage ne me soit pas vraiment sympathique à force d'être définie par sa prétendue perfection, ce qui est déjà rafraichissant dans les premières scènes qui sont, rappelons-le, les plus faibles de l'œuvre. D'autre part, bien qu'elle n'en soit pas vraiment responsable, j'apprécie son physique plutôt commun pour une star de son envergure, car cela apporte de l'authenticité à cette famille artificielle, et soutient d'autant mieux le processus d'identification souhaité par les concepteurs du film. Là où son travail de comédienne devient vraiment remarquable, c'est dans les scènes de guerre : toutes ont pour même principe de se focaliser sur la gravité de son visage, mais en y regardant de près, on décèle de multiples émotions à travers ce masque faussement opaque, qu'il s'agisse de la tentation d'agir de quelque manière que ce soit malgré la menace du revolver allemand, ou du désespoir encore plus profond lors du retour en voiture. Le dernier drame est d'ailleurs joué avec une grande justesse vocale et faciale, même si l'actrice ne va pas plus loin que les yeux humides. Peut-être ne savait-elle pas pleurer sur commande, comme en témoigne encore son fameux « Smithy » de Prisonniers du passé où l'économie lacrymale reste de mise, mais elle compense assurément cette limite par un jeu convaincant dans le registre de la souffrance digne. Et puis, elle cherche vraiment à jouer au maximum dans toutes ses scènes : les sourcils froncés en voiture dans le noir révèlent par exemple plusieurs degrés d'émotions sur son visage, là où Teresa Wright reste moins expressive quoique parfaitement juste elle aussi. Pour l'anecdote, notons que Greer Garson n'était pas tout à fait partante pour tourner ce film, mais elle y fut obligée par son contrat à la MGM après le désistement de Norma Shearer, qui avait notoirement refusé de jouer la mère d'un acteur adulte. Greer, qui approchait également de la quarantaine, s'empressa donc d'épouser l'acteur en question pour s'offrir une cure de jouvence après le tournage ! Le mariage ne dura que cinq ans, ce qui explique apparemment pourquoi Vincent n'est jamais mentionné dans la suite du film, L'Histoire des Miniver, sortie en 1950 et que je n'ai pas vue.


En dehors de l'actrice principale, tout le monde est très bon, bien que seule May Whitty soit vraiment remarquable au point de mériter une citation pour un prix. Incarnation inébranlable d'une duchesse revêche qui mène son monde à la baguette, cette très grande actrice prend bien soin de nuancer cette première facette en révélant le côté plus tendre d'une femme qui avait jadis su tenir tête à ses parents, et qui accepte, du bout des lèvres seulement, de reconnaître la victoire d'un adversaire quand elle sait celle-ci légitime. Les dernières émotions qui s'impriment sur son visage son magnifiques, et fort expressives malgré une retenue de bon aloi, ce qui fait de Lady Beldon le personnage le plus marquant de l'histoire. De son côté, Teresa Wright est parfaitement distribuée en jeune femme enjouée et bien éduquée, sa Carol étant en joli trait d'union entre son Alexandra de La Vipère et sa chère Charlotte de L'Ombre d'un doute. Dommage qu'elle n'ait jamais réussi à sortir de cet archétype, sa plus belle variation restant sa Peggy des Plus Belles Années. Sa grande force chez Mrs. Miniver est de composer un personnage finalement adorable malgré sa hauteur inappropriée lors de son entrée en scène, et après les scènes guillerettes, voire mièvres, du début, elle fait bien ressentir l'inquiétude qui l'étreint alors que la réalité de la guerre frappe les habitants du village de plein fouet. Les hommes sont un peu à l'unisson de sa performance : leurs personnages sont joués de manière tout à fait correcte, mais aucun d'entre eux n'est vraiment captivant. Cela dit, Walter Pidgeon n'a jamais été un acteur très excitant, tandis que Richard Ney reste assez limité dans ses expressions. Plus truculents, Henry Travers et Reginald Owens apportent une touche populaire à cette société un peu trop racée pour être honnête, tandis que le Viennois Helmut Dantine incarne un nazi assez caricatural et de facto mémorable. Enfin, Henry Wilcoxon est un vicaire… très séduisant ! Plus important, c'est lui-même qui a écrit le discours d'encouragement destiné à motiver le peuple et les troupes à poursuivre le combat pour la liberté, chose qui a énormément contribué au succès du film. Dommage qu'il n'ait pas été crédité comme scénariste pour son travail.

Tout cela appuie bel et bien sur la dimension propagandiste de cette œuvre, mais ce n'est pas pour autant qu'il faut s'en offusquer, car en une période de guerre aussi affreuse qu'en 1942, toute arme était bonne à prendre pour servir une cause juste. Mrs. Miniver a cependant le défaut de présenter des personnages assez exaspérants dans un premier acte loin de la subtilité habituelle de Wyler, celui-ci s'étant largement rattrapé avec Les Plus Belles Années de notre vie avec sa galerie de caractères merveilleusement nuancés issus de toutes les couches de la société. Le public s'est néanmoins reconnu dans la famille Miniver en 1942, ce qui prouve que le metteur en scène avait vu juste, même si 80 ans plus tard nous ne sommes plus aussi enthousiastes. Le dérèglement du quotidien par la guerre est en tout cas parfaitement filmé, avec une tension qui va crescendo jusqu'à la fin, ce qui fait de ce film une réussite, bien qu'on reste loin du chef-d'œuvre.

2 commentaires:

  1. "Une furieuse envie de revoir des films de William Wyler, possiblement mon réalisateur favori de l'histoire du cinéma". Tu me tends une perche là ! Vive Wyler ! ;)

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  2. Oui, vive Wyler ! Merci de ta lecture, j'espère que tu vas bien !

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