lundi 31 octobre 2016

Clair de femme (1979)


Si La Banquière est à mes yeux le plus beau film français de Romy Schneider, c'est néanmoins dans Clair de femme qu'elle donne sa meilleure performance francophone comme premier rôle. Peut-être que l'image d'une Romy dépressive aux cheveux longs m'a touché plus qu'il ne l'aurait fallu, mais c'est ainsi. C'est une œuvre de Costa-Gavras, inspirée par une histoire de Romain Gary, sur la rencontre improbable entre deux âmes en peine au cours d'une nuit particulière. En filigrane apparaît le thème de la difficulté à communiquer, à travers une palette de rôles secondaires tous plus excentriques les uns que les autres.


Est-ce pour accentuer ce thème qu'Yves Montand passe la moitié de ses dialogues à regarder par terre quand c'est un autre qui lui parle ? C'est très perturbant, et j'espère que c'est un choix délibéré. Sa performance est autrement réussie, car on sent bien sa douleur derrière une façade calme, le tout avec une agilité certaine dans le maniement de l'absurde, avec en point d'orgue l'échange avec l'époux rescapé d'un accident, qui se comporte de façon tout à fait normale mais est incapable de prononcer des mots cohérents. On notera d'ailleurs que le personnage de Montand est le plus communicatif de la distribution : il ne sait pas où il va et passe son temps à l'aéroport pour une destination au hasard, mais il ne craint pas d'aborder les gens, d'offrir un café à l'inconnue qu'il vient de bousculer sur le trottoir, d'encourager le monologue inventé du mystérieux directeur de spectacles d'animaux, ou d'inventer de nouveaux sons devant le rescapé, qui n'aura jamais été aussi loquace qu'en sa compagnie.


L'absurdité atteint son paroxysme avec la réception de la belle-mère de Romy, incarnée par une Lila Kedrova ne semblant pas savoir jouer autre chose que les femmes mûres complètement frappées, une quinzaine d'années après Zorba et Le Rideau hitchcockien. En vérité, aucun des nombreux hôtes ne semble vraiment savoir ce qu'il fait là, de quoi renforcer l'étrangeté de la relation qui se noue depuis le matin entre les deux inconnus. Du coup, les performances très équilibrées d'Yves Montand et Romy Schneider ancrent l'irréel dans le concret, afin de donner toute la mesure du drame qui se joue hors champs alors qu'on les suit dans les rues de nuit. Romy m'impressionne réellement dans ce rôle : elle y arbore un visage tragique qu'elle nuance par des sourires chaleureux, si bien qu'on se laisse émouvoir dès les premières minutes, avant de suivre avec grand intérêt son cheminement intérieur, entre doutes, choix relationnels inattendus et peine déchirante qui se révèle plus grande encore à chaque rebondissement. Pourtant, même une fois que toutes les pièces du puzzle sont en place et qu'on découvre la véritable motivation du héros, l'absurde n'est pas écarté d'un revers de la main, à l'image de la scène exubérante de conduite à contre-sens devant des gens d'armes impuissants.


Clair de femme me semble donc réussi car l'absurde et le drame se mêlent de façon cohérente, mais comme pour tous les autres films français de Romy vus jusqu'à présent, quelque chose me retient de le considérer comme un véritable succès. Cela tient peut-être de ce qu'on met du temps à comprendre où l'histoire veut réellement en venir, quoique cette série de dialogues improbables soit finalement le point fort de l'ensemble. Peut-être que mon ressenti mitigé vient davantage de son esprit trop manifestement "1970's", avec ces couleurs assez fades et ces fauteuils en cuir jaune dans la salle d'attente de l'aéroport. Il est vrai que le film n'est pas vraiment beau, malgré la présence de vitraux originaux chez la belle-mère russe. Le rythme ne m'a pas absolument absorbé non plus, bien que je n'aie pas de reproches majeurs à faire à une œuvre qui fonctionne finalement très bien en l'état. J'ajouterai simplement que la musique de Jean Musy reflète judicieusement l'ambiance générale, avec des accords mélancoliques où percent une note d'espoir, tandis que la flûte de pan rappelle le désir d'évasion du héros et le goût pour l'exotisme de sa nouvelle connaissance.


En somme, Clair de femme est un bon film, qui n'arrive néanmoins pas à me séduire autant qu'il faudrait. Romy est excellente en dépressive nuancée, Montand a plein de bons moments malgré ce tic insupportable de toujours regarder ses pieds, et les deux interprètes composent de fait des personnages attachants. J'en resterai malheureusement à 6/10 car un je-ne-sais-quoi d'indicible m'empêche d'attribuer un 7, et je m'en veux de ne pouvoir exprimer plus clairement ce ressenti. Le plus gros défaut du film sont en fait ces enfants qui jouent pendant vingt minutes à mimer les postures des silhouettes des feux à un carrefour ! Aucun enfant normalement constitué ne jouerait à ça dans la vraie vie ! Je mets donc la légère déception que me cause le visionnage sur cet indéracinable esprit "1970's" par trop daté.


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