lundi 4 juin 2012

Oscar de la meilleure actrice 1934

Au programme :
Claudette Colbert – It Happened One Night
Grace Moore – One Night of Love
Norma Shearer – The Barretts of Wimpole Street
Bette Davis – Of Human Bondage (write-in nomination)

Un cru pour le moins original puisqu'on eut enfin une majorité de performances ouvertement comiques parmi les trois officielles. Grace Moore profita ainsi de sa notoriété au Metropolitan pour tenir un nouveau rôle dans une comédie musicale destinée à mettre en valeur ses talents de cantatrice, tandis que Claudette Colbert eut l'occasion de surfer sur le succès inattendu d'It Happened One Night, laissant les nombreuses actrices ayant décliné le personnage d'Ellie Andrews se mordre les doigts. En face, Norma Shearer étala une fois de plus à la face du monde son statut de première dame de la MGM en étant nommée pour un prestigieux biopic sur Elizabeth Barrett Browning, avec tout ce qu'il faut de drame et de romance pour constituer un exemple très représentatif des choix habituels de l'Académie. 

Mais c'était sans compter sur Bette Davis, dont la performance fracassante en garce finie connut un franc succès en vertu duquel on cria au scandale lorsqu'elle fut snobée. Les remous furent tels qu'on autorisa exceptionnellement les write-in nominations (à savoir écrire n'importe quel nom sur les bulletins de vote), de quoi permettre à l'actrice de finir troisième lors de cette cérémonie, juste derrière Shearer, et de voir s'ouvrir la voie toute tracée d'un futur prix de consolation dès l'année suivante. De son côté, Colbert était tellement persuadée de perdre face à Davis qu'elle crut préférable de s'embarquer pour un périple en train, avant d'être rappelée in extremis pour aller chercher son Oscar en tenue de voyageuse, mortifiée à l'idée que les spectateurs aient pu penser qu'elle voulait faire là son petit effet. 

Autrement, le détail des votes, pour une fois dévoilé, est assez facile à expliquer. It Happened One Night fut un si grand succès que l'ensemble transforma ses cinq nominations en victoires, happant l'interprétation de Clark Gable et Claudette Colbert dans le même mouvement, sans compter que l'actrice était, la même année, au générique d'Imitation of Life et Cleopatra, tous nommés au titre de meilleur film. Impossible, dès lors, de faire l'impasse sur elle dans trois rôles de premier plan très variés. Norma Shearer finit quant à elle seconde grâce au soutien de la MGM, à son statut d'actrice prestigieuse déjà couronnée d'un Oscar quatre ans plus tôt, et à la nature même de son rôle. En revanche, Bette Davis ne bénéficiait pas d'un support prestigieux pour concourir, mais sa performance seule suffit à en faire la grande révélation de l'année, et si elle arriva malgré tout derrière Shearer dans la course, c'est aussi parce que les pontes de la Warner, peu ravis de voir leur future star triompher pour un film d'un autre studio, firent pression sur les électeurs pour qu'ils ne votent pas pour elle, en guise de leçon. Avec six nominations dont trois principales, One Night of Love aurait toutefois pu donner plus de visibilité à Grace Moore, mais en définitive, ses trois rivales hollywoodiennes étaient trop importantes face à une actrice décidément trop "côte Est" pour les goûts de l'Académie.

Ceci dit, cette sélection à l'historique très fourni est-elle aussi digne d'intérêt que le remue-ménage provoqué par la place de Bette Davis dans la liste le laisse supposer? Pour ainsi dire, oui, même si...

... je retire : 

Grace Moore – One Night of Love : Évidemment, la présence d'une cantatrice au générique d'une comédie musicale n'est pas sans allécher et faire naître de vives attentes, mais au bout du compte, on est quand même un peu déçu par le résultat, quoique le film divertisse constamment, sans toutefois mériter une nomination comme best picture l'année des veuve et divorcée joyeuses. En fait, la performance de Grace Moore participe pleinement du charme de la comédie en question, tant elle est sympathique, mais force est de reconnaître que son interprétation fonctionne principalement parce que le film regorge de séquences musicales qui lui permettent de rester dans son élément. A ce niveau, elle s'en sort très bien, notamment pour son vibrato sur The Last Rose of Summer et ses hautes notes de Madame Butterfly, même si je reconnais ne pas être le plus grand admirateur de sa voix et de ses aigus, préférant même la version de Ciribiribin par Jeanette MacDonald, pourtant moins bonne cantatrice. Ceci dit, la qualité sonore ne fait pas totalement honneur à la voix de Grace Moore, qui impressionne néanmoins. Cependant, si l'on enlève les passages chantés, que reste-t-il de la performance d'actrice à proprement parler? Réponse: une interprétation correcte mais sans génie, malgré tous les efforts de la dame pour faire rire. Ainsi, elle a beau faire tourner sa coloc en la poussant par les épaules, regarder en coin pour vérifier que leur logeuse ne va pas leur demander le loyer tout de suite, ou encore gesticuler par terre avec une pile de livres sur le ventre, qu'elle compte de façon rigolote avec le doigt avant de dire non sans humour: "Oh, I'm quite comfortable, thank you!", ça fait juste sourire, sans être vraiment très drôle en soi. Par ailleurs, la seconde partie où l'héroïne, qui a enfin suivi une formation, devient une cantatrice de renommée internationale, intéresse finalement de moins en moins : le portrait reste tout de même cohérent mais le personnage perd un peu en charme par rapport à l'amusante première partie italienne, et l'actrice n'a plus, en définitive, qu'à jouer son propre rôle. En somme, une performance d'une séduction certaine, mais il n'y a qu'à voir ce que fit Deanna Durbin à quinze ans seulement à peine deux ans plus tard pour réaliser que Grace Moore n'avait pas un vrai talent inné pour la comédie.


Norma Shearer – The Barretts of Wimpole Street : J'avais vraiment oublié à quel point cette oeuvre est en fait un vrai bon film, réalisé avec beaucoup d'élégance et porté par une histoire très intéressante de relations familiales sauce victorienne, et une récente visite vient également de faire remonter la performance de Norma Shearer dans mon estime, même si tout n'est pas éblouissant pour autant. En fait, il y a bel et bien des maladresses, l'actrice éprouvant toujours le besoin de partir dans des envolées lyriques pas très heureuses, et ce sans même faire la différence entre exaltation et tristesse, d'où quelques répliques massacrées: "Italyyyy!" "Roooome!", surtout quand elle prend une voix chantante dans les moments les plus sombres: "That's not truuuue!" "But Papaaaaaa..." Pour bien enfoncer le clou, elle a aussi la fâcheuse manie de joindre constamment les mains pour s'exprimer, puis de les secouer dans tous les sens pour marquer ses phrases les plus fortes, y allant parfois d'un geste par syllabe: stop! Dès lors, cet assemblage gestuel et vocal assez bizarre peut facilement donner une impression de mièvrerie, d'autant que les sourires qu'elle lance à son soupirant frôlent souvent la fadeur. Cependant, la performance contient tout de même de très bons aspects. Tout d'abord, Norma crée une très bonne complicité avec sa fratrie, qu'elle sait toujours rassurer en toute sobriété, et elle n'hésite pas à faire preuve d'une bonne dose de personnalité quand la menace paternelle s'éloigne, ayant l'air épanoui au piano et plaisantant avec beaucoup de charme aux côtés de Fredric March, lors d'une promenade au parc. Mais ce sont bien évidemment ses rapports avec Charles Laughton qui donnent toute sa force à l'intrigue, et après avoir bien suggéré la peur que lui inspire son imposant partenaire, Norma donne de plus en plus de force à l'héroïne, quitte à jouer la colère de façon un peu trop théâtrale mais tout à fait impressionnante. Néanmoins, c'est lorsqu'elle décide de rester très calme qu'interviennent ses meilleures scènes, comme le souligne cette séquence extrêmement bien jouée où Elizabeth refuse de donner sa Bible à son père d'un simple "No", la voix calme et le regard défiant, de quoi faire regretter qu'elle ne reste pas dans ce registre par la suite. Une performance à double tranchant, en quelque sorte, mais dont les éléments positifs sont si marquants que le tout reste plus que digne d'intérêt, à l'image de la fameuse séquence où Elizabeth marche pour la première fois: ce n'est pas très convaincant, mais frappant.


Bette Davis – Of Human Bondage : Honnêtement, ce rôle clef dans sa filmographie n'est pas mon favori, mais je reconnais volontiers la force de l'actrice pour avoir osé prendre un risque quasi suicidaire pour l'époque, à savoir incarner une garce vulgaire sans aucune moralité quand le goût était aux femmes aimables plus ou moins victimes du destin. Malheureusement, son jeu trop forcé ne lui permet pas de révéler tout son génie ou de faire preuve de subtilité, et même si Davis incarne cette garce de façon plutôt réaliste, à grand renfort de sourires sadiques et de regards provocateurs, c'est tellement appuyé que le tout semble beaucoup trop daté. Par bonheur, il y a de bons moments, notamment sa façon de séduire Leslie Howard en se délectant d'une coupe de champagne; mais surtout cette scène volcanique, où l'héroïne explose dans un accès de fureur hystérique pour manifester son dégoût et son mépris, scène où sa présence à l'écran mange alors tout ce qui peut exister alentour, de quoi la faire effectivement entrer dans la légende. Cependant, vous ne m'enlèverez pas de l'esprit que cette interprétation est trop passée de mode pour se maintenir longtemps face à la concurrence.


Claudette Colbert – It Happened One Night : A l'origine, je n'avais pas accroché au film, mais le deuxième essai a été parfaitement concluant, notamment pour cette première heure brillantissime dotée de multiples éclairs de génie, comme les murs de Jéricho ou la scène de l'auto-stop. Dès lors, j'ai également revu à la hausse mon opinion sur les acteurs, et si j'avais trouvé Colbert un peu moins inspirée qu'à l'accoutumée la première fois, je suis à présent tout à fait séduit par sa performance pleine d'humour et d'esprit. Je maintiens toutefois que le rythme s'essouffle quelque peu dans le dernier tiers de l'intrigue, d'où l'impression que l'actrice manque de son peps habituel lorsque Ellie est de retour à New York, mais objectivement, le charme qu'elle déploie durant son périple marque davantage les esprits, si bien qu'on reste entièrement diverti par son rôle d'une fraîcheur incomparable. Cependant, je retire tout de même cette nomination, tout simplement parce que je préfère Colbert dans d'autres comédies plus piquantes de sa riche carrière, et surtout parce qu'elle était à l'affiche de deux autres œuvres nommées pour l'Oscar du meilleur film cette année-là. Donc si vous êtes fans de l'actrice, cessez de vous alarmer, et regardez plutôt...


... Ma sélection :

Claudette Colbert – Cleopatra : Si Colbert a avoué avoir tourné It Happened One Night à contrecœur, on sent en revanche qu'elle a pris un pied énorme à tourner ce rôle, plaisir qu'elle nous fait amplement partager. Sa Cléopâtre est d'un charisme à couper le souffle, mais elle est surtout d'une gaillardise déconcertante: "rions au nez de César alors qu'on joue notre destin sur un tapis oriental"; ce qui me met d'emblée dans de très bonnes dispositions à son égard. Par ailleurs, Colbert est également excellente quant à montrer les aspects les plus sombres de la reine, qu'il s'agisse d'empoisonner qui de droit, ou de mourir avec une dignité hors du commun dans la plus grande magnificence, si bien qu'on est constamment impressionné par ce mélange de drame et de séduction que portent les décors titanesques de cette Egypte fantasmée. Sans compter que l'actrice fait preuve d'une élégance et d'une autorité si naturelles qu'elle est absolument idéale pour incarner un personnage royal. En bref, elle met en oeuvre toute la prestance et la majesté requises par une mise en scène grandiose, mêlant à une dureté politique des sentiments humains bienvenus pour complexifier le personnage, tout ça en se montrant encore plus pétillante que dans le Capra!


Greta Garbo – The Painted Veil : Encore une grande performance de la Divine, certes pas la plus iconique, mais l'une de ses meilleures néanmoins. Dès le début, j'ai adoré son personnage vif, plein d'humour et d'esprit, qui ose dire les choses en face à son entourage. En outre, ses yeux traduisent très bien l'ennui d'une jeune femme qui a besoin d'évasion et savent parfaitement gagner l'empathie du spectateur: on est donc tout à fait sous le charme de cette héroïne, et ce d'autant plus à mesure qu'elle se trouve étreinte par des affaires sentimentales qu'elle n'aurait pas souhaité aussi sérieuses. Garbo ne manque d'ailleurs pas de dominer le casting que ce soit par son jeu excellent jusqu'à la dernière seconde, ou par son visage radieux auquel même un horrible turban ne parvient pas à faire de tort. Et si je suis autant louangeur, c'est aussi parce que le film se révèle bien plus réussi que prévu. Certes, on a toujours affaire à un exotisme asiatique quelque peu exubérant, mais on est loin des outrances de Wild Orchids où l'intrigue n'était que prétexte à un orientalisme suffocant: les scènes de danses sont ici adroitement intégrées à un récit qu'elles soutiennent sans chercher à le submerger: on peut respirer! En clair, une réussite totale de la Divine dans un très bon film qui gagnerait à être plus reconnu.


Jeanette MacDonald – The Merry Widow : J'ai beau haïr le cabotinage épuisant de Maurice Chevalier, il n'en reste pas moins que les collaborations Lubitsch-MacDonald font partie de mes découvertes cinématographiques les plus réjouissantes de ces dernières années, a fortiori celle-ci où l'héroïne domine complètement son partenaire masculin. Contrairement à Grace Moore, elle a compris que réussir ses morceaux d'opérette ne suffit pas, aussi n'hésite-t-elle guère à se mettre au service de l'intrigue en adaptant son jeu aux circonstances. On croit dès lors autant à la veuve pudibonde pas si prude que ça dans le fond, qu'à la courtisane hilarante qui feint de ne pas reconnaître le comte Danilo, ou sourit à des inconnus chez Maxim's, et autant dire que la métamorphose est divinement jubilatoire. De surcroît, Jeanette évite de verser dans un excès de sentimentalisme en se montrant forte dès qu'il le faut, et comme à son habitude, elle accentue l'humour d'une situation par ses grands regards exagérés pour notre plus grand plaisir. Je suis un fan inconditionnel de la dame, je l'aime dans à peu près tout ce qu'elle a fait, mais cette veuve joyeuse est probablement son meilleur rôle.


Margaret Sullavan - Little Man, What Now? Un film de Borzage qui rappelle fortement son sublime Man's Castle de l'année précédente, c'est déjà très bon signe. Et autant je n'avais pas trop aimé Margaret Sullavan dans sa collaboration la plus célèbre avec le même réalisateur, Three Comrades (quoique ça mérite fortement une redécouverte), autant je suis d'accord pour aller dans le sens de la plupart des cinéphiles en la distinguant pour ce rôle extrêmement touchant. Il est vrai qu'elle est justement lumineuse et que, tout en restant légèrement en retrait par rapport à Douglass Montgomery, sa présence et sa retenue renforcent l'aspect émotionnel de l'histoire. En fait, il n'y a qu'une chose que je n'aime pas chez Lämmchen, à savoir sa façon de toujours sourire quand on la courtise ouvertement, mais ça n'enlève rien à la performance de l'actrice qui, sans grand moment démonstratif, parvient à faire passer du rire au larmes au gré des événements, sans jamais rien perdre de ses espérances. Et même lorsqu'elle joue sur le mode de la culpabilité à propos des repas, elle sait comment rester parfaitement attachante, ce qui fait un bien fou pour moi qui déteste généralement les regards de chien battu. Sincèrement, il s'agit là d'une très belle performance, toute de délicatesse, à laquelle il est bien difficile de résister.


Loretta Young – Born to Be Bad : Nommée et récompensée à la fin des années 1940 pour des rôles de dames très aimables collant bien à sa réputation de grande prêtresse de la Vertu hollywoodienne, Loretta Young a pourtant connu son heure de gloire une quinzaine d'années plus tôt, et c'est finalement pour un rôle de contre-emploi qui lui permet de casser son image trop pure que je choisis de la distinguer. Il faut dire que par rapport aux mères sacrificielles qui inondaient l'écran à l'époque, Letty Strong constitue un rôle juteux bien plus tranchant de mère assez irresponsable doublée d'une femme fatale manipulatrice toutefois dotée de sentiments et d'une bonne dose d'humanité, ce qui est en soi un véritable challenge pour une actrice. Ses détracteurs lui reprochent néanmoins de livrer une imitation trop "crawfordienne", mais dans les faits, Loretta a du charisme à revendre du haut de ses vingt et un ans, comme l'indique sa façon d'écouter ses partenaires avec attention en les regardant fixement, une cigarette toujours allumée au bout des doigts. Son phrasé est aussi assez vulgaire, de quoi ajouter au répondant du personnage, et sa manière de se présenter en robe mal agrafée, ou de marcher à quatre pattes pour chercher de quoi fumer, rend totalement crédible cette composition. Elle sait également sortir de ses gonds avec son fils, le giflant lorsqu'il touche à ses affaires, et l'empoignant de force pour l'obliger à s'enfuir avec elle après lui avoir parlé sèchement et l'avoir dominé de tout son charisme, et elle fait aussi preuve d'une vraie dureté face à Cary Grant dans leurs échanges houleux. Mais Loretta n'oublie jamais le côté humain de Letty, et crée par-là même une bonne complicité avec son fils, avec qui elle se réconcilie toujours très vite, sans parler de son dernier dialogue avec Grant, extrêmement bien joué lorsqu'elle tente de jouer à plus dure qu'elle n'est pour qu'il la laisse partir, d'où un regard final très émouvant qui laisse une très vive impression. On ne reprochera alors à l'actrice que deux choses, d'une part de ne pas savoir pleurer malgré ses efforts pour faire monter les larmes, et d'autre part de surjouer un peu dans le registre de la colère désespérée. Mais autrement, la performance est vraiment réussie, y compris sur le plan de la séduction assumée, et Loretta fait tout à fait honneur à ce personnage brut mais en définitive attachant.

Voilà pour mes nominations qui se révèlent finalement assez variées: deux femmes contemporaines, l'une manipulatrice, l'autre lumineuse, un personnage historique et mythique, une héroïne de Somerset Maugham dans une ambiance orientalisante à souhait et une cantatrice tout droit sortie d'une opérette viennoise empreinte de Lubitsch touch. Et l'heureuse élue est...


Claudette Colbert – Cleopatra

Certes, elle se promène en petite tenue léopard dans Four Frightened People à la même époque. Mais il n'en reste pas moins que Claudette Colbert est incontestablement l'actrice de l'année, en raison de ses trois très grands rôles dans trois des meilleurs films de 1934. Ainsi, non contente de charmer en permanence dans It Happenend One Night, ou d'émouvoir avec force retenue dans l'excellent Imitation of Life, elle se démarque surtout pour sa brillante composition du plus célèbre personnage de l'Antiquité. A mon sens, il s'agit là de la meilleure interprétation de Cléopâtre: Liz Taylor et Vivien Leigh ont beau avoir apporté leur pierre à l'édifice, Colbert reste la souveraine définitive, grâce à une performance distillée en un savant mélange d'humour, de drame et d'héroïsme. Et l'actrice s'est visiblement fait plaisir sur le tournage, à l'instar de The Sign of the Cross deux ans plus tôt: je l'aime d'autant plus! Partant de là, je classe Jeanette MacDonald seconde pour un très grand rôle comique et musical que je suis terriblement navré de ne pouvoir oscariser, Greta Garbo troisième pour son sommet le plus méconnu, Loretta Young quatrième pour sa mère célibataire prête à tout pour sortir de la pauvreté, et Margaret Sullavan cinquième pour son extraordinaire force de caractère dans une situation économique également peu enviable.

Et maintenant, la conclusion selon Sylvia Fowler, en fonction des performances...

dignes d'un Oscar : Claudette Colbert (Cleopatra) (Imitation of Life), Greta Garbo (The Painted Veil), Jeanette MacDonald (The Merry Widow)



dignes d'une nominationClaudette Colbert (It Happened One Night), Margaret Sullavan (Little Man, What Now?), Loretta Young (Born to Be Bad): voir ci-dessus. Marlene Dietrich (The Scarlet Empress): si l'on a du mal à croire à la Sophie candide du début, Catherine est en revanche phénoménale, tant le charisme de Marlene reflète idéalement la noblesse de ce chef-d'oeuvre ultime du septième art. Carole Lombard (Twentieth Century), Ginger Rogers (The Gay Divorcee): deux rôles comiques plein d'entrain qui me ravissent à chaque visite.


séduisantes : Ann Dvorak & Bette Davis (Housewife): deux grandes actrices dans un film sympathique bien loin de leurs sommets. Bette Davis (Of Human Bondage): pour sa furieuse prise de risque, même si le résultat reste mitigé. Irene Dunne (This Man Is Mine) (Sweet Adeline): une actrice de génie qui parvient toujours à tirer son épingle du jeu dans des films assez ternes. Myrna Loy (The Thin Man): un film franchement médiocre heureusement sauvé par le délicieux humour et l'incomparable alchimie du couple Myrna Loy / William Powell. Grace Moore (One Night of Love), Norma Shearer (The Barretts of Wimpole Street): plus de détails ci-dessus.


sans saveur : Claudette Colbert (Four Frightened People): je classe ce rôle ici car on ne peut pas dire que ce soit raté, l'actrice étant au moins rigolote dans la plupart de ses scènes, même si cette comédie aux relents racistes ne laisse pas de me consterner. Heureusement que la flèche n'était pas empoisonnée. Miriam Hopkins (She Loves Me Not): pourquoi diable travestir l'héroïne en homme si c'est pour la garder enfermée dans une pièce sans exploiter cette ambiguïté notoire? Peut-être parce que le déguisement n'a décidément rien de crédible. Et toujours concernant Miriam, citons également The Richest Girl in the World où, hormis une amusante scène montrant l'actrice faire chavirer une barque au beau milieu d'un lac, l'ensemble du film se noie dans l'ennui le plus total, preuve que 1934 ne fut vraiment pas une bonne année pour Hopkins, qui a notamment refusé It Happened One Night et s'en est mordu les doigts. Jeanette MacDonald (The Cat and the Fiddle): comparé au travail d'un Ramon Novarro étonnamment pâlot, un excellent rôle. Comparé au reste de sa carrière, l'un de ses personnages les plus oubliables.


à découvrir : Constance Bennett (Moulin Rouge), Joan Blondell (Dames), Mary Boland (Six of a Kind), Joan Crawford (Sadie McKee), Miriam Hopkins (All of Me), Carole Lombard (Bolero), Myrna Loy (Evelyn Prentice) (Manhattan Melodrama), Sylvia Sidney (Thirty Day Princess), Evelyn Venable (Death Takes a Holiday), Mae West (Belle of the Nineties)


grandes performances en langue étrangère : Ruan Lingyu (Shen nu): un rôle muet qui sous ses airs de déjà vu n'en reste pas moins la plus grande performance de l'année, et de loin.




  

10 commentaires:

  1. Claudette Colbert, really?

    Et en plus tu as l'outrage de préciser que tu adores ses performances en Cléopâtre-je-m'enroule-dans-un-tapis et Poppée-je-me-baigne-dans-du-milkshake. Tch, such bad tastes...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Quand on vole la vedette à rien moins que Fredric March et Charles Laughton dans the Sign of the Cross, et quand on se montre malicieuse et tragique à la fois en souveraine égyptienne magnifiée par une mise en scène titanesque... on mérite largement d'être récompensée sur ce blog!

      Et ça reste toujours plus classe de se baigner dans du milkshake fermenté que de se transformer en reine des Amazones après avoir fait trempette sous une cascade, s'être fait voler ses vêtements de géographe coincée par un chimpanzé, et s'être enroulée dans des feuilles de bananier. But thanks God, the arrow wasn't poisoned!

      Et puis c'est pas comme si j'étais en possession d'un document officiel affirmant haut et fort que... [oh... vais-je avoir le courage de le révéler?] ... TU RECONNAIS QUE CLAUDETTE COLBERT EST UNE TRES BONNE ACTRICE!

      Supprimer
  2. La performance de Davis est plus impressionnante que celles de Colbert pour moi... Et je préfère Colbert dans Mondes privés...

    RépondreSupprimer
  3. Je viens de lire (sur un blog américain évidemment) que Loy était 5ème dans les votes (ce qui ferait qu'avec les règles plus récentes, elle aurait été nommée elle aussi).

    Non rien ... c'était juste pour faire partager ma découverte.

    Maintenant j'aimerais bien mettre la main sur la liste des actrices qui sont apparues dans les votes avant les selections officielles chaque année.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ça confirmerait donc la tendance qui voulait que, déjà à l'époque, Myrna fut si populaire pour The Thin Man que beaucoup de monde avait espéré qu'elle passe le cap des "write-in nominations".

      Et je suis aussi avidement intéressé par ce genre de listes. Ainsi que par le décompte des voix lors de chaque vote, savoir si j'ai quelques hypothèses justes ou si je suis complètement à côté de la plaque.

      Supprimer
  4. Bon ça n'est pas pour une publication obligatoirement parce que ça prendrait trop de place mais voilà ma liste de "6ème place" (j'avais bon pour Loy a priori) - je ne retraduis pas :

    1934 : A three nominee years. Bette Davis (Of Human Bondage) was the 4th, we know that, and I think Mirna Loy (The Thin Man) was the 5th ("Queen of Hollywood" + multiple nominee film including co-star).
    1935 : They were already 6.
    1936 : Ruth Chatterton Dodworth (National Board of review + Previous nominee + multiple nominee movie + good reception)
    1937 : Gladys George Madame X (Previous nominee + the role + the critics)
    1938 : Luise Rainer The Toy Wife or more probably The Great Waltz (MGM + the name)
    1939 : Merle Oberon Wuthering Heigh (The role + previous nominee + Wyler + multiple nominee film)
    1940 : Vivien Leigh Waterloo Bridge (Fresh from her victory + the role + NBR)
    1941 : Irene Dunne Penny Serenade (the role + multiple nominee film + previous nominee)
    1942 : Greer Garson Random Harvest (I’m sure we had a Kate Winslet’2008 situation here)
    1943 : Claudette Colbert So proudly we hail ! (her Mrs Miniver)
    1944 : Irene Dunne The White Cliff of Dover (her Mrs Miniver)
    1945 : Bette Davis The Corn is green (The name + the studio)
    1946 : Irene Dunne Anna and the King of Siam ?
    1947 : Greer Garson Mrs Forsythe (the name + the studio)
    1948 : No idea
    1949 : No idea
    1950 : Jane Wyman The Glass Menagery ?
    1951 : Taylor Place in the sun ?
    1952 : Olivia de Havilland My cousin Rachel (Sure)
    1953 : Jean Simmons The Robe or Young Bess or The Actress (She was one of the it girl this days, all this movies were oscar nominated, she won NBR or something else, I don't remember)
    1954 : Jean Peters or Dorothy McGuire Three Corn Fontain ? No Idea actually.
    1955 : Kim Novac Picnic (It girl + the film + Bafta nominee)
    1956 : Dorothy MacGuire Friendly Persuasion or Marilyn Monroe for Bus Stop (but I think McGuire with Wyler and the film and this role was much closed)
    1957 : Marlene Dietrich Witness for the prosecution
    1958 : Leslie Caron Gigi
    1959 : Millie Perkins Anne Franck's diary ?
    1960 : Jean Simmons Elmer Gantry
    1961 : Leslie Carron Fanny (or Natalie Wood West Side Story)
    1962 : Joan Crawford What’s ever happened to Baby Jane ?
    1963 : Elizabeth Taylor Cleopatra
    1964 : Audrey Hepburn My fair Lady
    1965 : No idea. May be Natalie Wood Daisy Clover ?
    1966 : Julie Andrews Hawaï ??? Not sure at all. Maybe Debbie Reynolds for Singing Nun if some members was very sentimentals.
    1967 : Julie Andrews Millie
    1968 : Mia Farrow Rosemary’s baby
    1969 : Shirley MacLaine Sweet Charity

    RépondreSupprimer
  5. Et ça ce sont des propositions qui sont parfois meilleures que les miennes (Fontaine pour Lettre d'une inconnue je ne savais pas mais dans Inside Oscar ils notent qu'elle a effectivement fait campagne et qu'elle faisait partie des actrices dont on parlait déjà en 48. Ca m'a surpris, j'imaginais plutôt que c'était une performance devenue culte avec les années - Bergman en 1958 c'est presque sans aucun doute ça en fait, ça semble plus cohérent - et 1950 Hutton semble être le choix le plus logique aussi, mais je suis sûr que la Warner avait des projets pour Wyman et Lawrence dans La Ménagerie de verre)

    1969. Barbra Streisand - Hello, Dolly!
    1968. Mia Farrow - Rosemary's Baby
    1967. Julie Christie - Thoroughly Modern Millie
    1966. Virginia McKenna - Born Free
    1965. Julie Christie - Doctor Zhivago
    1964. Audrey Hepburn - My Fair Lady
    1963. Romy Schneider - The Cardinal
    1962. Shirley MacLaine - Two for the Seesaw
    1961. Leslie Caron - Fanny
    1960. Jean Simmons - Elmer Gantry
    1959. Marilyn Monroe - Some Like it Hot
    1958. Ingrid Bergman - The Inn of the Sixth Happiness
    1957. Marlene Dietrich - Witness for the Prosecution
    1956. Dorothy McGuire - Friendly Persuasion
    1955. Rosalind Russell - Picnic
    1954. Ava Gardner - The Barefoot Contessa
    1953. Jean Arthur - Shane
    1952. Olivia de Havilland - My Cousin Rachel
    1951. Elizabeth Taylor - A Place in the Sun
    1950. Betty Hutton - Annie Get Your Gun
    1949. Linda Darnell - A Letter to Three Wives
    1948. Joan Fontaine - Letter From An Unknown Woman
    1947. Irene Dunne - Life for Father
    1946. Joan Crawford - Humoresque
    1945. Bette Davis - The Corn Is Green
    1944. Tallulah Bankhead - Lifeboat
    1943. Claudette Colbert - So Proudly We Hail!
    1942. Greer Garson - Random Harvest
    1941. Joan Crawford - A Woman's Face
    1940. Bette Davis - All That Heaven, Allows
    1939. Merle Oberon - Wuthering Heights
    1938. Jean Arthur - You Can't Take It With You
    1937. Katharine Hepburn - Stage Door
    1936. Ruth Chatterton - Dodsworth
    1934. Myrna Loy - The Thin Man

    Bref, si tu as le temps pour article un de ces jours ...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. 1934 : Myrna Loy pour sûr.

      1935 : exceptionnellement six candidates, mais j'imagine bien Garbo finir septième après avoir remporté NY.

      1936 : Chatterton sans hésitation : seconde à NY + 7 nominations pour le film, dont toutes les autres catégories principales.

      1937 : Aucune idée. Stage Door a certainement eu plus de visibilité que Madame X, auquel cas Hepburn, auréolée de ses deux précédentes nominations dont une victorieuse, aurait pu être dans les starting blocks (mais pas Rogers, pas encore reconnue comme actrice dramatique). Je ne saurais vraiment dire, j'ai très peu entendu parler de cette version de Madame X, mais je ne sais pas ce qu'il en était à l'époque. Quid de Bette, de sa coupe Volpi, de son rôle marquant et de sa grande popularité? Et Darrieux aurait-elle pu avoir une chance (citée au NBR + Mayerling lauréat à NY + caution Charles Boyer nommé la même année pour Conquest + vrai intérêt pour le cinéma français, cf La grande illusion l'année suivante)?

      1938 : Je suis perplexe. Concernant Arthur, ils ont adoré You Can't Take It with You à ce moment là, mais n'ont distingué qu'un seul membre du casting, et les performances comiques commençaient à passer de mode. Quant à Rainer, c'est une proposition à double tranchant : toujours très en vogue après son second Oscar, elle aurait pu surfer sur ce succès, mais... sa double victoire était déjà controversée à l'époque, et peut-être l'effet "actrice surestimée" consécutif à un trop plein d'honneurs avait-t-il déjà commencé à faire ses preuves. A choisir entre les deux, je serais tenté de dire Arthur, mais sans une réelle conviction. Sinon, Loy pour un rôle de bonne épouse dans Test Pilot, nommé comme meilleur film? Ou Russell vu la popularité et la visibilité de La citadelle? Aucune idée.

      1939 : Oberon, pour les mêmes raisons.

      Supprimer
    2. 1940 : comme on savait qu'on allait nommer Bette pour The Letter, j'imagine bien Vivien prendre la place, même si All This a reçu des nominations plus prestigieuses que Waterloo Bridge. Mais est-ce que le rouleau compresseur MGM aurait pu donner une chance à Garson, ou le studio a-t-il tout misé sur Hepburn cette année-là?

      En 1941, j'aurais tendance à pencher pour Dunne: très aimée par l'Académie + Cary Grant distingué la même année + torrents de larmes devant le rôle. Crawford a dû faire une impression certaine pour sa prise de risque, mais le personnage, moins tire-larmes, avait peut-être moins de chances + le passé de l'actrice "je fais des films populaires qui rapportent" lui collait encore à la peau malgré sa volonté de trouver des rôles plus prestigieux + "box office poison" quelques années plus tôt + film qui n'a pas trouvé le succès escompté + j'imagine mal la MGM commencer à faire campagne pour elle au moment où on faisait tout pour la pousser vers la sortie.

      1942 : Garson, 100% sûr. C'était clairement l'actrice de l'année, et sans la règle imposant une seule performance par interprète pour une catégorie, on aurait eu le même schéma que pour Shearer et Garbo douze ans plus tôt.

      1943 : Colbert pour le rôle, le film et la caution grande actrice populaire pas nommée depuis longtemps, et enfin plus dramatique qu'à l'accoutumée, "profitons-en". Mais quelles furent les chances d'Ida Lupino après avoir remporté NY? La Warner aurait-elle poussé le vice à promouvoir Bette rapport à toutes les nominations d'importance de Watch on the Rhine?

      J'aimerais croire que Tallulah Dahling était sixième en 1944 : lauréate à NY + film où elle ne pouvait pas passer inaperçue. Mais l'année était chargée, les Oscars ont préféré se tourner à nouveau vers des candidates plus habituelles, si bien que je me demande s'ils n'auraient pas fini par sélectionner Dunne à la place (pour White Cliffs). Cependant, avec les distinctions pour Lifeboat en meilleur réalisateur et meilleur scénario, Tallulah avait peut-être une plus grande visibilité que Dunne cette année là.

      1945 : Bette, pour les mêmes raisons.

      1946 : Dunne avait certainement ses chances, mais après la victoire fracassante de Crawford l'année précédente, elle était très à la mode et a pu lui passer devant. Donna Reed et Myrna Loy avaient également une grande visibilité, mais elles se sont peut-être égarées entre leading et supporting.

      1947 : Dunne pour le critère overdue, Garson pour le critère inévitable. Que penser de Kerr suite à son prix new-yorkais?

      1948 : Si Fontaine a fait campagne, c'est un rôle qu'ils auraient pu adorer, et je n'ai pas mieux à proposer.

      1949 : Darnell était sans doute la plus marquante du casting, et le film a vraiment plu aux votants. Après, vu le degré de plantade dans les nominations d'actrices, toutes catégories confondues, comment savoir où ils ont voulu en venir?

      Supprimer
  6. Je ne sais plus pour 37 : Hepburn n'était pas devenue un poison du box office déjà ? Pour Madame X j'y pensais parce que George avait été nommée pour un rôle assez similaire l'année précédente, que le réalisateur était Lionel Barrymore, que les critiques étaient excellentes (ça reste "la" version de référence) et puis évidemment Chatterton avait été nommée pour le même rôle. Mais je ne sais plus si c'était un film MGM ...

    Pour 38 je ne sais pas trop au fond, mais j'ai un doute pour Arthur parce que la performance n'est pas "brillante", je trouve et déjà qu'elle a eu du mal à se faire nommer une fois, malgré son talent fou.

    Pour 40 je n'avais pas pensé ni à Garson, ni à Sullavan ... et Hopkins pour La Femme aux cheveux rouges alors ... hein ? La warner aurait dû faire quelque chose !

    Pour 43 je suis sûr que si ce n'était pas Colbert c'est Lupino, je suis d'accord.

    Pour 46 : voir sur le fil adéquat.

    Pour 49 : je n'en ai toujours aucune idée, même si j'aime bien l'année moi, contrairement à tout le monde. Jones pour Madame Bovary sinon ?

    RépondreSupprimer