dimanche 7 novembre 2021

En pays d'Artense


À cheval sur les départements du Cantal et du Puy-de-Dôme, l'Artense est l'une des régions les plus occidentales de l'Auvergne, à la frontière du Limousin. Une pointe de la Corrèze y pénètre même du côté de Bort-les-Orgues, preuve que l'on se situe bien dans une terre de confins : si les orgues en questions sont bel et bien limousins, le château de Val est quant à lui auvergnat puisque situé sur la commune de Lanobre… Sauf que son propriétaire reste la municipalité de Bort-les-Orgues! Suivre les gorges de la Rhue le long de la D 679, reliant Condat à la célèbre falaise de phonolite, permet d'explorer la partie cantalienne du pays d'Artense, dont le nom celtique signifie "pays des ours". Dommage qu'il n'y en ait plus dans ce territoire joliment boisé, qui reste l'un de mes plus gros coups de cœur de ce voyage.


Les gorges de la Rhue

Si Condat, petite bourgade séparant l'Artense du Cézallier, n'a rien d'exceptionnel en soi, sa situation au bord de la Rhue en fait une station intéressante sur la route du Limousin. C'est à partir de là que l'on peut longer la rivière, affluent de la Dordogne, dans ses méandres les plus pittoresques. Malheureusement, en plein soleil méridien, les photographies ne donnent pas grand chose, mais je vous assure que c'est tout à fait renversant : l'ombre des arbres offre un joli contraste aux roches ensoleillées au bord de l'eau, d'où une promenade très agréable qui donne envie de s'arrêter à tous les recoins.


On traverse la rivière en deux endroits, d'abord par un pont sur la commune de Montboudif, qui offre une vue verdoyante où s'entremêlent le vert foncé des conifères et la clarté des arbres à feuilles caduques, puis un peu plus loin sur le territoire de Saint-Étienne-de-Chomeil, au pont dit des Faux Monnayeurs, qui offre cette vue spectaculaire sur cette roche ciselée dominant les eaux. Voilà qui met dans de bonnes dispositions pour la suite du périple, même si ça n'est qu'une maigre mise en bouche avant l'apparition exceptionnelle de la falaise la plus remarquable du Massif Central.


Pique-nique à Bort-les-Orgues

Et pique-nique en musique, s'il vous plaît! Cela faisait des années que je rêvais de les voir, et je n'ai pas été déçu. Les orgues de Bort sont époustouflants dès qu'ils apparaissent à l'horizon. Ils doivent leur nom musical à leur forme et à leur consistance : en se solidifiant, la lave a formé ces impressionnantes colonnes qui rappellent les tuyaux des instruments des plus belles cathédrales, et pour couronner le tout, la phonolite est une roche qui résonne quand on la frappe. Curieusement, l'acoustique n'est pas excellente sur le site : les voix s'égarent dans ce vaste espace long de deux kilomètres, mais ça n'enlève rien à son caractère d'exception. La plus grande surprise, c'est que cette falaise qui s'élève à seulement 800 mètres du sol est située dans une vaste plaine, de telle sorte qu'on ne voit qu'elle… et qu'elle offre le plus beau panorama imaginable sur l'ensemble de l'Auvergne.


Évidemment, ça ne donne rien en photo, mais en vrai, c'est le point de vue le plus sensationnel qui se puisse contempler. Au nord, les monts Dore forment un écrin protecteur autour du Sancy, qui impressionne toujours autant même à des kilomètres de là. 


Plein est, les gorges de la Rhue se fraient un chemin dans le paysage, indiquant le passage vers les monts du Cézallier.


Au sud, ce sont bien entendu les monts du Cantal et leur célèbre Plomb qui s'offrent au regard. Lorsque celui-ci embrasse ces trois points cardinaux en un même mouvement, une émotion réelle vous saisit. Cette vue est à couper le souffle, et l'on y resterait bien des heures entières à méditer devant tant de merveilles.


Que cela ne fasse pas oublier le côté ouest, lorsque l'on quitte la place : les prairies verdoyantes du Limousin soutiennent fort bien la comparaison même en l'absence de volcans pour les surplomber. La récompense ne s'obtient toutefois qu'au prix d'un effort surhumain, puisque l'accès au site par la D 127 est incroyablement vertigineux, avec cette route étroite qui s'élève au-dessus du vide en contournant la falaise. Heureusement qu'il n'y avait personne, car j'étais proprement tétanisé par endroits, les mains crispées sur le volant. À tel point que j'ai bien cru rester coincé au sommet pour l'éternité après cette ascension rocambolesque, avant de découvrir que l'on peut redescendre par la D 979, nettement moins remarquable, mais au relief bien plus doux! Cela dit, je suis content de cet exploit!


Le château de Val

Si la nature n'est pas votre tasse de thé et que la matière ouvragée vous semble plus rassurante, sachez que Bort-les-Orgues est aussi connue pour son barrage sur la Dordogne, qui permet au fleuve de s'élargir en un lac de retenue assez impressionnant, sur les rives duquel s'égrainent des plages touristiques surveillées avec élégance par le château de Val. Achevé au XVe siècle, ce château fort est tout simplement lumineux, loin de l'austérité médiévale d'un Sarzay ou d'un Anjony. Il était à l'origine située sur une hauteur, mais la vallée a été engloutie par le barrage. La promenade ombragée le long du lac permet de l'admirer sous toutes ses coutures, et agrémente joliment une fin d'après-midi estival. Le sentier est en revanche un vrai terrain de jeu, avec notamment un dénivelé à pic. Pas étonnant que les lieux aient servi de décors à un film de cape et d'épée comme Le Capitan, où l'insupportable Jean Marais gravit les murs du château à l'aide d'un poignard. L'acteur a refusé d'être doublé et a vraiment atteint le sommet de la tour par lui-même, sans aucun filet de protection. Ce qui, même si je n'aime pas son jeu, lui vaudra de ma part un respect infini, car ce n'est clairement pas moi qui ferais ça! À la place, je me suis sagement contenté de me rapprocher de Mauriac par une vallée accueillante, gravir la montagne de phonolite m'ayant donné mon content d'émotions pour la journée!

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire