dimanche 7 mars 2021

I Don't Care a Lot

 



On m'a tout juste mis au courant: la cérémonie des Golden Globes a eu lieu la semaine dernière. Qui l'eût cru? Certainement pas moi, car je croyais que toutes les remises de prix étaient décalées au printemps à cause de l'épidémie. Autre surprise: la lauréate de la catégorie comédie fut Rosamund Pike pour un film dont je n'avais pas entendu parler, I Care a Lot de Jonathan Blakeson, l'un de ces ouvrages exaspérants sortis en festival une année x, mais réellement exploités "en salles" une année y, ce qui perturbe ma logique quand à leur datation réelle. Cela dit, la question ne se pose pas puisque les Oscars ont allongé la période d'éligibilité de deux mois, permettant à des films réellement vus en 2021 d'être considérés. Pour moi, la question se pose d'autant moins que je n'aurais nommé Icare dans aucune catégorie, malgré ma fascination évidente pour son actrice principale.

Ainsi, Mademoiselle Rosemonde entend bien user du cynisme des Valmont et Merteuil de l'ère capitaliste afin de jouer à la lionne, et s'accaparer le patrimoine des retraités qu'elle parvient à mettre sous tutelle avec la complicité d'un juge incompétent. Mais hélas, croyant avoir trouvé la perle rare en la personne de Dianne Wiest, elle réalise très vite que cette liaison dangereuse risque de démolir tout l'édifice soigneusement bâti. Parviendra-t-elle à retourner la situation en sa faveur, au gré de confrontations plus que volages avec le mystérieux Peter Dinklage?

Malheureusement, l'histoire se présente comme une comédie, alors que le propos est tellement odieux que je suis consterné. L'humour noir n'est pas ma tasse de thé, bien qu'il y ait toujours des exceptions comme Jessica Walter dans Un Frisson dans la nuit, ou Isabelle Huppert dans Merci pour le chocolat, qui me font rire malgré leur comportement répugnant. Mais ce n'est pas le cas de Rosamund Pike qui, malgré une allure extraordinaire, compose un personnage tellement glaçant qu'il m'est impossible de me prêter au jeu. Son mépris des personnes âgées, ou sa façon d'embarquer une vieille dame pour la mettre en prison dans une maison de retraite sécurisée, sont d'un tragique tel que je n'arrive pas à concevoir qu'on puisse en rire, tandis que voir des gens être assassinés ou torturés dans la seconde partie est beaucoup trop navrant pour ne pas condamner la vision du metteur en scène, également scénariste. On peut se régaler du parcours de personnages perturbés aux répliques cinglantes, et aux expressions assez ambiguës pour prêter à confusion sur le style du film, comme les dames citées précédemment, notamment la première chez Clint Eastwood, un réalisateur qui s'amusait à mettre en danger son image ultra virile malgré une fin au premier degré que je ne cautionne pas. Mais je ne vois pas bien ce qu'on peut trouver d'attachant à l'univers qui nous occupe où tout le monde est pourri jusqu'à la moelle, hormis peut-être Peter Dinklage qui pique toujours l'intérêt dans le rôle d'un mafieux monomaniaque, qui tente de garder son calme en toutes circonstances.

À mon sens, c'est lui qui donne la meilleure performance du film, alors que Dianne Wiest est lamentablement sous-exploitée, puisqu'après une première scène très convaincante en adorable retraitée dépassée par les événements, elle se contente d'aligner des sourires menaçants devant sa nouvelle tutrice, avant d'être mise de côté par le scénario quand l'histoire prend une tout autre direction. Eiza González est quant à elle aussi méchante que sa complice, mais sans le charisme de celle-ci malgré un caractère qu'elle prétend affirmé, de telle sorte qu'elle me laisse de marbre, ce qui nous laisse avec Rosamund Pike, dont l'énergie est à saluer, et qui a le bon goût de nuancer son personnage épouvantable par de vrais moments de doute. Elle devient de plus en plus intéressante à mesure que le film devient rocambolesque, puisqu'on apprécie de la voir chercher à remonter la pente, hurlant dans la nature pour oublier les humiliation subies, avant de revenir déguisée en cadre intello à lunettes à la manière de Jamie Lee Curtis dans Un Poisson nommé Wanda! Mais il n'empêche: l'héroïne est si odieuse d'entrée de jeu qu'aucun des efforts du film ou de l'actrice pour la rendre sympathique ne fait mouche.

On appréciera tout de même la grande force de caractère projetée par la comédienne, qui parvient à garder sa dignité et son mordant même attachée à une chaise de torture, ce qui n'est pas sans rappeler l'ingéniosité d'Amazing Amy de Gone Girl. Il est finalement rassurant de savoir Rosamund Pike aussi à l'aise dans la peau de personnages macabres que dans des rôles d'épouses dévouées, signe d'un talent manifeste, bien que l'on aimerait la voir dans des rôles mieux écrits. Ici, le scénario échappe complètement au metteur en scène, ce qui ne joue pas en faveur de ses comédiens qui font pourtant de leur mieux pour tirer leur épingle du jeu. Comme je le disais, le ton est tellement sinistre dès le départ que l'histoire débute avec du plomb dans l'aile, avant de sombrer dans des abysses de ridicule qui nous donnent à voir un personnage drogué, installé au volant d'une voiture lancée à toute allure façon La Mort aux trousses, qui réussit à se réveiller comme par magie et à remonter des profondeurs d'un lac en parvenant à rester en apnée pendant de trop longues minutes. Cela montre surtout que Monsieur Blakeson n'est clairement pas Hitchcock: incapable de maîtriser son récit, préférant changer d'histoire en cours de route pour se vautrer dans du spectaculaire de bas étage, sacrifiant au passage tous les rôles secondaires et noyant le suspense dans une violence inouïe, il compose un film glacial tout en échouant à rendre quiconque sympathique. Pike et Dinklage tentent d'apporter les nuances qui font défaut au scénario, mais celui-ci leur met tant de bâtons dans les roues qu'on sera bien en peine d'avoir la moindre empathie pour tout ce que l'on nous raconte.

La scène finale montre d'ailleurs que le metteur en scène n'est pas aussi à l'aise avec l'humour noir qu'il l'aurait voulu, puisque sa tentative de se donner bonne conscience après les horreurs montrées convainc encore moins que la baignade lacustre. La seule chose qu'on pourra lui reconnaître, c'est que son film se regarde d'une traite, et que j'ai réussi à aller jusqu'au bout sans m'ennuyer, bien que haïssant chaque réplique et chaque rebondissement. Disons que c'est au moins rythmé, bien que le chef d'orchestre ne soit guère brillant. On appréciera également de voir la question lesbienne traitée le plus naturellement du monde: les deux amantes s'assument parfaitement et vivent leur histoire au grand jour, point de vue rafraîchissant qui prend soin de ne pas montrer que leurs penchants invertis sont le moteur de leurs méchantes actions. Ça ne suffit malheureusement pas à sauver le film à mon goût: la seule fois où j'ai souri, c'est lorsque Rosamund Pike se prend pour un dragon, crachant sa fumée car peu impressionnée par les simagrées d'un avocat miteux. Rien que pour cette allure irrésistible, et pour l'infime nuance qu'elle place dans ses regards, révélant un manque d'assurance véritable derrière son vocabulaire agressif, je suis content que la comédienne ait été récompensée. Mais j'aurais cent fois préféré que ce fût pour un bien meilleur film, et surtout pour une histoire bien plus appréciable.

2 commentaires:

  1. Pas de surprise. J'ai détesté. Impossible de supporter un film où tous les personnages sont odieux et méchants, sans aucune justification, ni explication, à part éventuellement les atteintes du patriarcat. Ca pourrait être rigolo de voir un monstre piégé par un autre monstre, mais le scénario ne nous laisse pas profiter de ça, puisque Pike semble toujours dominer le récit et n'avoir peur de rien. Et les scènes où elle est torturée évoquent trop d'autres violences pour être vues comme un soulagement. D'un autre côté, son cynisme et sa méchanceté la rende d'autant plus insupportable qu'elle est très hypocrite, à sa façon, même quand elle se révèle (quand elle dit qu'on n'avait pas à "tuer son amie, il suffisait de l'affronter au tribunal" ... quand on voit comment elle manipule le crétin de juge ...).

    Bref, burk.

    Le vengeur démasqué

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    1. Un an plus tard, je n'ai aucun souvenir de cette chose… J'espère que tu as découvert des films sympas récemment, pour compenser !

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