samedi 6 novembre 2021

Cratère et pierres de lave


Après le puy de Sancy et surtout les roches Tuilière et Sanadoire, je m'en fus donc à Besse-et-Saint-Anastaise, une commune du Puy-de-Dôme ayant l'insigne avantage de contenir sur son territoire un centre-bourg de style Renaissance, un lac de cratère unique en son genre, des cascades que je n'ai pas vues, et même une station de sports d'hiver. En quelque sorte, il y en a pour tous les goûts, bien que les rues en pierre de lave sombre ne soient pas des plus chaleureuses au premier regard.

Le centre historique

La petite ville mérite cependant le détour pour son patrimoine très riche : Besse est depuis le Moyen Âge une place marchande de la plus haute importance, ce qui permit aux bourgeois du XVIe siècle de moderniser leurs maisons dans le goût d'alors, apparemment sous l'impulsion bienveillante de Catherine de Médicis, elle-même héritière du comté d'Auvergne par sa tante. L'importance du commerce est toujours prégnante de nos jours, puisqu'il n'est pas un rez-de-chaussée qui ne soit occupé par une boutique, allant des fromageries aux ventes de paniers d'osier, en passant par l'étalage horrifiant de peaux de bêtes. La cité n'est pas un haut lieu du véganisme… Pendant la guerre de Cent Ans, Besse fut aussi une place forte, avec une porte de ville surmontée d'un beffroi, et un chemin de ronde surveillé par le château du bailli, représentant des seigneurs de La Tour d'Auvergne et investi de missions militaires, judiciaires et financières.


L'édifice le plus réputé de la ville, mais impossible à photographier correctement, reste cependant la maison dite de la reine Margot, la légende voulant que la tumultueuse reine de Navarre y ait passé une nuit lors de son exil de vingt ans en Auvergne. Rien n'est moins sûr, car aucun document écrit n'en atteste. D'ailleurs, ce bâtiment n'a plus grand chose à voir avec Marguerite, puisque s'y trouve désormais le musée du… ski! C'est sûrement très intéressant pour les passionnés, mais n'en faisant pas partie, je me suis contenté d'en admirer la façade, imaginant non sans humour la princesse Valois s'échapper du château d'Usson à la manière de Marielle Goitschel!


Parmi les autres monuments remarquables, citons encore la maison des consuls, ces représentants jadis élus par les habitants pour organiser la vie économique et politique de la cité ; l'ancien hôpital de Broglie, parrainé au XVIIe siècle par Marie de Lamoignon, comtesse de Broglie et dame patronnesse à ses heures perdues ; le manoir Sainte-Marie des Remparts bâti en 1935 à l'aide d'éléments architecturaux en péril ; et bien sûr l'église Saint-André qui abrite une vierge noire dite Notre-Dame de Vassivière, dont le culte est célébré dans une chapelle éponyme aux confins du territoire communal. L'occasion pour moi de confirmer que je n'ai décidément pas de chance avec les croyants : en effet, à peine venais-je de finir un cantique dans l'église déserte qu'une touriste illuminée, me prenant peut-être pour le chantre des lieux, me sauta dessus pour me demander la direction de la chapelle… dont je n'avais jamais entendu parler à ce moment-là! "Je n'en ai pas la moindre idée!" dis-je en m'enfuyant vers la mairie!


Finalement, même sous un ciel gris, Besse-et-Saint-Anastaise vaut le détour : les maisons anciennes y sont légion, et la pierre sombre est nuancée par les touches rougeoyantes des encadrements de fenêtres et des géraniums qui fleurissent à tous les coins de rues. Celles-ci sont le témoin d'un passé riche et foisonnant, dont on entend toujours les échos aujourd'hui, à en juger par la vie commerçante particulièrement animée qui attire de trop nombreux touristes.


Le lac Pavin

Très touristique également, le lac Pavin a la réputation d'être le plus beau lac d'Auvergne. C'est assurément l'un des plus captivants : ses eaux occupent un cratère profond de 92 mètres et ne se mélangent que très rarement entre la surface et les profondeurs. Les géologues le qualifient ainsi de lac méromictique. Interdit à la baignade, ses eaux profondes sont bourrées de gaz et de bactéries, mais ses eaux oxygénées laissent tout de même place à une vie plus rassurante faisant les beaux jours de l'omble chevalier.


Cette situation particulière, apparemment unique en France, alimente bien des légendes depuis le Moyen Âge, et toujours sous le masque de la tragédie. Il faut dire que ce lac est né de la violence, l'éruption qui l'a créé ayant laissé des traces jusqu'en Suisse, aussi ne s'étonnera-t-on guère de le savoir propice au drame. Son nom vient d'ailleurs du latin pavere qui signifie "être épouvanté". Tout un programme… On raconte par exemple que le village originel de Besse y serait englouti par punition divine et qu'y jeter une pierre le dernier jour de l'année permettrait d'entendre les cloches de l'église chanter toute leur détresse.


En tant que promeneur, l'intérêt du lac vient surtout de ses couleurs chatoyantes sous le soleil, et des multiples points de vue sur les volcans alentour. Le lac Pavin est d'ailleurs situé aux pieds du puy de Montchal qui offre manifestement une vision époustouflante sur les monts Dore et le Cézallier. Dommage que je n'aie pas eu l'information plus tôt, mais le tour des rivages n'est pas en reste, surtout dans la partie orientale où le sentier se met à surplomber une falaise. On peut ainsi admirer le sommet du puy de Chambourguet, mais aussi le point culminant du Sancy, ainsi que toute la face sud-est des monts Dore.


Les eaux virant du bleu roi au bleu turquoise en fonction de l'ensoleillement apportent également une belle variété de nuances au gré de cette balade d'une facilité enfantine, adaptée à tous les publics. Finalement, le seul et unique défaut du lac Pavin, et de l'Auvergne tout entière, c'est qu'il s'agit du temple… de la famille nucléaire. On n'y croisera que des couples hétéros, par essence très mal habillés, et affublés d'enfants en bas âge qui ne regardent pas devant eux et fondent en larmes dès qu'ils se prennent les pieds dans une racine, où qui ont des conversations affligeantes quant à la typologie des excréments d'animaux. Sans parler de ces mères hystériques qui hurlent au moindre danger, le péril en question étant une souche s'élevant à dix centimètres du sol, qui leur donne l'impression que leur rejeton va se suicider du haut de la cathédrale de Milan! Le pire étant qu'on retrouve certaines des mêmes familles croisées la veille au puy de Dôme, mais pas la Francilienne inquisitrice, dieu merci! En attendant, à part moi, les deux seules autres personnes vêtues correctement étaient… un vieux couple gay avec des chapeaux. CQFD. Certes, tout le monde n'est pas tenu de se parer comme une baronne pour aller faire le tour du lac Pavin, mais cela dit, aucun arrêté préfectoral n'impose le port d'anoraks phosphorescents non plus. Alors, je sais que l'hétérosexualité est une souffrance pour tous ces gens privés du gène du bon goût, mais ne soyez pas tristes : ce n'est pas irrémédiable!


La preuve en image! Voici un couple hétérosexuel qui sait comment se vêtir pour faire le tour d'un lac. Vous voyez bien que tout n'est pas perdu! Que l'esprit de la baronne guide les randonneurs à l'avenir! Amen!

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire