samedi 8 septembre 2012

Oscar de la meilleure actrice 1938

En 1938, les Oscars firent à nouveau preuve de bon sens en sélectionnant un très bon cru, ce qui donne:

* Fay Bainter - White Banners
* Bette Davis - Jezebel
* Wendy Hiller - Pygmalion
* Norma Shearer - Marie Antoinette
* Margaret Sullavan - Three Comrades

Un an après la seconde victoire de Luise Rainer, les électeurs n'eurent visiblement plus peur de réoscariser une interprète déjà primée un peu plus tôt, de quoi sacrer Bette Davis comme la reine des actrices d'Hollywood. Sa victoire fut-elle surprenante? Non. Depuis sa percée fracassante avec des rôles de garces finies dans Of Human Bondage et Dangerous, en plus d'une reconnaissance internationale entérinée par son prix à Venise l'année précédente pour Kid Galahad et Marked Woman, Bette Davis était clairement considérée comme l'une des plus grandes, aussi un second Oscar semblait-il la moindre des choses à son égard. De surcroît, ses concurrentes pouvaient difficilement lui faire ombrage. Par exemple, Margaret Sullavan n'était reconnue que pour la première fois par la profession, sans doute grâce à son personnage tragique, mais sa nomination était la seule dont pouvait se targuer son film. Le cas était similaire pour Fay Bainter, à la différence qu'elle était pour sa part nommée à deux reprises cette année, pour White Banners en premier rôle, et pour Jezebel en second rôle. Cette configuration atypique alliée au succès de Jezebel faisaient de Bainter la grande favorite pour la seconde catégorie, si bien qu'elle ne menaça nullement Davis dans la première. De son côté, Wendy Hiller était issue d'un film nommé pour quatre Oscars, dont meilleur film, mais Pygmalion n'en restait pas moins 100% britannique, aussi l'actrice avait-elle peu de chances de gagner face à des concurrentes totalement intégrées au système hollywoodien. Norma Shearer, justement, régnait sur la MGM depuis un bon moment, et j'imagine que c'est probablement elle qui eut le plus de chances face à Davis, en raison de sa forte notoriété associée au critère de sympathie lié à la récente disparition de son époux, Irving Thalberg. Néanmoins, Marie Antoinette avait beau être un hymne tout entier consacré à la gloire de l'actrice, l'oeuvre ne fut pas nommée pour l'Oscar du meilleur film, à la différence de Jezebel. Dès lors, au regard du succès de Jezebel et de la présence incontournable de sa star, Bette Davis avait tous les avantages. 

Quoi qu'il en soit, la sélection officielle n'a jamais laissé de me fasciner, et j'avoue avoir pris beaucoup de plaisir devant les films susnommés. Malgré tout, 1938 étant une année assez exceptionnelle d'une façon générale, je suis dans l'obligation de procéder à quelques remaniements afin de parvenir à une liste qui me satisfera plus encore, bien qu'avoir à choisir entre mes six finalistes personnelles me brise le cœur.

Je retire:

Margaret Sullavan - Three Comrades: Bon, j'avoue. Je n'avais pas du tout aimé le film la première fois, tant l'histoire et le casting m'avaient laissé une impression de fadeur, probablement à cause de la période cynique que je traversais alors. Par bonheur, j'ai revu Three Comrades récemment, et je suis à présent convaincu qu'il s'agit là d'un bon film touchant à souhait, même si je préfère nettement Borzage dans d'autres chefs-d'oeuvre, et Margaret Sullavan dans d'autres rôles: en quatre mots "Little Man, What Now?" Quoi qu'il en soit, l'actrice est vraiment sensible dans Three Comrades, et assez charismatique pour ne jamais flirter avec quelque chose de trop mélodramatique, alors que le texte aurait tendance à l'être vis-à-vis de son personnage qui cherche des complications qui n'ont pas lieu d'être: "Please! Don't let me marry him! I'm no good!" Ce faisant, elle a aussi tendance à jouer un peu trop, se portant la main à la poitrine, mais elle se rattrape heureusement dans de très nombreuses autres séquences où elle parvient à être sublime et spontanée rien qu'en souriant. Hélas, Margaret Sullavan ne m'a pas non plus ébloui comme dans d'autres fictions, pas plus que ses partenaires qui, bien qu'émouvants d'une façon ou d'une autre, ont finalement assez peu réussi à piquer ma curiosité pour m'intéresser à leurs personnages. Sullavan les domine néanmoins par sa personnalité, et surtout par la séquence finale qui a sans doute beaucoup séduit à l'époque, et qui reste d'ailleurs très bien exécutée et sans fausse note, sans néanmoins faire vibrer. Cette performance me fait donc surtout penser à une création délicate à laquelle je n'ai pas de reproches majeurs à faire, sinon que l'actrice n'est pas aussi mémorable ici que dans d'autres films, y compris la même année dans The Shining Hour. Mais ce petit défaut mis à part, ça reste plaisant et très bon, et ça en enchantera certainement plus d'un.


Fay Bainter - White Banners: Qu'on ne s'y méprenne pas, il s'agit là d'une très bonne performance qui n'a absolument pas volé sa nomination. Bainter y est en effet excellente, et j'ai tout de suite apprécié son personnage émouvant et attachant qui domine entièrement la famille où elle travaille, qu'il s'agisse de lui prodiguer de bons conseils ou d'apporter à Claude Rains un soutien moral bienvenu. Mais évidemment, le clou du spectacle réside dans les rapports d'Hannah avec son fils, et inutile de préciser que l'actrice est tout particulièrement irréprochable dans ces moments là, si je m'en réfère à mes souvenirs assez lointains du film puisque je ne l'ai pas revu depuis l'époque où je l'avais trouvé sur Youtube. Quoi qu'il en soit, c'est du tout bon pour Bainter, mais en ce qui concerne mes nominations, je préfère me concentrer sur d'autres candidates plus flamboyantes, laissant l'actrice se consoler en second rôle la même année. En somme, on a ici le même léger problème qu'avec Margaret Sullavan, à savoir que tout est parfaitement mis en place, mais qu'il manque le je-ne-sais-quoi de plus qui aurait pu faire entrer cette performance dans la légende, d'autant que c'est un rôle qui sort très vite de l'esprit une fois le film achevé. Je m'en veux d'ailleurs terriblement de n'avoir pas pris de notes à l'époque, car je n'arrive plus à remettre la main sur cette oeuvre et ne peux par conséquent plus en parler en détail... On se contentera de dire que si cette performance n'arrive pas à marquer les esprits autant que sa tante aimante pourtant très peu développée dans Jezebel, c'est que ça ne méritait peut-être pas d'aller jusqu'à la nomination, en définitive, bien que l'actrice soit assez fabuleuse sur le moment. Il est en tout cas certain qu'elle donne beaucoup de personnalité au personnage d'Hannah, qui ne se contente pas de n'être qu'un émouvant cliché maternel comme l'époque les affectionnait tout particulièrement.


Wendy Hiller - Pygmalion: J'avais vraiment été ébloui la première fois, peut-être parce que le film est un excellent remède à l'horrible remake musical que j'avais d'abord découvert, mais si la performance de Leslie Howard gagne des points à chaque visite, celle de Wendy Hiller m'intéresse finalement de moins en moins. Pourtant, c'est une interprétation littéralement parfaite, le personnage est extrêmement bien compris et son évolution rendue avec beaucoup de précision, et malgré tout, je ne suis plus autant sensible au rôle que par le passé, l'actrice ne m'ayant d'ailleurs jamais fait rire dans la première partie. Mais rendons lui grâce d'être géniale et fabuleuse, surtout lorsqu'elle se laisse torturer par Leslie Howard dans son apprentissage d'un langage soutenu, séquences où elle est vraiment mignonne vu la difficulté technique que ressent l'héroïne pendant ces exercices. Néanmoins, ce sont ces mêmes passages qui perdent de leur séduction une fois l'effet de surprise passé, car je n'arrive pas à me focaliser sur autre chose que son accent cockney très appuyé dont le but est certes de faire rire, mais qui me paraît précisément trop "joué", encore que ce soit exactement ce que le texte lui demande, si bien qu'on ne peut sincèrement rien reprocher à l'actrice, c'est juste que ce n'est pas un jeu très à mon goût. Pourtant, tout est objectivement parfait: la scène du thé en société alors qu'elle n'a pas encore fini sa "formation" est jouée on ne peut mieux car l'actrice annonce autant la future duchesse qu'elle rappelle ses origines populaires, ce qui constitue en réalité le clou du spectacle. Dommage que ça ne me fasse pas rire, de quoi prouver que je préfère la seconde partie émouvante où le personnage, à présent transformé, est bouleversant dans ses rapports houleux au professeur, d'autant qu'Hiller joue tellement bien qu'elle donne une énorme dose de caractère à Eliza, ce qui lui permet de matcher son partenaire à la perfection tout en s'attirant toute la sympathie du spectateur. On ne pouvait vraiment faire mieux, il s'agit là d'une performance indépassable et définitive, et ça mérite absolument un prix. Je m'en veux beaucoup de ne pas aimer autant qu'il le faudrait, car le problème vient uniquement de moi, et en aucun cas de l'actrice dans cette performance prodigieuse. Par bonheur, je me rattrape en la nommant à bien d'autres reprises un peu plus tard.


Ma sélection:

Bette Davis - Jezebel: C'est vraiment avec Jezebel que Bette Davis est devenue le monument que l'on sait, après ses rôles de garces over-the-top dans des projets médiocres et ces histoires de gangster peu inspirantes. En effet, sublimée par la mise en scène de Wyler, grâce à qui le film est un chef-d'oeuvre total, Bette Davis trouve là l'un de ses rôles les plus iconiques où tout le potentiel aperçu dans ses premiers films éclate en un feu d'artifice des plus réussis, qui frappe justement par une plus grande maîtrise et un jeu bien moins lourd que dans ses précédentes nominations. Préfigurant la Scarlett de Vivien Leigh, Julie Marsden pose en fait les bases de la belle sudiste fière et indépendante qui prend plaisir à secouer la société rigide dans laquelle elle évolue, et Davis est justement excellente quant à jouer de provocation par ses regards, en particulier dans sa façon de lever les yeux très lentement vers son soupirant afin qu'il finisse par la conduire au bal dans une robe inappropriée. Bien entendu, elle ne s'arrête pas là, et tout le côté manipulateur d'une héroïne vengeresse blessée par son propre piège est fort bien rendu par l'actrice, dont j'apprécie tout particulièrement les expressions défiantes soutenues par les chants des domestiques. Enfin, Bette fait ressentir tout le poids de la détresse amoureuse de Julie, de telle sorte qu'on ressent rapidement de l'empathie envers elle, avec en point d'orgue la célèbre séquence des retrouvailles avec Henry Fonda où elle parvient à être incrédule tout en restant parfaitement composée. Le repentir, l'attente, l'espoir et la détermination sont encore autant de sentiments très bien joués qui aident à s'identifier à l'héroïne malgré ses mauvaises impulsions, ce qui ajouté au charisme de l'actrice contribue à faire de Jezebel  une énorme réussite. 


Norma Shearer - Marie Antoinette: Passées les 10 premières minutes où elle n'est pas du tout crédible en fillette qui s'égosille : « I shall be queeeeeeen! », Norma prend la peine de livrer rien moins qu'une excellente performance, flamboyante à souhait, bien décidée à montrer qu'elle était alors à la MGM ce que Marie-Antoinette fut à Versailles. Elle fait ainsi mûrir l'héroïne de façon tout à fait linéaire et cohérente au fil de l'intrigue, depuis la jeune fille naïve mais vivace à la reine détruite dont la mort constitue un soulagement. Chaque phase est très bien jouée grâce au talent de l'actrice qui n'a pas oublié d'être éminemment charismatique et surtout lumineuse, hormis dans les quelques moments où Tyrone Power lui conte fleurette. Mais ce que j'aime le plus dans cette performance, c'est la façon qu'a Norma de défier ses antagonistes du regard dans des moments où elle n'a pourtant pas l'avantage, et on pourra d'ailleurs se délecter de la façon dont elle raconte son renvoi par Louis XV, ajoutant à sa tristesse un humour fort bien venu. Dans le même registre, j'aime beaucoup la manière qu'a la reine de crier à ceux qui humilient son époux qu'ils sont des lâches, tout en suggérant la crainte que lui inspire cette foule menaçante: l'actrice y arbore un regard à la fois méprisant et terrorisé qu'on apprécie pleinement. En somme, même si le film n'est pas parfait, il s'agit là d'un bon rôle, fort bien servi par une mise en scène judicieusement pompeuse, et auquel Norma rend pleinement justice: les séquences de prison où la reine est dépouillée de tout artifice lui permettent d'atteindre à un pic d'émotions qu'on aura rarement vues si touchantes, sans que l'actrice ait besoin d'appuyer aucun de ses sentiments. C'est excellent.


Claudette Colbert - Bluebeard's Eighth Wife: Pour ses retrouvailles avec Claudette Colbert, Lubitsch a concocté une comédie tellement délirante qu'il me paraîtrait absolument inenvisageable de ne pas nommer l'actrice pour ce délicieux rôle d'épouse de milliardaire qui tente de sauver son mariage en faisant tout pour conduire son mari à... divorcer! Comme on peut s'en douter, le rendu est tellement jouissif qu'on rit à n'en plus finir devant une actrice au meilleur de sa forme, laquelle prend un malin plaisir à se jouer d'un Gary Cooper ahuri. Tout ce qu'elle fait est ainsi à mourir de rire, principalement dans la manière de l'actrice d'asséner à son partenaire des répliques particulièrement cassantes ("Frankly no, Michael"), et ce avec un naturel désarmant qui impressionne à chaque rebondissement, Colbert étant même encore plus relaxée, et donc pétillante, que dans It Happened One Night quatre ans plus tôt. A vrai dire, il lui suffit de dire "No no no" en souriant pour être irrésistible, sans compter qu'elle est extrêmement à l'aise avec un lot de dialogues compliqués, parvenant à faire passer la pilule de la méthode tchécoslovaque comme si c'était la conversation la plus banale du monde, et réussissant une dangereuse entreprise de séduction rien qu'en parlant d'une baignoire rococo. Mais là, on est en droit de se dire qu'un génie comique de cette trempe aurait pu jouer ce rôle les yeux fermés, mais c'est oublier trop vite qu'il est très difficile de faire rire rien qu'en parlant de ballets russes ou de pantalons de pyjamas, sachant que la huitième femme de Barbe-Bleue comporte la séquence la plus drôle de l'univers, celle qui fait vraiment la différence avec tout ce qu'on a pu voir jusqu'alors, à savoir la scène phénoménale du baiser à l'oignon, un moment tellement drôle que ça a bien failli m'achever, et qui continue de me faire rire aux éclats même après de multiples visionnages. Avec Midnight, c'est vraiment le sommet comique de l'actrice, et l'une des performances les plus rafraîchissantes de la comédie américaine des années 1930.


Katharine Hepburn - Holiday: Difficile de trancher entre Bringing Up Baby et Holiday, puisque Kate domine le registre comique de l'année avec ces deux excellents rôles, mais bien qu'étant à hurler de rire chez Hawks tant son personnage loufoque et distingué me parle de façon très personnelle, elle m'enchante finalement davantage chez Cukor, où la touche émotionnelle qui s'ajoute à l'humour me plaît encore plus. A vrai dire, "plaire" est un euphémisme, car une redécouverte du film m'a fait réaliser à quel point je suis amoureux de sa Linda Seton, sachant qu'il lui suffit de faire croquer une pomme à Cary Grant ou de jouer avec une girafe pour me faire rire et m'émouvoir dans le même laps de temps. Ainsi, les passages comiques sont exécutés de main de maître, avec une actrice crépitante de charisme et toujours prompte à exécuter elle-même ses acrobaties, dont une pirouette vertigineuse depuis les épaules de Cary Grant; mais les séquences les plus émouvantes ne sont évidemment pas en reste, tant Kate parvient à nous connecter à ses tourments tout en restant d'une distinction plus que jamais séduisante. La séquence du nouvel an, où Linda refuse le baiser de son partenaire avant de se retourner lentement depuis la fenêtre avec un regard empli de désir et de regret, est particulièrement marquante dans ce registre, et révèle une vulnérabilité contenue qui séduit d'autant plus sous le manteau d'assurance de cette héroïne aristocratique. En définitive, le charme est tel que je me demande si cette version n'est pas supérieure à la déjà très bonne interprétation d'Ann Harding huit ans plus tôt, et si ce n'est pas là le plus beau rôle de Kate, tout du moins dans la première partie de sa carrière, devant Alice Adams et Bringing Up Baby: d'ailleurs, si le film de Cukor souffre de la comparaison avec le léopard de Hawks en matière de rythme, j'ai tout de même l'impression que le film a mieux vieilli. La nomination sera donc pour Holiday.


Myrna Loy - Test Pilot: Je n'aurais jamais pensé que Myrna me plairait à ce point dans ce film, mais le fait est qu'elle est absolument éblouissante de bout en bout, et quand on pense qu'elle n'a jamais reçu une seule nomination, il y a de quoi enrager. Ce rôle d'épouse inquiète voire éplorée n'est pourtant pas des plus originaux sur le papier, mais Myrna réussit l'exploit de contourner un par un tous les clichés afin de donner un éclat inégalable à son personnage, et c'est tout à fait impressionnant à observer. Pour commencer, sa rencontre avec Clark Gable au beau milieu d'un champ fait des étincelles, l'actrice trouvant le parfait équilibre entre l'inquiétude qu'elle ressent pour ce pilote en difficulté et un caractère bien trempé qui lui permet de faire preuve de beaucoup d'humour dans cette situation. Toutes ses reparties envers Gable font ainsi mouche, et il en va bien entendu de même pour les rapports qu'entretient l'héroïne avec Spencer Tracy. J'aime également beaucoup le dynamisme du personnage qui n'hésite pas à aller se marier sur un coup de tête, et qui se paye même le luxe d'imiter les expressions amusantes de son partenaire en faisant fondre aussi bien son compagnon que le spectateur pour elle. Mais évidemment, Myrna se montre aussi tout à fait excellente dans sa façon très naturelle de restituer l'anxiété constante d'Ann lorsque son époux part en mission en avion, et rien ne me semble plus vrai que son comportement angoissé dans ces moments-là. Vraiment, ce rôle est l'une des meilleures surprises qu'il m'a été donné de découvrir, et Myrna n'y est jamais rien moins que géniale.


En somme, 1938 reste une année exceptionnelle où il est très difficile de départager les finalistes, et c'est peut-être même l'année la plus problématique de ce point de vue malgré mes difficultés similaires avec 1940 et 1941, entre autres. La lauréate n'en aura que plus de prix, et cet honneur revient à...

Katharine Hepburn - Holiday

J'ai une telle empathie pour au moins trois des rôles susnommés qu'il m'est très difficile de les départager, mais après de multiples changements d'avis, j'en reviens à Kate, qui après revisite se révèle plus éblouissante que jamais via un savant équilibre entre humour et émotion dans son film le plus irrésistible, sans compter que son déchaînement comique dans Bringing Up Baby, qui réussit l'exploit de ne jamais conduire à saturation, joue énormément en sa faveur pour lui faire gagner des points cette année. A présent, c'est Norma Shearer qui trône à le seconde place pour son portrait royal qui lui valut une coupe Volpi bien méritée, tandis que Bette Davis monte sur le podium pour son premier pic, Jezebel n'étant pourtant qu'un avant-goût des merveilles à venir des quatre prochaines années. Mais vraiment, l'excellence de la sélection est telle que ça m'oblige à reléguer Myrna Loy et son sublime personnage évitant les clichés à la quatrième place, et Claudette Colbert sur la dernière marche du podium bien qu'elle soit fabuleuse et que sa performance eût pu lui rapporter un trophée n'importe quelle autre année. Bref, à n'en juger que par les actrices, 1938 est un an de grâce qui me ravit au plus haut point!

Bilan: le classement des performances de l'année, selon Sylvia Fowler:

dignes d'un OscarClaudette Colbert (Bluebeard's Eighth Wife), Bette Davis (Jezebel), Katharine Hepburn (Holiday), Myrna Loy (Test Pilot), Norma Shearer (Marie Antoinette): voir ci-dessus. A 5 ways tie, faudrait-il décréter l'année où le choix de la lauréate est le plus cornélien de la décennie: Hepburn, Loy et Shearer sont sublimes, Davis complexe, et Colbert hilarante. Quelle merveilleuse sélection!


dignes d'une nomination : Fay Bainter (White Banners): voir ci-dessus. Katharine Hepburn (Bringing Up Baby): comme je le disais, elle est vraiment hilarante sans jamais être exaspérante, et fait de chaque séquence un morceau de bravoure peu commun, depuis le parcours de golf au squelette de dinosaure, en passant par le gobage d'olives et la robe déchirée en plein restaurant, la fausse alerte au léopard pour piéger Cary Grant, la borne à incendies, le vol des vêtements, la chasse à la clavicule intercostale dans le jardin et le jeu de rôles dans la prison du comté. Sans parler du courage de l'actrice de jouer réellement avec un gros félin.


séduisantes : Joan Crawford (The Shining Hour): le rôle est cousu sur mesure pour elle (la chanteuse de cabaret qui tente de se faire respecter par la famille de son riche époux), mais elle y est tellement charismatique et touchante l'air de rien que ça me ravit amplement. Bette Davis (The Sisters): comme toujours, il y a beaucoup de bon à prendre chez une actrice qui domine entièrement ses partenaires, même si ce rôle ne tient pas deux secondes la comparaison avec Julie Marsden de Jezebel. Olivia de Havilland (The Adventures of Robin Hood): juste parce que Lady Marian est vraiment attachante, et qu'à l'image du film, l'actrice est bien trop réjouissante pour être ignorée. Irene Dunne (Joy of Living): un rôle d'une irrésistible drôlerie, qui n'a cependant pas la force de ses succès précédents. Deanna Durbin (That Certain Age): Deanna Durbin est toujours intrépide et dynamique, et ses chants sont à ravir. Me voilà une fois de plus sous le charme même si c'est loin d'être son film le plus mémorable. Wendy Hiller (Pygmalion): voir ci-dessus. Margaret Lockwood (The Lady Vanishes): elle est fort charmante et dynamique, et elle mène l'enquête sans jamais baisser les bras: ça suffit largement pour me plaire même si elle n'a finalement pas beaucoup d'émotions à jouer. Luise Rainer (Dramatic School): le film qui m'a réconcilié avec l'actrice qui, bien que jouant de façon toujours très particulière, touche avec beaucoup plus de simplicité qu'à l'accoutumée. Ginger Rogers (Vivacious Lady): un très bon personnage comique qui ne parvient cependant pas à égaler l'extraordinaire numéro ultra cool de Beulah Bondi. Barbara Stanwyck (The Mad Miss Manton): l'héroïne et son armée de socialites en mode Sherlock Holmes sont drôlissimes, même si personne ne bat Hattie McDaniel en domestique grincheuse à souhait. Margaret Sullavan (Three Comrades): parce qu'elle est finalement bien plus charismatique qu'elle n'en a l'air au départ.


sans saveur : Jean Arthur (You Can't Take It with You): si je veux voir une famille vraiment déjantée, je peux toujours regarder My Man Godfrey, merci bien. Constance Bennett (Merrily We Live): en toute honnêteté, elle est vraiment pas mal, mais j'ai toujours du mal à m'intéresser à ses performances que je trouve en définitive rarement mémorables. Jeanette MacDonald (Sweethearts): grands dieux! Entre les petits cœurs au générique et ce duo d'acteurs à peu près aussi vivace que la Belle au bois dormant, dire qu'on frôle le supplice est un euphémisme.


à découvrir : Luise Rainer (The Great Waltz), Rosalind Russell (The Citadel)