jeudi 28 juillet 2016

The Strange Love of Martha Ivers (1946)


Ce n'est un secret pour personne, je n'aime vraiment pas ce film. D'ailleurs, j'ai dû m'y reprendre à trois fois pour le revoir cette semaine, tant ça ne me fait pas du tout envie. Pourtant, les grands noms ne manquent pas, et c'est un comble! Qu'on en juge un peu: Lewis Milestone (All Quiet on the Western Front) à la réalisation, Robert Rossen (The Hustler, Lilith) à l'écriture, Van Heflin, Lizabeth Scott, Kirk Douglas dans son premier film (!!), Judith Anderson (!!) et Barbara Stanwyck (!!!) dans les rôles substantiels! Comment expliquer mon ressenti?

Déjà l'intrigue est trop sinueuse. On nous présente un héros, Sam, censé être témoin d'un meurtre caché dans un hall mais qui en fait s'est éclipsé avant le début de la scène: ce point est volontairement flou afin que les vrais témoins, une fois adultes, se demandent si Sam revient pour les faire chanter. Mais vu le laps de temps très court entre l'arrivée de la victime dans les escaliers et la fuite du héros, on se demande comment il parvient à quitter la maison sans rien entendre. Dans tous les cas, il ne reste que l'adolescente maussade, Martha, qui vient de tuer sa tante, et son ami premier de la classe, Walter, qui a tout vu. Mais le crime a lieu dans une maison richissime où gravitent des domestiques, qui ont tous miraculeusement disparu à ce moment-là (!), ainsi que le père de l'intello qui se trouvait dans la pièce contiguë aux escaliers. Pour info: le murmure d'un chat était suffisant pour que la tante, intriguée par le bruit, sorte du salon et monte les marches, mais un meurtre à coups de canne ne produit apparemment pas assez de décibels pour alerter le père de Walter trente secondes plus tard... Quoi qu'il en soit, celui-ci n'est pas dupe (il faut dire que Martha a encore l'arme à la main!) et en profite pour marier la meurtrière à son fils témoin afin d'assurer à celui-ci l'héritage conséquent qui vient de tomber dans l'escarcelle de Martha. Et comment justifie-t-on le crime auprès de la police? On dit qu'un grand monsieur tout noir est entré comme par magie pour tuer la tante avant de repartir par la porte comme si de rien n'était. Et la police de gober mot pour mot cette version des faits et de condamner un innocent! Pour une mise en bouche, on peut faire mieux.

Une fois les personnages devenus adultes, on apprend que Martha a profité de son héritage pour racheter tous les bâtiments de la ville, et qu'elle n'aime pas son mari, Walter, épousé de force. Celui-ci ne s'en remet toujours pas d'être responsable de la mort d'un innocent et boit jusqu'à plus soif, et c'est à ce moment-là que Sam en profite pour revenir sur place. Convaincu que Sam veut les faire chanter, et sûr également que Martha en est toujours amoureuse depuis la nuit fatale de leur adolescence, celle-ci ne cachant pas sa joie et allant jusqu'à lui sauter au cou sous les yeux de son mari, Walter tentera donc de se débarrasser de son rival qui n'a pourtant rien demandé. Pour quelqu'un supposément traumatisé par des morts antérieures, c'est modérément convainquant. A cela se greffe une intrigue secondaire où Sam tombe amoureux en un clin d’œil de la femme paumée tout juste sortie de prison qu'il rencontre par hasard, mais ni la trame principale, ni la romance secondaire, n'arrivent à me tenir éveillé. La première est inutilement compliquée avec ce trio qui ne sait jamais ce qu'il veut: "je t'aime, mais peut-être pas tant que ça", "tu veux nous faire chanter, mais en fait non", "je vais te tuer, ou pas", "puisque mon mari ne t'a pas tué, tue-le en retour et épouse-moi... et si tu ne le fais pas c'est moi qui tu tuerai!", et blablabla. La seconde m'ennuie également parce que Sam n'est qu'un héros désabusé typique des années 1940, et je ne vois aucune étincelle dans ses rapports avec Toni. A la fin, tout cela aboutit à une parodie de Double Indemnity, où des personnages forts se suicident sans aucune raison. La vue depuis le jardin sur les morts qui s'effondrent est plutôt bien trouvée en soi, mais les réactions des concernés sont si illogiques que ça semble totalement superflu.

Pour moi, la mauvaise parodie continue d'autant plus avec l'interprétation. Van Heflin est égal à lui-même mais ce n'est pas un acteur qui me touche, d'autant que j'aurais préféré davantage de scènes centrées sur Barbara Stanwyck. De son côté, Kirk Douglas ne me convainc pas du tout à surjouer les alcooliques nerveux. Lizabeth Scott me pose également problème car, bien que dotée du personnage le plus touchant, et dieu sait si on a envie d'aimer Toni, elle reste monoexpressive tout au long du film, se reposant sur une voix monocorde qui endort et enchaînant des grimaces maladroites avec sa mâchoire inférieure dès qu'elle tente d'exprimer quelque chose. Je ne veux pas jeter la pierre à l'actrice: elle a une incroyable allure qui me captive assez pour avoir envie de la voir ailleurs, mais le fait est que je la trouve franchement mauvaise ici. A l'inverse, si Barbara Stanwyck n'est jamais mauvaise (elle ne saurait l'être de toute façon, il n'est pas un film où elle ne soit au minimum ultra convaincante), elle me fait tout de même l'effet de n'être qu'une caricature d'elle-même ici. Le scénario, constamment imprécis quant aux réactions des personnages, ne l'aide pas, et la fin à la Double Indemnity crée une proximité trop évidente avec sa mythique femme fatale pour ne pas voir en Martha une redite moins inspirée. Mais tout de même, cette volte-face qui la fait devenir menaçante envers Sam n'est pas très heureuse, entre autres choses qui me chiffonnent, notamment vers la fin. Quant à Judith Anderson, elle ne fait elle-même qu'une parodie de Mrs. Danvers mais elle reste sèche et totalement oubliable. L'actrice s'est heureusement très bien rattrapée quatre ans plus tard, en martyrisant Barbara Stanwyck avec bien plus de nuances dans The Furies.

Dès lors, non, décidément non. Ni l'intrigue, ni les personnages, ni même la forme dont les images n'offrent rien à se mettre sous la dent, ne parviennent à capter mon attention. The Strange Love of Martha Ivers m'ennuie au plus haut point, ce qui est bien dommage compte tenu de ces malheureux adultes un peu paumés et manipulés par une héroïne prête à tout pour obtenir ce qu'elle veut. N'ayant vraiment aucune envie de revoir ce film un jour, j'ai peur de ne pas dépasser le 3. Mais ça ne vient peut-être que de moi puisque vous êtes nombreux à aimer!

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