Résumé de la sorte, le scénario met extrêmement mal à l'aise, sachant que si Sally Field est encore très séduisante à la ville de nos jours, son accoutrement dans le film parviendrait à rebuter même les personnes les mieux intentionnées. Et je reste personnellement dégoûté par les avances mal placées de personnes sexuellement frustrées, des vieux répugnants qui n'arrivent plus à tirer leur coup à une veuve catholique qui m'avait suivi dans tout un magasin avec son fils prénommé Joseph, sans parler des traumatismes qui me travaillent beaucoup ces derniers temps depuis que des souvenirs douloureux ont ressurgi après un séjour chez une personne de ma famille. Pour sûr, tout cela crée le malaise. Je me souviens avoir été particulièrement gêné devant Les Dames de Cornouailles il y a 18 ans : malgré la délicatesse du traitement et de l'interprétation, j'avais trouvé ça horrifiant, mais je nageais moi-même en plein traumatisme à cette date, sans qu'aucun recul ne fût encore possible. Les mésaventures de Doris sont un peu différentes, car au moins, la dame apprend à faire un travail sur elle-même pour ne plus empiéter sur un territoire dont elle n'aurait jamais dû franchir les limites. Cela sert de catharsis, qui n'existe malheureusement pas forcément dans la vraie vie, à un juger par les messages désespérés que je reçois encore à ce jour.
Bref, cela fait plusieurs articles que j'évoque des choses hyper impudiques, et j'en ai honte car il serait plus approprié d'en parler à un psy plutôt qu'à un lectorat. Néanmoins, l'écriture est plus immédiatement libératrice pour moi. Je m'en excuse. Je me trouve à un moment de mon existence où toutes les pièces du puzzle finissent de s'assembler, d'où le besoin d'en parler dans l'impatience de pouvoir enfin tourner la page. De manière plus rassurante, je prépare de nouveaux articles bien plus divertissants qui n'évoqueront pas ce sujet à l'avenir.
Hello, My Name Is Doris est en tout cas un exemple typique de la comédie indépendante américaine : la mise en scène n'y est jamais spectaculaire, mais le scénario fait la part belle aux petites excentricités de personnages ordinaires. Le réalisateur use ici de l'allégorie du fantasme en filmant deux fois la même scène : dans le premier jet, l'héroïne imagine que son collègue la distingue dans la foule et tente sa chance pour une relation avec elle, tandis que la réalité la rattrape au second tour alors qu'elle se rend compte qu'elle vient de rêver, et qu'elle reste plantée au milieu du couloir sans que personne ne se soucie d'elle. Ce procédé scénaristique n'est pas la chose la plus innovante qui soit, mais ça fonctionne très bien dans le film, notamment lors de la conclusion qui permet à Sally Field de tirer sa révérence sur une excellente note pleine de nuances. En revanche, je suis moins convaincu par les autres ficelles utilisées par le récit, notamment ce qui concerne les deutéragonistes qui frôlent tous la caricature du « film indé américain », dont une méchante cheffe de service particulièrement odieuse qui oblige ses employés à s'asseoir sur des boules sans dossier, des collègues homosexuels très stéréotypés, l'inénarrable meilleure amie en surpoids qui a tout compris à la vie, ou encore un frère égoïste et une belle-sœur aussi avare que teigneuse.
Je n'ai pas non plus compris la position du réalisateur sur l'univers gay qui ne s'exprime que de la manière la plus déroutante qui soit, avec cette institutrice défoncée qui dit travailler dans une école primaire spécialisée pour les enfants qui deviendront plus tard gays ou lesbiennes, ou ce cercle de tricoteuses saphiques qui se regroupent sur les toits de la ville. Tout cela est montré pour nous dire que, malgré tout, les personnages principaux sont bien hétéros, mais je ne vois pas en quoi cela sert le film. On dirait même que le metteur en scène, lui-même hétéro, n'utilise l'homosexualité que comme image d'Épinal de l'excentricité propre aux films indépendants, ce qui est un cliché peu enthousiasmant. Quoi qu'il en soit, rappeler sans cesse que John est hétéro bien qu'il aille à des soirées électro avec des potes LGBTQ, et que Brooklyn l'est tout autant bien qu'elle fasse partie d'un cercle de couturières lesbiennes, n'apporte pas de plus-value au film, à mon avis. Nous ne mentionnerons pas ce « jeu de la vérité » arrosé où tous les homosexuels présents ont forcément participé à une priapée une fois dans leur vie. Merci pour ce gracieux cliché.
Cela ne m'a pas empêché d'être diverti tout du long, même si tout ne fait pas toujours sens. La métaphore de la maison remplie d'objets inutiles, qu'il faudra parvenir à vider pour passer à autre chose, est certainement plus réussie à défaut d'être originale, elle aussi. Cette parabole porte assurément la meilleure scène de Sally Field, lorsque celle-ci hurle après ce qui lui reste de famille tout en réalisant qu'elle est passée à côté de sa vie alors qu'elle est la seule à avoir eu la conscience morale de venir en aide aux autres. C'est à la fois touchant et criant de vérité, et cette scène aurait constitué un formidable clip à Oscar si le film avait eu un meilleur retentissement. Qu'on se le dise tout de même, Sally Field n'a pas attendu cette séquence pour être épatante : toute sa composition est remarquable d'entrée de jeu avec sa démarche gauche et son maintien volontairement repoussant, mais avec tout ce qu'il faut de personnalité pour que l'héroïne reste attachante. Impossible pour moi de cautionner ses actions, de la traque d'un individu dans sa vie privée à une rupture qu'elle provoque sciemment sans jamais s'excuser, mais la comédienne a le talent de nous faire comprendre le désarroi de cette femme simple, et de faire entendre par-là même le bruit des mécanismes qui la conduisent à agir de la sorte. D'abord enthousiaste comme une gamine, Doris trouve vraiment sa place lors de la grande séquence électro où son look improbable fait des ravages, avant de laisser le terrain à une déception déchirante puis à un repentir qui ne va pas aussi loin qu'il aurait fallu, mais qui a le mérite d'exister, et de révéler toute la complexité d'un jeu d'actrice passant par de multiples émotions en une scène de dégrisement aussi cocasse qu'émouvante.
À ses côtés, Max Greenfield est vraiment mignon, mais trop lisse pour être marquant. Le scénario joue clairement en sa défaveur, car on a du mal à croire que ce personnage ne se doute de rien après avoir reçu une mystérieuse invitation sur Facebook, et après avoir vu le disque mentionné sur sa dernière publication sur le bureau de sa collègue le lendemain. En outre, il ne se bat pas pour reconquérir la femme qu'il aime alors qu'il est la victime d'un terrible malentendu ? C'est qu'il ne devait pas tenir à elle tant que ça. Quel dommage, alors qu'ils étaient si bien assortis. On a aussi du mal à croire que Brooklyn ne fasse pas le lien entre la mystérieuse inconnue d'internet et Doris vu les réactions fort maladroites de celle-ci lors des confidences de la fiancée déçue, mais cette scène permet au moins d'admirer les nuances de jeu de Sally Field entre gaucherie, sentiment de culpabilité sincère et tentative de conserver un semblant de dignité. Une réplique m'a fait notoirement rire, lorsque Brooklyn dit qu'elle se nomme ainsi parce que ses parents sont des admirateurs de Woody Allen, et que Doris répond : « Alors pourquoi ne vous ont-ils pas appelée Woody Allen ? » Oui, c'est ridicule, mais ça reflète tellement bien la personnalité de l'héroïne que c'était drôle à entendre. Le clou du spectacle reste tout de même la danse improvisée en sabots dans son salon, qui est désormais mythique !
Hello, My Name Is Doris fut donc un film plaisant à regarder, bien que le sujet me mette très mal à l'aise et que je ne sois pas très disposé à apprécier ce genre de personnages intrusifs, aux conséquences désastreuses pour les autres, dans la vraie vie. Sally Field est le film, tant et si bien que son interprétation aurait dû lui valoir le Globe d'or de l'actrice comique de l'année, ainsi qu'une nomination aux Oscars : sa composition est plus riche et nuancée que celles des cinq candidates officielles ! Cela me confirme qu'elle est aussi une comédienne qui me fait aller à contre-courant des idées reçues : je ne suis pas sensible à sa performance dans Norma Rae, lui préférant des rôles dont on parle moins dont Absence de malice et Doris, ou qui ne sont pas vraiment passés à la postérité comme Les Saisons du cœur. Il me faut encore découvrir Soapdish et Steel Magnolias qui ont l'air d'être des incontournables, mais sans être mon actrice préférée de cette génération, je ne peux nier le fait que je l'apprécie.
Le film est franchement bizarre, jusqu'au bout. On ne peut pas s'empêcher de se demander comment Doris va finir ... A l'époque, je suivais tout ça avec passion et j'avais été horrifié, même sans avoir encore vu le film, de constater que les GG l'avaient snobée. Elle est, comme souvent, fantastique. A noter qu'à peu près à la même période, ils ont aussi oublié Kate Beckinsale pour Love and Friendship et là, j'avais frôlé la syncope. Dans le cas de Field, je pense, cependant, que les GG ont maintenant un vrai problème avec l'âge et qu'ils pratiquent un jeunisme éhonté un peu fatiguant (les victimes plus ou moins récentes sont Loren, Field, Zellweger pour le 3ème Bridget Jones et, il y a quelques années, Streisand qui semblait pourtant une nommée évidente dans cette catégorie pour son dernier film - que je n'ai pas vu cela dit).
RépondreSupprimerLe vengeur de Rosalind.
J'avoue avoie été déçu par Love and Friendship : on me l'avait tellement vendu que j'avais envie d'adorer, ce qui ne fut pas le cas, d'où une certaine indifférence pour les comédiennes. Il faudra que je lui redonne une chance à l'occasion.
SupprimerCela dit, je me suis complètement désintéressé des remises de prix ces dernières années. Je ne sais même plus exactement qui a été nommée pour l'Oscar de la meilleure actrice depuis deux ans, et la dernière saison surpeuplée de biopics m'avait horrifié. En outre, je n'ai vraiment pas aimé les films proposés dans cette catégorie, en dehors de Promising Young Woman et, dans une moindre mesure, Mères parallèles : j'aurais donc sûrement voté pour Carey Mulligan et Penélope Cruz, mais ce n'est pas le sujet.
Hyper déçu pour l'oubli de Sophia Loren en 2020, cela dit. Le film vaut ce qu'il vaut, mais elle aurait mérité une dernière citation dans sa carrière, d'autant qu'elle avait 85 ans au moment du tournage. En revanche, je n'ai pas vu les films dont tu parles avec Barbra Streisand et Renée Zellweger.
Par contre, j'ai enfin (!) vu Yentl pour la première fois le mois dernier. Et j'ai beaucoup aimé : je n'aurais pas proposé Barbra pour un prix d'interprétation car le résultat physique n'est pas tout à fait convaincant, mais savoir qu'elle a été snobée par les Oscars comme réalisatrice est vraiment dommage. Elle a tout de même remporté le Globe pour sa mise en scène, ce qui est un petit prix de consolation. Je prépare une critique de ce film depuis plusieurs semaines, mais je suis encore victime d'un blocage dans ma rédaction. Prie pour moi !
Oui, je ne suis plus vraiment non plus depuis deux ans et j'ai arrêté de me passionner pour le sujet il y a quatre, cinq ans, déjà. 2016-2017, ont été les dernières années où je m'intéressais vraiment à ça. Je pense que ça vient d'un mélange des effets de la covid, des plateformes et de la fin des stars des années 2000 qui ont été les dernières auxquelles je me suis intéressé. Impossible de me passionner pour Soirse Ronan, Margo Robbie et autres Jennifer Lawrence.
RépondreSupprimerJ'ai hâte de lire tes commentaires sur Yentl, du coup !
Le vengeur de Rosalind