samedi 5 septembre 2015

Les Dix Commandements (1956)


Dans ma revisite des films de 1956, Les Dix Commandements furent un passage obligé. Pour quel ressenti? Voyons ça en dix points.

Tu ne traîneras point trop en longueur. Passe encore que l'entracte et les génériques durent dix minutes chacun, les panneaux comportant de jolies couleurs assez variées qui divertissent malgré tout, mais quatre heures de film? C'est bien trop long. C'est d'autant plus dommage qu'hormis les scènes de foules, effectivement spectaculaires à l'image des préparatifs de l'exode aux mille couleurs, la plupart des séquences d'intérieur sont filmées comme une pièce de théâtre, et n'était le dynamisme de certains acteurs, on finirait sincèrement par décrocher à passer plus de dix minutes dans la même salle, à écouter des gens se prendre très au sérieux en parlant religieusement, tout du moins dans la première partie.


Tu feras preuve d'un peu plus d'humilité. Honnêtement, pour moi qui n'ai jamais lu aucun texte sacré, je ne suis pas mécontent qu'on me précise dans le générique de quel passage des écritures l'épisode relaté est tiré. Ça donne des pistes à creuser pour étoffer ma culture historique et philosophique, et je ne vais certainement pas m'en plaindre. Mais que Cecil B. DeMille vienne en personne m'expliquer pendant cinq minutes que Son film est extrêmement important et novateur, et me dire que je m'apprête à voir un chef-d’œuvre comme je n'en avais jamais vu jusqu'alors, non merci. Ça tourne même méchamment à la pédanterie lorsque tout ça est répété deux minutes plus tard dans le déroulement des crédits, où, sous le nom du réalisateur écrit en police 180, la notice nous précise bien que "ceux qui regarderont ce film, produit et réalisé par MOI, feront un pèlerinage sur les lieux mêmes où évolua Moïse 3000 ans plus tôt." Rien que ça! Ce n'est d'ailleurs pas vrai, la preuve avec le troisième commandement:

Tu n'abuseras pas trop des effets spéciaux. D'accord, je reconnais que ce devait être impressionnant sur grand écran en 1956, je ne remets pas ça en cause, et voir les bâtons se transformer en cobras, la mer Rouge s'ouvrir majestueusement et le feu sacré inscrire les commandements sur la pierre reste finalement divertissant. Mais ce qui m'agace par-dessus tout, c'est cette manie d'incruster les images en arrière-plan, même pour montrer des choses moins spectaculaires, si bien que tous les personnages au premier-plan sont constamment cernés de bleu. La technique n'est donc pas tout à fait au point, et le fameux voyage en Egypte et au Sinaï est objectivement remplacé par un voyage dans les studios de la Paramount. C'est déjà pas mal, certes, et les prises de vues réelles dans les monts du Proche-Orient, bien qu'incrustées après coup derrière les acteurs, font tout de même leur petit effet, d'autant qu'on ne peut pas demander à un film de cette époque d'atteindre le même niveau d'illusion que les productions contemporaines. Malgré tout, la Cléopâtre du même DeMille, intégralement tournée en studio vingt-deux ans plus tôt, créait une bien meilleure illusion avec seulement quelques décors, et ces Dix Commandements auraient pu se contenter des effets spéciaux propres à la magie biblique, sans se croire obligés de projeter des images plus quotidiennes, tel le chantier, sur un fond d'écran tout bleu où chaque interprète a l'air d'un halo ambulant.

Tu utiliseras mieux tes décors. Peut-être qu'en soi, les décors sont bien travaillés, mais à la façon dont ils sont filmés, tout sonne faux dès le départ, et ça sent le carton-pâte à plein nez. Sincèrement, les roseaux et nénuphars de l'ouverture ont l'air d'être en plastique, les multiples statues de lions ne font pas authentiques du tout, et même les nombreuses colonnes des temples et palais ne semblent pas avoir grand-chose d'égyptien. A vrai dire, même les fuseaux de laine de Séphora ressemblent avant tout à de la barbe-à-papa, et seules les maisons en briques sonnent finalement à peu près juste. Pour en revenir à Cléopâtre, l'Egypte vue dans les années 1930 semblait cent fois plus cinématographique avec pourtant moins de décors, mais cette Egypte-là sent le studio à plein nez. C'est flagrant lorsque l'on compare Les Dix Commandements avec les autres grandes fresques colorées de 1956. En effet, quand je regarde Le Roi et moi, j'ai réellement l'impression d'être en Thaïlande malgré la débauche de décors un peu trop surchargés. Quand je regarde la deuxième partie de Géant, je n'ai jamais l'impression d'être dans un studio, mais bel et bien dans un grand hôtel au Texas. Et dans les scènes d'intérieur de Friendly Persuasion? J'arrive totalement à m'immerger dans une maison américaine de la guerre de Sécession. Quant au pique-nique champêtre entre Vincent van Gogh et sa cousine dans Lust for Life, séquence manifestement tournée en studio avec les arbres peints au fond, je n'ai aucun problème à me croire réellement dans un verger brabançon. Mais dans Les Dix Commandements, je me sens uniquement devant une scène, où même les couleurs des murs sont trop criardes pour être honnêtes. Je n'arrive dès lors pas à déterminer si le problème vient de la décoration ou de son utilisation par DeMille.


Tu ne te laveras point les cheveux dans la farine. Autre catégorie technique qu'on a du mal à prendre au sérieux, la manière dont les personnages sont coiffés pose un gros problème de crédibilité. Sérieusement, c'est quoi cette barbe peinte à la farine? Maquillé de la sorte, Moïse a moins l'air d'un prophète que d'un apprenti cuistot qui aurait renversé des ingrédients partout, et son vieillissement est encore pire, avec ces kilos de tissus blancs qui le font davantage ressembler au frère caché des rois mages et du Père Nöel qu'à un vieillard qui vient d'errer quarante ans dans le désert. En toute honnêteté, le joli blanchiment de cheveux de Liz Taylor et Rock Hudson dans Giant renvoie Moïse à un carnaval de cour de récréation, et même James Dean a l'air plus crédible vieux que Charlton Heston la même année. Par contre, les perruques brunes que portent toutes les actrices blondes afin d'avoir l'air égyptiennes ne posent nullement problème, et c'est plutôt bien trouvé de ce côté-ci.

Tu éclairciras mieux le parcours de tes personnages. Comme précisé plus haut, je n'ai jamais lu les Testaments, qu'ils soient ancien ou nouveau, et je ne sais pas si le récit est clair concernant les héros, mais en l'état, le scénario pose problème sur plusieurs points. Premier exemple: Bithiah. Depuis quand est-elle veuve? Comment justifie-t-elle qu'un bébé lui soit sorti du ventre comme par magie alors que son mari est enterré depuis au moins un certain temps? Ce point est essentiel car son frère, le pharaon Séthi Ier, ne doute jamais que Moïse soit bel et bien son fils à elle. Sachant que le nourrisson a été allaité par sa vraie mère, Yochabel, comme Memnet le révèle plus tard, imagine-t-on Bithiah arriver en cour un beau jour en montrant un fils dont nul n'avait entendu parler jusqu'alors sans que personne n'ait de soupçons? Le scénario ne se pose pas de questions à ce niveau-là, mais ça me fait personnellement tiquer. Deuxième exemple: Moïse. Après avoir retrouvé sa véritable famille, le prince décide du jour au lendemain de devenir esclave. Outre le fait que Charlton Heston ne suggère en rien le conflit intérieur qui devrait théoriquement affecter le héros (mais ce n'est pas le propos: il s'agit d'aller directement à l'essentiel en présentant un personnage héroïque, et on imagine mal DeMille donner une profondeur psychologique à une histoire qu'il prend manifestement au premier degré, ou tout du moins très au sérieux), nous nous retrouvons donc avec un Moïse qui s'en va couler des briques comme si de rien n'était après seulement une unique nuit qui aura bouleversé son existence. Oui, mais personne au palais ne s'interroge sur la disparition du prince? Lorsque celui-ci fait son retour couvert de boue pour révéler la vérité au pharaon, il est clair que Séthi ne savait pas que son neveu était parti rejoindre les esclaves. Mais sur le chantier, comment se fait-il que Baka, qui a côtoyé Moïse au quotidien depuis le début, ne reconnaisse pas le prince à deux mètres, avec juste un peu de boue sur le nez, alors que Néfrétiri parvient à le retrouver du premier coup parmi des milliers d'esclaves? Vous allez me dire que je m'égare sur des détails ultra mineurs, mais ça m'a réellement posé problème lors du visionnage. Je conclurai en signalant que les soldats lancés à l'assaut des Hébreux en pleine mer Rouge ne pensent tout simplement pas à s'enfuir en voyant les eaux se refermer sur eux, pas même les plus proches de la berge. Ça tient évidemment aux effets spéciaux, mais ça n'empêchait pas qu'un ou deux figurants esquissent un geste de repli au lieu de rester là à attendre sans rien faire. Autrement, l'histoire se suit avec intérêt dans les grandes lignes, tout n'est pas à jeter non plus, loin de là!

Tu dirigeras mieux tes acteurs. Outre mon indifférence non feinte pour Charlton Heston, un acteur à mon goût très limité et se contentant de jouer au héros sans jamais esquisser la moindre nuance ni le moindre embryon d'interrogation ou de complexité (la scène improvisée du parfum dans The Naked Jungle reste son sommet), admettons malgré tout que l'interprétation dans le film contribue à renforcer l'impression de fausseté engendrée par les décors: à force de théâtralité exacerbée, on voit trop les ficelles pour pouvoir s'immerger réellement dans un film qui aurait gagné à laisser un peu plus de naturel venir à soi. Par exemple, Yul Brynner est bien meilleur ici dans le rôle qui lui valut son Oscar la même année, The King and I, encore que sa performance dans Anastasia reste à mon avis sa meilleure; mais il est simplement méchant, sans nuances ni subtilité. On lui reconnaîtra tout de même beaucoup de panache et un regard perçant ravageur, mais on ressent finalement peu d'humanité chez le personnage, pas même lorsque les drames le touchent alors qu'il garde un air teigneux et renfrogné. Dans la version animée de 1998, Moïse et Ramsès sont présentés de prime abord comme très proches et toujours prêts à faire les 400 coups ensemble, ce qui leur donne non seulement de l'humour, mais aussi de la complexité à mesure que leurs relations se détériorent. Le scénario de 1956 ne donne néanmoins pas à Yul Brynner une telle piste à exploiter: comme précisé plus haut, il faut aller à l'essentiel et différencier très vite le héros du méchant, si bien que l'acteur joue à l'antagoniste dès sa première apparition. Le seul avantage, cocasse, que lui offre le scénario d'un point de vue contemporain, c'est que Ramsès gagne malgré tout la sympathie du spectateur, mais par défaut, face au prosélytisme irritant de Moïse qui se balade de pièce en pièce comme un petit oiseau pour faire la morale à tout le monde, dans la seconde partie. Et je sais bien, Moïse harcèle Ramsès pour sauver son peuple, mais ça ne l'empêche nullement de faire autant de mal que son rival en étant d'autant plus agaçant, et si c'est en plus pour finir par lâcher les Hébreux dans le désert sans esquisser le moindre pardon, tout ça parce qu'ils se sont laissés tenter une fois en son absence, c'est bien la peine de se poser en grand moralisateur sur son piédestal.

Autrement, les seconds rôles sont très quelconques: Edward G. Robinson et Vincent Price sont juste méchants, John Derek franchement insipide, et Cedric Hardwicke bénéficie d'une scène de mort particulièrement risible dans ses accents mélodramatiques. Martha Scott est quant à elle assez mauvaise à force de réciter de façon très théâtrale un texte pas du tout subtil à l'origine, tandis que les autres actrices ont pour leur part été recrutées en fonction de leur tour de poitrine, parfois pour le meilleur (une Yvonne de Carlo aussi jolie que charismatique même si elle n'a pas grand chose à faire, à part tenir tête à l'ouragan Anne Baxter), parfois pour le pire (Debra Paget qui attend seulement que Joshuaaaaaa (!!!) vienne la sauver). Entre les deux, Judith Anderson est sèche à souhait dans un rôle de servante maussade qui ne s'embarrasse pas de subtilité. Par ailleurs, il aurait été préférable, également, de dire aux figurants de se calmer cinq minutes, parce qu'entre le vieillard qui danse dans le grain comme s'il avait vu Dieu avant Moïse, et le pépé qui passe dans la foule en criant "Moïse" comme s'il appelait sa bien-aimée, ça prête plus à rire qu'autre chose.


Tu renommeras ton film "The Anne Baxter Show". Cependant, si le film ne brille pas par son interprétation, ce n'est pas un si gros problème que ça, puisque Anne Baxter est là pour ne faire qu'une bouchée de tous les autres acteurs, au point de nous faire oublier à quel point certains sont mauvais. En fait, on aurait même pu enlever les décors, les costumes et tout le reste de la distribution pour la placer seule sur une scène vide que ça n'aurait pas changé grand chose: elle en fait tant et tant qu'elle dynamise le film à elle seule, si bien qu'on ne voit vraiment plus qu'elle. Mais est-ce une bonne chose pour autant? L'ennui, c'est qu'on assiste à un récital de ce que l'actrice sait faire: un regard inquiet par-ci, une moue provocante par-là, et une larme sur une joue, au choix; mais l'actrice est toutefois incapable de se maîtriser, se vautrant parfois dans des flots de ridicule particulièrement gênants, à commencer par sa diction quelque peu outrée, avec ses fameux "Môôôsssssseeeeees!!!" énoncés à la manière d'une rock star en fin de vie. Sinon, sa performance est assez limpide: elle joue à la fille riche et capricieuse qui s'amuse à titiller tout le monde, tout en soulignant son amour pour Moïse sans pour autant cesser de jouer avec lui, et elle bénéficie d'autant de scènes mal maîtrisées dans leurs excès que de séquences très bien jouées, telle la mort du pharaon. Disons que c'est moins une performance qu'une démonstration de charisme, mais ça a tout de même quelque chose d'addictif dans son caractère très spécial. J'aurais même pu trouver cette interprétation franchement excellente... si Anne Baxter avait donné exactement la même dans une comédie!

Il n'y a qu'à comparer son jeu avec celui de Nina Foch dans le même film pour réaliser à quel point la seconde avait une longueur d'avance sur sa consœur. En effet, Nina Foch tombe pour sa part toujours juste même quand elle doit exprimer ses émotions avec force, et son grand moment qui la voit évoluer, inquiète, entre la maison de Yochabel et le palais est extrêmement bien joué, l'actrice sachant marquer les esprits sans jamais dépasser la dose prescrite par le bon sens, et se payant même le luxe d'ajouter de la dureté à la sympathie qu'elle dégage de prime abord. En définitive, je suis beaucoup plus intéressé par la mère digne que par la fiancée capricieuse, de quoi plomber d'autant plus mon ressenti envers Anne Baxter, quoique Nina Foch n'ait absolument rien à faire dans la seconde partie. Franchement, j'aurais adoré la voir s'interposer entre les Hébreux et les chars de Ramsès, ou la voir tenter de raisonner les croyants lors de l'épisode du veau d'or, mais le scénario préfère réduire ces scènes-là à un unique plan, ce que je comprends vu que Bithiah n'est pas un personnage central, même si ça me fait rester sur ma faim.


Tu feras malgré tout un joli spectacle. Bon, j'ai beau avoir pas mal de réserves sur le film, ça reste un très grand divertissement que j'ai pris plaisir à revoir, et force est de reconnaître que c'est aussi bien plus excitant que d'autres péplums de l'époque, comme l'insipide Alexandre le Grand de la même année, pourtant d'esthétique plus cinématographique que le DeMille en question. Certaines images des Dix Commandements sont d'ailleurs mythiques pour de bonnes raisons, tel Moïse commandant l'ouverture de la mer Rouge, mais je suis pour ma part encore plus séduit par les scènes de foule, en particulier par les préparatifs de l'exode, avec tous ces figurants s'échangeant des objets chamarrés aux portes du désert. Voilà qui fait rêver et voyager. Par contre...

Tu arrêteras cinq minutes avec les jolies danseuses. Certes, c'est bien sympa de caser des scènes de danses exotiques depuis le début, mais la recette commence un peu à tourner à vide chez un réalisateur qui n'hésite pas à en rajouter une couche ici, entre les Éthiopiennes, les Égyptiennes et les Israélites en pleine orgie autour du veau d'or. Une fois de plus, tout est prétexte à assouvir des fantasmes de vieux barbon, mais quelqu'un a-t-il pensé à dire à DeMille que toutes les filles de l'Antiquité n'avaient pas pour seul objectif que de participer à des orgies?

Les Dix Commandements restent alors un spectacle assez intéressant qui pèche néanmoins par bien des aspects, de quoi me conduire à être moins indulgent avec l’œuvre que je ne le fus par le passé. Pour l'effort et la volonté d'en mettre plein la vue par des effets spéciaux novateurs pour l'époque, et parce qu'il y eut tellement pire en 1956, j'en resterai à un modeste 6/10. Je reconnais également avoir eu des attentes déplacées à l'égard d'un sujet qui n'avait pas pour but de présenter des héros follement complexes. On ne m'empêchera pas de penser, tout de même, qu'il aurait été nettement plus intéressant de prendre du recul face au récit sacré au lieu de tout raconter au premier degré. Je ne sais néanmoins pas ce qu'ont donné les adaptations suivantes: quatre heures de DeMille m'ont diverti pour les dix ans à venir sur la question!

6 commentaires:

  1. A la lecture de ta chronique, je retrouve certains des reproches que j'avais pu faire au Signe de la Croix, la précédente adaptation biblique de Mr. De Mille. Entre la prétention du réalisateur qui se prend très au sérieux dès qu'il s'agit d'adapter à l'écran les Écritures (je me suis toujours demandée s'il y croyait vraiment ou s'il en rajoutait pour plaire à son public Bible Belt), le manque de caractérisation des personnages, le prêchi-prêcha religieux indigeste et l'adoption du premier prétexte venu pour insérer une demoiselle en petite tenue a l'écran, c'est carton plein.

    Toi qui connais ma passion pour le travail de ce brave Cecil, penses-tu que je puisse tenir quatre heures (sans déconner, quatre heures? Le dessin animé Dreamworks semble faire cent fois mieux en une heure et demi et possède de très jolies chansons) devant Les Dix Commandements? Ou je laisse tomber l'idée et je me refais une cure de Four Frightened People?

    NB: tu n'as pas mentionné les Pygmées dans ta review. Ne me dis pas que De Mille a abandonné cette ancestrale tradition?

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    1. Franchement non, tu vas détester! Surtout qu'il y a une espèce de flottement la deuxième heure, qui donne furieusement envie de décrocher par moments. Je pense que seules Anne Baxter et Nina Foch pourraient piquer ta curiosité, si tu te sens le courage d'affronter les quatre-vingt-dix-huit mille regards en coin d'Eve Harrington mêlés à la subtile dureté de la méchante voleuse de bijoux des Adieux à la reine et à la douce voix de Tallulah après ses dix paquets de cigarettes quotidiens!

      Autrement, je suis d'accord pour la version Dreamworks: ça va directement à l'essentiel tout en présentant des rapports complexes entre les deux frères, mais les attentes du public n'étaient objectivement pas les mêmes en 1956 et 1998. Les chansons du dessin animé sont effectivement très jolies, surtout "When You Believe" interprétée par nulle autre que Michelle Pfeiffer!

      Et pas d'inquiétudes autrement: l'absence de Pygmées est ici compensée par une délégation éthiopienne emplumée jusqu'au cou, avec des servantes qui font la danse des sept voiles avant l'entrée du couple royal (subtil et normal!), des soldats dont les lances sont coiffées de plumeaux fluorescents de toutes les couleurs, des gardes revêtus de peaux de panthères, et un roi et une reine complètement soumis! Bingo, on touche le gros lot dès le premier quart d'heure! Plus loin, y a aussi Ramsès qui se promène en petite tenue léopard, mais ça lui réussit visiblement moins qu'à Judy Jones.

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  2. J'allais dire que pour apprécier pleinement le film, il faut, peut-être, ne pas être réfractaire aux faits religieux (parce que je pense que c'est à prendre au premier degré de la part de De Mille, et, que par exemple, en bon catho, c'est le genre de film que j'adore regarder à Pâques) mais ça reviendrait à dire que pour aimer un péplum mythologique, il faut être polythéiste, alors bon ... je ne sais plus.

    Les souvenirs d'enfance ? L'amour des spectacles kitsch ? Anne Baxter (allez, hop, j'avoue, je la nomme en supporting malgré ma gêne !) ? Les torses égyptiens ?

    En tout cas, j'en montre parfois des extraits en classe (quand on travaille sur l'Ancien Testament) et ça marche toujours très bien auprès des 6èmes ! Peut-être qu'il faut avoir toujours 11 ans dans sa tête pour apprécier.

    L'AACF

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    1. Après, je ne suis pas foncièrement réfractaire au fait religieux, mais comme je n'y connais absolument rien et qu'on m'a élevé absolument en dehors de ces questions (alors que j'ai toute une branche de cousins très très cathos, ma pieuse arrière-grand-mère se faisait même confesser tous les quatre matins), on comprendra aisément que la religion ne me parle pas du tout du tout. Cependant, si ma méconnaissance de la bible me donne des attentes "logiques" quant à un scénario plutôt "magique", je ne pense pas que ce soit ça qui m'empêche d'apprécier Les Dix Commandements. C'est surtout le spectacle kitsch et tout ce qu'il y a autour qui me bloque, mais si le film avait été réalisé par, mettons, William Wyler et que le produit fini ressemblait plus à Ben-Hur d'un point de vue formel, j'aurais peut-être totalement apprécié. Je ne sais pas. Je parle de Ben-Hur car c'est ce film-là qu'on m'a montré en latin en 5e, et peut-être aurais-je eu la nostalgie des Commandements fût-ce tombé sur celui-ci.

      De son côté, Anne Baxter me déçoit de plus en plus, j'avoue. A l'origine, j'achetais tout ce qu'elle faisait les yeux fermés en période de découverte, uniquement pour son charisme, mais depuis, je la trouve relativement lourde dans presque tout. Néanmoins, sa performance dévoreuse d'hommes dans le DeMille en question a un côté réellement jouissif, même si ça tend méchamment vers les pires travers de l'actrice, à l'image du regard machiavélique à la meilleure amie dans Eve. On lui reconnaîtra tout de même deux séquences plutôt bien jouées: sa complicité avec le pharaon d'une part, et sa confrontation avec Yvonne de Carlo d'autre part.

      Quant aux torses égyptiens, je trouve le film assez décevant de ce côté-là. Yul Brynner est imberbe ce qui m'agace, et je n'aime rien de ce que Charlton Heston présente au-dessus du torse. Il faudrait faire un mix des deux, je suppose. Ceci était le commentaire le plus pertinent de la soirée...

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    2. Assez d'accord pour Anne Baxter : c'est une actrice de talent et de caractère mais elle n'a pas toujours les moyens, le charisme, de son "surjeu" et du coup, elle en devient simplement assez peu subtile. Du coup, je peux l'apprécier beaucoup quand elle est en roue libre et que ça correspond au film (celui-ci, par exemple, à mon avis) mais parfois je suis très déçu (je pense à La Femme aux gardénias par exemple, où sa scène d'ivresse m'avait vraiment posé problème).

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    3. Je n'ai plus un souvenir très précis des gardénias, mais je suis tout de même d'accord pour dire que son jeu est adapté aux Commandements. Je ne sais néanmoins pas quoi penser de son manque total de subtilité dans ce film: ça tourne parfois au ridicule mais... va savoir pourquoi, la même année, je suis totalement fan de ce que fait Dorothy Malone dans Written on the Wind, alors qu'elle-même en fait des tonnes et qu'elle n'est même pas techniquement bonne dans ce registre (le gros plan au bord du lac est on ne peut plus laborieux!). Du coup, si je garde Malone, irais-je jusqu'à nommer Baxter? Je ne sais plus, il va me falloir de nouveaux jours de réflexion avant de publier mon article. Ça ne dit pas qui sera la grande gagnante, ceci dit, gnark gnark gnark!

      Pour Baxter, c'est actuellement dans les Ambersons qu'elle me séduit le plus.

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