dimanche 3 avril 2016

24 Hours (1931)


Nettement mieux que Dancers in the Dark, voici 24 Hours. Non que le film soit foncièrement meilleur, mais cette petite production de série B de la Paramount contient un aspect supérieur qui emporte tout sur son passage et la rend bien plus digne d'intérêt que bien des films de cet acabit. Cet aspect, c'est Miriam Hopkins.

En effet, celle-ci a beau n'y tenir qu'un rôle secondaire et n'apparaître que vingt minutes (sans interruption), elle s'y révèle d'une énergie à couper le souffle et passe par toutes les émotions possibles et imaginables, du rire aux larmes, sans jamais trop appuyer sur le sentiment malgré sa flamboyance. Le désabusement face à son amant est par exemple très crédible et l'on ressent bien les blessures secrètes de la chanteuse, le dynamisme par lequel elle tente de masquer ces cicatrices en chantant est admirable, le mépris du haut duquel elle toise son mari contient malgré tout une petite part de bonté qui indique que Rosie ne veut pas totalement lui faire du mal, l'impression de se sentir dans une impasse sentimentale après son spectacle est jouée avec une réserve bienvenue, sa terreur de voir un intrus entrer dans sa chambre est expressive mais dans le bon sens du terme, et sa dernière grande scène contient à peu près toutes ces émotions préalables réunies en un même cocktail explosif, de quoi justifier amplement le mot "révélation" que l'on peut appliquer à l'actrice découverte dans trois films en 1931. En fait, sa performance est une répétition générale de Dr. Jekyll and Mr. Hyde, tourné juste après, et Miriam confirme l'impression initiale en vertu de laquelle je l'aurais bel et bien nommée, voire récompensée, s'il n'y avait eu le film de Mamoulian la même année.

Dommage qu'en dehors de ces vingt minutes hopkinsiennes l'histoire soit franchement inintéressante: c'est tout simplement un gros scénario criminel de série B où un gros nigaud en état d'ivresse se réveille enfermé dans un appartement avec un cadavre, et se retrouve évidemment accusé du meurtre. L'intrigue se résout en moins de dix minutes, soulignant par-là même son manque de structure, d'autant que les vingt premières minutes avant l'introduction d'Hopkins traînent en longueur en essayant de décrire un couple battant de l'aile dont les rapports ont du mal à se mettre en place. Il faut dire que la monoexpressivité de Clive Brook n'aide pas, l'interprète étant probablement l'acteur le plus limité de la décennie. De son côté, Kay Francis a à peine le temps d'esquisser une vague amertume sur son visage avant d'être mise de côté par le scénario pour mieux faire un retour triomphal à la fin, sans que l'actrice n'essaie vraiment de justifier le changement qui s'opère dans son état d'esprit. Bref, à l'image du film, ces acteurs ne sont absolument pas mémorables, et la mise en scène de Marion Gering reste elle aussi très quelconque. Le point de vue sur la grosse horloge sous la neige donne néanmoins envie d'entrer dans le film, et voir Rosie découvrir son mari dans un miroir rend leur rencontre plus intense, mais c'est à peu près tout ce qu'il y a à retenir de cette intrigue oubliable.

Finalement, je suis tenté d'attribuer un 5, la production n'étant pas totalement indigne non plus, mais surtout parce que la performance gigantesque de Miriam Hopkins donne vraiment l'impression qu'on a affaire à un bon film pendant vingt minutes. Quoi qu'il en soit, Hopkins est définitivement l'actrice de 1931: trois films dont deux chef-d’œuvres, trois performances éblouissantes. Que demander de plus?

2 commentaires:

  1. "Hopkins est définitivement l'actrice de 1931" : va-t-elle passer devant Mae Clarke ?
    Elle aussi pour moi en grande partie l'actrice de l'année 1933, année pourtant très chargée.

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    1. Je ne sais jamais quoi faire: Hopkins est l'actrice de 1931, incontestablement, mais avec seulement un seul rôle principal pour deux rôles secondaires. Elle me semble franchement imbattable en supporting, ce qui ouvre un boulevard pour Mae Clarke dans l'autre catégorie... même si je ne cache pas préférer couronner Miriam pour Le Lieutenant ou The Stranger's Return, plutôt que pour Becky Sharp, si je veux vraiment lui donner quelque chose comme premier rôle (et dieu sait si je le veux!).

      En 1933, elle brille dans plusieurs rôles, au même titre que Barbara Stanwyck. Elles forment avec Garbo l'une des plus belles triades d'interprétation de la décennie, mais difficile de dire qui est vraiment l'actrice de l'année cette fois-ci.

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