mardi 12 janvier 2016

The Music Lovers (1970)

Un film de Ken Russell.

Entre Women in Love (1969) et The Devils (1971), deux de mes films préférés de l'époque sur lesquels j'écrirai peut-être quelque chose plus tard, Ken Russell n'a pas chômé avec son extravagante Symphonie pathétique, une traduction française pour une fois bien trouvée en donnant à la fois une idée de la vigueur musicale d'un esprit tumultueux, idéal pour servir la partition hystérique d'un réalisateur au meilleur de sa forme, et l'idée d'une tragédie bouffonne centrée sur des personnages tous plus névrosés les uns que les autres. L'histoire, un véritable ballet de frustrations autour de la figure de Tchaïkovski, semble dès lors idéalement entourée par les amours champêtres des Femmes amoureuses, et la "légère" sensation de manque des sœurs du couvent de Loudun. Mais ces amateurs de musique, qui comblent leurs frustrations sexuelles en se vautrant allegro voire presto dans les symphonies les plus variées, soutiennent-ils la comparaison avec les chefs-d’œuvre de Ken Russell, malgré la mauvaise presse dont le film bénéficie encore aujourd'hui ?

Pour ma part, j'apprécie énormément que ces Music Lovers soient moins un biopic qu'un film sur la descente aux enfers de toutes les psychés ayant eu l'heur, mal ou bon, de côtoyer Tchaïkovski d'un peu trop près, à mesure que le héros tente de réprimer son homosexualité en enchaînant des conquêtes forcément peu satisfaisantes. On évite alors la vision linéaire du propos pour se recentrer sur la problématique de l'amour, voire du sexe tout court, si bien qu'on reste principalement dans une même période de la vie du compositeur. A vrai dire, même l'évocation de l'enfance est intelligemment intégrée pour servir l'histoire, à travers une mère cholérique dont la perte aura traumatisé le héros à vie, celle-ci n'étant d'ailleurs que l'une des figures tragiques gravitant autour d'un Tchaïkovski tourmenté, aux côtés d'une épouse folle et nymphomane, d'une belle-mère maquerelle ignominieuse, d'un frère peu scrupuleux et pas très net, d'une comtesse frustrée affublée de la progéniture la plus effrayante du monde, et d'un amant envahissant. Peu importe, dès lors, que la réalité historique ne soit par moments qu'effleurée: il reste passionnant de voir comment chacun se brûle les ailes en approchant de trop près d'un musicien vénéré que seul le cygne blanc, Sacha, le premier amour et la plus sensée du lot, aurait peut-être pu sauver. Le scénario me captive donc au plus haut point parce qu'on n'a pas le temps de voir les protagonistes vieillir, afin de mieux profiter d'un ballet de personnages aux destins flamboyants.

La flamboyance, c'est d'ailleurs la marque de fabrique d'un réalisateur qui réussit constamment l'exploit de se vautrer dans l'hystérie la plus pure tout en maintenant une formidable cohérence formelle, et sans jamais donner la nausée au spectateur, malgré d'incessants mouvements de caméra qui reflètent parfaitement les tempi les plus rapides des symphonies entendues. En réalité, la mise en scène nous conduit tout droit dans les fantasmes les plus moites d'une galerie de personnages rocambolesques, à la façon d'un courant de conscience happant chacun dans un même mouvement. Chaque partition entendue est ainsi l'occasion pour l'une des femmes de s'imaginer un avenir merveilleux avec Tchaïkovski, entre Sacha qui se voit sagement marcher dans les forêts de bouleaux en sa compagnie ; Nina, l'épouse, qui se rêve couronnée d'un diadème et festoyant dans un attelage lancé à grand galop, et la comtesse von Meck, la mécène exaltée, qui se croit déjà mariée avec son protégé en essayant de lui effleurer les mains dans son lit. Mais les hommes ne sont pas en reste, Modeste se rêvant par exemple en train d'amasser des montagnes d'argent sur le dos de son frère à mesure de son succès. De fait, Ken Russell fait monter la tension avec tous ces fantasmes, avant de briser avec délectation la frontière fragile entre désirs de s'approcher au plus près de Tchaïkovski et réalité néfaste de ses propres frustrations, à travers une Ouverture de 1812 délirante, où chacun comble son manque en se canonnant l'un l'autre au milieu de rubans bariolés qui volent dans tous les sens. Cette trouvaille est franchement géniale, et ça a même le mérite de faire avancer l'histoire en indiquant qui est à présent décédé ou toujours de ce monde, juste avant une conclusion des plus terrifiantes sur laquelle je ne dirai rien pour ne pas vous priver de la sensation ressentie.

Dans tous les cas, il va de soi qu'à l'image de l'Ouverture de 1812, la musique est parfaitement intégrée au propos parce qu'elle traduit en images les pensées exaltées des protagonistes. En général, le cinéma fait abondamment usage de Tchaïkovski pour renforcer l'émotion d'une séquence (Marlene Dietrich brisant son effigie de marbre précisément au son de la Symphonie pathétique dans The Song of Songs, par exemple), mais ici, chaque partition est parfaitement intégrée à l'atmosphère d'une séquence. Les puristes vous diront peut-être que voir des gens se tirer dessus ou se rouler nus dans un train de luxe ne sont pas nécessairement les paraboles qui viennent spontanément en tête à l'écoute d'une telle musique, mais le parti pris de Ken Russell reste très cohérent avec sa vision des choses, et la frénésie de ses images se marie finalement fort bien avec la musique iconique du génial compositeur. La représentation du Lac des cygnes fait notamment avancer l'intrigue en révélant qui sera le cygne noir capable de mener le héros à sa perte, tandis que le thème d'amour de Roméo et Juliette traduit à la perfection les désirs inavoués d'une mécène prête à se coucher dans le lit où l'artiste, ivre, vient de s'endormir.

Pour compléter le tableau, les éléments visuels sont eux aussi travaillés avec soin afin d'évoquer les tourments des personnages. Ainsi, outre les rubans multicolores de 1812, les toits dorés éclatants d'une église orthodoxe ou les murs d'une datcha en pleine forêt reconstituent parfaitement une atmosphère russe malgré la britannité entière du propos. Les tenues et coiffures embellissent elles-mêmes très bien une Glenda Jackson au pic de sa séduction, et dont le personnage est bien décidé à séduire tout ce qui bouge de son côté. L'image éphémère de Tchaïkovski lors du feu d'artifice rappelle par ailleurs que son ombre plane constamment au-dessus de ceux qui l'entourent, tandis que la photographie, sublime malgré les mouvements de caméra, pousse le génie à faire coïncider l'ouverture des bras du héros au bord d'un lac avec la chorégraphie des ailes d'un cygne au même moment. En définitive, le ballet est continu, et tout est très beau, même dans le sordide.

En revanche, si la réalisation est superbe, il est dommage que The Music Lovers ne soit pas vraiment un film d'acteurs, l'exaltation des uns pouvant en rebuter, et l'erreur de casting pour le personnage principal étant un peu gênante, même si l'une des interprètes parvient à tirer son épingle du jeu. On regrettera donc le casting de Richard Chamberlain, bien trop lisse et mal maquillé pour être crédible dans la peau d'un héros beaucoup plus beau et tourmenté que lui, malgré deux ou trois scènes assez solides qui sauvent quelques meubles. A ses côtés, la quasi totalité des seconds rôles ne sont que des caricatures, mais comme chaque personnage s'en donne à cœur joie, tout le monde finit tout de même par être assez mémorable: Christopher Gable fait assez bien l'amant empressé un peu trop insistant, malgré sa laideur; Kenneth Colley souligne également que Modeste n'est pas aussi net qu'il n'en a l'air; et Sabina Maydelle est assez émouvante en belle-sœur sincère et déçue. Maureen Pryor a quant à elle beaucoup de charisme, ce qui lui permet d'incarner le personnage le plus hideux du film, prêt à prostituer sa fille folle en lui faisant croire que ses "invités" sont les célèbres Rimski-Korsakov et autres compositeurs de l'époque soit disant venus "payer leurs respects" à l'épouse de leur collègue. Enfin, Izabella Telezynska joue bien la mécène exaltée en manque d'amour, et capable du pire autoritarisme à la moindre contrariété, tout en étant affublée d'une paire de jumeaux robotiques des plus effrayants.

Cependant, personne ne bat Glenda Jackson dans le rôle de l'épouse nymphomane. Impossible de feindre la surprise ici: son charisme est tel qu'elle réussit constamment à voler la vedette même à ses partenaires les plus vivaces, notamment sa mère à l'écran qu'elle peut éclipser d'un simple geste d'éventail. En fait, le miracle avec Glenda Jackson, c'est qu'il lui suffit d'apparaître devant une caméra ou un parlement pour que tout ce qui existe alentour se désintègre dans la seconde, et cet assemblage de traits particuliers, d'audace et de maintien en font certainement l'un des visages les plus cinématographiques qui soient. Malgré tout, je ne suis pas aussi facilement ébloui par la dame que la majorité des cinéphiles, à cause d'un jeu à mon avis trop redondant d'un film à l'autre, Jackson ayant généralement tendance à trop se reposer sur son charisme et à n'attendre que l'extrême fin d'un film pour révéler quelques fêlures. C'est le cas pour Women in Love et Mary, Quen of Scots, où elle est impérieuse à souhait mais ne nuance ses héroïnes qu'à la fin, ou encore pour A Touch of Class où elle n'est pas vraiment drôle par elle-même quoique impeccable dans les dernières minutes plus contrastées. Et dans Marat/Sade, sa fausse Charlotte Corday me semble trop technique pour me faire ressentir quelque chose pour elle, d'autant que lorsqu'on la découvre, elle est déjà irrémédiablement perdue. Mais ici, c'est autre chose. L'actrice nous fait bien comprendre le cheminement vers la folie de son personnage, et lorsqu'elle apparaît courant dans la neige lors de la fête, rien ne nous pousse à croire de prime abord qu'elle puisse avoir des problèmes. Dans tout les cas, elle est exaltée et dynamique, quitte à exacerber son jeu afin de fusionner en parfaite harmonie avec le style outré de Ken Russell, son grand exploit étant qu'elle ne donne jamais la sensation d'en faire trop dans ses excès, précisément parce qu'il y a toujours beaucoup d'humanité chez cette femme en chute libre. La démesure est alors toujours tempérée par la maîtrise au point qu'on ressent vraiment quelque chose pour le personnage, malgré une ou deux grimaces terrifiantes qui sont de toute façon voulues par le réalisateur. Bref, Sunday Bloody Sunday reste son plus grand rôle, mais je suis à présent très enthousiaste pour sa pathétique Antonina Milioukova de la symphonie en question. Je me demande simplement si je ne préfère pas, tout de même, Vanessa Redgrave dans Les Diables, parmi les hystériques chères à Ken Russell. Mais peu importe, la réussite interprétative est bel et bien au rendez-vous.

The Music Lovers est donc un film absolument fait pour moi qui aime autant les belles images, les ballets de personnages pas très nets, la frénésie de mouvements chorégraphiés et la musique de Tchaïkovski. J'ai dès lors beaucoup de mal à voir ce que tout le monde peut bien reprocher à ce film : c'est le chaînon parfait entre les galipettes rustiques de Women in Love et les outrances monacales des Diables, et peu importe que la réalité historique ne soit pas constamment respectée. Ken Russell a en fait trouvé le moyen d'adapter les partitions d'un génie tourmenté à son propre style, et le tout me ravit au plus haut point, même si The Devils reste son sommet. Je n'ai aucun scrupule à monter à un solide 8/10.

dimanche 10 janvier 2016

Le Juge et l'Assassin (1976)


Cette semaine, j'ai soupé chez mes grands-parents, et nous en avons profité pour regarder Le Juge et l'Assassin, de Bertrand Tavernier, diffusé spécialement en hommage à Michel Galabru. L'occasion pour moi de sortir un peu de la ligne éditoriale et de parler d'un film découvert avec plaisir, et vers lequel je ne serais pas allé spontanément en d'autres circonstances.


L'histoire : inspirés par la vie de Joseph Vacher, les échanges chargés de tension entre un éventreur de bergers et le juge d'une petite ville de province bien décidé à profiter de l'affaire pour son propre avancement, sur fond de crise sociale dans une France déchirée par l'affaire Dreyfus…


Tout d'abord, la première chose qui m'a frappé dans l'ensemble, c'est sa beauté photographique. J'avoue être encore maladivement néophyte en cinéma français, qui plus est en cinéma français des années 70, et j'ai toujours eu inconsciemment l'image, erronée, d'une certaine laideur visuelle (certains films avec Romy Schneider), sauvée jusqu'à présent par les couleurs de La Barbade dans Adèle H. Mais par bonheur, Le Juge et l'Assassin m'a rappelé qu'on filmait déjà très bien la France à cette époque, et pour moi qui considère le Massif Central comme l'un de mes biotopes vacanciers de prédilection, je suis ravi. En effet, l'Ardèche est magnifiée par la caméra de Pierre-William Glenn, avec des teintes chaleureuses et un cadre élargi qui font bien ressortir les beautés du paysage, ce qui sert absolument une réalisation qui marie justement la magnificence de la nature au sordide le plus effroyable. La photographie d'intérieur n'est pas en reste, notamment lors d'une séquence de prison aux accents caravagistes, où les ocres les plus chamarrés s'opposent brillamment à l'obscur. Dans tous les cas, le film est très beau et met dans de parfaites dispositions pour apprécier une histoire qui se révèle finalement captivante à souhait.


On peut même parler d'une histoire très riche, Bertrand Tavernier, Jean Aurenche et Pierre Bost ayant visiblement décidé de couvrir plusieurs pistes à la fois à partir d'une trame générale centrée sur les rapports entre un petit magistrat de province prêt à manipuler les faibles pour avancer, et un meurtrier pédophile se prenant pour la nouvelle Jeanne d'Arc. Cet axe principal suscite constamment l'intérêt parce que les deux protagonistes dévoilent de nouvelles facettes de leur personnalité au gré des échanges, les perversions ou les manigances de l'un attisant les désirs refoulés ou le mysticisme de l'autre. Et la deuxième grande force de ce cheminement, c'est aussi le refus du réalisateur de condamner ses personnages, en évitant une explication trop ostensible des choses. À vrai dire, on ne sait jamais si Bouvier est vraiment fou ou s'il prétend simplement l'être afin d'éviter la corde, et les questionnements des autres personnages à son sujet dans le deuxième acte laissent en définitive le spectateur libre de l'interprétation à donner à ce problème.


Cependant, à trop vouloir éviter de porter un jugement sur le criminel, le film en arrive parfois à perdre en subtilité, à l'image de ce texte final rappelant qui si Bouvier a tué une douzaine de bergers en cinq ans dans les derniers feux du XIXe siècle, le système économique et les forces de l'ordre en ont assassiné nettement plus parmi les ouvriers. Cette précision me semble trop ostensiblement lourde, car même s'il n'est pas malhonnête de révéler que Bouvier est lui aussi la victime d'une société qui l'a toujours rejeté depuis le début, il semble quand même difficile de comparer le viol, la mutilation et l'éventrement d'enfants avec un système élitiste plus abstrait. En essayant de garder un esprit ouvert, j'admettrai que ma propre subjectivité joue ici : nous nageons toujours dans un tel système inégalitaire, c'est quelque chose dont nous sommes imprégnés, aussi ai-je sans doute inconsciemment du mal à y voir plus de noirceur que dans la perversité inconnue, et donc plus immédiatement terrifiante, d'un individu isolé. Néanmoins, je suis depuis quelques années en train de migrer de plus en plus à gauche que je n'aurais pu l'imaginer de prime abord, et la dénonciation du système dans le film trouve désormais un écho en moi, bien que la ficelle employée par le réalisateur soit un peu trop grosse. Et ce n'est pas parce qu'on veut mettre en exergue une domination inégalitaire qu'il faut par ricochet dédouaner Bouvier de ses crimes, or le texte final fait bel et bien pencher la balance en ce sens.


Quoi qu'il en soit, ça n'empêche nullement le film d'être efficace sur tous les thèmes qui viennent se greffer à la trame générale. L'antisémitisme y est prégnant sans être trop lourdement appuyé, à travers les affiches jaunes que la presse catholique placarde dans les rues, tandis que les échos de l'affaire Dreyfus, quasi éclipsée dans cette petite société vivaraise par les crimes agitant la communauté, restent eux aussi bien mis en scène, à travers l'hypocrisie nocive d'une bourgeoisie fatiguée. Le personnage de Jean-Claude Brialy dira ainsi être devenu antisémite pour être à la mode, tandis que la très respectable mère du magistrat refusera la soupe populaire à des analphabètes ne sachant pas signer une pétition contre Dreyfus. À l'inverse, Isabelle Huppert deviendra l'une des âmes de la révolte sociale après s'être rendue compte du caractère toxique de ses relations avec certains notables, et finalement, ces questions politiques et religieuses qui agitèrent la France de ces années-là restent passionnantes à suivre à travers le film, tout en renforçant le duel principal dans un jeu de domination des plus éprouvants.


À titre personnel, ce qui me touche le plus dans la réalisation de Bertrand Tavernier, c'est la manière de faire venir l'effroi. En effet, rien ne me terrifie plus que d'avoir affaire à des individus louches, et pour avoir échappé de justesse à une expérience désastreuse au retour d'une soirée jadis, autant dire que voir les jolis paysages ardéchois se teinter d'ignominie à mesure qu'on avance dans le premier acte n'a pas manqué de me serrer la gorge. Ainsi, voir Bouvier sortir furtivement d'un buisson au beau milieu d'une scène pastorale, ou pire, savoir qu'il est caché dans une cavité obscure alors qu'une bergère passe juste à côté, avait de quoi me glacer le sang, mais le plus important, c'est de reconnaître que ce travail sur l'image, où l'horreur le dispute au sublime, reste incontestablement la grande force cinématographique du film. On ne saisit alors pas tout de suite le sens du premier plan sur une montagne enneigée et baignée par le soleil, mais lorsque l'on découvre plus tard quelles sont les activités du protagoniste lors de ses escapades champêtres, c'en devient réellement insoutenable, tout du moins pour moi qui ne connaissais pas l'histoire de Bouvier/Vacher avant de lancer le film et ai donc compris la chose en direct. Le plus terrifiant, également, c'est que la photographie a tendance à privilégier des paysages panoramiques, ce qui isole considérablement les personnages, et notamment les bergers aux champs.


Plus rassurante est en revanche la reconstitution urbaine de qualité où les intérieurs cossus de notables, certes pas nets et dont il faudrait se méfier, ont tout de même le mérite de nous sortir momentanément de l'horreur d'un pâturage isolé ou des murs d'une prison. Décors et costumes sont ainsi bien travaillés, même si pour le coup, c'est surtout le foisonnement du scénario qui réussit à me plonger entièrement dans l'époque, plus qu'une forme pourtant très honorable au demeurant. La musique colore également le tout avec un bon usage d'une Périchole dont les paroles ne sont pas sans faire écho aux rapports de domination dénoncés dans le film. Malgré tout, le plus marquant d'un point de vue musical restera surtout la collaboration de Philippe Sarde et Jean-Roger Caussimon, un tandem qui a concocté trois chansons spécialement écrites pour l'histoire, du patriotique Sigismond le Strasbourgeois, dont on jurerait que c'est un air d'époque tant ça semble réaliste, à la glaçante Complainte de Bouvier l'éventreur, en passant par La Commune est en lutte. Ces trois airs servent parfaitement l'atmosphère du film, et peu importe qu'on soit d'accord ou non avec les paroles, celles-ci restent tellement bien écrites (et chantées, et articulées, avec de vraies liaisons après les participes présents : bonheur !) que ça reste un plaisir à écouter. La Commune peut par exemple sembler trop simple dans sa mélodie, ou trop scolaire dans ses paroles, mais ça reste une belle chanson en soi, à laquelle je me trouve à présent assez sensible, et c'est essentiel pour clore le film étant donné les pistes amorcées auparavant.


Pour finir, impossible de passer outre l'interprétation, qui contribue également à la réussite de l'ensemble d'une façon générale. Michel Galabru, pour commencer, est indéniablement bon, voire très bon, mais en réalité je ne suis pas impressionné plus que ça. Il crie très bien des adresses à Dieu ou à la foule comme le mystique que Bouvier aimerait être, montre au passage qu'il sait ce qu'il veut et reste capable de faire preuve d'une forte personnalité, et pour couronner le tout, il détaille excellemment les conflits teintés de remords qui tourmentent le personnage, notamment lorsqu'il incite fortement l'une de ses possibles proies à déguerpir avant qu'il ne soit trop tard. Tout cela est très bien joué, et on reconnaîtra encore à l'acteur beaucoup de courage pour n'avoir pas hésité à incarner une personne aussi obscure, mais je n'arrive pas à être totalement ébloui non plus. Philippe Noiret hérite quant à lui d'un personnage techniquement plus intéressant, puisqu'il doit révéler de plus en plus de perversité à mesure de l'intrigue, mais tout en s'en acquittant à merveille, il n'arrive pas tout à fait à s'imposer face à son partenaire, qui semble davantage privilégié par les scénaristes. Renée Faure, physiquement sublime (les grandes actrices françaises vieillissent très bien, ne trouvez-vous pas ?), continue pour sa part de faire son chemin dans mon estime, après l'assez médiocre mais toutefois plaisante Chartreuse de Parme, où elle volait à mon avis la vedette à tout le monde, Gérard Philipe compris. Ici, elle compose avec délectation un personnage de bourgeoise qui n'a aucune honte à parler de choses effroyables avec un calme olympien, avant que sa propre hypocrisie ne la rattrape, cf. le dialogue assez jouissif sur Lourdes. Jean-Claude Brialy est de son côté franchement mémorable en procureur homosexuel de retour de Cochinchine, avec tout ce qu'il faut de manières pour ne laisser aucun doute sur l’ambiguïté de sa relation à son boy, tandis qu'Isabelle Huppert complète le tableau en me laissant un sentiment mitigé : elle semble trop détachée par moments, si bien qu'on a du mal à concevoir son dénouement. Mais dans l'ensemble, l'interprétation reste très solide, même si je ne suis ébahi par personne.


À la fin, Le Juge et l'Assassin reste un film riche qui maintient constamment l'intérêt en couvrant plusieurs domaines à la fois, et qui m'a beaucoup plus marqué que je ne l'aurais cru avant de m'y adonner. J'hésite entre un 7+ ou un 8 très solide. Mon fort désir de revoir le film sous peu me fait pencher vers le 8, mais j'ai peur que ça se stabilise à 7 avec un peu plus de recul, à cause d'un message politique qui manque légèrement de subtilité, et parce que pour le moment, ma surprise d'avoir vraiment aimé un film français de cette époque me donne très envie de mettre une excellente note. Dans tous les cas, c'est très bon, et j'ai maintenant envie de voir L'Horloger de Saint-Paul et Que la fête commence, c'est dire si ce visionnage n'aura pas été vain.


samedi 9 janvier 2016

Rébus!

Voilà longtemps qu'on n'en avait pas fait, alors voici un petit exercice ludique pour égayer votre weekend: saurez-vous retrouver les dix actrices cachées dans les images suivantes? Certaines risquent d'être un peu tirées par les cheveux, je l'avoue, mais il n'était pas évident de symboliser toutes les syllabes... Quoi qu'il en soit, n'hésitez pas à cliquer dessus pour les agrandir. Bonne soirée et bon dimanche à tous!

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lundi 4 janvier 2016

Gone with the Wind (1939)


Comment parler d'un film sur lequel tout a déjà été dit, considéré comme l'essence même du système hollywoodien et l'un des plus célèbres de l'histoire du cinéma? Tentons de relever le défi après un énième visionnage et une bonne quinzaine d'années de recul, depuis une découverte qui me bouleversa considérablement au tournant du nouveau millénaire.

Tout d'abord, et ce ne sera une surprise pour personne, Gone with the Wind reste un énorme chef-d’œuvre, et aucune des environ trente-cinq visites n'a changé la donne: tout y est, le caractère épique, les grands sentiments, la guerre et l'intime s'y côtoyant à l'infini... Bref, c'est le divertissement ultime et les trois grands axes de l'histoire (l'insouciance, la guerre, la reconstruction) continuent de captiver au plus haut point, sans que jamais ma connaissance sur le bout des doigts de toutes les répliques n'arrive à estomper les palpitations provoquées en continu. Vraiment, montage et scénario sont parfaitement dosés, la psychologie des personnages principaux détaillée avec assez de finesse, le balancement entre humour (l'habillage pour le pique-nique, les sœurs qui se tirent la langue!) et tragique mené de main de maître, et même les polémiques consécutives au viol conjugal et au racisme n'ont jamais réussi à m'empêcher de m'immerger dans l'intrigue.

Ainsi, l'effet de surprise a beau avoir disparu depuis belle lurette, revoir le film au moins une fois par an reste l'une des expériences les plus parfaites qui soient, et je gage que rien ne changera jamais de ce côté-là. S'il me fallait trouver un défaut à l'ensemble, je dirais que la dernière heure est peut-être légèrement trop longue, les déboires conjugaux de riches personnes dépressives m'intéressant moins que la réinvention des personnalités en pleine guerre, mais je serais tout de même bien en peine de trouver quoi que ce soit à retrancher à l'histoire tant sa cohérence est entière, sans compter que mon ressenti devient ici beaucoup trop subjectif pour être honnête: le film étant très long, j'ai souvent regardé le deuxième acte au petit matin avant d'aller en cours, si bien que le stress du lever et l'excitation nocturne en attendant de voir ou revoir la suite avaient quelque chose d'assez agressif au sujet d'une intrigue à présent portée par d'opulents décors oppressants. En définitive, la frivolité de l'ouverture teintée par l'angoisse d'un terrible conflit me fait davantage vibrer, mais l'histoire ne serait pas complète sans son dénouement bourgeois.

En réalité, s'il ne fait aucun doute que le film, indépassable, reste incontournable pour la récompense suprême de mes remises de prix de 1939, je suis malgré tout davantage enclin à donner ma préférence à l'adaptation de The Women du côté du scénario, surtout que l'on sait qu'Autant en emporte le vent porte avant tout la marque de Selznick, qui d'après le making of a tout supervisé de A à Z et a énormément contribué à l'écriture, sans que les qualités du script de Sidney Howard ne soient à nier, loin de là. Quant à la mise en scène, j'ai toujours du mal à faire la part des choses entre la marque de Selznick et celle de Victor Fleming, ce dernier ayant été accusé par les actrices de traiter les héroïnes avec rudesse, à la différence d'un George Cukor au point de vue plus féminin. A vrai dire, je ne sais plus exactement quelle est la part de Cukor laissée dans le résultat final, mais la perfection de l'ensemble doit incontestablement à Fleming, ce dont témoignent les innombrables qualités techniques dont le film regorge.

Je ne m'étendrai pas trop longtemps sur celles-ci, mais là encore, tout est parfait. En effet, les couleurs sont enchanteresses, à commencer par ces ciels rougeâtres de crépuscules ou d'incendies, tandis que les images chamarrées du Vieux Sud tout au long du générique font rêver dès les premières secondes. On parvient alors à s'immerger totalement dans le propos malgré une certaine artificialité formelle, les décors ayant un aspect "studio" un peu trop visible, tout en réussissant néanmoins à maintenir l'illusion: la chambre de jeune fille aux meubles blancs, les Douze Chênes et leur grand escalier, leur bibliothèque et leurs jardins, la salle de bal aux couleurs de Dixie, les fauteuils fleuris, les alcôves en arc de cercle, les rues d'Atlanta en terre battue, la campagne ravagée et son arc-en-ciel, les planches d'une cité en reconstruction, le lit du bateau à aube, l'immense escalier rouge, la chambre de jeu aux peintures de chevaliers, les vitraux en guise de fenêtres, la chambre aux tableaux pastels, le gigantesque portrait de Scarlett... Inutile de tout citer (oups, trop tard), mais visuellement, c'est une œuvre merveilleuse dont le côté artificiel a précisément quelque chose de rassurant, sauf peut-être l'opulence du dernier acte, légèrement étouffante quoique conforme à l'évolution du train de vie des protagonistes. D'ailleurs, cette surcharge un peu vulgaire colle bien à l'image du couple Butler, un peu brut sur les bords et pas toujours très scrupuleux.

Les costumes sont quant à eux éclatants, et ne manquent évidemment pas de suivre la psychologie de l'héroïne (la robe de chambre assez affreuse de la chute ne pouvait être portée que par elle), ma préférence personnelle allant à la mousseline blanche de l'introduction à Tara, le léger décolleté aux reflets verts du pique-nique et la capeline champêtre, le beige plus simple de la tenue d'infirmière, et l'assemblage jaune et rouge d'une Belle Watling tirant sa révérence, malgré un diadème en plastique hideux. Pour en revenir à Scarlett, la robe de rideaux et les froufrous rubis du décolleté d'anniversaire sont quant à eux mythiques pour de bonnes raisons, à l'image des autres tenues un peu rocambolesques d'une jeune femme mieux faite pour gérer une plantation que pour lancer de nouvelles modes. J'admets ne pas être le plus grand fan de Walter Plunkett, parfois capable de se vautrer dans les pires excès (Les Trois Mousquetaires), mais Gone with the Wind reste son sommet.

Quoi qu'il en soit, le plus impressionnant d'un point de vue visuel, ce sont surtout les effets spéciaux de Jack Cosgrove, qui s'est ingénié à peindre la totalité des décors d'arrière-plan sur pellicule, afin de reconstituer une atmosphère Vieux Sud d'un film tourné en Californie. La photographie d'Ernest Haller et Lee Garmes n'est quant à elle pas en reste dans cette sublimation de l'illusion, surtout lorsqu'on pense à la profondeur de champ obligatoirement limitée d'une séquence comme les soldats étendus dans toute la ville, où il fallait faire attention à ne pas filmer les immeubles modernes fleurissant alors derrière les studios. Dans le détail, j'aime également beaucoup les ombres chinoises des infirmières à l'hôpital, qui donnent un aspect très solennel à la guerre, ou encore les jeux de miroirs lors des essayages de lune de miel, qui reflètent bien la frivolité d'une Scarlett pas aussi mûre qu'on pourrait le croire malgré les épreuves traversées.

Enfin, pour en finir avec la forme, l'une des plus grandes qualités d'Autant en emporte le vent reste la sublime partition de Max Steiner, à juste titre l'une des plus mythiques de l'histoire du cinéma, dont chaque air définit aussi bien le caractère d'un lieu ou d'un personnage que le scénario. Mes préférences personnelles: l'iconique thème de Tara (évidemment), le thème de Rhett, la marche de Sherman sur la Géorgie alors que le domaine renaît de ses cendres, et la conversation sur la terrasse suite à la chute dans les escaliers. L'adaptation des grands airs de la guerre de Sécession et des chansons de Stephen Foster est quant à elle un plaisir orgasmique pour moi, et tout y passe pour mon plus grand plaisir: quelques accords de Louisiana Belle par-ci, quelques notes de Ring de banjo par-là, mais encore Swanee River, The Bonnie Blue Flag ou Tramp! Tramp! Tramp!, et me voilà parti pour danser toute la nuit sur des rythmes endiablés.

En somme, tout ce qui était déjà une griserie démentielle il y a quinze ans reste d'une perfection totale qui me fait toujours beaucoup d'effet, au point que je ne changerai pas ma note de si tôt: un 10/10 est plus que mérité pour une œuvre atteignant un tel degré d'éblouissement pour les sens. Mais à présent que je connais le film par cœur, ai-je changé d'avis sur l'interprétation?

Pour Vivien Leigh, la réponse est évidemment non. Scarlett O'Hara est le rôle le plus complet dont une actrice pouvait rêver, et Vivien lui fait réellement honneur à chaque instant. Elle livre un portrait sans concessions d'une femme somme toute antipathique, n'hésite pas à se montrer aussi désagréable que séduisante, balance superbement le personnage entre insouciance et dépression tout en révélant assez génialement comme l'héroïne apprend à s'enhardir au gré d'épreuves éprouvantes, sans toutefois parvenir à guérir ses propres démons, en l'occurrence indifférence pour tout ce qui ne lui rapporte aucun intérêt, enfant compris, et passion puérile pour un homme sur lequel elle aurait dû tirer un trait depuis longtemps. Quoi qu'il en soit, Leigh dévore le rôle à pleines dents, accent sudiste à l'appui, et si la performance est aussi légendaire, c'est à présent davantage de son fait à elle qu'aux convoitises suscitées par le rôle le plus recherché des années 1930. La seule surprise de ce dernier visionnage aura été de découvrir que Scarlett a finalement un peu tendance à m'ennuyer à certains moments, ce qui ne lui était encore jamais arrivé: elle minaude un peu trop longtemps au milieu de ses nombreux soupirants, continue de minauder une fois adulte et mariée avec Rhett, ce qui me rend par contraste de plus en plus favorable à Melanie, qui en définitive contrôle mieux les événements de la seconde partie. Ceci dit, tout ça ne tient qu'à l'écriture des personnages, et Vivien reste intouchable. Mais pour avoir revu Waterloo Bridge il y a peu, je suis à présent plus sensible à son interprétation dans ce beau film qu'à cette Scarlett parfois un peu agaçante. Peut-être ai-je mûri en même temps qu'elle et suis donc passé à autre chose qu'aux frivolités de l'héroïne, mais quoi qu'il en soit, la performance dans Waterloo Bridge me semble encore plus fraîche aujourd'hui. J'en viens parfois à me demander si dans mes remises de prix je ne vais pas en revenir à Davis en 1939 et Leigh en 1940, mais j'arrête de vous ennuyer avec mes incessantes sautes d'humeur à ce propos, et le grand acte sur la guerre de Sécession, où Scarlett doit enfin apprendre à grandir, reste un sommet interprétatif à peu près inégalable.

D'autre part, rien de nouveau à l'ouest pour Clark Gable. Son Rhett Butler reste aussi charmant et charismatique que lors des premiers visionnages, et ses larmes du second acte le rendent toujours extrêmement touchant dans ce qui doit rester son plus grand rôle. Ma scène préférée reste néanmoins la rencontre fracassante dans la bibliothèque des Douze Chênes, lorsqu'il se moque d'une Scarlett écervelée en lui rappelant qu'elle devait haïr Ashley jusqu'à la fin de ses jours: le rire y est désarmant! Mais reconnaissons tout de même que l'un des grands avantages de Clark Gable est que Rhett reste sans cesse comparé au faible Ashley Wilkes, incarné par un Leslie Howard plus intéressant dans le détail qu'en phase de découverte, mais qui n'a pas grand chose à faire à part être rigide, la faute à un personnage ennuyeux. Le seul avantage d'Ashley, c'est qu'il me permet de me retrouver en partie dans Scarlett, sur la question de l'idéalisation de l'autre, lorsqu'on tombe amoureux de la création de son esprit et non de ce qu'est réellement la personne ciblée, d'où la difficulté de se défaire d'un sentiment erroné tant qu'on ne se rend pas compte que l'être aimé est en fait le personnage le moins intéressant du monde. Je comprends donc totalement que Scarlett ait besoin d'attendre l'extrême fin du film pour réaliser quel est l'homme qu'elle aime réellement, même s'il est dommage que des excès de puérilité puissent nous faire passer à côté du vrai bonheur.

Autrement, Gone with the Wind compte trois rôles secondaires féminins que j'ai appris à apprécier au fil des ans, à savoir Melanie, Mammy et Belle Watling. Malheureusement, je ne suis plus autant séduit par aucune des trois que par le passé. Olivia de Havilland est pourtant extrêmement intéressante car hormis dans les scènes stridentes en pleine guerre où Scarlett a entièrement le dessus sur une Melanie geignarde ("Regarde à Wilkes, dans les W, à la fin!" "Oh, je suis malade et je ne peux vous aider, comme je m'en veux!"), elle ne joue jamais son personnage comme une cruche, et lui donne au contraire une épaisseur qu'on n'aurait pas forcément attendu dans un tel rôle. Le sourire qui ne s'estompe pas alors qu'elle sait tout du comportement de Scarlett et d'Ashley le matin même, sa sérénité rassurante face au capitaine lors du règlement de compte dans les bas quartiers, ou encore sa force de conviction sur Rhett font qu'on s'intéresse toujours, grâce à la riche interprétation de l'actrice, à un personnage qui peinait à séduire les premières fois. D'ailleurs, je suis convaincu qu'Olivia de Havilland donne la meilleure performance secondaire dans le film, même si d'autres femmes plus truculentes font de prime abord meilleure impression.

Hattie McDaniel est notamment délicieuse lorsqu'elle sourit après avoir rabattu le caquet de Scarlett, et sa composition reste bien étoffée grâce aux larmes du second acte, à la stupeur de découvrir l'absence totale de scrupules de l'héroïne dans la calèche, ou encore au réchauffement de ses relations avec Clark Gable, mais dans le reste du film, elle ne fait rien de si spécial que ça quand on y pense. Ona Munson est quant à elle sublime lors de ses confessions dans la voiture, et vraiment touchante lorsqu'elle tire sa révérence lors d'une visite de Rhett, mais le personnage reste un peu coincé dans le cliché de la pute au grand cœur malgré la réussite de l'actrice, qui marque tout de même pas mal les esprits malgré son temps d'écran très court. A la fin, je ne sais plus laquelle des trois nommer dans ma liste: Melanie m'ennuie pendant la guerre et Olivia de Havilland a fait encore mieux par la suite (Hold Back the Dawn), Hattie McDaniel trouve le rôle de sa vie et ça me briserait le cœur de ne pas la citer (elle me fait rire dans Miss Manton, mais ce serait franchement indélicat de troquer sa distinction pour un chef-d’œuvre contre de la série B), et j'aimerais également distinguer Ona Munson au moins une fois... J'ai longtemps sélectionné les deux dernières, mais la concurrence est tellement forte en face que je ne sais plus où donner de la tête (Gladys George, Mary Boland, Greer Garson...). La seule certitude, c'est que Geraldine Fitzgerald méritait absolument l'Oscar cette année-là, tout du moins parmi la sélection officielle.

Par ailleurs, le film regorge de personnages secondaires mais aucun ne me vient spontanément à l'esprit si ce n'est Thomas Mitchell, qui est de toute façon meilleur la même année dans Stagecoach. En conclusion, Autant en emporte le vent sera nommé pour sûr dans ma liste comme meilleur film (Selznick), meilleur réalisateur (Fleming), meilleure actrice (Leigh), meilleur acteur (Gable), meilleur scénario adapté, meilleurs montage, photographie, décors, costumes, maquillage (sauf la coiffure de Pittypat!), effets spéciaux, son et musique; et il y aura au moins un second rôle féminin dans le lot, reste à savoir qui (McDaniel semble inévitable même si à la réflexion son rôle est un cliché assez malsain). Pour finir, il y aurait encore bien des choses à dire, mais le film est trop riche, il faudrait en faire une thèse pour tout détailler. L'essentiel, c'est que ce soit non seulement parfait, mais aussi une œuvre qui me parle assez personnellement, arrivant à me retrouver en partie dans Scarlett et dans Melanie. Le 10/10 dont je parlais plus haut n'est pas prêt de céder sa place.

La véritable histoire... Autant en emporte le vent

How do you do, dahlings? Tallulah speaking! To celebrate the new year, I will tell you a nice story, a wonderful story of romance and passion that every young girl should read before getting married. So let's go back to Dixie...

"Oh Scarlett! I'm in love with you! I want to kiss you!"

 "Please kiss me my darling!'' 
 ''Ugh, I don't think so."

"But we are in love with each other!'' 
''Oh my god, she's crazy!"

 "Don't deny your own feelings! 
Look what your denial has done to me!"

"But I'm only crazy about you! 
And you love me too! I tell you!"

"Why Mellie... I'm bewildered now. 
I don't know what I want anymore..."

"Then sleep with me!"

"Well then... Happy?"

"Yes... amazingly... I am!"

"Oh, ladies! Wonderful news!"

"Yes? What is it, Melanie?"

"I don't have to marry that stupid Ashley! 
Scarlett is my lover!"