Autre film de 1946 qui attendait patiemment sur une étagère, voici Because of Him, une production Universal spécialement écrite pour Deanna Durbin, dans la pure tradition d'un studio où le nom de la star était seule garantie de recettes par rapport à des metteurs en scène fantoches engagés pour la forme. D'ailleurs, qui se souvient de Richard Wallace aujourd'hui ? Sans mentir, tout élégant soit il, le film aurait pu être tourné par Henry Koster, réalisateur attitré de la jeune actrice au début de sa carrière, qu'on n'y aurait vu que du feu.
Pourtant, Deanna n'est pas le seul nom prestigieux qu'on retrouve au générique, puisqu'elle partage l'affiche avec rien moins que Charles Laughton et Franchot Tone. Hélas, force est de reconnaître qu'une dizaine d'années après leurs pics respectifs, les deux rescapés du Bounty occupaient alors le créneau des séries B, et Because of Him ne déroge pas à la règle. En effet, dès les premières minutes, il est évident qu'on est aspiré dans un cercle vicieux : l'histoire n'est que la cent-cinquantième variation de la sempiternelle recette usée depuis les débuts de la star dans Three Smart Girls, où une jeune fille de milieu modeste décide de tenter sa chance dans le monde du spectacle, au gré de quiproquos amusants et de romances de contes de fées. Ce n'est pas déplaisant en soi, mais après It's a Date, It's Started with Eve et compagnie, ça sent trop la redite pour charmer autant qu'il aurait fallu. D'ailleurs, l'épilogue calqué sur His Butler's Sister ne fait que confirmer cette impression de réchauffé, alors qu'on aurait aimé un peu plus de renouveau à une date où Deanna s'était déjà essayée à autre chose, après son contre-emploi dans Christmas Holiday et ses aventures en terrain purement loufoque dans Lady on a Train.
Ce qui déçoit quelque peu, également, c'est que le film manque cruellement de relief dans l'humour. "Comment ? Je fais semblant de ne pas comprendre qu'on me réclame quelque chose ?" "Boum ! Je rentre dans quelqu'un que j'ai fait semblant de ne pas voir ?" "Huhuhu !" Certes, c'est mignon tout plein, mais ça ne fait pas vraiment rire. Par bonheur, Because of Him comporte des instants de grâce qui en relèvent son goût, notamment la séquence hilarante de l’ascenseur où le pauvre Franchot Tone tente par tous les moyens d'échapper à la star encombrante qui s'est invitée dans sa pièce contre son gré, et qui n'a de cesse de réapparaître là où il s'y attend le moins. Oui, tout cela m'a fait bien rire, et la jolie mélodie de Francesco Paolo Tosti agrémente joliment le tout.
Dommage, en revanche, que la musique n'occupe pas une part plus importante de l'intrigue, les trois airs entendus semblant complètement plaqués dans le seul but de faire chanter la star, au détriment de la cohérence du propos. Car comment croire qu'une ingénue dont personne ne veut sur scène tant elle est mauvaise soit subitement réclamée par le gratin du théâtre après qu'on l'ait entendue chanter, alors que la pièce à laquelle elle prétend participer n'est même pas musicale ? Certes, on profite alors d'une charmante reprise de Londonderry Air, mais il faut admettre que la séquence sort de n'importe où pour ajouter quelques minutes à un conte de fées qui se soucie peu de cohérence.
Reste enfin l'interprétation. Comme on s'en doute, Deanna chante divinement bien mais qu'en est-il de son jeu ? Eh bien elle est tout simplement… égale à elle même. Elle est toujours intrépide avec ce fond d'espièglerie qui a toujours fait son succès, mais comme précisé au départ, le scénario est tellement redondant qu'elle n'est pas en mesure de faire preuve d'une once d'innovation. Dès lors, on doit se contenter d'une Deanna Durbin drôle mais qui grimace tout de même un peu trop dans le registre comique, et relativement touchante lorsque vient le temps des échecs, mais on l'a déjà vue faire ça cent fois. Et même si on n'a jamais l'impression qu'elle s'ennuie, on sent bien que certains gestes sont mécaniques, preuve que l'actrice devait sincèrement être lassée de cet unique personnage que le studio lui fit jouer inlassablement, et qui la conduisit à se retirer des écrans deux ans plus tard. En outre, comme le principal ressort comique de la première partie est de la voir jouer, volontairement mal, une scène d'évanouissement et une fausse tentative de suicide, l'observer constamment alitée augmente ce sentiment de lassitude pour le moins palpable. À ses côtés, Charles Laughton est idéalement distribué en acteur de génie qui se laisse rapidement attendrir, surtout quand on parle de lui, mais c'est là encore une prestation mécanique qu'il aurait pu livrer dans son sommeil. Sans compter que les deux interprètes étaient nettement plus vivaces dans It Started with Eve. Quant à Franchot Tone, il hérite d'un personnage entièrement pompé sur His Butler's Sister, un soupirant lisse qui n'était pas particulièrement intéressant à l'origine…
Malgré tout, Because of Him se laisse découvrir sans déplaisir, mais ce n'est clairement pas un film que je brûle d'impatience de revoir, à la différence de First Love ou Three Smart Girls Grow Up. Car non seulement l'histoire sent le réchauffé indigeste, mais l'héroïne peine vraiment à captiver quand on y pense. À vrai dire, alors que tout le film suit une progression pour voir enfin l'ingénue sans talent triompher sur les planches, il est impossible d'y croire tant Kim échoue à assurer lors du grand acte final. On reste donc sur sa faim malgré deux ou trois séquences croustillantes, avec en point d'orgue celle de l'ascenseur. J'en reste à 5+.
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