dimanche 25 juillet 2021

Le Colocataire


Après l'Écosse, l'Argentine. Et après les reines rousses, un artisan blond et un artisan brun. Le Colocataire est un film de Marco Berger sorti en 2019, et mettant l'accent sur la couleur de cheveux de l'un des protagonistes, un blond (Un rubio en espagnol) qui détonne dans un univers capillaire des plus sombres. Ce héros flavescent, Gabriel, est un jeune veuf dont la petite fille est élevée par ses grands-parents, et qui s'en va loger chez son collègue Juan le temps de mettre de l'ordre dans sa vie. Mais étant donné la perfection physique des deux hommes, de nouveaux désirs ne tardent pas à se faire entendre...


Le Colocataire est avant tout un film silencieux : les dialogues tout à fait banals sur l'idée de sortir faire une course ou de commenter un match n'ont guère d'importance, tant et si bien que le tout aurait pu être un film muet à l'ancienne. Ce qui compte, c'est le langage des gestes et des regards. Ainsi, une main qui effleure une cuisse pour observer une vidéo sur le téléphone d'un tiers, des œillades en coin alors que l'on fait mine de suivre un événement sportif sur le téléviseur, des bouches qui se rapprochent involontairement au gré des soubresauts du métro, une nudité affichée derrière des portes sciemment laissées entrouvertes et un regard fixe, qui attend que l'on ôte sa serviette de bain avant de se détourner, constituent à elles seules le premier acte du récit, avant que ne vienne le temps des étreintes dans l'intimité d'une chambre à coucher. Celles-ci sont d'ailleurs très réussies, à tel point qu'il est agréable de s'enthousiasmer pour des amours gay enfin convaincantes et terriblement sensuelles.


Dommage, cependant, qu'en dehors de leurs corps attrayants les comédiens ne soient pas follement expressifs. Un air constamment détaché pour le brun qui se revendique avant tout hétéro, mais finalement plus attaché à son collègue qu'il ne le voudrait, et une mine de chien battu pour le blond en perte de repères, ne suffisent pas à donner plus d'épaisseur aux personnages, bien que leur passion paraisse sincère grâce au savoir-faire d'un metteur en scène qui connaît bien son sujet. Dommage, également, que le film ne soit pas plus étoffé et se contente, avec brio, de constituer une source inépuisable de fantasmes. Aux doutes des protagonistes s'ajoutent quelques éléments perturbateurs pour compliquer la romance, avec entre autres deux petites amies qui s'accrochent, une fratrie très hétéro et par essence peu fine ni ouverte d'esprit, ou encore une adorable fillette avec qui il convient de combler la distance au plus vite, mais aucune de ces silhouette ne parvient à dynamiser un film qui finit par s'enliser dans le cadre angoissant d'un appartement sombre qui pue la cigarette. Le sexe et l'amour, qui confinent au sublime, apportent de la lumière aux murs jaunis, mais le film repose sur cette unique évasion pour sortir avec difficulté d'une torpeur qui finit par ennuyer.


Trop banal et feutré pour illustrer la vie d'une banlieue morne où les lignes de chemin de fer au ras des jardins ne sont pas la promesse d'un avenir meilleur, et cependant parfaitement charnel pour éclairer la douleur d'une perte ou le sentiment d'un échec professionnel, Le Colocataire trouve une conclusion à la frontière de ces états d'âme à travers une complicité père-fille qui magnifie autant le bonheur et la tristesse qu'il y a à s'attacher à l'autre. On s'ennuie parfois, on se réjouit par ailleurs, mais on a affaire à des relations qui sonnent toujours juste : c'est assez rare pour être noté.

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