vendredi 3 septembre 2021

Planèze, Aubrac et Margeride, côté Cantal


Après une merveilleuse matinée au cœur des monts du Cantal, je m'en suis allé vers l'est. L'idée était de trouver un hôtel à Saint-Flour et de sillonner les environs à partir de là. L'ennui, c'est que je ne m'y suis pas assez plu pour y passer la nuit. J'ai donc improvisé un nouveau programme qui m'a conduit jusqu'au Puy-en-Velay! J'ai certes vu de jolies choses au passage, mais rien qui soutînt la comparaison avec les volcans de l'ouest : leur vue m'a sûrement rendu trop exigeant, sans compter qu'on a vraiment l'impression de se retrouver dans un autre monde une fois passé le tunnel du Lioran. En effet, le paysage est un peu moins riant, et les nuages ont plus de mal à se dissiper de ce côté-ci. En bref, pour ne voir rien que le soleil qui poudroie et l'herbe qui verdoie, mieux vaut flâner du côté de la Cère et de la Jordanne. C'est un bon conseil d'ami... Au moins, la route qui longe l'Alagnon fait traverser Murat, fière cité de caractère adossée aux pieds des montagnes, qu'il faut paraît-il visiter de nuit à la lueur des flambeaux. Je ne m'y suis pas arrêté, le style troubadour du château d'Anterroches, sous le nez duquel on passe, m'ayant paru douteux.


La Planèze de Saint-Flour

Je l'avoue, je voulais voir Saint-Flour pour une raison d'un ridicule insondable. La ville doit son nom à Saint Florus, ou Sant Flor selon les accents chantants d'occitan, obscur évêque du IVe siècle qui prêchait aux confins de l'Auvergne et du Languedoc. Mais flour, c'est aussi le nom anglais de la farine... et qui dit farine dit gâteau! Je vous avais prévenus que ma motivation était vraiment grotesque! À vrai dire, de jolies photographies des deux étages de la ville, entrevues dans les recoins d'internet voilà quelques années, m'avaient déjà mis l'eau de l'Ander à la bouche : j'avais toujours eu envie de visiter Saint-Flour. Dès lors, je suis déçu d'être déçu!


La ville est pourtant loin d'être désagréable : elle est plus imposante que Mauriac, contient plus de monuments historiques, et cependant, je me suis senti nettement mieux dans l'autre sous-préfecture du Cantal. Je crois que ma déception tient avant tout aux paysages de la Planèze, un vaste plateau trop dénudé à mon goût. Depuis le rempart de l'office du tourisme, l'horizon est fermé par des collines défrichées, idéales pour y implanter des éoliennes, auxquelles je suis favorable car il est grand temps de sortir du nucléaire, mais ce n'est pas là une vue qui appelle à la contemplation, même une fois le ciel bleu revenu. Par ailleurs, la plus belle place de la ville, la place d'Armes, est un gigantesque parking à ciel ouvert. On ne peut admirer les monuments qu'avec de la ferraille au premier plan, et ce jusque dans la cour du joli musée de la Haute-Auvergne, ancien palais épiscopal, où les voitures officielles sont garées n'importe comment puisque c'est aussi par-là que les élus accèdent à la mairie. Il faut bien ranger son carrosse quelque part, mais le charme est rompu!


Les rues rattrapent heureusement ce que les places perdent en beauté. Les rues Sorel et Marchande proposent ainsi quelques hôtels particuliers dignes d'intérêt. La rue de Belloy est pour sa part agrémentée de jolies façades (les murs du cloître de l'église Saint-Vincent, la tourelle et la vieille porte au n°1), tandis que la rue des Planchettes permet de longer la chapelle du Grand Séminaire après avoir passé la porte des Tuiles. Espérant trouver de charmants points de vue sur la ville haute, j'ai entrepris de quitter le centre historique, mais j'aurais dû le faire en voiture car la descente à pieds était vraiment moche. Découragé, je suis remonté par la rue Jacques-Paul Migne, où se dresse une tour qui embellit heureusement la promenade. L'austère cathédrale Saint-Pierre est quant à elle plus agréable à l'intérieur que depuis la place d'Armes, sachant que le plus beau monument de la ville reste l'ancienne maison consulaire du XVIe siècle, où est implanté le musée d'art et d'histoire Alfred Douët.


Pour être honnête, la grisaille des pierres de lave confère une beauté singulière à l'ensemble du vieux bourg, mais je n'ai pas eu le coup de cœur qui m'aurait donné envie d'y passer la nuit. Et comme il n'était que 15h, je me suis dit que j'avais le temps d'explorer un peu le sud du département. Mais patatras! Je m'étais garé sur le gigantesque parking Georges Pompidou, à côté duquel se tenait ce jour-là une non moins imposante foire à bestiaux. J'aurais dû me méfier, car je me suis tout bonnement retrouvé pris au piège! Les voitures arrivées après moi s'étaient tellement mal garées qu'il était impossible de sortir de mon allée dans le sens autorisé. De l'autre, des voitures voulant prendre ma place s'étaient déjà engouffrées et commençaient à s'impatienter. L'horreur! Par bonheur, une fée se trouvait dans le même désarroi que moi, au même endroit et au même moment! C'était la plus belle dame que j'ai croisée en Auvergne : blonde comme les blés, élégante comme si vêtue par Edith Head, et parlant d'une voix douce et posée, elle donnait l'impression, malgré ses cinquante ans bien passés, de me retrouver face à elle. Hélas! Une marâtre l'avait affligée d'un très gros défaut, puisque la gente dame jurait comme un charretier! Je vous laisse imaginer ma réaction devant cette dichotomie improbable, tandis que de sa bouche sortaient les plus belles pages de la poésie française. Concrètement, ça donnait ça :


L'avantage, c'est qu'avec un tel discours, elle eut tôt fait de disperser la foule, tant et si bien que tout le monde put sortir du parking en marche arrière, non sans difficultés vu que d'autres voitures tentaient d'entrer dans ce purgatoire en grand nombre. C'est ainsi sans regret que je quittais Saint-Flour, où je crus bien devoir dormir par défaut. Je m'empressai dès lors de gagner l'air libre de la campagne, à commencer par...


Les confins de la Margeride


À dix minutes de Saint-Flour, la Truyère se laisse courtiser par le célèbre viaduc de Garabit, construit par nul autre que Gustave Eiffel dans les années 1880, en préambule à la célèbre tour. Vous allez le voir, les raisons qui m'ont conduit sur ces rivages sont nettement plus sérieuses qu'un simple plaisir gustatif. La première, c'est que les vues du ciel qu'on trouve un peu partout donnent le sentiment d'un ouvrage gigantesque qu'il faut avoir vu au moins une fois dans sa vie. La seconde, c'est Romy Schneider! Regret éternel : L'Enfer d'Henri-Georges Clouzot aurait dû être le chef-d'œuvre français de la comédienne. Malheureusement, celui-ci ne fut jamais terminé, mais les séquences déjà filmées ont été rassemblées par Serge Bromberg et Ruxandra Medrea dans un excellent documentaire consacré à cette œuvre hypnotique, précisément tournée au viaduc de Garabit.

Vous allez me trouver difficile, mais je ne suis pas plus enthousiaste que ça : en août, le paysage est moins vert qu'il n'y paraît, si bien que le rouge éclatant du fer se trouve terni par la rocaille asséchée, et vu de la route, l'ouvrage n'est pas aussi pharamineux que le laisseraient supposer les photographies. Le tout se laisse contempler une dizaine de minutes, mais il n'y a pas de honte à reprendre la route peu après. Celle-ci me conduisit...


Au cœur de l'Aubrac


Si le nom est resté célèbre pour la résistante d'exception, l'Aubrac reste une terre assez rude, aux pentes herbeuses qu'une fin d'août n'aide pas à égayer. Mais ce n'est pas dénué de charme, loin de là! Les rives de la Truyère sont d'ailleurs assez boisées pour constituer une jolie balade, sans toutefois surpasser les gorges de la Rhue ou de l'Allier. La vue la plus édifiante, dans cette partie cantalienne appelée Caldaguès, du nom de Chaudes-Aigues, se situe sur la commune de Fridefont, au belvédère de Mallet. Mallet était tout simplement un bourg à part entière, englouti par les eaux du Bès et de la Truyère lors de la mise en œuvre du barrage de Grandval en 1959. Contempler ce lac de retenue en sachant qu'il dissimule les vestiges d'une vie passée a quelque chose d'assez glaçant, malgré tous les efforts de la base nautique pour animer les environs.


L'ironie de l'histoire, c'est que Fridefont, dont l'administration avait déjà absorbé Mallet avant sa disparition, signifie source froide. Tout le contraire de Chaudes-Aigues, forcément, d'où jaillit l'une des eaux les plus chaudes d'Europe, la source du Par atteignant pas moins de 82 °C! J'ai adoré cet endroit, ses vapeurs vivifiantes et son odeur de souffre qui m'a rappelé les cures que j'avais entrepris dans les Pyrénées il y a tout juste vingt ans. Que de chemin parcouru! La visite du bourg m'a également bien plu, notamment la petite place au-dessus de la source : Chaudes-Aigues est ce que j'ai préféré dans l'est du Cantal, ce qui me fait une fois de plus contredire les guides touristiques qui ne lui attribuaient qu'une étoile. Froides ou chaudes, mortes ou vives, les terres de l'Aubrac sont un lieu de contraste qu'il faut saluer. Je leur ai tout de même préféré la Margeride, en passant par la Lozère...


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