Comme vous le savez, j'adore les histoires chinoises produites par Hollywood dans les années 1930, aussi The General Died at Dawn était un must-see, après Shanghai Express de Sternberg, The Bitter Tea de Capra, et The Painted Veil de Boleslawski. En outre, j'en avais entendu parler en bien par le Général Yen dans sa rétrospective sur Madeleine Carroll, et l'Anonyme au cœur fidèle m'avait confié que la dame y faisait "un peu du Dietrich, mais d'une manière qui [le] touche personnellement davantage." Si l'on ajoute que le film est de Lewis Milestone (All Quiet on the Western Front), tous les ingrédients semblaient réunis pour me faire passer le plus exquis des moments.
Malheureusement, je n'ai pas vraiment accroché. Tout d'abord, j'ai trouvé le rythme excessivement lent: les dialogues s'étirent inutilement en longueur, et les rebondissements les plus mouvementés se révèlent à peu près aussi palpitants qu'une partie de pêche à la ligne, à l'image de l'évasion de Gary Cooper filmée de façon bien peu intrépide. Le scénario elliptique renforce souvent la lenteur générale, parce qu'on ne comprend pas toujours les motivations des héros. Par exemple, alors que le complice d'O'Hara passe plus de cinq minutes à le mettre en garde, afin qu'il ne prenne jamais le train et se déplace exclusivement en avion pour ne pas être pris par les milices ennemies, ledit O'Hara est montré aussitôt après au beau milieu d'un voyage... en train. La rencontre avec Madeleine Carroll, qui le courtise ouvertement depuis le compartiment contigu, met quant à elle du temps à faire mouche, parce que le dialogue met trop de temps à préciser que les deux se connaissaient d'avance, et s'étaient probablement (mais ce n'est pas clair), donné rendez-vous à la gare: on a donc l'impression de voir deux parfaits inconnus se parler familièrement sans sourciller, ce qui perturbe un bon moment. Evidemment, il s'avère que la troublante Judy est de mèche avec le méchant général Yang, et que son but est de séduire O'Hara pour lui voler ses documents et le faire arrêter. Ce faisant, elle en tombe amoureuse et regrette immédiatement son acte, mais du coup, il n'y a pas vraiment de suspense dans la première partie: O'Hara est inévitablement arrêté puisqu'il voyage en train, et comme on prévoit ce qui va arriver avec dix minutes d'avance, on s'ennuie. En outre, comme O'Hara n'oppose aucune résistance au général, et semble le premier surpris de comprendre que Judy l'a trahi en lui faisant prendre le train malgré la mise en garde antérieure, l'excitation tombe carrément à plat.
Après ça, j'ai eu beaucoup de mal à suivre le reste de l'intrigue sans décrocher. Je suis quand même allé jusqu'au bout mais sans enthousiasme, et ai par conséquent regretté que Lewis Milestone n'ait pas donné plus de dynamisme à ces aventures. Il y a bien une certaine forme de suspense via la manie du général d'envoyer ses soldats maladroits se suicider à la moindre erreur, mais c'est trop bref pour tenir en haleine jusqu'à la fin. La mise en scène offre néanmoins des surprises intéressantes de part et d'autre, à l'image de ce gros plan sur Madeleine Carroll menacée par le revolver de Gary Cooper après qu'ils ont entendu du bruit dans le couloir, ce qui tranche de façon très nette avec le dialogue amoureux qui précédait, et préfigure le retournement de situation à venir. Le film est aussi connu pour sa division de l'écran lorsque deux personnages secondaires s'interrogent sur le sort des protagonistes, alors que les destins en question sont révélés dans chaque angle du cadre au fur et à mesure de la conversation. Mais le morceau de bravoure, c'est bien entendu l'exceptionnelle photographie de Victor Milner, qui surprend par sa manière innovante de transformer un bouton de porte en boule de billard d'un plan à l'autre, avant de jouer sur les ombres chinoises des antagonistes menaçant les héros, ou de contraster avec brio les noirs et blancs des scènes nocturnes. On a d'ailleurs tort de prétendre que Citizen Kane est le film le plus influent de tous les temps: Le Général était déjà remarquable d'originalité cinq ans plus tôt. En outre, le photographe ne ménage pas ses gros plans sur la blondeur de Madeleine Carroll, quitte à en rehausser l'effet en la plaçant à côté d'une lampe, de quoi ajouter au plaisir des yeux. Notons que Gary Cooper n'est pas mal servi non plus, avec plusieurs passages torse-nu vraiment très séduisants*.
Autrement, j'aime beaucoup le générique, où les crédits défilent sur les voiles des barques traditionnelles, mais le film rate l'un de ses points techniques avec la question du maquillage. En effet, l'Arménien Akim Tamiroff et l'Irlandais Dudley Digges donnent l'impression d'avoir des visages de cire, de quoi faire regretter une fois de plus le problème du whitewashing. J'apprécie tout de même de voir des acteurs au profil réellement asiatique n'être jamais ridiculisés, ceux-ci faisant même preuve d'une certaine dose de charisme assez plaisante, avec des voix parfaitement maîtrisées et jamais stéréotypées. Toutefois, l'interprétation n'est pas brillante, en particulier du côté d'Akim Tamiroff, un bien piètre méchant qu'on a du mal à trouver menaçant. Porter Hall en complice nerveux est lui-même loin d'être génial, tandis que Madeleine Carroll reste un peu sur la même note, à deux ou trois petites nuances près dans ses regards, quand elle doit se montrer plus inquiète. Plus encore qu'à Dietrich, c'est surtout à Garbo version Mysterious Lady qu'elle fait penser, à travers cette femme forte prise au piège de ses sentiments, et dont l'apparition inattendue dans le compartiment du train rappelle immanquablement les aventures polonaises de la Divine. Enfin, au risque de surprendre tout le monde, j'aime beaucoup Gary Cooper, un acteur considérablement méprisé sur la toile américaine par un nombre incalculable de gens qui le trouvent raide, ce que je conteste fortement: je le trouve très drôle dans ses comédies avec Marlene Dietrich, Claudette Colbert et Barbara Stanwyck, et son charisme suffit amplement à me combler dans ses partitions tragiques, quoiqu'il ne possède effectivement pas la palette expressive la plus variée qui soit. Ici, il ne fait hélas rien de particulier et se contente de faire du charme à la caméra, ce qui laisse un peu sur sa faim, sans être déplaisant en soi.
Après ça, j'ai eu beaucoup de mal à suivre le reste de l'intrigue sans décrocher. Je suis quand même allé jusqu'au bout mais sans enthousiasme, et ai par conséquent regretté que Lewis Milestone n'ait pas donné plus de dynamisme à ces aventures. Il y a bien une certaine forme de suspense via la manie du général d'envoyer ses soldats maladroits se suicider à la moindre erreur, mais c'est trop bref pour tenir en haleine jusqu'à la fin. La mise en scène offre néanmoins des surprises intéressantes de part et d'autre, à l'image de ce gros plan sur Madeleine Carroll menacée par le revolver de Gary Cooper après qu'ils ont entendu du bruit dans le couloir, ce qui tranche de façon très nette avec le dialogue amoureux qui précédait, et préfigure le retournement de situation à venir. Le film est aussi connu pour sa division de l'écran lorsque deux personnages secondaires s'interrogent sur le sort des protagonistes, alors que les destins en question sont révélés dans chaque angle du cadre au fur et à mesure de la conversation. Mais le morceau de bravoure, c'est bien entendu l'exceptionnelle photographie de Victor Milner, qui surprend par sa manière innovante de transformer un bouton de porte en boule de billard d'un plan à l'autre, avant de jouer sur les ombres chinoises des antagonistes menaçant les héros, ou de contraster avec brio les noirs et blancs des scènes nocturnes. On a d'ailleurs tort de prétendre que Citizen Kane est le film le plus influent de tous les temps: Le Général était déjà remarquable d'originalité cinq ans plus tôt. En outre, le photographe ne ménage pas ses gros plans sur la blondeur de Madeleine Carroll, quitte à en rehausser l'effet en la plaçant à côté d'une lampe, de quoi ajouter au plaisir des yeux. Notons que Gary Cooper n'est pas mal servi non plus, avec plusieurs passages torse-nu vraiment très séduisants*.
Autrement, j'aime beaucoup le générique, où les crédits défilent sur les voiles des barques traditionnelles, mais le film rate l'un de ses points techniques avec la question du maquillage. En effet, l'Arménien Akim Tamiroff et l'Irlandais Dudley Digges donnent l'impression d'avoir des visages de cire, de quoi faire regretter une fois de plus le problème du whitewashing. J'apprécie tout de même de voir des acteurs au profil réellement asiatique n'être jamais ridiculisés, ceux-ci faisant même preuve d'une certaine dose de charisme assez plaisante, avec des voix parfaitement maîtrisées et jamais stéréotypées. Toutefois, l'interprétation n'est pas brillante, en particulier du côté d'Akim Tamiroff, un bien piètre méchant qu'on a du mal à trouver menaçant. Porter Hall en complice nerveux est lui-même loin d'être génial, tandis que Madeleine Carroll reste un peu sur la même note, à deux ou trois petites nuances près dans ses regards, quand elle doit se montrer plus inquiète. Plus encore qu'à Dietrich, c'est surtout à Garbo version Mysterious Lady qu'elle fait penser, à travers cette femme forte prise au piège de ses sentiments, et dont l'apparition inattendue dans le compartiment du train rappelle immanquablement les aventures polonaises de la Divine. Enfin, au risque de surprendre tout le monde, j'aime beaucoup Gary Cooper, un acteur considérablement méprisé sur la toile américaine par un nombre incalculable de gens qui le trouvent raide, ce que je conteste fortement: je le trouve très drôle dans ses comédies avec Marlene Dietrich, Claudette Colbert et Barbara Stanwyck, et son charisme suffit amplement à me combler dans ses partitions tragiques, quoiqu'il ne possède effectivement pas la palette expressive la plus variée qui soit. Ici, il ne fait hélas rien de particulier et se contente de faire du charme à la caméra, ce qui laisse un peu sur sa faim, sans être déplaisant en soi.
Conclusion: Le Général est mort à l'aube regorge de belles inventions, mais je me suis ennuyé comme une autruche à une partie de bridge. J'attendais sans doute davantage de ces aventures exotiques, le rythme et le scénario étant les principaux coupables ici. Je suppose que j'en resterai à un petit 6/10, même si j'avais prévu d'être moins indulgent sur le moment.
* Tallulah: Dont vous devriez poster des photos, dahling! Après tout, ce divin Gary Cooper est la principale raison pour laquelle je suis venue à Hollywood!
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* Tallulah: Dont vous devriez poster des photos, dahling! Après tout, ce divin Gary Cooper est la principale raison pour laquelle je suis venue à Hollywood!
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