vendredi 29 novembre 2013

Scaramouche (1952)

Et l'on commence dès à présent avec le film qui a égayé ma semaine, j'ai nommé...

Un film de George Sidney.

Je suis extrêmement friand de films de cape et d'épée, mais j'avoue que passé les collaborations Flynn-Curtiz, j'avais tendance à être assez déçu par ce qui s'est fait par la suite, à l'image des médiocres Mousquetaires du même Sidney. Mais finalement, je me suis décidé à poser les yeux sur Scaramouche, les ors et cramoisis du coffret DVD et la présence d'Eleanor Parker au générique m'ayant ferré comme un brochet. Or, sans avoir été totalement ébloui, j'ai tout de même passé un excellent moment, Scaramouche étant de meilleure facture que les Mousquetaires, malgré quelques longueurs ça et là qui, heureusement, n'empêchent pas de rester totalement sous le charme. En clair, après deux bons tiers de film faisant la part belle à des combats étourdissants et des personnages flamboyants, le rythme s'accélère dans une dernière demi-heure trépidante, portée par un duel final d'une dizaine de minutes à couper le souffle. Et comme chaque mouvement est partie intégrante de chorégraphies enchanteresses, le tout dans des décors vraiment ravissants soutenus par la partition grandiose de Victor Young, je me suis finalement laissé emporter par ce grand spectacle. Il faut dire que le scénario a également le mérite d'être bien ficelé quoique peu innovant, malgré quelques surprises, parfois bonnes (un type trop lisse qui a le bon goût de ne pas faire long feu), parfois ridicules (la révélation finale), qui ajoutent du sel à l'aventure. En somme, disons que les points négatifs (une première représentation scénique aux gags peu inventifs, le Scaramouche originel potentiellement truculent qui disparaît sans explications, ou encore l'infâme bonnet de nuit de Janet Leigh!) s'effacent complètement devant des atouts bien plus nombreux, d'où cette impression de divertissement dont on ne se lasse pas.


A noter également que le film est amusant pour ses anachronismes comme les affectionnait Hollywood en son âge d'or : ces rues d'une propreté qui ferait pâlir Joan Crawford de jalousie, ces roulottes tout confort super bien rangées, sans compter ces panneaux flambants neuf en pleine campagne normande pour éviter au voyageur de s'égarer entre deux bifurcations! Et notons que je ne m'en plains pas: je vénère plus que tout ces esthétiques fantasmées. Politiquement, l'histoire prête aussi à sourire, sachant qu'il est par exemple tout à fait naturel de se pointer au parlement en s'écriant, le sourire jusque là: "Coucou c'est moi! Le député de la vallée de Chevreuse ne participera pas aux débats aujourd'hui car je viens de lui planter mon épée dans le ventre, héhéhé!" "Bon, très bien, merci de nous prévenir, la séance peut commencer." Normal...


Cependant, la grande force du film réside surtout dans cette galerie de personnages tous plus cool les uns que les autres. Stewart Granger, officiellement le plus bel acteur de la décennie, livre notamment une performance énergique, peu nuancée mais teintée d'ironie, évoquant sans avoir à rougir les héros d'Errol Flynn. De surcroît, son personnage n'est pas exclusivement sympathique, agissant moins pour des convictions politiques dont il moque la syntaxe des pamphlets que par vengeance, ce qui lui fait gagner des points.


Les personnages féminins ont quant à eux une vraie personnalité, chose assez exceptionnelle pour être remarquée dans ce type d'histoires au point de vue très masculin. Eleanor Parker se révèle à nouveau flamboyante et très charismatique, dévoilant de la douceur sous un caractère ferme, et faisant preuve de tant d'humour (le bouquet!) qu'on finit par n'avoir d'yeux que pour elle au fur et à mesure de l'intrigue. Sinon, dans les bonus du DVD, je ne sais quel intervenant vous dira qu'elle a "essentiellement tenu des rôles similaires", prenant à témoin The King and Four Queens... Et à part ça, Caged? Detective Story? Interrupted Melody? Lizzie? C'était juste pour remplir son frigo? Bref, sa Lenore, sans être sa plus grande création, n'est qu'une des multiples facettes de la dame la plus versatile de son époque, et lui aura permis d'ajouter un bon rôle entraînant à sa riche carrière.


Janet Leigh, pourtant pas à son avantage vu ses costumes bien plus carnavalesques que ceux des comédiens, parvient quant à elle à sortir totalement du cliché de la jeune fille de bonne famille douce et naïve, grâce à son fort caractère qui perce sous sa courtoisie et à sa présence d'esprit plus que vivifiante. Sans surprise, les confrontations entre les deux femmes sont d'ailleurs ce qui m'enchante le plus dans l'intrigue, à l'instar de leurs échanges de regards amusés en pleine séance au parlement. Sur le papier, ces personnages pas du tout féministes auraient pu ne servir que de faire-valoir au héros, mais les actrices y ajoutent tant de personnalité qu'elles transcendent les clichés de la "courtisane caractérielle agitée de la casserole" et de la "princesse à marier".


Mel Ferrer fait pour sa part montre de toute la hauteur et la prestance requises pour incarner un antagoniste digne de ce nom et, concernant les autres personnages, qu'il est bon de retrouver Lewis Stone ailleurs qu'en docteur/mari/amant/confident de Garbo, quand bien même il ne serve qu'à faire joli! Autrement, Henry Wilcoxon et John Dehner ont une présence incontestable, tandis que Nina Foch est elle aussi d'une irrésistible fraîcheur en Marie-Antoinette reconvertie en dame marieuse!

En somme, il ne s'agit certainement pas là d'un chef-d'oeuvre, mais Scaramouche n'en reste pas moins très réussi, et c'est un sans fautes côté divertissement. Un solide 7/10 n'est pas de trop.

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