J'essaie de rédiger un article sur Yentl, un film que j'ai enfin découvert et que j'ai d'ailleurs beaucoup aimé, et je suis malgré tout bloqué depuis un mois dans ma rédaction. En outre, je ne traverse pas une période de sereine tranquillité en ce moment, ce qui me rend moins assidu au blog. Par bonheur, j'étais en vacances ce début de mois, aussi en ai-je profité pour redécouvrir les lieux emblématiques de mes deux régions de cœur et d'origine : le Poitou-Charentes et le Limousin. Et comme j'ai un grand besoin d'évasion aujourd'hui, voici quelques photographies ensoleillées de l'estuaire de la Gironde, côté saintongeais. D'une manière générale, les bords de mer charentais m'angoissent légèrement, tant leur platitude semble une anomalie, et rappelle que l'océan recouvrait ce territoire jadis. Mais il en va autrement des villes portuaires du canton de Cozes, bien ancrées depuis toujours sur un terrain solide dont les falaises de calcaire surplombent l'Atlantique avec panache. Ce joli parcours nous conduira de Mortagne à Meschers, en passant par Chenac et Barzan. J'exclue volontairement Talmont, un village si merveilleux qu'il méritera son propre article.
Les falaises mortes de Mortagne-sur-Gironde
Scindée en deux parties distinctes, avec la ville haute centrée autour de l'église Saint-Étienne, et le port relié à l'estuaire par un chenal, Mortagne-sur-Gironde est une cité captivante qui se distingue par ses belles falaises de calcaire autrefois ciselées par les flots. La mer s'étant retirée depuis, celles-ci s'élèvent au beau milieu de la ville basse et des champs marécageux formant ce que l'on appelle la Petite Camargue ou Camargue saintongeaise. La place Bel Air, au débouché de la ville haute, offre un joli panorama sur ce paysage particulier, bordé à l'horizon par les célèbres terres du Médoc.
C'est néanmoins dans la ville basse que Mortagne se dévoile sous son plus beau profil, grâce aux lignes horizontales des falaises érodées, devant lesquelles se dressent aujourd'hui des habitations et nombre de jardins privés.
La promenade qui longe la fine rivière de Fontdevine conduit même jusqu'à un ermitage monolithe dédié à saint Martial, qui accueillit aux temps médiévaux une communauté de moines vouée à l'accueil des pèlerins en route pour Saint-Jacques-de-Compostelle depuis la Bretagne, et au sauvetage des marins en péril.
Délivrée des Anglais dès 1407 par François de Montbron, la cité fut érigée en principauté, titre qui fut deux siècles plus tard attribué au cardinal de Richelieu. Particulièrement prospère, le port connut nombre d'activités économiques, militaires et touristiques, de la pêche à la plaisance, en passant par l'exportation de cognac et de céréales, et par l'hébergement de torpilleurs. Avant la Seconde Guerre mondiale, Mortagne était le troisième port de l'estuaire de la Gironde, après Blaye et bien entendu Bordeaux.
Le balcon de Chenac
Il faut quitter Mortagne par la D145, qui dans la continuité de la ville haute offre à son tour de jolis points de vue sur l'estuaire. Le plus célèbre d'entre eux est situé sur la commune de Chenac-Saint-Seurin-d'Uzet, née en 1965 de la fusion de ces deux villages complémentaires, le premier à vocation agricole et viticole, le second à vocation halieutique.
Les embruns de Barzan
Cette même route conduit ensuite à Barzan, et permet d'admirer les premiers contreforts de Talmont, situé juste après cette nouvelle falaise de calcaire. La commune est surtout connue pour abriter le site gallo-romain du Fâ, que je n'ai jamais pris le temps de visiter, mais qui reste le témoin d'un passé prestigieux. Les historiens estiment aujourd'hui qu'il s'agit de l'emplacement de l'antique Novioregum, une cité ayant connu son heure de gloire au IIe siècle de notre ère, et dont le paysage porte encore l'empreinte d'un forum, de temples, de thermes et d'un théâtre.
Les blanches falaises de Meschers
Distinguée par sa belle église dédiée à Saint-Saturnin, dont l'intérieur très épuré n'enlève rien au charme d'un clocher au sommet gothique posé sur une base romane, Meschers-sur-Gironde vaut surtout le détour pour ses magnifiques falaises percées de grottes. Les plus célèbres sont celles de Régulus et de Matata, qui servirent successivement d'entrepôts à grains, de refuges protestants et de repaires de contrebandiers, mais une promenade gratuite, quoiqu'un brin risquée, offre son content d'aventures à deux pas de là.
Un escalier étroit descend du boulevard de la falaise, aisément remarquable par ses anciens moulins à vent absorbés par les villas bâties depuis, pour conduire aux carrelets typiques du littoral saintongeais et aquitain. Au-delà de cette tradition, à laquelle je ne suis pas favorable, la ballade permet d'admirer certaines particularités rocheuses, qui donnent une furieuse envie d'inventer des histoires de pirates !
Et alors que les carrelets sont ostensiblement tournés vers l'océan, les falaises laissent apparaître de nombreuses cavités remaniées par l'homme. Certaines n'hésitent d'ailleurs pas à créer le malaise : entre les dessins obscènes et les obscurs vestiges de labyrinthes contrastant avec la roche immaculée baignée par un soleil aveuglant, on ne s'y sent pas tout à fait en sécurité alors qu'il semble n'y avoir personne alentour.
Des panneaux disposés sur le boulevard invitent d'ailleurs les promeneurs à ne pas s'aventurer dans cette partie de la falaise, considérant que les tentatives sont à "vos risques et périls" devant la possibilité d'éboulements. Sans surprise, ces précisions intriguent et donnent au contraire envie de transgresser les interdits. Toutefois, les panneaux sont loin d'avoir tort : qu'on longe les grottes ou que l'on passe sous les carrelets, le chemin n'est nullement aménagé. Les dénivelés sont parfois très importants d'un pas à l'autre, sans compter que les algues rendent les abords de l'eau particulièrement glissants. Ce n'est clairement pas une promenade de santé. Même moi qui ai l'habitude de gambader comme un cabri, j'ai bien manqué de m'étaler à plus d'une reprise. Mais franchement, le jeu en vaut la chandelle, pourvu que vous restiez en groupe. Notez cependant que la seule possibilité de regagner le boulevard, si vous ne souhaitez pas revenir sur vos pas sur ce sentier difficile, est de monter une longue échelle quasiment à la verticale. Autant vous dire qu'il m'a fallu beaucoup de courage pour ce faire, ayant été obligé d'y aller échelon par échelon en me forçant à ne surtout pas regarder derrière moi. Je suis content de l'avoir fait, mais je ne suis pas sûr de pouvoir y retourner. Ce fut tout de même une bonne journée !
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