dimanche 11 février 2024

L'année du Dragon


Bonne année ! Depuis cette nuit, nous sommes entrés dans l'année du Dragon d'après le zodiaque chinois. Vous me direz à juste titre que l'astrologie est un loisir hautement contestable, mais il reste divertissant d'analyser son caractère à l'aune des animaux folkloriques d'Orient. Je ne pense pas qu'il y ait un quelconque déterminisme astral car nous sommes toutes et tous bien trop complexes pour nous résumer à des traits choisis par la tradition, sans parler des horoscopes qui sont des tissus de mensonges : Miriam Hopkins, qui a refusé des rôles juteux pour des raisons astrologiques, en est témoin !


Malgré tout, ayant la chance d'être du signe du dragon, qui est aussi mon animal fétiche depuis toujours, avant même de savoir qu'il illustrait mon année de naissance, je suis ravi de le savoir mis à l'honneur pour un an ! Sans compter que le dragon reste le symbole par excellence de l'Asie, continent d'où je tire une partie de mes origines sans pouvoir néanmoins les retrouver via l'état civil : je n'ai que le métissage de ma grand-mère et de sa fratrie comme première piste, et je ne suis pas sûr de vouloir faire un test ADN pour tâcher de trouver le pays d'où nous pourrions venir.


Pour sûr, j'ai baigné dans les différentes cultures asiatiques grâce à ma grand-tante, qui a passé sa vie à voyager à travers le monde et qui vivait entourée de chinoiseries qui meublent aujourd'hui mon domicile. Un peu à la manière de Mame Dennis, mais avec des coups d'éclat typiques de la folie qui est aussi, de façon bien moins glorieuse, l'un de nos héritages dans cette branche. Cependant, bien qu'elle fût pour le moins compliquée avec la plupart des gens, nous nous sommes toujours très bien entendus, et c'était quand même super chouette d'aller chez elle et de manger des algues avec des baguettes pour le goûter !


Avec toutes ces découvertes exotiques faites dans l'enfance, je suis moi-même passionné par l'Asie. Et comme je suis aussi un idéaliste doublé d'un grand rêveur, il n'est guère étonnant que je sois envoûté par une créature aussi mythique que le dragon. Il n'est pourtant pas toujours facile de s'identifier au dragon dans un pays aussi étroit d'esprit que la France, comme en témoigne l'image négative dont souffre cet animal dans notre architecture. Ainsi, il n'est pas une église romane de ma région qui ne mobilise une hagiographie meurtrière à l'égard des dragons, en faisant de ceux-ci des suppôts de Satan que des saints percent d'une lance, alors qu'il eût été bien plus intelligent d'écrire des mythes où les futurs canonisés auraient appris à connaître et comprendre leur ennemi. Après tout, Radegonde aurait très bien pu sympathiser avec la Grand'Goule et d'ailleurs, qui nous prouve que celle-ci a réellement croqué les religieuses de l'abbaye Sainte-Croix ? J'admire Radegonde pour son courage face à son époux abject, mais ses traumatismes passés n'étaient pas une raison pour s'en prendre à un dragon par la suite.


Le long de la vallée de la Dordogne qui n'a désormais plus de secrets pour moi, c'est une coulobre qui fut tristement chassée par l'évêque saint Front de la falaise de Couze où elle vivait. En se réfugiant dans l'océan, elle eut le temps au passage de marquer les esprits à Bergerac, où un dragon figure désormais sur les armes de la ville. Pour ma part, je suis ravi, car pour deux livres achetés à la librairie, je suis reparti avec une reproduction d'un dragon d'Hokusai de bonne qualité !


L'Asie est certainement un terrain plus propice pour les dragons. Arrogant mais bienveillant, le dragon y est perçu comme un animal noble apportant beaucoup de positif aux gens. C'est ce que j'aimerais transmettre moi-même en tant que dragon, bien qu'il soit difficile de rester optimiste à une époque comme la nôtre. Franchement, je suis sidéré par le désintérêt total autour de moi pour tout ce qui se passe dans le monde : les gouvernements fascistes et incompétents comme en France ne suscitent qu'une indignation polie, l'explosion de la pauvreté n'a pas l'air de choquer les gens avec qui je discute, le génocide palestinien est carrément passé sous silence tandis que l'apocalypse climatique n'implique que de la résignation. Il a fait 40° cet été, même moi qui suis robuste ait manqué de faire une syncope en marchant à l'ombre, et beaucoup d'entre nous vont mourir bien plus vite que prévu à cause de cela. Dans les maisons, on ne peut plus boire l'eau du robinet polluée aux pesticides, et l'on apprend que l'eau commercialisée l'est aussi désormais. Quand on pense qu'au début des années 1990 j'allais encore chercher de l'eau potable à la fontaine publique avec ma grand-mère, cela me désole.


Sur cette note, je ne nous souhaite pas une « bonne année » au sens habituel de vœux chimériques, mais je nous souhaite que l'honnêteté et la vigueur associées au dragon nous conduisent toutes et tous à combattre le fascisme et le capitalisme, à tenter de limiter leurs dégâts, et à créer une société qui ne soit pas régie par l'argent. Pourquoi ne pas tout nationaliser et procéder uniquement par échanges de services entre chaque corps de métiers ?


Mushu est d'accord avec moi. Dans ce marasme, essayez de vous concentrer sur les petits moments heureux qui peuvent vous arriver. Au pire, fermez les yeux et rêvez. Ce sera toujours ça de pris. J'espère que les choses pourront s'arranger pour toutes les victimes et les personnes honnêtes. Je le souhaite de tout cœur.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire