mercredi 22 septembre 2021

Rendez-vous manqués en Brivadois


À propos de mon périple estival, nous en étions restés au milieu des ruines vellaves de Polignac. Deux directions s'offraient alors à moi : soit filer vers l'abbaye de La Chaise-Dieu, soit m'en aller à Brioude. L'abbaye est considérée par tous les guides comme un incontournable absolu, mais c'est aussi le siège d'un festival de musique, où j'aimerais beaucoup chanter un jour si j'avais l'audace d'oser pousser les portes et bousculer les conventions, au lieu de stagner dans une zone hyper locale. Cette pensée me chagrinant quelque peu, n'ayant nulle envie d'être rongé de jalousie et n'ayant de toute façon rien réservé, je m'en suis donc allé à Brioude, dans l'espoir de voir les fresques et vitraux très colorés de la basilique Saint-Julien. Ce fut un échec total! Tout ce que j'ai vu de Brioude, c'est la station-service où j'ai fait le plein, la faute à un festival ayant conduit la municipalité à fermer le centre-ville à la circulation. J'aurais pu me garer au loin pour gagner le centre à pieds, ce que je fais habituellement dans les grandes villes, mais la vision de multiples barrages de police, le sentiment d'avoir débarqué en une contrée inconnue après la descente la plus interminable du cosmos sur la N102, et la perspective de ne pas me plaire dans un paysage plat qui n'est autre que la continuité de la triste Limagne, ont eu raison de ma patience. Je me suis enfui de Brioude sans demander mon reste. Les monts du Livradois-Forez se découpant sur l'horizon oriental me faisaient bien de l'œil, mais la fatigue du voyage m'a plutôt encouragé à regagner l'ouest de l'Auvergne, plus proche de la Dordogne. J'avais surtout très envie de regagner les monts du Cantal où je m'étais tant plu auparavant.

Mais sortir de Brioude n'est pas chose facile : on avait beau être un dimanche après-midi, il y avait autant de circulation qu'un vendredi soir aux heures de pointe, et pour moi, hors de question de prendre l'autoroute. Les vacances sont faites pour errer hors des sentiers battus, et se laisser surprendre par des lieux dont on ne soupçonnait pas l'existence. Mais pour ce faire, il faut emprunter de tous petits chemins, où les panneaux de signalisation ne vous indiquent pas toujours la ville la plus proche! Bref, heureusement que j'avais passé une excellente matinée à Polignac, car cet après-midi fut un fiasco total : je me suis égaré dans un paysage morne, que seule la façade du prieuré clunisien de Bournoncle-Saint-Pierre a su égayer quelque peu. Après cela, plusieurs panneaux m'ont invité à prendre la direction de Blesle pour y admirer un patrimoine intéressant, mais comme je pensais qu'il ne s'agissait que d'une énième église, j'ai fait l'impasse dessus alors que je n'étais qu'à cinq kilomètres. Mal m'en a pris : il suffisait de faire quelques pas de plus pour se retrouver dans un paysage vallonné nettement plus attrayant, et se promener dans l'un des "plus beaux villages de France" aux maisons à pans de bois. Pile ce qu'il m'aurait fallu! Mon ignorance sur la question m'a joué un très vilain tour, et je m'en veux quelque peu, car je ne suis pas sûr du tout d'avoir envie de repasser dans le coin exprès pour voir Blesle et la basilique Saint-Julien de Brioude. Quoique... Mon côté compulsif pourrait tout à fait me conduire à faire amende honorable auprès de ces deux cités dédaignées, mais retourner en Brivadois n'est pas non plus ma priorité.

Cela dit, voyons le côté positif des choses, puisque deux rayons de soleil ont éclairé mon après-midi! Le second, c'est la traversée du tunnel du Lioran dans l'autre sens, qui m'a permis de me retrouver dans les monts du Cantal libres de tout nuage! Un peu à la manière du Docteur Jivago qui découvre le soleil après avoir passé l'Oural avant lequel tout n'était que grisaille et désolation. Sauf que du côté auvergnat, la bande-son n'était pas à l'heure de Maurice Jarre mais de Bonnie Tyler : l'entrée dans le tunnel au son de l'irrésistible Faster Than the Speed of Night était complètement euphorisante! Mais avant cela, la lumière de l'après-midi fut la découverte absolument fortuite de la charmante bourgade de Vieille-Brioude. J'ai ainsi découvert qu'il y a deux Brioude! Venant de Polignac, et voyant un panneau indiquant cette direction, je pensais naïvement qu'il s'agissait du centre historique de la sous-préfecture, alors qu'il s'agit bien d'une commune différente. On entre dans la ville par un pont assez vertigineux sur l'Allier, qui offre ce joli point de vue sur le jardin de curé de l'église Sainte-Anne, et sur de jolies maisons en vieilles pierres qui s'étagent en terrasse le long de la rivière. Le tout s'admire de manière agréable le temps qu'il faut. Il n'y a finalement pas lieu de se lamenter si l'on atterrit en Brivadois, même si les choses qui me touchent sont trop parsemées dans ce désert d'ennui.

mardi 21 septembre 2021

El Dorado

 
Je l'avais noté dans ma liste des films à voir, et alors que je le pensais définitivement introuvable, j'ai finalement mis la main sur El Dorado, le récit de Carlos Saura ayant vu le jour au printemps 1988. Comme moi! C'est une co-production espagnole, française et italienne tournée au Costa Rica, relatant la quête d'une terre mythique par les conquistadores à l'aube des années 1560. De l'ouverture en forme de songe, alors qu'un indigène recouvert d'or se baigne dans le fleuve, aux désillusions d'un périple qui n'en finit pas, le film passe en revue une galerie de portraits avec une minutie et un désir de fidélité aux sources qu'il convient de saluer. Et comme on s'en doute de la part de l'austère réalisateur aragonais, El Dorado cherche moins à s'inscrire dans la lignée des films d'aventures à grand spectacle, que dans la critique politique et psychologique. Avec la voix off du Basque Pedrarías qui relate les chroniques de l'époque au gré des errances de l'expédition, on est plus proche d'Il était une fois… l'Homme que des Mines du roi Salomon : ce n'est pas pour me déplaire, car j'ai beaucoup aimé l'ensemble, découverte qui arrivait à point nommé après l'horrible expérience d'Anna et les loups, une satire politico-religieuse peu subtile et abjectement misogyne. La filmographie de Carlos Saura n'est plus tout à fait terra incognita pour moi, mais il m'en reste encore une large part à explorer : El Dorado est à ce jour mon film préféré du metteur en scène, devant les atypiques et captivantes Noces de sang et L'Amour sorcier chamarré. À l'inverse, je reste assez en marge de ses collaborations avec la magnifique Geraldine Chaplin, y compris le très réussi mais acétique Cría cuervos. Balle au centre, donc, en attendant de voir où me conduira sa Carmen.

Le personnage central d'El Dorado est Lope de Aguirre, ce qui nous oblige forcément à comparer la version latine de Carlos Saura avec la vision teutonne de Werner Herzog, Aguirre, la colère de Dieu. Cette dernière a meilleure presse et reste considérée comme du grand cinéma, là où El Dorado est vu comme trop statique et trop didactique. J'irai pourtant à contre-courant de l'Orénoque : le film d'Herzog m'a complètement traumatisé. J'ai rarement eu un sentiment de si grand malaise devant un écran, au point de devoir lutter pour le regarder. Certes, l'introduction péruvienne aux cascades dans la brume est spectaculaire, mais ça m'a projeté dans un monde dont j'avais une folle envie de m'enfuir. Le film allemand est surtout desservi par l'interprétation de l'immonde Klaus Kinski, composition qui n'a aucun intérêt puisqu'il est en roue libre du début à la fin : n'importe quel membre de l'équipage à peu près sensé le laisserait choir sur le rivage dans un monde normal. De son côté, la caméra de Teo Escamilla cherche moins spontanément à en mettre plein la vue, mais les images d'El Dorado n'en restent pas moins très belles, bien que la copie qui circule aujourd'hui ait sérieusement besoin d'être restaurée. Et ce que le film perd en sensations fortes, là où Herzog avait besoin de s'attacher avec des cordes au milieu des flots, il l'emporte dans l'écriture des personnages, que Saura prend le temps de définir avec précision.

La lutte pour le pouvoir permet ainsi de mettre en valeur les membres les plus influents de l'équipage, dont Aguirre, comploteur de l'ombre que diverses humiliations conduisent à un désir de domination mégalomane, Pedro de Ursúa, commandant dépressif qui ne veut pas cesser de poursuivre une chimère, et Fernando de Guzmán, chef discret qui ne sait pas trop quoi faire de son pouvoir une fois qu'on lui pose une couronne illusoire sur la tête. Deux femmes sont également de la partie, la superbe doña Inés de Atienza, maîtresse d'Ursúa convoitée par toute la gent masculine de la flotte et un peu perdue entre désir de vengeance et appel de la chair, et Elvira, fille d'Aguirre et témoin privilégié des tensions entre adultes qui bouillonnent dans cet enfer tropical. Pas étonnant que tout le monde finisse un peu fou au prix de multiples bains de sang, alors que plus personne ne sait quelle route emprunter. Le passage en revue de ces âmes belliqueuses est en tout cas passionnant : on ne s'ennuie jamais malgré les longs monologues qui s'enchaînent durant deux heures trente, le tout grâce à une reconstitution historique exceptionnelle qui nous plonge réellement dans l'époque avec ses armures, son pont surchargé de soldats en pleine errance et ses airs de luth, mais aussi grâce à une tension contenue qui ne demande qu'à exploser. Le montage suggère heureusement que les chevaux n'ont pas été blessés, ce qui me rassure quelque peu. Et aux luttes politiques s'ajoutent des conflits sentimentaux, le scénario n'ayant pas peur de suggérer que plusieurs personnages sont au moins bisexuels : c'est un plus!

L'interprétation est peut-être l'élément le moins marquant du film, mais c'est moins la faute des acteurs que de la structure narrative, quasi descriptive, qui les oblige à une retenue plus grande encore. On notera simplement qu'Omero Antonutti est doté d'un charisme minéral qui rend Aguirre bien plus convainquant que dans le film allemand, bien qu'il ne soit pas très expressif tant il rejette toute forme d'émotion. Eusebio Poncela, tout droit sorti de la sulfureuse Loi du désir un an plus tôt, compose quant à lui un commandant fragile, assez touchant dans ses élans magnanimes qui ne font qu'accentuer ses questionnements intérieurs; tandis que Lambert Wilson est plutôt séduisant dans un rôle de chef qui s'enfonce dans le marasme à mesure que la forêt qu'il voulait vaincre s'épaissit. Je n'aimais pas trop cet acteur jadis, jusqu'au jour où je l'ai percuté par hasard à l'angle d'une rue : cela m'a fait quelque peu changer de perspective... Je pourrais m'étendre davantage, mais contrairement aux personnages, j'ai l'impression d'avoir fait le tour de l'horizon. Je conclurai simplement en vous recommandant de ne pas vous fier à la longueur indiquée : ces relations entre caractères bien trempés sont bien trop captivantes pour susciter l'ennui. Surtout quand elles sont portées par de belles images du Nouveau Monde et une partition ibérique ravissante.


samedi 18 septembre 2021

La marquise du silence




Quoi? Gardant des chats cette fin de semaine, j'ai tâché d'occuper mon vendredi soir le plus aimablement du monde, en regardant les multiples offres disponibles sur les chaînes "+" du téléviseur. Et je suis tombé sur... un western spaghetti français (!), avec... Angélique marquise des Anges et Joffreyyy dans les rôles principaux!! Quelle combinaison étrange!!! Comment un tel film a-t-il pu un jour exister? C'est Robert Hossein lui-même qui l'a écrit et réalisé, en hommage à Sergio Leone qui venait d'enchaîner une série de francs succès, dont Il était une fois dans l'Ouest sorti en Italie un mois plus tôt en décembre 1968. Sans surprise, Une Corde... un Colt est très loin de soutenir la comparaison, mais son existence est tellement improbable que je trouvais amusant d'en parler aujourd'hui. Le maître italien aurait même réalisé la séquence du souper chez les Rogers, alors que le héros solitaire nouvellement engagé se retrouve fort perplexe devant... un pot de moutarde!

Pour être honnête, je trouve le film intéressant et tout à fait divertissant, malgré ses incontestables défauts. Aidé par les décors arides de l'Andalousie, Robert Hossein donne l'illusion d'un vrai petit western avec son saloon enfumé et son village fantôme ouvert à tous vents, quitte à abuser du cliché avec ses santiags à éperons et cette galerie de personnages silencieux qui mâchent leur clope en une succession de gros plans. Le scénario tient sur un timbre-poste, mais c'est rarement pour son aspect littéraire qu'on regarde un western : Maria Caine voit son mari abattu sous ses yeux par les Rogers, une famille de riches propriétaires terriens qui terrorise le pays, et engage un chasseur solitaire qu'elle connaît bien, Manuel, pour l'aider à se venger. On est certainement en terrain connu. Mais là où la vendetta devient intéressante, c'est que les héros sont loin d'être blancs. Ils cautionnent sans vergogne le viol d'une innocente, tant et si bien que le point de vue change à mi-parcours : les Caine deviennent aussi pourris que les Rogers, voire plus, ce qui amène le spectateur en un lieu inattendu. Je connais trop mal le genre western pour savoir si cela avait déjà été fait auparavant, mais j'apprécie la franchise de l'histoire qui dévoile le côté obscur de ses héros, et à l'inverse la part de sympathie des antagonistes, au lieu de se complaire dans l'opposition simpliste "gentils et méchants".

Nettement moins réussie par contre, la manière qu'ont les personnages de se duper les uns et les autres est assez affligeante. On parle de gros durs capables d'abattre tout un régiment en l'espace de cinq secondes, et pourtant, à aucun moment ces messieurs ne pensent à vérifier qu'un otage enfermé dans un bâtiment en ruines n'a pas les moyens de s'échapper! De leur côté, les Rogers ont beau avoir une vingtaine d'hommes de main à leur service, aucun d'entre eux ne songe à en lancer deux ou trois à la poursuite de la mystérieuse personne qui a libéré les chevaux! À croire que personne dans le village n'a de plomb dans la cervelle... Ah, en fait, si, mais pour ça, il faut que la surprenante jeune fille de bonne famille aux faux airs de Boucles d'Or prenne les choses en main. Ces gamineries n'empêchent heureusement pas le film de se suivre sans déplaisir, mais je ne suis pas sûr que la parodie soit assumée jusqu'au bout. Ce qui est assumé en revanche, c'est la musique d'un kitsch insondable composée par le père du réalisateur, André Hossein, avec son thème d'ouverture tout à fait dans l'air du temps. Cette mélodie insupportable revient hanter chaque rebondissement, mais reconnaissons qu'elle se marie finalement bien aux images, dont certaines sont d'ailleurs assez spectaculaires depuis les gros plans ténébreux jusques aux grands espaces qui isolent d'autant plus les personnages dans leur tragédie. Finalement, Robert Hossein se fend d'un western plus qu'imparfait, mais qui a tout de même un certain style sous ses airs de pastiche. Cela en ferait oublier l'interprétation monolithique dont la marquise des anges émerge, une fois n'est pas coutume, triomphante.

C'est facile de se moquer, mais Michèle Mercier peut être bonne actrice quand elle est bien dirigée et qu'elle ne parle pas. Son plus grand défaut, c'est la façon qu'elle a de mouvoir ses lèvres qui la rend grimaçante jusqu'aux abîmes du grotesque, et son grand malheur, c'est d'avoir été très mal mise en scène dans une saga minable et misogyne qui lui collera à la peau jusqu'à la fin des jours. Mais contrairement à une Brigitte Bardot qui ne s'intéressait pas à son métier bien qu'ayant la notoriété suffisante pour être employée à bon escient par de grands réalisateurs comme Louis Malle et Henri-Georges Clouzot, Michèle Mercier a au moins toujours eu envie de faire de son mieux devant une caméra. Cela n'en fait pas une grande actrice, mais je la trouve sincèrement convaincante dans le registre de la "souffrance sans paroles". On aurait même pu envisager un prix pour son rôle de victime terrorisée dans Les Trois Visages de la peur en 1963. Son interprétation de Maria Caine dans Une Corde... un Colt est à sa modeste échelle l'un de ses sommets, principalement parce qu'habile, Robert Hossein a limité ses répliques autant que possible. C'est d'ailleurs son point faible : la nostalgie qu'elle tente de faire passer vocalement lors des retrouvailles avec Manuel manque de vigueur, vigueur qui résonnera davantage lors du défi lancé aux Rogers sous leur propre toit. Autrement, aidée par un costume de veuve noire qui lui donne beaucoup d'allure, Michèle Mercier domine à sa manière ce film viril, grâce à un visage sépulcral où percent une souffrance et un abattement sincères. Sa scène la plus expressive est son introduction, et force est de reconnaître que sa terreur sonne très juste : on soutient de facto l'héroïne, avant que ses actes futurs ne la noircissent quelque peu.

Moralité : malgré une histoire de vengeance particulièrement glaçante, je suis finalement amusé d'avoir découvert ce film improbable, dont on a du mal à soupçonner l'existence. Pour les amateurs du genre, je suis sûr que c'est un western mineur justement tombé aux oubliettes, mais je ne suis pas mécontent que ce petit film ait vu le jour. Ses défauts et sa distribution lunaire le rendent complètement atypique, ce qui m'a diverti au plus haut point. Pas sûr que cet argument suffise à convaincre d'autres personnes de le voir, mais ça m'a fait plaisir d'en parler, c'est l'essentiel!


dimanche 12 septembre 2021

Dragon au donjon

 Devinez quel château se niche sur les hauteurs du Puy-en-Velay, lui aussi sur une coulée basaltique qui se découpe sur l'horizon? Il s'agit bien sûr de la forteresse de Polignac, siège historique de la maison éponyme dont les plus célèbres représentants furent le cardinal Melchior, diplomate et poète à ses heures perdues, puis un peu plus tard par alliance Yolande de Polastron, meilleure amie de Marie-Antoinette, et parfaite illustration du concept "Bobin des Rois" : voler aux pauvres pour donner aux riches. Heureusement que la Révolution s'est chargée d'inverser la tendance! Rires. Je confesse avoir réellement ri en traversant le village pour acheter un billet, mais pas par cynisme. Simplement, lorsque l'on écrit sur un blog intitulé Gretallulah, impossible de ne pas penser à l'actrice la plus drôle du nouveau siècle, qui aurait dû, je le maintiens depuis quinze ans, recevoir une première nomination aux Oscars pour sa capacité à s'emparer du chef-d'œuvre de Sofia Coppola en se montrant irrésistible de drôlerie sous le masque de la personne la plus frivole du monde. La seconde nomination aurait dû avoir lieu pour Mes meilleures amies, mais c'est une autre histoire. Vous avez de toute façon compris que nous parlons de Rose Byrne!


La vraie duchesse n'a sûrement jamais mis les pieds en province, sauf pour fuir la France, et n'a sans doute jamais vu les terres de son mari. Et même si l'on aime les divas flamboyantes et les chapeaux à plumes en ces lieux, la dame n'a absolument rien à voir avec l'histoire d'un château dont les grandes heures furent médiévales. Un gigantesque portrait d'elle par Madame Vigée Le Brun trône pourtant au premier étage du donjon, ouvert à tous vents, alors que la notice nous révèle son goût pour la musique : Grétry lui a dédicacé une partition de son Andromaque, et Gluck aurait donné dans ses appartements versaillais une première privée de son Iphigénie en Tauride. On apprend aussi que la duchesse aimait chanter des extraits des Noces de Figaro de Mozart. On est évidemment loin de New Order et Bow Wow Wow, mais encore plus des troubadours qui chantèrent la fin'amor entre les murs de la seigneurie, du temps de leur splendeur.


Cela nous mène à un destin de femme autrement romanesque : dans la seconde moitié du XIIe siècle, la vicomtesse de l'époque, Bélissende d'Auvergne, finit le reste de ses jours enfermée dans une tour d'enceinte dite de la Géhenne, car synonyme d'enfer et de torture. Son amour pour le poète Guilhèm de Sant Leidier eût été plus que courtois, à la grande colère du vicomte. Une autre légende voudrait faire remonter la création du site à l'Antiquité, puisque la famille, qui ne se prend pas pour rien, prétendait descendre de prêtres célébrant le culte d'Apollon, le dieu grec ayant selon eux donné son nom à leur maison par dérivations successives. Il n'en est rien : aucune preuve archéologique n'étaye la thèse antique, et le masque barbu faussement attribué au conducteur des muses serait plutôt l'élément d'une fontaine représentant Neptune.


Les tenants de la légende apollinienne prenaient également à partie deux puits vertigineux creusés dans la roche, qui auraient servi selon eux de porte-voix et de conduits de cheminées pour des prêtres qui auraient fumé la même chose que la Pythie! Il s'agit en réalité de deux réserves d'eau, le puits de l'oracle, haut de 7 mètres, servant pour la vie quotidienne du château, alors que l'infernal puits de l'abîme était prévu pour alimenter la forteresse en eau en cas de siège. D'une hauteur de 83 mètres, ce gouffre béant descend tout droit vers la vallée, vision épouvantable qu'une petite grille ne rend guère plus rassurante. Bien plus qu'un temple d'Apollon, cette cavité m'évoque le royaume d'Hadès : si culte il y avait, il eût fallu que les prêtres fussent sous drogue dure pour avoir envie de faire parler les morts depuis les tréfonds de cette antre sans fin!


Yolande : Mon chéri! Je ne sais pas de quelle drogue vous parlez, mais je veux la même! On se prendra un petit rail avec de vaillants cosaques : ce sera divin!


Vie temporelle ou éternelle, il y avait certainement de l'animation dans la forteresse de Polignac au Moyen Âge. Les ruines herbeuses témoignent en effet d'une activité florissante à travers les ateliers : s'y bousculaient une forge, une boulangerie, une fabrique d'armes et même une fabrique monétaire, puisque les vicomtes étaient en rivalité directe avec l'évêque du Puy-en-Velay. Il fallait alors battre monnaie pour marquer sa puissance.


Cette rivalité s'inscrit même dans le paysage, sachant que le sommet du donjon propose une vue imprenable sur une bonne partie de la Haute-Loire, et notamment le clocher de Notre-Dame du Puy-en-Velay et la statue de la Vierge. Argh! Encore eux! Mais on se sent finalement protégé lorsque l'on contemple les affaires spirituelles de haut. Et pourtant, dieu sait s'il m'en a coûté pour gravir une à une les marches du donjon, cette solide tour restaurée au XIXe siècle d'après des gravures anciennes, d'où son état impressionnant par rapport aux vestiges des autres bâtiments. À vrai dire, j'étais tétanisé pendant toute la montée, avec à ma gauche le vide vers les prairies du Velay, et à ma droite le vide sur l'intérieur du donjon et son unique étage haut d'une trentaine de mètres. Heureusement que j'étais seul, car j'ai dû finir à quatre pattes pour atteindre la terrasse : le vent était tellement fort qu'il me semblait plus rassurant de me raccrocher aux marches plutôt qu'aux murs. Sans commentaires... Mais la fin justifie les moyens : je l'ai fait! Et j'étais si content que je suis resté plus d'une demi-heure à observer le soleil poudroyer et l'herbe verdoyer. La vue est effectivement spectaculaire.


Néanmoins, en bon dragon de terre, je n'étais pas fâché de regagner le sol ferme. Je me suis d'ailleurs précipité vers le jardin médiéval pour humer le parfum des fleurs et admirer de loin ce que je venais d'accomplir. En parlant de végétation, j'ai eu la bonne idée d'arriver dans la commune alors qu'une course à pied s'y déroulait. Aucun rapport, me direz-vous. Sauf que l'un des guides surveillant l'arrivée au château, qui devait s'ennuyer passablement, en profita pour me donner quelques informations complémentaires sur les environs, en m'expliquant que la forêt la plus proche renferme en son cœur les vestiges d'un péage que les vicomtes avaient pris soin d'installer sur la route du Puy. De la sorte, les marchands qui se rendaient en ville devaient laisser aux seigneurs une partie de leurs victuailles pour continuer leur chemin. Le shérif de Nottingham approuve! Je ne suis finalement pas allé explorer les bois, mais ce sera l'occasion d'y revenir. Pour leur part, les dames qui tenaient le buffet pour les coureurs étaient fortement vexées : personne n'avait voulu des chocolats qu'elles avaient pris soin de déposer sur la table en grand nombre.

Yolande : Qu'ils mangent de la brioche! Avec du champagne et des macarons, ça tient mieux l'estomac!


En définitive, j'ai beaucoup aimé cette visite du château de Polignac, où j'ai passé presque toute la matinée. Le seul défaut de la forteresse, encore plus énorme que le puits de l'abîme, c'est que pour s'adresser à tous les publics, la municipalité a eu la bêtise d'organiser une exposition à propos des idées reçues quant au Moyen Âge, avec des illustrations d'une bouse immonde du cinéma français. Vulgariser l'histoire auprès du grand public, c'est bien. Mais insulter le bon goût et l'intelligence des honnêtes gens qui paient leur entrée, c'est le genre d'erreur qui selon moi mérite l'embastillement.


Pour me consoler, je suis allé faire le tour du village, ce qui m'a permis d'admirer à la fois la roche basaltique qui soutient le château, mais aussi l'église Saint-Martin et ses fresques du XVe siècle. C'est un édifice roman, mais son porche est gothique : le syncrétisme n'est pas inintéressant à observer.


À midi, l'ensoleillement parfait permettait aux vitraux d'illuminer le grès de multiples couleurs, ce qui constituait un joli spectacle pour clore mes aventures vellaves. La route du Brivadois devait m'apporter plus de déceptions, mais c'est une autre histoire. Sur ce, je m'en vais dîner! Adieu chéries! Au revoir!


mercredi 8 septembre 2021

Le Puy-en-Velay, une ville colorée


Après avoir assisté à des scènes de la vie paysanne dans les environs de Saugues, auxquelles il ne manquait plus que le pinceau de Rosa Bonheur, et après avoir traversé tant bien que mal les gorges de l'Allier malgré mon vertige, j'arrivai tranquillement dans la capitale de la Haute-Loire, Le Puy-en-Velay, au moment même où le soleil n'éclairait plus que la sainte trinité des tours de la ville : le rocher d'Aiguilhe, la statue de la Vierge, et le clocher de la cathédrale Notre-Dame. Voilà qui donne la mesure : Le Puy-en-Velay est un centre religieux de premier ordre, et le point de départ de la via Podiensis qui mène à Saint-Jacques-de-Compostelle. En d'autres termes, même si vous esquivez les touristes, vous y croiserez des pèlerins. Tant mieux pour les catholiques qui y trouveront leur compte, mais les amateurs d'architecture risquent de rester sur le carreau. En effet, la place prépondérante des bâtiments religieux est disproportionnée! Rien que la nef de la cathédrale est une véritable ville dans la ville, prête à vous aspirer en son ventre ouvert à tous vents, tandis que le reste de la cité épiscopale trône au-dessus de la commune de façon monstrueuse, comme le ferait Černobog sur le mont Chauve pour jeter son ombre inquiétante sur les environs! J'ai pourtant l'habitude des églises, je passe même le plus clair de ma vie artistique à la croisée des transepts, mais je n'avais jamais eu une impression désagréable jusqu'alors : dans la cathédrale, la sensation d'oppression est telle qu'il m'a fallu retrouver l'air libre au plus vite, à tel point que c'est uniquement de retour dans les quartiers civils que j'ai commencé à me sentir mieux. Ceux-ci, parfaitement chamarrés, évoquent pour leur part une ville italienne, avec leurs persiennes et leurs façades aux couleurs ocres. Avec les pitons volcaniques qui accentuent ces contrastes, Le Puy-en-Velay est une préfecture unique en son genre qu'il faut avoir vue au moins une fois dans sa vie. Je n'ai pourtant pas eu le coup de cœur espéré.


Les lumières de la ville


Mon séjour m'a permis de voir la ville sous toutes les coutures, de jour comme tout le monde, mais aussi de nuit, grâce à la cinquième saison de l'événement Puy de Lumières, alors que les monuments se colorent au rythme d'effets spéciaux de dix heures du soir à minuit. D'ailleurs, le spectacle dure encore pour une dernière semaine, si jamais vous passez dans le coin. C'était en tout cas une chouette façon de découvrir la cité, alors que la nuit formait un écrin protecteur : on n'avait pas l'impression que la cathédrale allait tenter de vous dévorer au bout de son interminable escalier. Les ténèbres en couvraient ainsi la porte, cet infâme trou noir qui marque la frontière entre les affaires temporelles et les affaires spirituelles, ce qui m'a permis de profiter du spectacle dans une décontraction totale.

Totale? Hmm... Quand une centaine de spectateurs se regroupent sur le même parvis pour admirer les jeux de lumières, et que certains d'entre eux n'en finissent plus de tousser comme après un marathon, on se doute bien que Delta n'est pas loin. Il n'y a plus qu'à espérer que le vaccin, le masque, l'air libre et ma méthode Garbo "laissez-moi tranquille dans un rayon de 10 mètres" m'ont protégé du virus et... des fumeurs, cette plaie nauséabonde qui ferait mieux d'aller s'empoisonner chez elle au lieu de polluer les lieux publics.


La première scénographie devant la cathédrale invitait les spectateurs dans "une autre dimension", en un voyage futuriste et psychédélique sur les flots de vagues colorées, sur lesquelles surfaient un cerf et quelques apôtres. Sur la chapelle Saint-Alexis, un dragon fendait le mur pour parler un peu du siècle des Lumières, avec le marquis de La Fayette et la fameuse bête que j'avais pistée l'après-midi même! Sur l'hôtel de ville, les projecteurs parlaient d'histoire contemporaine à travers les poilus de 1914 et le droit de vote des femmes, avant de laisser la place à un poisson rouge et à des bijoux aux couleurs du drapeau français. Yvette Horner approuve. Les illuminations du théâtre étaient quant à elles consacrées aux arts sous toutes leurs formes, mais le clou du spectacle fut certainement le rocher d'Aiguilhe éclairé au rythme des quatre saisons. Coiffé de l'église Saint-Michel, ce site qui n'appartient même pas au Puy-en-Velay proprement dit est effectivement la vue la plus spectaculaire de l'agglomération, de nuit comme de jour. Je devais en avoir la confirmation le lendemain, malgré un temps voilé.


Messes basses dans la cité épiscopale


J'ai déjà donné ma première impression de la cathédrale, dont l'escalier colossal vous conduit dans une nef gargantuesque plus vaste que la ville elle-même. Sauf qu'à la lueur du matin, la démesure est angoissante : lorsque l'on se retourne, les marches que l'on vient de gravir donnent l'impression de contempler un trou béant, comme si l'on venait de pénétrer dans un univers parallèle qui voudrait vous garder prisonnier. Rares sont les lieux qui m'ont paru d'emblée si désagréables, mais classement à l'Unesco ou pas, j'étais déjà inconsciemment en train de chercher une issue de secours au bout de quelques secondes. La vue de religieuses qui se baladaient sans masque, gardiennes d'un sanctuaire où la raison s'efface, m'a convaincu : je n'ai pas dû rester plus de deux minutes dans ce qu'il faut bien appeler un enfer. Les églises m'ont toujours provoqué une sensation de bien-être, j'allais même réviser mes cours avec grand plaisir en l'église Sainte-Radegonde de Poitiers jadis, mais les hauteurs vertigineuses de Notre-Dame du Puy-en-Velay sont trompeuses, car elles ne conduisent nullement au paradis. Et pour comble de malheur, quitter la place se révèle aussi ardu que sortir du labyrinthe où vous attend le Minotaure! Je me suis de la sorte retrouvé sur la place du For, qui malgré les apparences fourbes d'un joli portique classique fermant l'évêché, n'est rien d'autre qu'une souricière où vous vous sentez à nu devant un clocher titanesque qui vous juge sans vergogne. La rue Saint-Georges vous ramène quant à elle vers les entrailles de la basilique, avant d'en sortir par la rue du cloître, grise et froide, dont la seule issue possible est la statue non moins disproportionnée de la Vierge. Pitié! Les colonnes torsadées de la chapelle des Pénitents, seul signe de vie des dans ce coupe-gorge, finissent heureusement par vous indiquer la sortie vers la chapelle Saint-Alexis, vue la veille au soir grâce aux illuminations. J'arrivai enfin en terrain connu! Ouf!


Une fois sorti de ce traquenard religieux, je m'en suis donc allé contempler le rocher d'Aiguilhe de jour, mais je l'avoue moins pour la chapelle que pour ce neck volcanique qui atteint des hauteurs divines à rester seul dans son coin. Chemin faisant, je déjouai un complot de la pire espèce! En effet, alors que j'avançais vers le point de vue, je passai devant une retraitée vêtue d'une doudoune rose fluo, déjà croisée au hasard des rues auparavant. Elle était en pleine conversation avec un pèlerin efféminé, habillé à l'identique mais en bleu. Combinaison de couleurs qui rappelle les heures les plus sombres des années 2010, mais ce n'était que leur moindre défaut. Car ces deux individus chuchotaient dans le plus grand secret, et lorsque j'arrivai à leur hauteur, la dame s'écria assez fort pour être entendue depuis la ville basse : "Alors là, vous avez la chapelle Saint-Michel! Et derrière vous, c'est la Vierge, mais vous la verrez mieux en revenant vers la cathédrale!" "Ah oui, répondit le pèlerin, parce que là, elle me tourne un peu le dos." Sur ce, je les laissai à leurs affaires pour prendre le temps d'admirer le rocher. Et savez-vous ce qu'il se passa lorsqu'il me fallut revenir sur mes pas quelques minutes plus tard? Les deux avaient repris leurs messes basses, et une fois revenu à leur hauteur, la dame s'époumona: "Alors là, vous avez la chapelle Saint-Michel! Et derrière vous, c'est la Vierge, mais vous la verrez mieux en revenant vers la cathédrale!" Je vous jure! C'était tellement suspect!

Je me demande encore quelle conspiration ces banalités cherchaient à dissimuler, mais cela me convainquit qu'il valait mieux quitter ce quartier épiscopal dans lequel je n'étais décidément pas le bienvenu. Je repassai une dernière fois devant la cathédrale où un groupe de touristes autrichiens écoutait la guide avec le plus grand intérêt. L'une d'entre elles en profita pour me dévisager sans aucune discrétion, ce qui me vexa assez pour me déterminer à lui rendre la pareille, jusqu'à ce que je finisse par céder : la dame était coriace. Il semblait décidément que tout le monde s'était donné rendez-vous au Puy-en-Velay pour me faire comprendre que je n'y étais pas à ma place! J'avais visiblement mal choisi mon jour... Cela m'a au moins permis de réaliser que je n'ai pas tout à fait perdu mon allemand, ce qui me donne envie de me remettre à cette langue à laquelle je donne ma préférence entre toutes. Voyons les choses du bon côté!


On dirait le sud


Les quartiers civils sont heureusement plus accueillants! La rue Pannessac par exemple, marquée par le vestige d'une tour d'enceinte médiévale, a plus de cachet que nombre d'artères commerçantes semi-piétonnes de France grâce aux façades colorées de ses immeubles. Il ne manquait plus que des persiennes et des palmiers pour se croire sur la Côte d'Azur! Pour sûr, les jolis bâtiments y sont nombreux, comme cette curieuse échauguette suspendue dans le vide à l'angle de la rue Philibert, quoiqu'elle ne soutienne pas la comparaison avec le logis des frères Michel et sa façade sculptée des années 1620. Plus haut, les rues Vanneau, cardinal de Polignac et Prat du Loup concentrent des hôtels particuliers du XVe siècle, le plus coloré étant l'hôtel des Laval d'Arlempdes.


J'ai finalement pris plaisir à flâner dans les rues, au gré de mes envies qui m'ont parfois fait passer à côté de monuments recommandés, comme la facétieuse maison des Cornards rue Chamarlenc, où des mascarons se moquent apparemment des cornes portées par certains bourgeois de la ville depuis les années 1680. Qu'elle soit profane ou sacrée, Le Puy-en-Velay a décidément le goût de la démesure... Comme je suis bien élevé, j'ai opté sans le savoir pour des visites plus appropriées, sachant que même les rues non célébrées par les guides touristiques valent le coup d'œil pour leurs couleurs méridionales. Mais l'importance de la religion ne se dément pas même dans les bas quartiers : des pèlerins trouvaient toujours le moyen de quitter leur maison d'hôte quand je passais devant! À croire qu'ils me poursuivaient! Au secours!


Heureusement, je n'allais pas me laisser gâcher mon plaisir par quelques âmes benoîtes. Je suis un dragon, que diable! Il en faut plus pour faire tomber mon enthousiasme! Pour tout dire, même la place des Tables, du nom des étals des orfèvres du temps jadis, m'a paru tout à fait agréable, et ce malgré l'ombre inquiétante de la porte de la cathédrale qui tente de vous happer dans l'obscure dimension de laquelle j'ai pu m'échapper. On ne m'y reprendra pas deux fois! Cela dit, je ne sais pas ce qui est le plus inquiétant : un sanctuaire anthropophage, ou un bar à Bisounours qui veulent devenir vos meilleurs amis? Avoir vue sur les deux à la fois lorsqu'on est au beau milieu de la rue est assez cocasse!


Une bonne raison de revenir au Puy-en-Velay, c'est aussi le goût de la ville pour les beaux tissus. Entre le centre de la dentelle qui vous laisse songeur, et les panneaux publicitaires qui vous rappellent qu'une vente de costumes Renaissance aura lieu à la fin du mois, j'avoue que les artisans locaux savent me parler! En général, je me fournis en dentelle à Bruges, mais en ces temps de réclusion, je tâcherai de faire marcher l'industrie ligérienne la prochaine fois, promis!


dimanche 5 septembre 2021

Cherchez la bête!


Lorsque j'étais en CM2, la sympathique surveillante de la cour de récréation dut partir à la retraite. Elle fut remplacée par une péronnelle nommée Babeth, une femme rigide qui se croyait obligée de crier après tout le monde pour se faire respecter. Je la surnommais Babeth du Gévaudan! Et j'étais très fier de mon jeu de mots à l'époque! Ça tombe bien, c'est le pays que nous mettons à l'honneur aujourd'hui. En effet, nous en étions restés à Chaudes-Aigues, station thermale que j'ai adorée mais dont on fait vite le tour. Alors, que faire après, alors que le ciel se dégageait de plus en plus en cette belle fin d'après-midi estival? Songeant qu'il serait préférable de visiter Le Puy-en-Velay un dimanche afin d'y mieux circuler, j'ai décidé de m'en rapprocher par les petites routes : avec le soleil dans le dos, le paysage de la Margeride brillait d'un éclat singulier qui m'a tout bonnement enchanté. J'avais toujours rêvé de visiter la Lozère, et je ne suis pas déçu, car même si je n'y ai roulé qu'une heure, j'ai tellement aimé ce que j'en ai vu que je prévois déjà d'y revenir une semaine entière!

Il faut dire que la Margeride a beau être voisine de la Planèze, elle est autrement séduisante : il y a une véritable harmonie entre les pâturages jaunes et les bosquets de conifères, à tel point qu'une vraie douceur se dégage des lieux, douceur soutenue par les murs en vieilles pierres des villages qui s'égrènent le long des routes départementales 989 et 987. Comme j'avais déjà condensé trois semaines de tourisme en trois jours, j'étais trop las pour m'arrêter encore à tous les virages prendre des photos, mais concrètement, le paysage ressemble à ça, ou de manière plus accidentée après la Truyère à ça, et le tout m'a entièrement charmé. Même si les tristes étendues herbeuses sont légion, il y a toujours assez d'arbres à l'horizon pour les égayer : c'est finalement plus vert que la région de Saint-Flour, ce qui pour moi est un plus. On a presque du mal à croire que cette région en apparence si paisible fût le théâtre sinistre des agissements de la fameuse bête du Gévaudan.

Historiquement, seule la région cantalienne de la Margeride faisait partie de l'Auvergne. La majeure partie, qui s'étend de la Lozère à la Haute-Loire, était rattachée au Languedoc, et bien qu'elle soit désormais à cheval sur deux départements, elle formait à l'origine une unité, qui n'était autre que la partie septentrionale du Gévaudan. Dans les grandes lignes, nous dirons que le Gévaudan correspond à la Lozère actuelle et au canton de Saugues en Haute-Loire, territoire sur lequel se superposent des régions naturelles comme l'Aubrac à l'ouest, les Causses et les Cévennes au sud, et dans le cas d'aujourd'hui la Margeride au nord. Politiquement, le Gévaudan était le territoire antique des Gabales, clients du peuple arverne, et religieusement, le pays coïncidait au Moyen Âge avec le diocèse de Mende. Mais c'est principalement au nord, dans la Margeride donc, que sévit la bête dans les années 1760.


En venant de Chaudes-Aigues, on entre en Lozère par le village de Saint-Juéry, où l'église Saint-Maurice flanquée d'une tour veille sur une petite soixantaine d'habitants. N'oublions pas que la Lozère est le département le moins peuplé de France. Ensuite, c'est Fournels qui se distingue, avec son centre-bourg des plus charmants et son château commencé au XVIe siècle. La plus grosse ville des environs est Saint-Chély-d'Apcher, mais je lui ai préféré Saint-Alban-sur-Limagnole, petite bourgade plus chaleureuse. Entre les deux, il faut franchir la Truyère, qui présente déjà des gorges dignes d'intérêt, même s'il me faudra découvrir celles plus connues situées en aval en Aveyron. À cheval entre Lozère et Haute-Loire, l'église puis la fontaine Saint-Roch semblent quant à elles surgir de nulle part, en pleine campagne, mais attirent apparemment de nombreux fidèles en certaines occasions.

Côté ligérien, viennent à leur tour Chanaleilles et surtout Esplantas, dominée par un donjon circulaire qui se découpe joliment sur les collines alentour. Entre ces deux communes, il faut traverser le lieu-dit du Villeret où j'ai pu assister à un spectacle rustique : la route était en effet bloquée par un troupeau de vaches, qu'un couple de fermiers ramenait à l'étable à l'aide de deux chiens enjoués. Sauf qu'entre les ruminants bien déterminés à continuer leur souper dans le fossé, et le taureau qui a trouvé le moment opportun pour monter sa conquête du jour, autant dire que le trafic ne put reprendre qu'au bout d'un certain temps! Je n'ai pas jugé bon d'immortaliser cette scène d'amour, peut-être aurais-je dû... Cette affaire étant réglée, j'ai pu gagner Saugues sans encombres. C'est en quelque sorte le fief de la bête : une statue en bois lui est même dédiée sur les hauteurs, mais je ne l'ai pas distinguée depuis le centre-ville. Je n'ai cependant pas perdu au change, car à la place, j'ai vu la Vierge! Notre-Dame du Gévaudan a été construite après la Seconde Guerre Mondiale, à l'initiative du curé afin de remercier le ciel d'avoir épargné la ville lors des conflits. Plus typique, la collégiale Saint-Médard présente une jolie façade, mais il me faudra explorer la ville plus en détails pour me faire une meilleure opinion dessus. Je ne cache pas qu'avec autant de route dans les jambes, j'avais hâte de gagner Le Puy pour me reposer.


La surprise du jour

Je n'avais absolument pas prémédité ce geste, car je suivais bêtement les panneaux indiquant la préfecture, mais j'ai eu droit à une surprise de taille : pour passer du Gévaudan au Velay depuis Saugues, il faut traverser les gorges de l'Allier! Il était trop tard pour prendre des photos, mais si l'on m'avait parlé de la vue depuis Monistrol et Saint-Privat-d'Allier, j'aurais sûrement fait le détour exprès pour y passer la journée! Cela me fera un bon prétexte pour y revenir. Sachez simplement que c'est vertigineux, que les ravins qui descendent vers Monistrol-d'Allier ressemblent à ça, et que la vue depuis Saint-Privat n'est pas exactement repoussante. C'est très différent de la Margeride, et l'on sent vraiment que l'on vient de passer dans un autre monde. Le crépuscule conférait d'ailleurs à ces lieux une beauté quasi primitive, mais il me faudra y revenir de jour pour en explorer tous les recoins.


Et la bête?


Comme précisé, je ne l'ai pas vue. Et le taureau en rut n'était pas assez effrayant pour soutenir la comparaison, soyons honnêtes! Cela dit, cette incursion impromptue en Gévaudan tombait à point nommé après ma lecture du début de l'été, une étude éthologique de Michel Louis publiée en 1992, La Bête du Gévaudan. J'ai la réédition de 2003 parue dans la collection Tempus, qui brille par une impression catastrophique, avec des marges qui disparaissent de droite à gauche au fil des pages, mais passons. Ce n'est pas une thèse historique et l'auteur est éminemment partisan : son but est de réhabiliter le loup, en démontrant que la bête ne pouvait être, d'après lui, qu'une hybride entre chien de guerre et louve, et qui aurait été dressée par les Chastel, avec l'approbation du comte de Morangiès, pour assouvir des pulsions sadiques. Michel Louis distingue même les crimes commis par la bête elle-même, et ceux d'une perversité épouvantable commis par un être humain, qui aurait mis en scène ses victimes déshabillées d'une façon macabre. C'est encore plus terrifiant que les attaques de l'animal, et mieux vaut ne pas lire cette thèse si vous vous trouvez seuls dans une grande maison de nuit. Que l'on soit d'accord ou non, le livre est tout à fait divertissant, avec une partie zoologique passionnante sur la réaction des animaux dans leur milieu naturel puis face aux hommes, et une partie psychologique séduisante, quoiqu'elle n'ait rien de scientifiquement historique. La démonstration a le mérite d'être convaincante, mais l'auteur tire des extrapolations à partir de non-dits, notamment à travers la réserve obligatoire du curé devant les choses entendues en confession, qui feraient certainement bondir les historiens à proprement parler. Ses raisonnements n'en restent pas moins captivants, car on le sent passionné par son sujet, et toujours prêt à poser des questions sur le moindre détail, même si ses réponses dans le domaine historique ne sont pas toujours étayées par des preuves irréfutables.

Allez, tant qu'on parle du livre, un cadeau! Page 235, l'auteur, puisant dans les récits oraux compilés par l'abbé Pourcher un siècle après les faits, relate l'histoire d'un bûcheron, M. Châteauneuf, qui avait perdu son fils le 2 janvier 1765 et qui le lendemain vit paraître la bête à sa fenêtre. Celle-ci, dressée pour ne pas craindre les hommes, l'épiait lui et sa famille le plus tranquillement du monde, ce qui est encore plus angoissant qu'une attaque frontale. Savez-vous alors ce qu'il demanda à sa fille? Non? Il lui dit : "Marie-Anne, apporte-moi la hache!" Forcément, j'ai pensé à ça :


Finalement, il me faut bien reconnaître une qualité à Saint-Flour : en ne me donnant pas envie d'y passer la soirée, j'ai finalement pu découvrir le Gévaudan alors que j'avais prévu au départ de me cantonner à l'Auvergne. Ce fut une chouette découverte, mais ce ne fut qu'une mise en bouche : j'y reviendrai faire de la randonnée, en explorant plus en détails les environs. Ce que j'ai entrevu vaut déjà son pesant d'or, ce sera donc avec grand plaisir que je consacrerai bientôt une semaine entière à la Lozère. Toup tou bi dou... à la Lozère!


samedi 4 septembre 2021

Joies matrimoniales


Ce matin, j'ai revu Joies matrimoniales (Mr. & Mrs. Smith) pour la première fois depuis une douzaine d'années. Ce film singulier dans la carrière d'Alfred Hitchcock, une screwball comedy (!) sortie pendant l'hiver 1941, ne m'avait pas spécialement marqué, le réalisateur en personne ayant toujours désavoué ce travail qu'il n'avait soit disant accepté que par amitié pour Carole Lombard. Quoi que l'on en pense, c'est justement par cette œuvre que j'ai découvert la reine de la comédie loufoque de l'Âge d'or d'Hollywood, tant et si bien que je lui vouerai un respect éternel malgré ses défauts. On y croise aussi Robert Montgomery, très à son aise dans un rôle de mari parfois charmant qui cherche à reconquérir son épouse. Joies matrimoniales est effectivement l'exemple typique de la comédie de remariage, concept défini par le philosophe Stanley Cavell, d'après qui le bonheur en couple ne s'atteint pas dans la satisfaction des besoins, mais dans la transformation de ceux-ci. C'est exactement le cas ici : après trois ans de mariage, la routine amoureuse des Smith doit rapidement se réinventer pour sauver les meubles. Ça tombe bien : le scénario signé Norma Krasna démarre par une information capitale, puisque l'on apprend qu'un vice de forme rend en fait caduque le mariage d'Ann et David. Régénérés par un célibat tombé du ciel, ils auront ainsi tout le loisir de se courir après, des grands boulevards new-yorkais aux chalets des Appalaches, pour se retrouver.

Le gros problème des aventures de Mr. & Mrs. Smith, c'est qu'Hitchcock n'était pas le réalisateur le mieux placé pour donner forme à un tel scénario. On imagine qu'un Mitchell Leisen ou un Leo McCarey n'auraient pas attendu les vingt dernières minutes pour aboutir à l'hilarité générale, là où le maître du suspense s'empêtre dans un rythme très sérieux qui ne donne pas vraiment de prise au rire. Pourtant, son savoir-faire est bel et bien présent, au gré d'images très évocatrices qui mettent en lumière l'un de ses thèmes favoris : le voyeurisme. En effet, les personnages cherchent constamment à protéger leur intimité en se plaçant dans l'entrebâillement des portes pour faire barrage, et ce dès la séquence d'ouverture alors que David prive sa domestique d'observer le désordre de la chambre. Cela n'empêche pas le couple principal de s'épier l'un l'autre dès qu'ils recherchent de l'affection, depuis Ann, l'œil entrouvert sous les couvertures au petit matin, à son mari dissimulé derrière le menu du restaurant où se trouve son ancienne fiancée. Le spectateur, qui en sait trop sur leur vie intime, finit lui-même empêché d'en voir davantage alors qu'une paire de skis se referme en croix telles des hallebardes devant une forteresse imprenable. Cela est finalement rassurant, quand on sait qu'un premier projet souhaitait pousser le degré d'intrusion jusqu'à nous faire entendre le bruit d'une chasse d'eau.

Un autre thème que le réalisateur sait bien mettre en scène, c'est la façon dont nous idéalisons d'agréables souvenirs par rapport à la réalité. C'est manifeste avec la séquence de la petite pizzeria où Ann et David s'étaient rencontrés jadis : ils ont gardé souvenance d'un relais gastronomique car trop occupés à tomber amoureux l'un de l'autre, tant et si bien que le désenchantement est fort rude lorsqu'ils se rendent compte trois ans plus tard que les lieux ne sont qu'un bouge qui serait recalé d'office au contrôle sanitaire. Mais Hitchcock parvient à tirer de ce moment une nostalgie tout à fait poignante, portée par la mélancolie d'Ann qui vient d'apprendre qu'elle n'est pas officiellement mariée à l'homme qu'elle aime, et qui attend en vain que son mari la redemande en mariage. La désillusion physique et psychique creuse justement le gouffre que le couple cherchera à combler au terme du film. Vraiment, quelque chose de très juste, et finalement touchant, se dégage de ces questionnements sentimentaux après trois ans d'union, à l'image des pieds de la dame qui se retirent trop vite du pyjama de son mari alors que celui-ci lui avoue sans tact aucun regretter la part de liberté qu'il a sacrifiée à son mariage. La mise en images de cette désagrégation est pour tout dire brillante, d'autant que les comédiens n'ont pas leur pareil pour faire ressortir la gravité de la séparation qui s'annonce, lui par sa goujaterie toute masculine, elle par sa déception dissimulée sous un détachement très digne.

En revanche, ce qui prête encore moins à rire et qui n'est absolument pas émouvant, c'est la manière dont l'épouse se retrouve prise au piège du patriarcat. Cela n'est pas critiqué par le scénario, pour qui ces choses-là ne sont qu'un ressort comique de plus, mais quatre-vingts ans plus tard, le malaise est prégnant. Joies matrimoniales n'est certes pas le seul film présentant le travail des femmes comme une lubie à condamner, surtout dans le milieu bourgeois : nos héroïnes préférées se salissaient rarement les mains et celles qui prétendaient à des fonctions trop importantes étaient généralement immolées sur l'autel du mariage. Redevenue célibataire, et préférant quitter David parce qu'il a trop hésité à l'épouser à nouveau en toute légalité, Ann trouve ainsi un travail de vendeuse dans un grand magasin de mode, contrat que l'époux s'empresse de saboter dans la journée en renversant sa marchandise, et en lui attrapant les poignets devant toutes les clientes pour la sortir de là. Le résultat est sans appel : le directeur de l'établissement déclare Ann coupable, car elle a dissimulé le fait qu'elle n'était plus vierge et qu'elle avait déjà vécu trois ans avec un homme! Limiter l'accès des femmes à la sexualité semble tellement bien ancré dans la tête des personnages que lorsqu'elle apprend que sa fille n'est pas officiellement mariée, la mère d'Ann lui demande de revenir vivre chez elle afin de ne pas se compromettre avec l'homme avec qui elle a pourtant fait l'amour avec bonheur pendant trois ans. Ce rebondissement est présenté comme quelque chose d'absurde qui devrait faire rire, mais quand on réalise que c'est une véritable barrière dans l'épanouissement de l'héroïne, l'hilarité se teinte rapidement de jaune. Nous nous retrouvons donc avec une dame qui a les mains bridées par l'homme qu'elle a aimé, et que personne n'aide dans cette situation que tout le monde semble trouver normale. Et ce n'est pas la seule fois où David l'empoigne par les avant-bras pour la dresser à sa guise : celui-ci a dès lors perdu tout charme à mes yeux, malgré ses gamineries amusantes pour reconquérir sa bien-aimée. Ann sait pourtant riposter, en lui claquant la porte au nez de manière à faire saigner celui-ci, mais quelque chose de malsain empêche d'applaudir quand on sait que David se donne des coups sur le visage afin de continuer à saigner, puisque c'est le seul prétexte qui lui vient à l'idée pour se tirer d'un très mauvais pas.

Assurément, l'harmonie conjugale entrevue dans la première séquence, et portée tout au long du film par une musique guillerette, se mâtine très vite de violence et de domination, deux choses qui noircissent à l'extrême ce qui se présentait de prime abord comme une comédie. On est loin des conflits à égalité entre Jerry et Lucy de Cette sacrée vérité, où chacun cherchait à embarrasser l'autre sans jamais mettre sa dignité en danger : les personnages pouvaient s'humilier eux-mêmes de leur plein gré, qu'on pense à Jerry au concert ou Lucy à la réception aristocratique, mais chacun prenait soin de canaliser la gêne sur lui-même, sans nuire physiquement à l'autre. Ou alors, cela passait par des contacts bon enfant se limitant à des chatouilles. Joies matrimoniales, malgré son titre français plus heureux que The Awful Truth, est en fait bien plus sombre que la comédie de Leo McCarey. C'est pour cela que l'on a du mal à rire, malgré d'excellentes trouvailles comme la scène du restaurant où David tente de faire croire qu'il sort avec une superbe créature qui n'avait rien demandé. Là, c'est vraiment drôle, quoique la séquence soit traitée moins finement que celle similaire de Cette sacrée vérité : l'attraction subtile de Ralph Bellamy pour la chanteuse vulgaire, contrastée avec la gêne palpable du couple principal, était autrement poignante que la grossièreté crasse des copines de Jack Carson s'empiffrant de faisan.

Comme je le disais, il faut en fait attendre les vingt dernières minutes hivernales pour que les tentatives maladroites de reconquérir l'être aimé deviennent réellement amusantes. C'est aussi le moment où Carole Lombard, qui venait d'enchaîner trois ans de drames dans l'espoir de remporter un Oscar, peut enfin abandonner une retenue trop insistante dans la grande majorité du film afin de faire le pitre comme lors de ses très riches heures des années 1930. Le clou du spectacle est certainement son monologue derrière la cloison du chalet, où elle tente de faire croire à Robert Montgomery qu'elle est en plein ébat avec l'insupportable Gene Raymond : d'une énergie incandescente, elle utilise sa voix avec de belles modulations, avant de faire feu de tout bois avec le mobilier qui lui tombe sous la main, au prix de mimiques impayables. Mais là encore, une certaine noirceur arrête le comique pur dans son élan, puisque David, qui n'est pas dupe, revient posséder Ann avec une force terrifiante qui oblige celle-ci à appeler au secours. Idem pour la célèbre conclusion aux skis, où Ann fait semblant d'être immobilisée pour rester le plus longtemps possible auprès de celui qu'elle n'a, dans le fond, jamais cesser d'aimer, bien que celui-ci vienne à l'instant de la pousser dans un fauteuil avec une violence qui fait mal au cœur, malgré la tonalité joyeuse que la mise en scène et le scénario tentent de donner à cette séquence. Robert Montgomery a beau être charmant dans une grande partie du film, les actes de David sont trop grinçants pour me faire aimer le personnage. À l'époque du tournage, on voyait les choses différemment : le film a remporté un vrai succès public et fut précisément plébiscité pour son aspect léger. À la nôtre, difficile d'imaginer qu'Ann ne parte refaire sa vie ailleurs après s'être retrouvée pieds et poings liés par un homme très possessif.

C'est peut-être là le principal problème de Mr. and Mrs. Smith : les personnages manquent de charme, ingrédient essentiel pour réussir une comédie. Les grands noms qui prêtent leurs traits aux seconds rôles tombent aussi dans cet écueil : Jack Carson et la géniale Betty Compson rivalisent de vulgarité, Esther Dale et Lucile Watson ne jouent quant à elles qu'avec une expression, l'une dans le registre de l'inquiétude terne, l'autre dans une gamme plus martiale; tandis que William Tracy apparaît trop peu. Gene Raymond est pour sa part chiant comme la pluie, mais sans le second degré qui permettait à Ralph Bellamy d'être attachant dans un rôle d'anti-héros pas du tout menaçant. L'acteur était marié à Jeanette MacDonald et ne l'aurait manifestement pas épargnée sur le plan physique. On reste malheureusement dans le thème du film même si c'est heureusement bien plus édulcoré dans la fiction.

En définitive, Alfred Hitchcock savait être fort drôle lorsqu'il saupoudrait ses thrillers de comédie, mais il est beaucoup trop sinistre ici, alors que le film n'en demandait pas tant. Plutôt que montrer David empoignant sa femme au milieu des cartons de lingerie, on aurait pu imaginer une joute improbable où chacun aurait lancé des sous-vêtements dans les airs, ce qui aurait apporté une légèreté osée de meilleur aloi, tout en justifiant le renvoi d'une employée ayant failli à sa tâche. Malheureusement, rien de tout cela dans ces Joies matrimoniales, qui s'ingénient à humilier une héroïne sympathique, et qui ne la mettent sur un pied d'égalité avec son partenaire que dans un rapport sanguin. La mise en scène est souvent inspirée, mais le ton reste par trop glaçant : on comprend pourquoi ce film est loin d'être le fleuron des artistes concernés.


vendredi 3 septembre 2021

Planèze, Aubrac et Margeride, côté Cantal


Après une merveilleuse matinée au cœur des monts du Cantal, je m'en suis allé vers l'est. L'idée était de trouver un hôtel à Saint-Flour et de sillonner les environs à partir de là. L'ennui, c'est que je ne m'y suis pas assez plu pour y passer la nuit. J'ai donc improvisé un nouveau programme qui m'a conduit jusqu'au Puy-en-Velay! J'ai certes vu de jolies choses au passage, mais rien qui soutînt la comparaison avec les volcans de l'ouest : leur vue m'a sûrement rendu trop exigeant, sans compter qu'on a vraiment l'impression de se retrouver dans un autre monde une fois passé le tunnel du Lioran. En effet, le paysage est un peu moins riant, et les nuages ont plus de mal à se dissiper de ce côté-ci. En bref, pour ne voir rien que le soleil qui poudroie et l'herbe qui verdoie, mieux vaut flâner du côté de la Cère et de la Jordanne. C'est un bon conseil d'ami... Au moins, la route qui longe l'Alagnon fait traverser Murat, fière cité de caractère adossée aux pieds des montagnes, qu'il faut paraît-il visiter de nuit à la lueur des flambeaux. Je ne m'y suis pas arrêté, le style troubadour du château d'Anterroches, sous le nez duquel on passe, m'ayant paru douteux.


La Planèze de Saint-Flour

Je l'avoue, je voulais voir Saint-Flour pour une raison d'un ridicule insondable. La ville doit son nom à Saint Florus, ou Sant Flor selon les accents chantants d'occitan, obscur évêque du IVe siècle qui prêchait aux confins de l'Auvergne et du Languedoc. Mais flour, c'est aussi le nom anglais de la farine... et qui dit farine dit gâteau! Je vous avais prévenus que ma motivation était vraiment grotesque! À vrai dire, de jolies photographies des deux étages de la ville, entrevues dans les recoins d'internet voilà quelques années, m'avaient déjà mis l'eau de l'Ander à la bouche : j'avais toujours eu envie de visiter Saint-Flour. Dès lors, je suis déçu d'être déçu!


La ville est pourtant loin d'être désagréable : elle est plus imposante que Mauriac, contient plus de monuments historiques, et cependant, je me suis senti nettement mieux dans l'autre sous-préfecture du Cantal. Je crois que ma déception tient avant tout aux paysages de la Planèze, un vaste plateau trop dénudé à mon goût. Depuis le rempart de l'office du tourisme, l'horizon est fermé par des collines défrichées, idéales pour y implanter des éoliennes, auxquelles je suis favorable car il est grand temps de sortir du nucléaire, mais ce n'est pas là une vue qui appelle à la contemplation, même une fois le ciel bleu revenu. Par ailleurs, la plus belle place de la ville, la place d'Armes, est un gigantesque parking à ciel ouvert. On ne peut admirer les monuments qu'avec de la ferraille au premier plan, et ce jusque dans la cour du joli musée de la Haute-Auvergne, ancien palais épiscopal, où les voitures officielles sont garées n'importe comment puisque c'est aussi par-là que les élus accèdent à la mairie. Il faut bien ranger son carrosse quelque part, mais le charme est rompu!


Les rues rattrapent heureusement ce que les places perdent en beauté. Les rues Sorel et Marchande proposent ainsi quelques hôtels particuliers dignes d'intérêt. La rue de Belloy est pour sa part agrémentée de jolies façades (les murs du cloître de l'église Saint-Vincent, la tourelle et la vieille porte au n°1), tandis que la rue des Planchettes permet de longer la chapelle du Grand Séminaire après avoir passé la porte des Tuiles. Espérant trouver de charmants points de vue sur la ville haute, j'ai entrepris de quitter le centre historique, mais j'aurais dû le faire en voiture car la descente à pieds était vraiment moche. Découragé, je suis remonté par la rue Jacques-Paul Migne, où se dresse une tour qui embellit heureusement la promenade. L'austère cathédrale Saint-Pierre est quant à elle plus agréable à l'intérieur que depuis la place d'Armes, sachant que le plus beau monument de la ville reste l'ancienne maison consulaire du XVIe siècle, où est implanté le musée d'art et d'histoire Alfred Douët.


Pour être honnête, la grisaille des pierres de lave confère une beauté singulière à l'ensemble du vieux bourg, mais je n'ai pas eu le coup de cœur qui m'aurait donné envie d'y passer la nuit. Et comme il n'était que 15h, je me suis dit que j'avais le temps d'explorer un peu le sud du département. Mais patatras! Je m'étais garé sur le gigantesque parking Georges Pompidou, à côté duquel se tenait ce jour-là une non moins imposante foire à bestiaux. J'aurais dû me méfier, car je me suis tout bonnement retrouvé pris au piège! Les voitures arrivées après moi s'étaient tellement mal garées qu'il était impossible de sortir de mon allée dans le sens autorisé. De l'autre, des voitures voulant prendre ma place s'étaient déjà engouffrées et commençaient à s'impatienter. L'horreur! Par bonheur, une fée se trouvait dans le même désarroi que moi, au même endroit et au même moment! C'était la plus belle dame que j'ai croisée en Auvergne : blonde comme les blés, élégante comme si vêtue par Edith Head, et parlant d'une voix douce et posée, elle donnait l'impression, malgré ses cinquante ans bien passés, de me retrouver face à elle. Hélas! Une marâtre l'avait affligée d'un très gros défaut, puisque la gente dame jurait comme un charretier! Je vous laisse imaginer ma réaction devant cette dichotomie improbable, tandis que de sa bouche sortaient les plus belles pages de la poésie française. Concrètement, ça donnait ça :


L'avantage, c'est qu'avec un tel discours, elle eut tôt fait de disperser la foule, tant et si bien que tout le monde put sortir du parking en marche arrière, non sans difficultés vu que d'autres voitures tentaient d'entrer dans ce purgatoire en grand nombre. C'est ainsi sans regret que je quittais Saint-Flour, où je crus bien devoir dormir par défaut. Je m'empressai dès lors de gagner l'air libre de la campagne, à commencer par...


Les confins de la Margeride


À dix minutes de Saint-Flour, la Truyère se laisse courtiser par le célèbre viaduc de Garabit, construit par nul autre que Gustave Eiffel dans les années 1880, en préambule à la célèbre tour. Vous allez le voir, les raisons qui m'ont conduit sur ces rivages sont nettement plus sérieuses qu'un simple plaisir gustatif. La première, c'est que les vues du ciel qu'on trouve un peu partout donnent le sentiment d'un ouvrage gigantesque qu'il faut avoir vu au moins une fois dans sa vie. La seconde, c'est Romy Schneider! Regret éternel : L'Enfer d'Henri-Georges Clouzot aurait dû être le chef-d'œuvre français de la comédienne. Malheureusement, celui-ci ne fut jamais terminé, mais les séquences déjà filmées ont été rassemblées par Serge Bromberg et Ruxandra Medrea dans un excellent documentaire consacré à cette œuvre hypnotique, précisément tournée au viaduc de Garabit.

Vous allez me trouver difficile, mais je ne suis pas plus enthousiaste que ça : en août, le paysage est moins vert qu'il n'y paraît, si bien que le rouge éclatant du fer se trouve terni par la rocaille asséchée, et vu de la route, l'ouvrage n'est pas aussi pharamineux que le laisseraient supposer les photographies. Le tout se laisse contempler une dizaine de minutes, mais il n'y a pas de honte à reprendre la route peu après. Celle-ci me conduisit...


Au cœur de l'Aubrac


Si le nom est resté célèbre pour la résistante d'exception, l'Aubrac reste une terre assez rude, aux pentes herbeuses qu'une fin d'août n'aide pas à égayer. Mais ce n'est pas dénué de charme, loin de là! Les rives de la Truyère sont d'ailleurs assez boisées pour constituer une jolie balade, sans toutefois surpasser les gorges de la Rhue ou de l'Allier. La vue la plus édifiante, dans cette partie cantalienne appelée Caldaguès, du nom de Chaudes-Aigues, se situe sur la commune de Fridefont, au belvédère de Mallet. Mallet était tout simplement un bourg à part entière, englouti par les eaux du Bès et de la Truyère lors de la mise en œuvre du barrage de Grandval en 1959. Contempler ce lac de retenue en sachant qu'il dissimule les vestiges d'une vie passée a quelque chose d'assez glaçant, malgré tous les efforts de la base nautique pour animer les environs.


L'ironie de l'histoire, c'est que Fridefont, dont l'administration avait déjà absorbé Mallet avant sa disparition, signifie source froide. Tout le contraire de Chaudes-Aigues, forcément, d'où jaillit l'une des eaux les plus chaudes d'Europe, la source du Par atteignant pas moins de 82 °C! J'ai adoré cet endroit, ses vapeurs vivifiantes et son odeur de souffre qui m'a rappelé les cures que j'avais entrepris dans les Pyrénées il y a tout juste vingt ans. Que de chemin parcouru! La visite du bourg m'a également bien plu, notamment la petite place au-dessus de la source : Chaudes-Aigues est ce que j'ai préféré dans l'est du Cantal, ce qui me fait une fois de plus contredire les guides touristiques qui ne lui attribuaient qu'une étoile. Froides ou chaudes, mortes ou vives, les terres de l'Aubrac sont un lieu de contraste qu'il faut saluer. Je leur ai tout de même préféré la Margeride, en passant par la Lozère...


jeudi 2 septembre 2021

Villages pittoresques du Salersois

Heureusement que les panoramas depuis la D 317 dans le Cantal furent le clou de la matinée, car celle-ci n'avait pas aussi bien commencé que je l'avais espéré. En effet, après avoir passé une excellente nuit à Mauriac, j'avais prévu comme tout le monde de partir au petit matin visiter Salers et le château d'Anjony. Au bout du compte, je n'ai vu ni l'un ni l'autre! J'ai esquivé Salers parce qu'il avait beau n'être que neuf heures du matin, les abords du village étaient déjà infestés de touristes et de camping-cars gigantesques qui se disputaient les quelques accotements encore gratuits avant les panneaux. En outre, des retraités vêtus de doudounes bleu-fluo avaient déjà entrepris de gâcher la beauté des pierres grises en s'engouffrant par vagues phosphorescentes dans toutes les ruelles, ce qui m'a dissuadé de faire une escale dans cet enfer : je reviendrai voir Salers hors saison, peut-être un matin d'automne quand les arbres jauniront. Quant au château d'Anjony, j'ai eu beau appeler à plusieurs reprises pour faire une réservation, je suis toujours tombé sur un répondeur qui répétait en boucle ce qui est déjà marqué sur le site, ce qui m'a prodigieusement agacé. J'ai ainsi préféré partir au hasard sur les petites routes des environs : sachant que la vision d'un arbre suffit à m'enchanter, je n'ai pas été déçu!


Chez Marie-Angélique, duchesse des anges


La première escale eut lieu au village de Fontanges, qui reste laissé pour compte dans les guides touristiques, bien qu'il mérite absolument le détour. Certes, c'est minuscule, et certes, les monuments historiques n'y sont pas légion, mais c'est tout à fait charmant. On ne peut évidemment s'empêcher de songer à l'infortunée duchesse, "belle comme un ange et sotte comme un panier", qui avait ravi le cœur de Louis XIV avant d'être fauchée à la fleur de l'âge, soit parce qu'elle supportait très mal ses grossesses, soit parce qu'elle aurait été empoisonnée par Madame de Montespan. L'air dans le village est heureusement bien moins vicié qu'à la cour : par un beau matin d'août ensoleillé, tout semble paisible, alors qu'une statue gigantesque de la Vierge domine les verts pâturages alentour.


Le bâtiment le plus remarquable est certainement la chapelle monolithe Saint-Michel, creusée dans une roche volcanique au début du siècle dernier. Si ça ne tenait qu'à moi, j'aurais préféré qu'on laissât le rocher tranquille, mais avouons que sa réappropriation par le culte catholique fait son petit effet malgré tout. L'acoustique y étant de bonne qualité, j'y ai même chanté Toutes les nuictz de Clément Janequin. À qui pensais-je à ce moment-là? Top secret!


Après cet interlude musical, je suis allé explorer le haut de la roche pour admirer la vallée de l'Aspre, moins pittoresque que celle de la Jordanne, mais d'une sérénité délectable.


Les deux tours


Après avoir longé la Bertrande, je me suis ensuite retrouvé dans la vallée de la Doire, à Tournemire, où se dresse le château d'Anjony, bien qu'une fois n'est pas coutume ce soit le village qui domine la forteresse et non l'inverse. Cela vient d'une rivalité qui opposait les deux familles qui se partageaient le territoire pendant la guerre de Cent Ans : les Anjony, fidèles à Charles VII, reçurent le droit de faire édifier le château fort en question, au grand dam des Tournemire qui soutenaient l'Anglais. Ainsi, deux châteaux coexistèrent dans ce village minuscule, jusqu'à ce que le plus ancien finisse par disparaître : son dernier vestige est l'église Saint-Jean-Baptiste au centre de la bourgade.


Sans le savoir, j'ai visiblement pris le parti des Tournemire, puisque j'ai exploré l'église de fond en comble alors que j'ai royalement snobé le château d'Anjony. J'aurais sûrement pu demander une entrée, mais il ne m'est pas toujours facile de communiquer. Cela dépend des contextes : je peux être tout à fait sociable si je me sens en confiance, mais si tel n'est pas le cas, je reste dans ma bulle. J'ai très bien su faire pression pour visiter l'hypogée des Dunes de Poitiers sans réservation il y a quelques années, mais curieusement, je n'ai pas trouvé la motivation de demander une place pour le château d'Anjony, alors qu'il en restait sûrement vu qu'il n'y avait que trois touristes en vue. Allez comprendre...


Heureusement, flâner dans le village m'a plu! Et puis, avoir esquivé la visite m'a permis de découvrir la fameuse D 317, que je n'aurais peut-être jamais empruntée à une heure plus tardive, vu que j'aurais sûrement gagné Saint-Flour par les grandes routes : je n'échangerai cette découverte contre aucun château au monde! Autrement, Tournemire en lui-même est fort sympathique, avec ses jolies maisons en pierre de lave et toits de lauze, typiques de la région, qui se pressent autour de l'église, toutes tournées vers le sud, comme il se doit. J'ai pu y errer un bon moment en fin de matinée, avec le bonheur suprême de n'y croiser presque aucun touriste! Tout le monde avait dû se donner rendez-vous à Salers... Ma principale compagnie lors de cette visite fut celle de deux chiens, apparus comme par magie derrière l'une des grandes tours du château, et qui ont remonté tout le village à mes côtés en me faisant la fête. J'étais sincèrement triste de les quitter.


Cas des cols

Le parcours entre Fontanges et Tournemire m'a également permis de découvrir de plaisantes vallées le long de la D 35, véritables hors-d'œuvre avant l'enchantement de la Jordanne et de la Cère.

Voici celle de l'Aspre par le col Saint-Georges.

Celle de la Doire depuis le col de Légal.

Et un joli versant après le col de Bruel, où s'écoule l'Authre ou le ruisseau d'Anma. Je ne me souviens plus de l'endroit exact ou j'ai pris la photo, vu que je me suis arrêté à tous les virages!

L'avantage de ces cols, c'est qu'ils sont exposés aux vents. Ce qui ne pouvait pas tomber mieux! Je me trouvais effectivement très mal coiffé lors de mon séjour en Auvergne et n'avais pas pris le temps de me faire couper les cheveux avant mon départ. J'en étais au troisième mois, ce mois si ingrat où les cheveux ne sont plus assez courts comme je les aime, et pas assez longs pour leur donner du volume. Le vent s'est donc chargé de m'ébouriffer pour un résultat du meilleur effet!

Cette minute "coiffure" vous était offerte par Marie-Angélique!