dimanche 31 janvier 2021

Random Harvest


 
Je suis en préparation de l'inventaire des actrices commençant par la lettre B, mais celui-ci sera... trois fois plus long que la lettre A! Alors autant dire que je suis loin d'avoir fini. Cependant, je voulais tout de même poster un article en janvier, histoire de marquer le coup, alors voici quelques pensées en vrac sur des films (re)découverts ces deux derniers mois. Évidemment, j'étais supposé écrire un article court, et celui-ci se retrouve finalement aussi long que mon inventaire d'actrices: je suis incorrigible!


Films de ma génération


Jeux de mains (Hands Across the Table) (1935). Film américain de Mitchell Leisen, avec Carole Lombard, Fred MacMurray et Ralph Bellamy, sur une esthéticienne à la recherche d'un homme fortuné dans un grand hôtel new-yorkais.

Dans la filmographie de Carole Lombard, Jeux de mains a toujours été l'opus le plus déconcertant. Ça reste une comédie, mais le ton y devient si mélancolique que je préférais généralement voir l'actrice dans des rôles plus amusants. Pourtant, après redécouverte, je me demande s'il ne s'agit pas de sa plus belle interprétation, car elle fait montre d'une force de conviction impressionnante lors des moments sérieux. Peut-être que voir le film pour la première fois sur grand écran (c'est-à-dire pas sur ordinateur) m'a permis d'entrer davantage dans l'histoire, mais j'ai vraiment été touché par les questionnements intérieurs de l'héroïne. Sans compter que, pour nuancer à merveille ces élans tragiques, le fou rire des Bermudes reste absolument irrésistible! Pour tout dire, j'ai quasiment redécouvert le scénario dont j'avais presque tout oublié, et le film reste vraiment très bon, meilleur que dans mon souvenir. En revanche, il est terrifiant de constater à quel point cette œuvre, plus encore qu'un autre film avec le mot "jeux" dans la traduction, Jeux dangereux, préfigurait la mort de l'actrice. Entre sa façon de demander si voyager en avion est périlleux, alors qu'elle en regarde une maquette, et sa manière de jouer son destin en fonction de la numérologie, les parallèles avec l'événement épouvantable qui devait avoir lieu sept ans plus tard sont réellement bouleversants.


Mayerling (1936). Film français d'Anatole Litvak avec Danielle Darrieux et Charles Boyer, sur le suicide de l'héritier des Habsbourg et de sa maîtresse en 1889.

J'en avais un souvenir très flou, avec pour seule certitude que je ne l'avais pas aimé adolescent. J'ai malheureusement la même impression après revisite, alors que la recette contient tous les ingrédients qui devraient me plaire: l'empire d'Autriche, Sissi impératrice, Danielle Darrieux, sombres élans du Romantisme, vie mondaine viennoise, promenades en traîneau sous la neige... Plus que jamais, Mayerling est le film que je suis supposé aimer et qui me laisse pourtant de glace. Les longs dialogues enfermés dans une mise en scène peu dynamique m'ennuient, le surjeu nerveux de Charles Boyer ne m'émeut pas, son alchimie avec sa partenaire reste franchement discutable, et même la divine Danielle est, en début de carrière, affublée d'une voix mal placée qui manque de grâce, malgré un côté pétillant dans les scènes au Prater qui la rend tout de même irrésistible. Mais vraiment, quelle torpeur! Seul le bal à la cour m'a fait vibrer, lorsque Maria refuse de s'incliner devant Stéphanie de Belgique, mais ça n'est hélas pas suffisant à rendre l'ensemble divertissant. Je préfère, de très loin, la magnifique Katia de Maurice Tourneur (1938), qui sur un thème similaire reste cent fois plus vivace, et contient la plus belle performance de la décennie de Danielle Darrieux.


Le Ciel est à vous (1944). Film français réalisé par Jean Grémillon, avec Charles Vanel et Madeleine Renaud, inspiré de la vie d'Andrée Perron, l'une des grandes aviatrices du XXe siècle.

Je suis très content d'avoir enfin eu l'occasion de regarder Le Ciel est à vous, qui était sur mon radar depuis bien longtemps. Le talentueux Jean Grémillon cherche moins à verser dans le spectaculaire (on verra quelques loopings de loin mais guère plus), qu'à étoffer ses personnages, et vu les pointures qui les incarnent, la réussite ne pouvait qu'être au rendez-vous. Madeleine Renaud y joue l'épouse charmante d'un garagiste, toujours très digne, comme souvent avec elle, mais capable de fermeté, et qui se surprend à rêver à l'inimaginable. Le conflit entre la mère et la fille est d'ailleurs passionnant car, autant la première soutien la seconde dans son parcours musical, autant elle devient beaucoup plus dure avec celle-ci dès lors qu'elle-même trouve sa voie. La comédienne est sans surprise excellente, touchant par son enthousiasme communicatif qui ne nuit en rien à la retenue du personnage, mais la cerise sur le gâteau est bel et bien Charles Vanel, qui s'impose de plus en plus comme mon acteur français favori de la période. Il trouve ici le rôle d'un homme très simple qui laisse son épouse le surpasser dans ses désirs propres, et autant dire qu'il y est incroyablement bouleversant.


Films de p'tits jeunes


Casino Royale (1967). Film britannique réalisé par 50 personnes, avec autant d'interprètes non moins connus, dont Peter Sellers, David Niven et Deborah Kerr pour les plus intéressants. C'est une parodie comique des aventures de James Bond, quarante ans avant le chef-d'œuvre de la franchise officielle.

Alors, c'est bien aimable de vouloir divertir dans l'allégresse générale, mais si l'histoire est aussi cohérente que la gestion du virus par le gouvernement, autant dire qu'on ne comprend plus rien à rien et qu'on finit par se désintéresser très vite de la question. Il y a tant d'intrigues parallèles dans ce récit décousu qu'il serait vain d'y chercher une ligne directrice, et l'humour britannique est d'ailleurs si peu ma tasse de thé que j'ai décroché après le premier acte écossais. Mais je suis terriblement déçu: voilà quinze ans que je cherchais ce film, et j'espérais au moins sourire plus d'une fois. Ça n'empêche pas Deborah Kerr de surprendre agréablement à contre-emploi, dans le rôle d'une comtesse faussement austère mais réellement délurée, qui tente de coucher avec l'espion ou, à défaut, de jouer de la trompette alors qu'elle est aussi bourrée que Tallulah lors d'une orgie! En dehors d'elle, je me suis ennuyé: David Niven est d'un flegme tout anglais qui ne sort pas des sentiers battus, les comiques de l'époque, Peter Sellers et Woody Allen, font leur travail correctement mais sont impliqués dans des scènes vulgaires avec des femmes dévêtues, et la pauvre Ursula Andress n'est encore une fois utilisée que pour son physique.


Le Diable par la queue (1969). Film français de Philippe de Broca, avec Madeleine Renaud, Yves Montand et Maria Schell, sur une famille d'aristocrates qui tente par tous les moyens de s'approprier le butin d'un mafieux italien.

Si ma visite au casino précédent m'a royalement déçu, je suis en revanche ravi d'avoir revu Le Diable par la queue pour la première fois depuis l'adolescence. Ici, les personnages sont tous hautement sympathiques, les péripéties sont constamment drôles, et même les rebondissements les plus licencieux sont traités bien plus finement que dans la comédie anglaise: Maria Schell, à qui l'on demande sans détour de se prostituer, a au moins le mérite de tomber réellement amoureuse de son hôte. J'adore l'actrice, mais elle n'est pas vraiment la lumière de la distribution cette fois-ci: le casting est surtout dominé par la présence impériale, mais si attachante, d'une Madeleine Renaud absolument délicieuse en marquise peu recommandable, rôle plus léger que ses personnages vertueux de jadis, qui aurait dû lui valoir l'équivalent du César de l'époque. Yves Montand est lui-même brillant en crapule qu'il est impossible de détester, Clotilde Joano est quant à elle délirante en pianiste mélancolique, tandis que Jean Rochefort, Marthe Keller, Jean-Pierre Marielle et tous les seconds rôles complètent joliment la distribution. Tous ces talents réunis ne forment pas exactement un chef-d'œuvre, mais l'humour est toujours au rendez-vous, et l'atmosphère de vacances au château reste tout à fait délectable: on n'en demande pas plus!


Orgueil et Préjugés (Pride and Prejudice) (1980). Mini-série britannique mise en scène par Cyril Coke, avec Elizabeth Garvie et David Rintoul. Une adaptation méconnue du chef-d'œuvre de Jane Austen, dont je n'avais jamais entendu parler avant le mois dernier!

Et elle ne manque d'ailleurs pas de charme, bien qu'elle soit complètement éclipsée par la version des années 1990 avec Jennifer Ehle, et par la photographie chaleureuse de la version cinéma de 2005. Disons que ce petit budget accuse un peu son temps, avec sa mise en scène pour le moins télévisuelle, ornée de scènes de bal qui n'ont l'air d'avoir que trois figurants. Son plus grand défaut reste néanmoins Mr. Darcy, ici affublé de ce qu'il faut bien appeler un balai dans le séant: raide et sans expression, quasiment désincarné, il est moins un personnage en tant que tel que la projection des préjugés d'Elizabeth, mais on a bien du mal à imaginer qu'il puisse lui inspirer de plus doux sentiments à mesure que leurs rencontres se succèdent. Mais en dehors de lui, l'interprétation est excellente: la scénariste a notamment eu le bon goût d'adoucir le caractère de l'infernale Mrs. Bennet, qui sans renier l'esprit, si tant est qu'elle en eût, du personnage en devient beaucoup plus supportable. Elizabeth Garvie porte quant à elle les cinq épisodes avec un talent et une force de caractère des plus appréciables, d'autant qu'elle chante bien, ce qui ajoute à la joliesse de l'ensemble. La plus belle surprise vient néanmoins de Lady Catherine, à laquelle une Judy Parfitt d'une quarantaine d'années prête ses traits: tout en conservant la hauteur désagréable de la dame, elle sort des sentiers battus en proposant le portrait d'une femme dans l'éclat de la maturité, de quoi donner un nouveau souffle à son parcours, alors que toutes les autres adaptations en font une vieille dame par trop caricaturale. Une très belle séquence, totalement inventée mais justement passionnante par son innovation, est celle qui permet à Anne de Bourgh de prendre les mains d'Elizabeth lors de leurs adieux: c'est à ce jour la seule adaptation qui cherche à donner un peu de personnalité à cette jeune femme, devant qui même Jane Austen ne s'est jamais départie de ses préjugés.


Films récents


La Maison Saddam (House of Saddam) (2008). Mini-série anglo-américaine créée par Alex Holmes, Stephen Butchard et Sally El Hosaini, avec Yigal Naor et Shohreh Aghdashloo. L'histoire relate la carrière de Saddam Hussein, de sa prise du pouvoir en 1979 à sa chute en 2003.

Je suis incapable de vous dire si c'est fidèle à la réalité historique vu mes connaissances fort lacunaires sur la question, mais c'est assurément passionnant: les quatre épisodes se regardent d'une traite, et l'ensemble est assez nuancé pour captiver en permanence, avec des scènes détendues telle l'ouverture sur la fête d'anniversaire qui dérivent sur des meurtres en série absolument terrifiants. L'interprétation est également de qualité, avec en tête un Yigal Naor très doué pour montrer les multiples facettes d'un homme répugnant mais complexe, son seul défaut restant ses discours exaltés peu convaincants ("This is my countryyy!"). Autrement, Shohrheh Ahghdhahshlhoo pleure très bien dès qu'elle perd un proche, ce qui, avec un mari pareil arrive en moyenne tous les cinq ans; et Amr Waked est fascinant dans le rôle du gendre modèle qui fait volte-face.

Par contre, certaines scories me dérangent. D'abord, entendre les comédiens parler anglais pendant quatre heures. Certes, il s'agit là d'une série occidentale destinée à un public anglophone, mais dans la mesure où l'ensemble de l'intrigue tourne autour de la haine du président mégalomane pour les États-Unis, un dialogue en arabe sous-titré eût été nettement préférable. Par ailleurs, les femmes sont entièrement sous-exploitées: on ne connaît jamais rien de leurs sentiments alors qu'il y avait largement moyen en quatre heures d'en dire plus à ce sujet. Par exemple, les filles de Saddam sont mariées de force dans le premier épisode, puis on les retrouve éperdument amoureuses de leurs maris quinze ans plus tard, mais on aurait aimé savoir comment elles en sont venues à aimer sincèrement ces hommes choisis contre leur gré. Et que dire des épouses? La deuxième, Samira, est sommée de divorcer pour n'apparaître ensuite que pendue au cou de son nouveau mari, sans que l'on parvienne à appréhender son cheminement intérieur, tandis que Sadjida, la première, est présentée comme la mère modèle chaste, pure et innocente, alors que l'on parle tout de même d'une personne qui aurait peut-être eu un rôle actif dans le meurtre et la torture de proches ou d'opposants politiques.

Malgré tout, la série est prenante en l'état, même si très dure à regarder: 95% des personnages sont criblés de balles en direct, ce qui reste difficilement soutenable. Chaque épisode se concentre sur un moment-clef de la carrière de l'ancien président irakien: la prise du pouvoir et le massacre de Doujaïl au début des années 1980, la guerre du Golfe, la trahison du gendre dans les années 1990, et la traque par l'armée américaine. L'amitié qui se noue entre le dictateur et un enfant des environs, alors que tout est perdu, n'est pas forcément du meilleur goût, à trop chercher à tirer sur la corde sensible et romanesque; tandis que le point de vue occidental, vous apprenant que les Américains sont des héros qui n'ont fait la guerre que par altruisme, pour libérer les gentils Irakiens du joug de l'oppresseur, est quant à lui hautement contestable. Cherchez l'euphémisme. Mais comme thriller politique, ça n'en reste pas moins divertissant.


Mustang (2015). Film turc réalisé par Deniz Gamze Ergüven, avec Güneş Nezihe Şensoy, Nihal Koldaş et Burak Yiğit. L'histoire de cinq sœurs en butte au patriarcat dans un village reculé d'Anatolie.

Je voulais le voir depuis sa sortie en salle, mais l'occasion ne s'est présentée que maintenant. Ça tombe bien, c'est le gros coup de cœur de ce début d'année! L'histoire est pourtant très dure, puisque les filles y sont emprisonnées, pour ne pas dire emmurées, dès qu'elles atteignent l'adolescence, par un père qui leur fait subir des choses épouvantables avant de les marier de force. Heureusement, les héroïnes ne perdent en rien leur dynamisme et leur ingéniosité, ce qui donne beaucoup de rythme à ce récit déprimant, cependant éclairé par la complicité qui se noue entre les sœurs. La grand-mère est sûrement le personnage le plus complexe du film, puisqu'elle n'a pas forcément mauvais fond, bien qu'elle aime mieux fermer les yeux sur la réalité des choses, et respecter les traditions, plutôt que prendre la défense des victimes. Décidément, 2015 restera dans mon esprit l'année de la sororité: Mustang est désormais mon film favori, à égalité avec Notre petite sœur de Kore-eda. Je lui aurais donné l'Oscar du film étranger, devant Le Fils de Saul et L'Étreinte du serpent.


HHhH (2017). Film français, mais anglophone, de Cédric Jimenez, avec Jason Clarke et Rosemund Pike. Le titre signifie Himmlers Hirn heißt Heydrich, soit le cerveau d'Himmler s'appelle Heydrich, et raconte la carrière du nazi Reinhard Heydrich.

Ce qui est étrange, c'est qu'il s'agit de deux films en un: la première partie est consacrée à l'ascension du personnage principal au sein du régime nazi, épaulé en cela par son épouse; avant que tout le monde disparaisse pour faire place aux deux résistants tchécoslovaques, Jan Kubiš et Jozef Gabčík, qui ont projeté son assassinat. Malheureusement, cette structure ne fonctionne pas. Soit on introduit tous les personnages dès le départ, soit on s'arrange pour trouver des échos entre les deux histoires (et il y en a pléthore!), mais c'est comme une dissertation: on ne peut pas écrire "I, les nazis; II, les résistants; III; ah zut, c'est l'heure, vite, une conclusion où tout le monde se croise!" En outre, un certain problème de rythme, quel que soit l'acte concerné, et une certaine complaisance pour la violence, ont eu du mal à m'intéresser à tout cela. Je ne peux même pas dire que l'interprétation m'ait bouleversé: le merveilleux Jason Clarke, qui m'avait impressionné dans Mudbound et Gatsby ces dernières années, est ici enfermé dans un rôle bestial et glacial sans réelle nuance, sauf au tout début lors de son passage en cour martiale; tandis que Rosemonde Pique, d'abord troublante en femme de caractère indépendante et admiratrice acharnée du régime, finit bêtement coincée dans un rôle d'épouse trompée de plus en plus impersonnelle. Le film a surtout le défaut de ne pas réussir à se démarquer des autres œuvres traitant du nazisme: il y en a eu tant et tant qu'il eût fallu une mise en scène exceptionnelle pour lui permettre de rester dans les annales.


Un Jour de pluie à New York (A Rainy Day in New York) (2019). Film américain de Woody Allen, avec Elle Fanning, Timothée Chalamet et Cherry Jones, sur un couple d'étudiants en weekend à New York, qui n'arrivent jamais à se retrouver au gré de divers quiproquos.

La sortie de ce film fut entachée par les accusations d'agressions sexuelles portée par la fille adoptive du metteur en scène contre son père, mais avec tous les sons de cloche que l'on entend des deux côtés, je ne me permettrai pas de me faire une opinion sur une question qui ne me concerne pas. Tout ce que je sais, c'est que Woody Allen a fait de très mauvais films ces dernières années, mais que j'avais quand même envie de m'évader virtuellement dans les rues de New York devant une comédie romantique convenue. Sans surprise, l'histoire est absolument lamentable: Elle Fanning y incarne une blonde idiote et inculte que son mec méprise dès le départ, tant et si bien qu'on connaît déjà la fin avant même le début. Surtout, c'est un abysse de misogynie: pour bien montrer qu'il est cultivé, le héros passe tout son temps à sortir des références prémâchées afin d'instruire sa copine ou sa pute, sauf que ça n'est même pas satirique puisque les pauvres filles finissent jetées à la rue, tandis que monsieur part s'épanouir dans une relation fraîche et spontanée avec son équivalent féminin: on reste dans l'entre-soi aristocratique de Park Avenue après avoir éliminé la menace que représentait la petite amie de classe moyenne supérieure, chaque strate sociale reste à sa place et tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Seule la mère, incarnée par l'inimitable Cherry Jones, a l'art de transcender les castes, mais ce n'est pas en une unique scène aberrante de deux minutes qu'elle parvient à convaincre. Le pire, c'est que ce héros épouvantable est joué par l'acteur le plus insupportable de sa génération, Timothée Chalamet, qui incapable d'apporter un peu de nuance à son personnage à clichés se contente sottement d'imiter le Woody Allen des années 1980, avec une léthargie qui le rend d'autant plus imbuvable. Sauf que les personnages snobs de l'univers allenien du temps jadis étaient bien plus complexes que cela, qu'on pense à l'acteur-réalisateur et sa maladresse comique, ou à Diane Keaton avec ses doutes et ses névroses. Ici, le seul personnage un tant soit peu consistant est l'épouse trompée de Jude Law à laquelle Rebecca Hall prête ses traits, mais avec une seule minute de temps d'écran, autant dire que son effet est réduit à néant.


La Vie invisible d'Eurídice Gusmão (A Vida Invisível) (2019). Film brésilien de Karim Aïnouz, avec Carol Duarte, Júlia Stockler et Fernanda Montenegro. L'histoire est centrée sur deux sœurs séparées de force par un père répugnant: l'une est jetée à la rue parce que tombée enceinte hors mariage, l'autre mariée de force par le patriarche, qui ment délibérément sur la situation de l'une dès que l'autre lui demande de ses nouvelles.

L'histoire est vraiment touchante, comme toujours dès qu'il s'agit d'une relation fusionnelle, mais j'aurais aimé... aimer davantage. C'est assurément un bon film, mais quelque chose dans la naïveté de Guida, qui s'imagine que le premier marin venu est le grand amour, ne m'a pas vraiment convaincu; de même qu'un propos parfois très cru a choqué mes oreilles d'impératrice, à l'image de la même Guida qui ne trouve rien de mieux à dire que... son rendez-vous galant lui donne envie, dirons-nous, d'aller aux toilettes, il m'est impossible de prononcer le mot qu'elle emploie. En dehors de ça, c'est vraiment bien: on aurait peut-être apprécié un rythme plus vivant, ou une légère réduction du métrage, mais je n'ai pas grand chose à redire dans le fond. Il est très triste de suivre ces destins brisés, et de voir ces personnages attachants ne pouvoir vivre leurs rêves, surtout la pianiste de génie coincée dans un mariage gris. Mais cela donne aux comédiennes beaucoup de grain à moudre, ce dont elles se tirent avec tous les honneurs, bien que les seconds rôles soient encore plus brillants, dont Bárbara Santos, renversante, et la légendaire Fernanda Montenegro, évidemment sensationnelle dans la version âgée d'Eurídice.


Allez, c'est tout pour aujourd'hui. Y a-t-il des films, ou livres, sur lesquels vous aimeriez connaître mes opinions?


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