dimanche 24 juillet 2016

Nobody Lives Forever (1946)


Même si c'est un nom qu'on a tendance à oublier, j'aime le cinéma de Jean Negulesco. Evidemment, il est l'auteur de mon film préféré, Humoresque, que je n'hésiterai pas qualifier de chef-d’œuvre, mais aussi de bons films tels Road House et Three Came Home. Malheureusement, Nobody Lives Forever n'entre dans aucune de ces catégories: c'est un film noir correct mais complètement oubliable, sauvé par deux ou trois éléments passionnants.

Son principal problème? Un scénario soporifique mêlant gangsters, soldat désabusé sur le retour et riche héritière dont on veut capter le patrimoine, mais qui est si élégante qu'on tombe forcément sous son charme. Or, l'élégante Geraldine Fitzgerald ne fait son entrée en scène qu'au bout d'une demi-heure, nous obligeant par-là même à suivre les démêlés du soldat avec son ancienne petite amie, un pur cliché de chanteuse de cabaret vénale qui lui a piqué tous ses sous et le trompe ouvertement, puis avec les gangsters qui voient en lui une aubaine pour mettre leur plan à exécution. On devinera sans peine que cette première demi-heure m'intéresse peu, car bien qu'essentielle pour planter le décor, on aurait pu en raccourcir quelques aspects, et ni John Garfield, ni l'habituellement très bon Walter Brennan, ni l'assez drôle George Tobias en faux secrétaire amusant ne sont parvenus à sauver ce long début de l'ennui lors des deux visionnages. Par ailleurs, il est souvent difficile de prendre l'histoire au sérieux, la faute à une symbolique pompière trop prononcée, à l'image du héros tombant définitivement amoureux de la charmante héritière en visitant une église, et s'attendrissant dans la seconde en entendant des chœurs d'enfants! Plus loin, l'idée de clore le film par un dernier plan comique, appuyé par la mélodie The Sailor's Hornpipe, alors qu'on vient d'assister à une fusillade sanglante moins d'une minute auparavant (!), nuit au prestige de l'ensemble. Et puis, telle la noble dame, on reste dans un flou constant concernant la personnalité du héros, Gladys ne manquant pas de faire inlassablement la même réflexion tout au long du film: "ça vous ressemble si peu." "Vous avez parlé sèchement à cette fille, ça vous ressemble si peu." "Vous avez l'air d'un enfant de chœur, ça vous ressemble si peu." Eh bien décidez-vous, bon sang! Malgré ce type d'imprécisions, les performances d'acteurs sont tout à fait correctes mais aucun d'entre eux n'arrive à donner une grande épaisseur à ces personnages à clichés, bien que les œillades charismatiques de Geraldine Fitzgerald soulignent que la veuve mélancolique est tout à fait prête à devenir joyeuse!

D'autre part, malgré les artifices pompiers un peu ridicules, une séquence sort du lot pour émerveiller par le seul pouvoir de l'image: l'envol des oiseaux dans la mission espagnole. Certes, la symbolique de pureté dégouline de partout: les blanches colombes viennent se poser délicatement aux pieds du couple, quoiqu'il faille admirer le résultat car il n'était pas évident que les volatiles atterrissent pile au bon endroit; et plus loin, l'intérieur de l'église résonne d'un air solennel aux accords exquis se mariant bien aux ornements de l'autel, alors que les deux personnages semblent tout à coup pénétrés d'une aura mystique, tandis qu'un gentil prêtre vient leur conter l'histoire des lieux d'un œil attendri. Même la scène de la chapelle dans Love Affair n'ose pas en faire autant (!), mais la séquence n'en reste pas moins jolie. Autrement, la caméra d'Arthur Edeson dissémine à travers le film de belles images de crépuscules ou de terrasses d'hôtels de luxe ensoleillées, de quoi ajouter à la beauté plastique de l'ensemble.

C'est hélas tout ce que j'ai à dire sur la question: Nobody Lives Forever n'est certainement pas un mauvais film, mais ça n'offre rien qui soit susceptible de réinventer le genre. Le 7 que j'avais mis la première fois à cause des colombes était clairement trop généreux, aussi un correct 6/10 est-il plus approprié. La complicité se nouant entre John Garfield et Geraldine Fitzgerald pourrait néanmoins en séduire plus d'un.

2 commentaires:

  1. Je note en tout cas, je ne connaissais pas le film, mais les quelques images postées et le perspectives de Fitzgerald en veuve glamour me séduisent pas mal, malgré tes réserves (et puis j'aime beaucoup Negulesco, en général).

    L'AACF

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    1. Le film n'est pas indigne non plus: les colombes et Geraldine Fitzgerald compensent largement la banalité du scénario!

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