dimanche 10 août 2014

Courrier du cœur: le huitième invité.


Chers tous, 

C'est aujourd'hui un cœur meurtri et désolé qui vous livre sa souffrance. En effet, voilà de nombreuses années que je recherche la femme que j'aime plus que tout au monde mais hélas, toutes mes tentatives pour la retrouver sont jusqu'à présent restées vaines. Dès lors, je ne puis m'empêcher de repenser au merveilleux séjour que nous avons passé ensemble, bien que les merveilleuses heures écoulées à ses côtés fussent aussi teintées de noirceur, puisque hélas, la cause de notre séparation est aussi vieille que le monde, ses amis à elle n'ayant jamais pu accepter ma différence...

Mais est-ce ma faute si je ne suis pas né avec une forme humaine? Est-ce ma faute si la nature m'a doté d'une bouche télescopique aux dents acérées? Et moi qui n'ai jamais voulu faire le mal en quelque occasion, dois-je être tenu pour responsable d'avoir été malencontreusement pondu dans le ventre d'un astronaute?  Et comme tout bébé qui vient de naître, pouvais-je savoir qu'en éclosant, je tuerai mon hôte sans le vouloir? Inutile de vous dire qu'après ces débuts houleux, il va de soi que les autres membres de l'équipage ne m'ont tout d'abord pas vu d'un très bon œil, mais par bonheur, mon Ellen n'a jamais eu ces craintes, aussi est-elle venue à moi avec tant d'amour et de gentillesse que je suis tombé amoureux sur le champ. Nous avons d'ailleurs vécu une poignée d'heures fabuleuses à chanter notre bonheur malgré nos différences, mais hélas, l'un de ses collègues, sans doute pris de jalousie après avoir été éconduit, a tout fait pour nous séparer. Pire: non content de vouloir garder Ellen pour lui tout seul, il voulait également m'enfermer à fond de cale pour mieux m'exhiber en public comme une bête de foire, une fois revenu sur Terre. Et comme il voulait bien entendu être tenu pour seul responsable de ma capture, il n'a pas hésité à décimer son équipage un par un.

De fait, son plan était redoutablement ingénieux puisque après m'avoir poursuivi dans les conduits d'aération et m'avoir coincé entre deux tuyaux, il a jeté sa balise pour se faire passer pour mort, afin de faire croire à ses collègues que j'étais un dangereux criminel avide de tous les manger! Personne n'ayant vérifié où son corps pouvait être, il a alors eu toute la liberté de tuer un à un les autres astronautes, épargnant Ellen pour des raisons perverses. Pourtant, j'ai bel et bien essayé de joindre tout le monde pour les mettre en garde, mais à chaque fois que j'entrais dans une salle, il était malheureusement passé avant moi... Alors qu'Ellen s'est crue la dernière survivante, sans compter son petit chat tout mignon, elle a tenté de fuir dans la navette de secours, mais par bonheur, j'ai pu la rejoindre in extremis pour m'expliquer avec elle. Prise de panique, et me croyant toujours coupable, elle n'a rien voulu savoir et m'a éjecté du véhicule sans autre forme de procès, probablement avant de se mettre en biostase le temps de dériver pour rejoindre la Terre. De mon côté, j'ai fini par atterrir sur une météorite, et à vrai dire, voilà 57 ans que je l'attends. Après tout ce temps, vous comprendrez que je commence à avoir faim... euh, je veux dire... faim de nos retrouvailles, qu'allez-vous imaginer? Elle me manque tellement!

Alors, pourriez-vous m'aider à retrouver ma chère Ellen? Savez-vous vers quelles directions sa navette a dérivé?

Alienement vôtre,

Zrkwxmprztvn                  

PS: Si vous savez également où je peux trouver son chat, un petit dessert de temps en temps ne fait de mal à personne... Enfin, je veux dire qu'à l'occasion de nos retrouvailles, je préparerai aussi un délicieux dessert pour le chat, hein!

Tallulah: Dahlings, avant de lui répondre, pouvez-vous me dire qui a eu l'affront de remplacer les bouteilles d'alcool du mini-bar par du lait?

Joan: C'est bien le moment de parler alcool après une lettre si romantique... Que lui répondons-nous?

Greta: Rien. Quelle idée, aussi, de vouloir retrouver des amis.

Miriam: En tout cas, je ne veux pas dire, mais si ça fait 57 ans qu'ils ne se sont vus, a-t-il pensé à chercher dans les maisons de retraite?

[Bruit de porte qui s'ouvre et de pas gluants: sflok sflok sflok.]

Alien: Bah, non. Elle est en biostase depuis tout ce temps, ça n'aurait aucun sens.

Greta: Oh. Non. Je supporte déjà difficilement la compagnie de mes collègues, mais alors celle d'un Alien, c'en est trop. Je vais finir par m'exiler sur un iceberg pour être tranquille.

Alien: Graou. En attendant, j'ai faim. Dans l'attente de retrouver Ellen, je vais commencer par vous.

Norma: Ah! J'en étais sûre! Il est bien plus méchant qu'il ne le laissait croire! Il faut le tuer avant qu'il ne nous mange. Que peut-on faire?

Bette: Pas de panique. J'ai justement gardé le revolver de La Lettre. Heureusement que je suis là! Alors, comment ça marche déjà? Ah oui, comme ça...

[Pan. Sflik. Rrrrrr.]

Bette: Ah mince! Je l'ai juste touché à l'épaule. Et il gicle un liquide bizarre en plus.

Joan: Oui, de si jolis rideaux... Heureusement que nous ne sommes pas dans mon salon.

Marlene: Attendez. S'il saigne de cette façon, on ne pourra pas le tuer normalement, ça pourrait salir les locaux. En ce cas, il faudra l'empoisonner.

Greta: Oh, oui, bonne idée. Et vous croyez vraiment qu'il va boire une tasse de thé empoisonné? En levant le petit doigt? Avec une serviette en dentelle peut-être?

Marlene: Il faut l'assommer pour le faire boire. Miriam, vous qui savez tout faire, prenez un Oscar et frappez-le au front!

Miriam: En temps normal je vous aurais bien rendu service, mais j'ai bien peur que... Oups, vous ne m'avez jamais donné d'Oscar. Si vous vouliez que je vous aide, il fallait voter pour moi en 1935, au lieu de donner le prix à la vieille furie qui a gagné à ma place!

Bette, prenant Miriam entre ses mains et la secouant comme un prunier: Tu sais ce qu'elle te dit la vieille furie? Qu'elle a gagné un deuxième Oscar pour un rôle créé par toi, et qui a fait un flop à Broadway! Hahaha!

Alien: Grrrrrrrr!

Marlene: Comme si c'était le moment de parler de ça! Bette, au lieu de vous acharner sur Miriam, prenez un de vos cinquante Oscars et assommez la bête!

Bette: Ah non, ce sont mes Oscars à moi, rien qu'à moi! Bas les pattes!

Marlene: Mais vous êtes la seule d'entre nous à pouvoir le faire. Ah moins que Joan ou Norma?

Joan: Désolée, j'ai passé ma matinée à briquer le mien, hors de question de le salir.

Alien: Grrrrrrrr. Euh, si je vous dérange, dites-le, hein.

Norma: Bon, j'ai compris. Dans ma grande bonté d'âme, je me sacrifie. Allez, petit Alien, viens par-là, penche-toi un peu, c'est ça...

[Boum.]

Norma: Et voilà le travail.

Marlene: Bon, vite, empoisonnons-le. Quelqu'un a du vitriol?

Greta: Bien sûr. Je me promène toujours avec une fiole sur moi.

Marlene: Joan et Bette, vous devez bien en avoir vous, pour les fois où vous vous croisez à la Warner?

Joan et Bette, sifflotant l'air de ne pas y toucher: Comment? De quoi voulez-vous parler?

Miriam: De toute façon, nous n'avons pas de poison dans le mini-bar, et comme Loretta Young est venue récemment jeter toutes les bouteilles d'alcool, il ne reste pas grand chose...

Tallulah: Sacrilège!

Marlene: Mais alors, quelle est la pire chose que nous pourrions lui faire boire?

Tallulah: Du lait.

Marlene: Tallulah! Ce n'est pas parce que votre taux d'alcoolémie est supérieur à celui d'un président russe que le lait fera office de poison pour tout le monde.

Tallulah: Vous avez une meilleure idée?

Marlene: Non.

Tallulah: Alors, allons-y! Ouvrez-lui la gueule, je verse.

[Glou glou glou.]

Joan: Oh, ça y est, il se contorsionne sur le sol... Il pâlit... Son souffle s'arrête... Son sang se glace... Ça y est, nous sommes saines et sauves!

Norma: Pfiou. Nous l'avons échappé belle, et mon Oscar est intact, tout va bien.

[Toc toc toc.]

Ellen: Euh... Dites donc, les filles, vous avez pas un peu l'impression de m'avoir volé la vedette? Non?

Miriam: Eh bien, peut-être que cet Alien a des frères et sœurs. Si vous voulez continuer de jouer les héroïnes, ne pourriez-vous retourner sur cette planète pour en exterminer quelques-uns?

Ellen: Hmmm... Ça n'a pas l'air d'être une si mauvaise idée après tout, je vais voir si ça vaut le coup d'y donner suite... Merci pour la suggestion.

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