D'Edward Griffith |
Dans la pléiade de films mondains sortis en 1930 (Follow Thru, The Divorcee, Romance, entres autres), Holiday est probablement celui qui m'attire le plus, et après déjà quatre visites, le plaisir ne s'estompe pas. Pourtant, on est loin d'avoir affaire à un chef-d'oeuvre, surtout quand le remake de Cukor brille par son élégance et un certain cachet.
La première version souffre notamment de la comparaison sur le plan technique: c'est du théâtre filmé et la mise en scène manque cruellement de dynamisme, le réalisateur s'étant contenté de mettre sa caméra dans un coin du salon et d'attendre que les acteurs daignent bien bouger pour donner l'illusion d'un mouvement. A vrai dire, l'élément technique le plus original c'est le champ-contrechamp lors des dialogues en plans rapprochés, de quoi révéler l'absence de vision d'Edward Griffith. La qualité sonore est aussi assez insupportable, bien que ça tienne peut-être au fait que le film n'a jamais été restauré, mais quoi qu'il en soit, l'absence quasi totale de musique, à quelques séquences près, renforce cette impression de statisme, et seuls les chœurs de l'église font bouger les choses de ce côté-là. Le montage est également douloureux, puisqu'on saute parfois d'un plan à l'autre sans liant, voire carrément sans souci de raccord, et mieux vaut ne pas trop s'étendre sur la photographie qui pousse parfois le vice à couper le front d'Edward Everett Horton en plein monologue, voire décapiter littéralement Ann Harding même si elle est en train de parler! Sauf qu'on est dans Holiday, là, pas dans Sleepy Hollow!
Autrement, les décors ont été bien choisis: une grande maison luxueuse, un portique en arcades et de grandes salles à colonnes font comprendre l'émerveillement de Robert Ames lorsqu'il découvre la richesse des lieux pour la première fois, d'où certaines plaisanteries amusantes, notamment quand il chante un air tyrolien en attendant l'écho dans un couloir gigantesque. De même, les costumes soutiennent très bien l'ambiance à défaut d'être très novateurs, mention spéciale à l'encolure feuillée d'Ann Harding lors de la fête privée, et au foulard qu'elle porte dans les cheveux dans la dernière séquence.
Holiday est donc moins un film en tant que tel qu'une réunion de grands acteurs priés de mettre une nouvelle fois en lumière la pièce de Philip Barry, que le scénario suit sans écarts en jouant bien sur les différences, et sur la complicité, entre les deux sœurs. Ann Harding, pour commencer, fait totalement justice au rôle et ne pâtit pas de la comparaison avec Katharine Hepburn, faisant une entrée très charismatique dans l'histoire, avec une classe et une repartie qui piquent d'emblée l'intérêt. Elle est ainsi très dynamique, plaisante avec décontraction, pousse sa sœur du coude à l'église pour la rassurer lorsque celle-ci doit annoncer son futur mariage à leur père, et crée une complicité immédiate avec Mary Astor avant que leurs différences de points de vue ne les éloignent. Harding est encore très drôle dans le mode inquisitoire en questionnant sans aucun problème, et avec une pointe d'humour, le héros sur sa situation financière; et elle renvoie aussi une image protectrice en tapotant gentiment les mains de sa sœur pour la rassurer, bien que le résultat tombe un peu à l'eau à mesure qu'Astor révèle sa vraie personnalité, au point qu'Ann Harding se fait un peu dominer dans les séquences finales, au prix d'envolées lyriques se voulant réconfortantes mais qui passent de plus en plus mal face à la force rêche d'Astor.
Les envolées lyriques, justement, sont un peu le problème d'Ann Harding qui alterne entre des passages très naturels et des répliques beaucoup plus théâtrales pas toujours très heureuses dans une adaptation cinématographique. En effet, dès que Linda se sent mal à l'aise face à certaines situations, l'actrice part soudainement dans du vibrato et du lyrisme flamboyant, parfois quand ça n'a même pas lieu d'être: on pense à la scène où elle supplie Mary Astor d'organiser une fête en son honneur, où on l'entend demander: "Ooooooh! Let me do it for you! Leeeeet me do something for you once!" Elle joue de la même façon lors d'un conflit avec son père, qui lui reproche de ne pas paraître à la fête publique au rez-de-chaussée, mais cette fois-ci, ses envolées théâtrales sont atténuées par son regard défiant qui souligne la véritable force de l'héroïne. En fait, la théâtralisation passe évidemment beaucoup mieux quand Linda se met en scène et tente de dérider l'atmosphère: "I think he is a verrrrry good number", dit-elle pour mettre le patriarche du côté de son futur gendre. Néanmoins, si ces fameuses envolées tranchent quelque peu parmi le reste du casting, on retiendra avant tout une performance d'actrice excessivement charmante avec toujours un brin d'humour même quand Linda est déçue (voir la scène où son frère Ned lui dit qu'il a compris ses sentiments, à quoi elle répond: "Give me some water."), et sa présence d'esprit reste constamment rafraîchissante: "What an unexpected pleasure!" L'exaltation amoureuse pour le héros est aussi fort bien rendue, aussi la composition séduit-elle à chaque visite.
Mary Astor a de son côté un peu plus de grain à moudre quoique dotée d'un personnage plus secondaire, puisqu'elle doit dessiner une évolution, Julia devant révéler son côté de plus en plus snob au fur et à mesure de l'intrigue, après une première partie basée sur un charme très sympathique. Comme on s'en doute, l'actrice est au rendez-vous et montre d'ores et déjà une personnalité un brin hautaine au début, lorsqu'elle rit de voir son fiancé ébahi devant son immense demeure: le sourire est alors extrêmement séduisant mais sa façon très aristocratique d'affirmer en toute simplicité: "This is where I live!" souligne bien à quel type de femme on a affaire. A l'inverse, les séquences finales achèvent de faire craquer le vernis pour révéler une hauteur beaucoup plus froide, et une héroïne capricieuse qui sait ce qu'elle veut: "What do you think I am?"; mais Julia n'en reste pas moins touchante car Mary Astor fait sentir de l'amertume dans ses propos, comme si le regard indiquait une dose de regret d'avoir parlé de la sorte, sans pour autant que Julia ne souhaite sortir du rôle qu'elle s'est façonné. D'ailleurs, Julia n'a pas mauvais fond puisqu'elle s'inquiète sincèrement pour sa sœur, notamment quand celle-ci refuse de paraître au bal, et seules les tensions amoureuses consécutives à un objet de désir commun la poussent à agir de plus en plus froidement avec elle. Mary Astor a donc le rôle le plus difficile et livre la plus belle performance du film, confirmant par-là même l'immense talent de la plus grande actrice de seconds rôles du Golden Age, et la plus star d'entre elles, aussi.
Robert Ames n'est pas mauvais du tout dans le rôle du personnage pivot duquel découlent les rebondissements, mais il faut bien avouer que face à ses deux partenaires de choc, il pâlit quelque peu, si bien que je n'ai pas grand chose à dire sur son interprétation: c'est bien joué, il souligne bien le côté volontaire d'un homme qui ne veut pas se plier aux conventions, mais il ne parvient jamais à rester très mémorable. Peut-être aurait-il gagné à marquer davantage le changement qui s'opère dans les sentiments du héros. Dans tous les cas, il est très rapidement éclipsé par un second rôle masculin, celui qui fut joué par le même acteur aussi bien dans cette version que dans celle de 1938, je parle bien sûr d'Edward Everett Horton, qui dispense un tel humour à l'ensemble du film qu'il est impossible de lui résister. Sa grande scène lors de la fête privée est jouée avec beaucoup de décontraction, et il se révèle très bon conteur à grand renfort de gestes de la main, d'airs outrés hilarants et de regards se voulant sérieux pour mieux amuser la galerie, de quoi rendre hommage à l'humour du texte: "I had no friends, no education and sex... Well sex to me was still the great mystery." Il est encore très drôle auprès du maître de maison pour détendre l'atmosphère, et plus encore à l'église où il n'a pas peur de se moquer publiquement des gens guindés qui préparent le mariage avec grand sérieux. A ses côtés, les autres seconds rôles sont très corrects, avec une petite préférence personnelle pour Monroe Owsley en frère soumis au grand cœur.
Cette distribution de choix fait alors passer un excellent moment et contribue à rendre l'atmosphère du film constamment plaisante et chaleureuse, au point de donner envie d'y revenir régulièrement. Je suis donc assez indécis quant à la note à donner: oui, j'aime beaucoup Holiday, mais non, ce n'est pas un grand film, alors que faire? Un 7 serait injuste pour l'absence totale d'imagination du réalisateur et de l'équipe technique, mais le casting rattrape très largement ces défauts... Réflexion faite, un 6/10 semble plus adéquat, d'autant que cette semaine, j'ai mis la même note à des superproductions de prestige bien plus inventives, dont la réussite esthétique estompe certaines maladresses dans l'intrigue ou l'interprétation. Disons que c'est le contraire avec Holiday: ce sont les performances d'acteurs qui me font passer un très agréable moment alors que l'effort technique est réduit au strict minimum.
La première version souffre notamment de la comparaison sur le plan technique: c'est du théâtre filmé et la mise en scène manque cruellement de dynamisme, le réalisateur s'étant contenté de mettre sa caméra dans un coin du salon et d'attendre que les acteurs daignent bien bouger pour donner l'illusion d'un mouvement. A vrai dire, l'élément technique le plus original c'est le champ-contrechamp lors des dialogues en plans rapprochés, de quoi révéler l'absence de vision d'Edward Griffith. La qualité sonore est aussi assez insupportable, bien que ça tienne peut-être au fait que le film n'a jamais été restauré, mais quoi qu'il en soit, l'absence quasi totale de musique, à quelques séquences près, renforce cette impression de statisme, et seuls les chœurs de l'église font bouger les choses de ce côté-là. Le montage est également douloureux, puisqu'on saute parfois d'un plan à l'autre sans liant, voire carrément sans souci de raccord, et mieux vaut ne pas trop s'étendre sur la photographie qui pousse parfois le vice à couper le front d'Edward Everett Horton en plein monologue, voire décapiter littéralement Ann Harding même si elle est en train de parler! Sauf qu'on est dans Holiday, là, pas dans Sleepy Hollow!
Autrement, les décors ont été bien choisis: une grande maison luxueuse, un portique en arcades et de grandes salles à colonnes font comprendre l'émerveillement de Robert Ames lorsqu'il découvre la richesse des lieux pour la première fois, d'où certaines plaisanteries amusantes, notamment quand il chante un air tyrolien en attendant l'écho dans un couloir gigantesque. De même, les costumes soutiennent très bien l'ambiance à défaut d'être très novateurs, mention spéciale à l'encolure feuillée d'Ann Harding lors de la fête privée, et au foulard qu'elle porte dans les cheveux dans la dernière séquence.
Holiday est donc moins un film en tant que tel qu'une réunion de grands acteurs priés de mettre une nouvelle fois en lumière la pièce de Philip Barry, que le scénario suit sans écarts en jouant bien sur les différences, et sur la complicité, entre les deux sœurs. Ann Harding, pour commencer, fait totalement justice au rôle et ne pâtit pas de la comparaison avec Katharine Hepburn, faisant une entrée très charismatique dans l'histoire, avec une classe et une repartie qui piquent d'emblée l'intérêt. Elle est ainsi très dynamique, plaisante avec décontraction, pousse sa sœur du coude à l'église pour la rassurer lorsque celle-ci doit annoncer son futur mariage à leur père, et crée une complicité immédiate avec Mary Astor avant que leurs différences de points de vue ne les éloignent. Harding est encore très drôle dans le mode inquisitoire en questionnant sans aucun problème, et avec une pointe d'humour, le héros sur sa situation financière; et elle renvoie aussi une image protectrice en tapotant gentiment les mains de sa sœur pour la rassurer, bien que le résultat tombe un peu à l'eau à mesure qu'Astor révèle sa vraie personnalité, au point qu'Ann Harding se fait un peu dominer dans les séquences finales, au prix d'envolées lyriques se voulant réconfortantes mais qui passent de plus en plus mal face à la force rêche d'Astor.
Les envolées lyriques, justement, sont un peu le problème d'Ann Harding qui alterne entre des passages très naturels et des répliques beaucoup plus théâtrales pas toujours très heureuses dans une adaptation cinématographique. En effet, dès que Linda se sent mal à l'aise face à certaines situations, l'actrice part soudainement dans du vibrato et du lyrisme flamboyant, parfois quand ça n'a même pas lieu d'être: on pense à la scène où elle supplie Mary Astor d'organiser une fête en son honneur, où on l'entend demander: "Ooooooh! Let me do it for you! Leeeeet me do something for you once!" Elle joue de la même façon lors d'un conflit avec son père, qui lui reproche de ne pas paraître à la fête publique au rez-de-chaussée, mais cette fois-ci, ses envolées théâtrales sont atténuées par son regard défiant qui souligne la véritable force de l'héroïne. En fait, la théâtralisation passe évidemment beaucoup mieux quand Linda se met en scène et tente de dérider l'atmosphère: "I think he is a verrrrry good number", dit-elle pour mettre le patriarche du côté de son futur gendre. Néanmoins, si ces fameuses envolées tranchent quelque peu parmi le reste du casting, on retiendra avant tout une performance d'actrice excessivement charmante avec toujours un brin d'humour même quand Linda est déçue (voir la scène où son frère Ned lui dit qu'il a compris ses sentiments, à quoi elle répond: "Give me some water."), et sa présence d'esprit reste constamment rafraîchissante: "What an unexpected pleasure!" L'exaltation amoureuse pour le héros est aussi fort bien rendue, aussi la composition séduit-elle à chaque visite.
Mary Astor a de son côté un peu plus de grain à moudre quoique dotée d'un personnage plus secondaire, puisqu'elle doit dessiner une évolution, Julia devant révéler son côté de plus en plus snob au fur et à mesure de l'intrigue, après une première partie basée sur un charme très sympathique. Comme on s'en doute, l'actrice est au rendez-vous et montre d'ores et déjà une personnalité un brin hautaine au début, lorsqu'elle rit de voir son fiancé ébahi devant son immense demeure: le sourire est alors extrêmement séduisant mais sa façon très aristocratique d'affirmer en toute simplicité: "This is where I live!" souligne bien à quel type de femme on a affaire. A l'inverse, les séquences finales achèvent de faire craquer le vernis pour révéler une hauteur beaucoup plus froide, et une héroïne capricieuse qui sait ce qu'elle veut: "What do you think I am?"; mais Julia n'en reste pas moins touchante car Mary Astor fait sentir de l'amertume dans ses propos, comme si le regard indiquait une dose de regret d'avoir parlé de la sorte, sans pour autant que Julia ne souhaite sortir du rôle qu'elle s'est façonné. D'ailleurs, Julia n'a pas mauvais fond puisqu'elle s'inquiète sincèrement pour sa sœur, notamment quand celle-ci refuse de paraître au bal, et seules les tensions amoureuses consécutives à un objet de désir commun la poussent à agir de plus en plus froidement avec elle. Mary Astor a donc le rôle le plus difficile et livre la plus belle performance du film, confirmant par-là même l'immense talent de la plus grande actrice de seconds rôles du Golden Age, et la plus star d'entre elles, aussi.
Robert Ames n'est pas mauvais du tout dans le rôle du personnage pivot duquel découlent les rebondissements, mais il faut bien avouer que face à ses deux partenaires de choc, il pâlit quelque peu, si bien que je n'ai pas grand chose à dire sur son interprétation: c'est bien joué, il souligne bien le côté volontaire d'un homme qui ne veut pas se plier aux conventions, mais il ne parvient jamais à rester très mémorable. Peut-être aurait-il gagné à marquer davantage le changement qui s'opère dans les sentiments du héros. Dans tous les cas, il est très rapidement éclipsé par un second rôle masculin, celui qui fut joué par le même acteur aussi bien dans cette version que dans celle de 1938, je parle bien sûr d'Edward Everett Horton, qui dispense un tel humour à l'ensemble du film qu'il est impossible de lui résister. Sa grande scène lors de la fête privée est jouée avec beaucoup de décontraction, et il se révèle très bon conteur à grand renfort de gestes de la main, d'airs outrés hilarants et de regards se voulant sérieux pour mieux amuser la galerie, de quoi rendre hommage à l'humour du texte: "I had no friends, no education and sex... Well sex to me was still the great mystery." Il est encore très drôle auprès du maître de maison pour détendre l'atmosphère, et plus encore à l'église où il n'a pas peur de se moquer publiquement des gens guindés qui préparent le mariage avec grand sérieux. A ses côtés, les autres seconds rôles sont très corrects, avec une petite préférence personnelle pour Monroe Owsley en frère soumis au grand cœur.
Cette distribution de choix fait alors passer un excellent moment et contribue à rendre l'atmosphère du film constamment plaisante et chaleureuse, au point de donner envie d'y revenir régulièrement. Je suis donc assez indécis quant à la note à donner: oui, j'aime beaucoup Holiday, mais non, ce n'est pas un grand film, alors que faire? Un 7 serait injuste pour l'absence totale d'imagination du réalisateur et de l'équipe technique, mais le casting rattrape très largement ces défauts... Réflexion faite, un 6/10 semble plus adéquat, d'autant que cette semaine, j'ai mis la même note à des superproductions de prestige bien plus inventives, dont la réussite esthétique estompe certaines maladresses dans l'intrigue ou l'interprétation. Disons que c'est le contraire avec Holiday: ce sont les performances d'acteurs qui me font passer un très agréable moment alors que l'effort technique est réduit au strict minimum.
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