vendredi 30 août 2013

10 bonnes raisons d'aimer... Miriam Hopkins


En ce moment, je suis occupé sur plusieurs fronts à la fois, de quoi me laisser peu de temps pour vous parler d'Oscars. Mais ne soyez pas tristes, vous allez gagner au change, puisque à la place nous allons évoquer mon plus grand coup de cœur de l'Age d'Or d'Hollywood, et accessoirement l'une des plus grandes actrices de sa génération, à savoir l'immense Miriam Hopkins. Comme vous le savez, Miriam fait partie de cette cohorte d'actrices un peu oubliées de nos jours, de celles qu'on évoque surtout dans les remises de prix virtuelles, sachant que même à ce niveau là, Miriam n'est pas la plus heureuse du lot puisqu'elle est généralement laissée pour compte dans bien des listes, entre ceux qui la trouvent trop over the top et ceux qui ne voient en elle qu'une figure posée là pour faire joli (???). Pourtant, Miriam est indéniablement un talent d'exception, et si quelqu'un mérite de connaître une renaissance dans les mémoires de cinéphiles, c'est bien elle. Mais alors, pourquoi faut-il redécouvrir de toute urgence la filmographie de celle qui fut en son temps l'une des plus grandes stars des années 1930?

Design for Living
Parce qu'elle a du caractère. Bette Davis, qui la détestait, ne s'est jamais privée d'évoquer sa personnalité réputée difficile, Fredric March l'a décrite comme une voleuse de scènes, et les étudiants d'Harvard ont conclu qu'elle était la dernière personne avec qui souhaiter se retrouver sur une île déserte. Whatever! C'est justement ça qui est bon, et plus une actrice a de caractère, plus elle est susceptible de me plaire. A ce titre, je suis servi, car Miriam s'est toujours révélée diablement charismatique à l'écran, s'arrangeant toujours pour laisser une très forte impression, quitte à voler effectivement la vedette à ses partenaires (même Olivia de Havilland dans The Heiress, à mon goût!). Et même si vouloir tirer la couverture à soi dans des dialogues n'est pas systématiquement une bonne chose, ceci ne pose jamais problème chez Miriam puisqu'elle a souvent incarné des femmes fortes, de celles qui agissent par elles-mêmes et ne se laissent jamais marcher sur les pieds, y compris devant d'affreux gangsters ou d'effrayants pervers. Donc si vous aimez les femmes piquantes, les héroïnes hopkiniennes sont des must see.

Trouble in Paradise
Parce que sa filmographie a la classe. Miriam n'a peut-être pas toujours fait que des choix judicieux dans sa carrière (ayant apparemment refusé It Happened One Night pour des raisons... astrales!), elle s'est quand même arrangée pour tourner sous la baguette de réalisateurs tels Ernst Lubitsch, Rouben Mamoulian, King Vidor, Howard Hawks, William Wyler, Anatole Litvak, Edmund Goulding, Michael Curtiz ou encore Arthur Penn, ce qui est déjà assez impressionnant. Et sa filmographie est d'autant plus mythique que certains des films en question sont de véritables petits bijoux, voire des chefs-d'oeuvre absolus! D'ailleurs, même si ces projets n'ont pas tous été de grandes réussites, les textes de départ témoignent d'une exigence qui ne peut que rendre jaloux: Thackeray, Stevenson, Henry James, Noël Coward, William Faulkner, Lillian Hellman, Theodore Dreiser... excusez du peu! En outre, Miriam aura eu l'occasion de donner la réplique à des monstres sacrés tels Carole Lombard, Claudette Colbert, Fredric March, Lionel Barrymore, Gary Cooper, Edward G. Robinson, Gertrude Lawrence, Bette Davis, Olivia de Havilland, Ralph Richardson, Montgomery Clift, Laurence Olivier, Audrey Hepburn, Shirley MacLaine et bien d'autres encore, de quoi rendre son parcours tout à fait palpitant.

These Three
Parce qu'elle est versatile. Contrairement à bon nombre de ses consœurs qui ont joué des rôles similaires d'un film à l'autre, Miriam a au contraire incarné des types de personnages très variés, dans des registres tous plus différents les uns que les autres. Au cours d'une même année, elle a très bien pu passer d'une princesse guindée (Le Lieutenant) à une prostituée victorienne sexy en diable (Dr. Jekyll), ou jouer des mondaines Art déco (Design) sachant s'adapter avec une facilité déconcertante à la vie rurale (Stranger's Return), tout cela avant de se retrouver en sociopathe en jupons (Becky Sharp), en institutrice bafouée par de fausses rumeurs (These Three), en grandes dames du New York du XIXe siècle (The Old Maid, The Heiress), ou encore en chanteuse de saloon au beau milieu d'un western (Virginia City). De plus, on retrouve cette versatilité notoire dans son jeu, puisque si elle a souvent joué sur des notes over the top, elle a également su faire preuve de bien plus de subtilité et de retenue dès que le personnage le demandait. A vrai dire, même Bette Davis n'a pu s'empêcher de reconnaître que Miriam fut une très grande actrice, ce qui dans sa bouche n'est pas la moitié d'un compliment!

The Story of Temple Drake
Parce que malgré son physique de Boucles d'Or, elle n'a jamais eu peur de présenter des personnages fondamentalement antipathiques, voire sordides. Sans mentir: une voleuse de bijoux (certes sympathique, mais voleuse quand même!) dans Trouble in Paradise, une arriviste amorale prête à tout anéantir sur son passage pour parvenir au sommet (Becky Sharp), une grande bourgeoise maintenant consciemment sa cousine dans un triste état (The Old Maid), une insupportable romancière futile au possible prête à tout pour surpasser sa cousine adorée (Old Acquaintance), une drôlissime matriarche asphyxiante et méprisante envers tout un chacun (The Mating Season), une drama queen complètement irresponsable (The Children's Hour)... autant de protagonistes difficilement appréciables que le talent de Miriam est pourtant parvenu à rendre attachants d'une façon ou d'une autre. Et dans le registre sordide, difficile d'être plus courageuse quant à montrer des personnages très glauques dans des intrigues d'une noirceur sans égal (Dr. Jekyll, Temple Drake).

The Smiling Lieutenant
Parce qu'elle est très drôle. Si vous regardez attentivement sa filmographie, vous la verrez tour à tour passer d'une princesse totalement coincée à une jeune femme épanouie et libérée (The Smiling Lieutenant), résister à la tentation de dérober des bijoux sous un look de secrétaire modèle (Trouble in Paradise), entarter un fermier aux yeux plus gros que le ventre (The Stranger's Return), se lancer dans un formidable ménage à trois (Design for Living), faire chavirer une barque par pure jalousie (The Richest Girl in the World), jouer à une poursuite amoureuse dans un arbre (Woman Chases Man), tenter de se laver dans une salle de bain ouverte comme un hall de gare, ou encore marcher accroupie dans un magasin de jouets pour ne pas se faire repérer (Wise Girl). Or, ça n'a l'air de rien décrit comme ça, mais remises dans leur contexte ces situations sont à mourir de rire! Cependant, là où Miriam ne se contente plus d'être sympathiquement drôle pour atteindre de véritables sommets de comédie, c'est lorsqu'elle part dans un sur-jeu excessif qui fait de véritables merveilles. Pour ça, revoir Old Acquaintance et The Mating Season, mais surtout son morceau de bravoure le plus fabuleux: Becky Sharp! Car Miriam, c'est l'art de lancer des livres sur de vieux puritains guindés, c'est l'art de jouer à la vertueuse jeune fille un sucre d'orge à la main, mais c'est aussi l'art de ramener les guerres napoléoniennes à un petit-déjeuner!

The Heiress
Parce qu'elle est émouvante. Non contente d'avoir été touchante dans sa transformation princière dans The Smiling Lieutenant, Miriam peut aussi se targuer d'avoir joué une grande scène d'ivresse (Men Are Not Gods), d'avoir lancé un regard éprouvant dans une scène finale traumatisante (The Children's Hour), d'avoir su évoquer à la perfection la ligne entre désir et regret dans une relation amoureuse (The Stranger's Return), ou encore d'avoir fait montre de compassion sincère pour ceux qu'elle aime (The Heiress), sans parler de ce dernier dialogue bouleversant avec Jane Bryan dans The Old Maid. Et bien sûr, n'oublions pas ses appels au secours déchirants dans Dr. Jekyll, ni son rôle parfaitement juste et intensément émouvant dans These Three.

The Old Maid
Parce qu'elle est l'ennemie jurée de Bette Davis. Eh oui, le monde a beau avoir les yeux rivés sur les vieux travelos masochistes de Baby Jane, il ne faut pas oublier qu'avant de guerroyer avec acharnement contre Crawford, Bette s'est tout d'abord battue bec et ongles contre Miriam herself! Et pour le fan de divas flamboyantes que je suis, ces duels ne manquent pas de me faire jubiler. Il est d'ailleurs amusant de noter que dans leurs deux collaborations, c'est toujours Miriam qui s'impose comme mon principal coup de cœur, justement parce qu'elle joue à chaque fois le rôle le plus antipathique, et donc le plus difficile. Franchement, pensez-vous qu'il soit facile de faire rire aux éclats deux heures durant avec un personnage creux et futile? Croyez-vous qu'il soit aisé de trouver le parfait équilibre entre antipathie et sympathie quand votre rivale incarne une héroïne tragique destinée à davantage marquer les esprits? Non, et Miriam s'est justement tirée de ces exercices avec un brio qui ne laisse plus aucun doute sur l'éclat de son talent.

Virginia City
Parce qu'elle lève la jambe mieux qu'aucune autre. Et à ce petit jeu, elle écrase allègrement sa compétition passablement plus jeune qu'elle. Et tant qu'on est dans le domaine du physique, atout essentiel dans ce genre de métiers, force est de reconnaître qu'on est loin de se faire arnaquer avec Miriam, à mon avis l'une des plus jolies actrices de son temps. Mais l'essentiel dans tout ça, c'est de revoir la phénoménale scène de la chambre dans Dr. Jekyll and Mr. Hyde: attention les yeux, ça fait mal!

Becky Sharp
Parce qu'elle est cultivée et que sa conversation devait être fichtrement enrichissante. En effet, Miriam était plutôt du genre à fuir les paillettes pour parler littérature, ce qui reste une véritable bouffée d'air frais dans ce monde artificiel au possible qu'est Hollywood. D'ailleurs, Miriam était connue pour prendre grand soin de sa bibliothèque, sa collection de livres étant presque aussi importante à ses yeux qu'un Oscar. Presque, ceci dit, car lorsque Bette Davis a remporté une statuette pour Jezebel, rôle créé sur scène par Miriam elle-même, sa bibliothèque a visiblement servi de défouloir. Cerise sur le gâteau, Miriam était réputée pour ne pas aimer la grossièreté ou les jeux de mots vulgaires, ce qui me touche bien plus qu'on ne pourrait l'imaginer.

Dr. Jekyll and Mr. Hyde
Parce qu'elle a été injustement snobée aux Oscars alors que nombre de ses performances restent totalement dignes d'une consécration. L'une des principales raisons avancées est qu'avoir eu un caractère difficile et n'avoir pas joué le jeu de l'hypocrisie hollywoodienne l'ont empêchée de devenir populaire parmi ses collègues, au point d'être systématiquement ignorée lors des nominations, sauf en 1935 où l'on ne pouvait faire l'impasse sur cette grande production qu'était Becky Sharp. La preuve la plus flagrante, c'est qu'on l'a snobée en 1949 pour son second rôle dans The Heiress (alors que même les Globes l'avaient sélectionnée!), et qu'au lieu d'offrir à Mercedes McCambridge l'occasion de vaincre avec périls et triompher avec gloire, on a préféré lui donner une compétition franchement insignifiante. Robert Redford aurait de son côté déclaré que Miriam (sa mère à l'écran), aurait dû recevoir une nomination pour The Chase, ce qui ne fut évidemment pas le cas. Et pour compléter le tableau, alors que la critique s'est extasiée à l'unanimité sur sa sublime performance dans Dr. Jekyll, il a fallu que la censure s'en mêle et coupe ses meilleures scènes, jusqu'à l'empêcher d'être sélectionnée pour un prix. Miriam n'eut donc pas l'occasion d'avoir une grande histoire d'amour avec les Oscars, mais si l'on prend en compte tous les rôles énumérés dans cet article, impossible de nier qu'il y avait largement matière à triomphe. Et à ceux qui m'objecteront que Miriam a terminé sa carrière sur Savage Intruder, j'aimerais rappeler que Joan Crawford a fait de même avec un gros singe préhistorique, que Bette Davis a eu son histoire pourrie de sous-marin écossais, que Joan Fontaine s'est fait renverser par un troupeau de moutons, que Olivia de Havilland a eu ses abeilles tueuses quand Myrna Loy s'est chargée des fourmis. Donc on arrête tout de suite, et on laisse Miriam tranquille!

En somme, s'il y a une personne à Hollywood qui mérite amplement d'être redécouverte, c'est bien MIRIAM HOPKINS! Alors, si ce n'est déjà fait, jette-toi séance tenante sur ses plus grands rôles, tu ne le regretteras pas!



2 commentaires:

  1. Si tu tombes sur le livre d'entretiens de John Kobbal, il y a une longue et intéressante interview de Miriam Hopkins (dont je suis absolument fan aussi)qui a l'air aussi barrée que ce que peut attendre. (Cela dit tu dois connaître parce qu'il y a aussi une longue interview de Bankhead).
    A propos des oscars elle dit quelque chose d'assez amusant : "j'ai tourné dans 7 (je ne sais plus le chiffre exact) films nommés, mais je n'ai jamais remporté le prix. "Always a bridemaid, never a bride"
    En fait c'est formulé de tel sorte qu'on pourrait penser que c'est elle qui a été nommée sept fois. Subtilement elle se fait entrer dans la catégorie Russell ou Dunne, alors qu'elle était plutôt dans la catégorie Merle Oberon.

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    1. A vrai dire, je n'ai pas lu les entretiens de John Kobbal. Mais un grand merci pour la source (d'autant plus si ça parle également de Tallulah)!

      Quant à la citation: bonheur! Une formulation qui renforce mon estime pour son esprit, malgré son unique nomination. Si ça ne tenait qu'à moi, elle en aurait reçu au moins quatre, voire une cinquième en fin de carrière, ça dépendra de la concurrence en face.

      Et ravi de savoir qu'il y a d'autres personnes absolument fan de Miriam, elle le mérite amplement!

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