dimanche 13 décembre 2015

Nouvelles en vrac

J'ai plein d'articles en préparation (seconds rôles 1940 et 1941, mon classement définitif pour déterminer qui est lead ou supporting quand une performance peut prêter à confusion, mon panthéon d'actrices toutes périodes confondues) mais n'ai pas du tout le temps de les mettre en forme. J'ai quelques jours libres après le 25 et j'essaierai de bloguer à ce moment-là, alors voici quelques nouvelles en vrac pour patienter.

J'ai revu Sappho (1921) ce mois-ci. Ce film de Dimitri Buchowetzki a longtemps été mon œuvre-phare des années 1920, avec tout ce qu'il faut d'amants fous furieux, de courtisanes emperlées, de bals costumés à l'opéra et de teintes multicolores pour me ravir au plus haut point, et ce fut un réel plaisir que de découvrir cet ensemble, porté par une musique volontairement obscure, seul dans une grande maison un soir d'orage, il y a quelques années. Mais c'était oublier à quel point l'histoire est pour le moins incohérente: tout laisse à croire que le frère sain d'esprit sait qui est Sappho lorsqu'elle tente de le vamper, mais on nous apprend par la suite que non; l'héroïne oscille par ailleurs entre extrême sympathie de repentante et vénalité au gré des séquences, et les acteurs surjouent beaucoup trop par moments, même pour un film muet. Ceci dit, ça me fait toujours beaucoup d'effet, en particulier pour certaines séquences très inspirées (l'apparition de dos de l'héroïne, les yeux funestes d'Alfred Abel, le voyage en automobile, Sappho foulard au vent sur la jetée, les cercles concentriques sur les hommes assis, le balancement général entre folie angoissante et sérénité), et pour l'ambiance effrayante à l'opéra, où Pola passe par toutes sortes d'émotions de façon convaincante lors d'un gros plan, bien que ce soit très joué. Bref, je ne pense plus que ce soit un chef-d’œuvre, et c'est une histoire qui accuse vraiment son temps, mais ça me parle toujours beaucoup. A l'origine, Pola était ma gagnante cette année-là pour ce rôle, et Mary Pickford en 1927 pour My Best Girl, mais je me demande si je ne vais pas inverser les votes entre Little Lord Fauntleroy et Barbed Wire/Hotel Imperial. Negri reste mon actrice du muet favorite, mais je la préfère finalement avec un peu plus de sobriété.

Pour rester dans les films muets, j'ai également découvert Scaramouche de Rex Ingram (1923) cet automne, et honnêtement, ça n'arrive pas à la cheville du remake coloré de 1952. Certes, ça n'a pas l'avantage d'avoir une flamboyante Eleanor Parker dans un rôle dynamique puis nuancé, Edith Allen n'étant ici qu'une intrigante des plus communes, mais force est de reconnaître que le tout laisse quand même sur sa faim. Déjà, c'est beaucoup plus long que le remake, puisque la révélation finale de 1952 n'est ici qu'un rebondissement central, et le dernier acte sur la Révolution traîne un peu en longueur, même s'il est toujours captivant d'haleter en compagnie d'Alice Terry et Julia Swayne Gordon coincées dans leur hôtel particulier à mesure que la foule déchaînée se rapproche de leur quartier, en coupant la tête de tout ce qui a une particule: le héros arrivera-t-il à temps? Quoi qu'il en soit, ça reste très bon sur le plan visuel, entre la reconstitution du village XVIIIe avec son moulin, du château et du théâtre, et les costumes sont également assez sensationnels. Mais il manque un je-ne-sais-quoi qui aurait pu me faire mieux aimer tout ça. Ça tient peut-être aux tentatives maladroites d'insérer de l'humour dans l'histoire, avec plein de gros personnages grimaçants et trop maquillés censés faire rire, où ça tient peut-être aux acteurs qui manquent un peu de relief, mais ce qui aurait pu être un chef-d’œuvre n'est en définitive qu'un honnête divertissement.

Par ailleurs, j'ai également revu la version de 1940 de Waterloo Bridge de Mervyn LeRoy, et alors que j'avais souvenance d'un bon film un peu moins captivant que la version de 1931, je me suis finalement laissé emporter par l'histoire, malgré une fin très problématique: autant la décision de Mae Clarke était logique étant donné la dose de dédain contenu dans l'accueil néanmoins courtois de sa possible belle-mère, autant celle de Vivien Leigh est impossible à prendre au sérieux vu la chaleur de ses relations avec les membres de la maisonnée. Mais si l'on accepte l'idée que de tels rebondissements étaient à la mode dans les années 1940, rien n'empêche d'aimer l'histoire, qui est d'ailleurs filmée avec beaucoup de délicatesse. Quant à l'interprétation, elle vient de faire un grand bond dans mon estime: Robert Taylor n'est jamais fade, mais au contraire touchant; Virginia Field confirme ma première impression très favorable en crevant l'écran dans un second rôle nuancé, et Vivien Leigh n'a en définitive absolument rien à envier à Mae Clarke. La scène d'ivresse au restaurant m'a dérangé mais dans le bon sens du terme, et la séquence à la gare, oscillant entre tapin et retrouvailles improbables, est criante de vérité dans chaque émotion. J'avais même oublié que le rôle est en fait plus riche que dans la première version, puisque l'évolution du personnage se dessine en direct sous nos yeux. Je peux tout à fait considérer de lui donner l'Orfeoscar cette année-là si d'aventure je change d'avis en 1939.

D'ailleurs, en parlant de remises de prix, je crois que ma meilleure actrice 1942 sera quand même Ginger Rogers. Je n'arrête pas d'hésiter entre elle et Greer Garson, et j'estime assez la deuxième pour avoir envie de la couronner une fois, mais après avoir revu les deux performances (Major et Random Harvest) dans la foulée, je suis finalement plus séduit par la première. A vrai dire, ç'a toujours été le cas, mais comme dans un système oscarien je n'avais pas mieux à proposer que Ginger en 1952, ça ouvrait une place pour Greer dix ans plus tôt. Mais internationalement, j'ai une autre gagnante pour la décennie suivante, aussi vais-je probablement revenir vers Ginger pour The Major, où elle me fait hurler de rire à chaque plan avant de me toucher en toute sincérité dans la dernière séquence. J'admire toujours énormément Garson, mais il est vrai qu'elle ne fait pas grand chose de plus que d'habitude dans Random Harvest: c'est surtout le film, sublime, qui me donne envie de la récompenser.

Pour finir, j'ai également effectué quelques changements parmi la liste officielle. En fait, je suis totalement d'humeur "Julie Andrews" depuis un mois, je n'arrête pas de chanter Feed the Birds quand je marche en ville, et My Favorite Things en faisant mon ménage, si bien que j'ai fini par revoir The Sound of Music pour la troisième fois en un an et demi (même pas honte!), et j'avoue, je la trouve absolument délicieuse dans ce rôle. J'ai longtemps trouvé qu'il lui manquait un petit surplus d'émotions dramatiques à jouer, mais elle est tout de même exquise dans la gravité, les scènes d'humour sont également abordées avec beaucoup de sérieux, et le tout me ravit absolument. Victor Victoria reste son sommet, mais ça fait tellement sens de la récompenser pour The Sound que j'ai finalement changé mon vote en sa faveur en 1965, ce qui me permet de récompenser Meryl Streep pour son chef-d’œuvre en 1982, n'ayant jamais beaucoup aimé Silkwood malgré sa réussite interprétative incontestable. Du coup, c'est actuellement Julie Walters qui gagne en 1983, et j'ai également choisi Vanessa Redgrave l'année suivante. Je ne suis pas sûr de pouvoir récompenser Judy Davis dans la liste officielle, mais c'est aussi que les Oscars ne l'ont pas distinguée pour les rôles où je la préfère, alors pas d'inquiétudes et patience, patience! Susan Sarandon a quant à elle toujours été ma favorite en 1991 et vient de remporter la mise comme il se devait, et j'ai finalement complété ma collection "2014" en dénichant Still Alice pour rien à la campagne. Le film est franchement médiocre et ne permet pas à Julianne Moore de briller, malgré une assez bonne performance dans l'absolu, de telle sorte que Marion Cotillard est bel et bien ma gagnante officielle en titre. Le point le plus litigieux actuellement? 2006: Judi Dench et Penélope Cruz sont très très bien (Meryl Streep aussi), mais j'adore Helen Mirren en reine d'Angleterre, même si l'actrice m'a terriblement déçu par la suite. Je me demandais si je ne pouvais pas la faire gagner comme second rôle 2001 afin de laisser la place à une autre en 2006, mais impossible de me décider.

Autrement, impossible d'avoir un avis sur la saison en cours, n'ayant pu voir aucun des films qui se retrouveront très probablement aux Oscars le mois prochain. En lisant un peu ce qui se dit ça et là, j'ai l'impression que l'année ne compte pas de frontrunner particulier, ce qui excite davantage les esprits. J'ai l'impression que Cate Blanchett dans Carol, Saoirse Ronan dans Brooklyn et Charlotte Rampling dans 45 Years pourraient beaucoup me plaire et ce sont celles-là que j'attends en priorité. Je ne connais pas Brie Larson dont tout le monde parle comme d'une déesse descendue de son socle, mais son film a l'air intéressant. Et Rooney Mara me laisse de marbre en temps normal mais il semble qu'elle ait très bonne presse cette fois-ci. Par contre, Alicia Vikander ne m'inspire pas du tout. Vraiment pas du tout. Et je me demande s'ils ne finiront pas par nommer Jennifer Lawrence par défaut: je ne cherche pas à lui être systématiquement défavorable, mais c'est une personnalité qui m'ennuie, elle est vulgaire et sa bonhomie calculée (jurer par-ci par-là, tomber 150 fois devant une caméra etc) sonne faux. Ça ne me donne dès lors pas très envie de voir Joy, mais pourquoi pas? Bref, 2015 pourrait être une année quitte ou double: beaucoup de projets intéressants sur le papier (beaucoup plus qu'en 2014 à mes yeux), mais on risque de se retrouver avec un palmarès qui pourrait m'ennuyer (le quartet de l'horreur: DiCaprio, Lawrence, Stallone et Vikander, pitié non, même si le premier semble inéluctable, ne serait-ce que pour en finir une bonne fois pour toutes). On verra ce que tout ça donnera, j'espère simplement ne pas être déçu par Carol, Brooklyn et 45 Years, mes attentes étant très (trop?) hautes actuellement.

6 commentaires:

  1. Je ne peux qu'approuver pour Waterloo Bridge... Concernant les deux versions, on pourrait considérer que Mae Clarke porte vraiment sur ses épaules la version de 1931, ce qui la rendrait plus méritante, mais Vivien Leigh est aussi parfaite en 1940 ! J'ai aussi l'impression qu'elle est sous-estimée sur ce film, peut-être à cause de la trop grande proximité de Waterloo Bridge avec Autant en emporte le Vent : difficile de lui donner un autre Oscar après une performance aussi mythique ?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. A l'origine, il y avait clairement, dans mon esprit, une proximité avec non seulement Autant en emporte le vent, mais aussi avec That Hamilton Woman. J'avais découvert le Waterloo Bridge de 1940 après Lady Hamilton et après la version de 1931, et avais par conséquent moins aimé qu'il aurait fallu. Mais le second essai a été le bon!

      Supprimer
  2. C'est assez amusant pour moi que tu hésites entre Greer Garson et Ginger Rogers pour 1942, puisque ce sont deux de mes actrices favorites !
    Mais pour cette année-là, je préfère pour ma part Garson, qui m'avait vraiment impressionné au premier visionnage (et c'était le premier film d'elle que je voyais). Quant à Ginger, elle est toujours aussi drôle, mais peut-être que je privilégie inconsciemment un peu plus les performances dramatiques pour les Oscars...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Pour le coup, c'est tout l'inverse de mon côté: Random Harvest a été l'une des dernières performances découvertes de la part de Greer, d'où un effet de surprise un peu moindre. Quoi qu'il en soit, difficile de trancher entre les deux actrices pour des registres beaucoup trop différents. C'est la limite des remises de prix: la gagnante a finalement moins d'importance pour moi que de déterminer mes cinq performances préférées de l'année. Si je devais absolument choisir, je serais donc un peu plus porté sur Ginger en 1942, à la fois pour sa performance mais aussi parce que je la nomme davantage en tout, aussi me paraît-il plus logique que ça tombe sur elle, mais me connaissant, rien ne dit que je ne vais pas encore changer d'avis sous peu...

      Supprimer
  3. Oui, mais Greer en kilt ... bon ... ça compte aussi (Gingembre l'a fait dans son dernier film avec Astaire, remarquez).

    Pour 40-41, j'imagine que l'un des problèmes c'est Mary Astor non ? Moi, ce sont des années terribles (1940, c'est cauchemardesques, il y a trop de candidates de qualité).

    Pour Rogers, je suis justement en train d'essayer de découvrir certains films (I'll be seing you "son" classique de Noël produit par Selznick, la Veuve noire, que je viens de voir et où elle est très bien mais c'est un rôle secondaire. J'aimerais découvrir "Tender Camrads" parce que la RKO avait fait une énorme campagne pour les oscars ... sans succès, d'ailleurs, ça avait été un bide retentissant, mais je suis toujours curieux de découvrir les "poneys" qui n'ont pas couru. D'ailleurs, cette année, Bullock et Warner ont fait choux blanc avec Our Brand is Crisis, un flop monumental. Ca ne peut pas marcher à tous les coups.
    Les films sortent plutôt en janvier, février, je crois que nous pourrons tout voir ou presque avant les oscars.
    J'ai lu Carol et the Danish Girl, deux très beaux romans, aussi suis-je heureux de les voir adapter. Même si Vikander ne m'attire pas (surtout qu'il y a 4-5 ans, c'était un rôle prévu pour Gwyneth Paltrow) ... je suis horrifié aussi à l'idée que cette Brie sortie d'on ne sait où ait déjà conquis l'estime de la Toile en entier. Vive les vieilles dames !

    Je n'ai vu pour l'instant que Youth. J'ai beaucoup aimé le film, Jane Fonda y était épouvantable. Une nomination serait rigolote mais peu méritée.

    Mirren est en train de surprendre tout le monde avec Trumbo. J'ai vu Woman in Gold, où je l'ai trouvée excellente (bien meilleure que dans ses derniers films de prestige). Enfin, j'adorerais voir Maggie Smith au moins mentionnée aux Bafta (déjà nommée aux GG) voire aux oscars ... et je prie pour Rampling ait un moins une nomination prestigieuse (Bafta, BFCA, Oscars ?).

    En ce qui concerne Sappho, il faut absolument que je voie ce film. J'ai lu le roman de Daudet, qui était très sordide et du coup très intéressant, mais je crois en avoir déjà parlé ici. Et je connais la version ... avec Maria Felix !

    l'AACF

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Voilà! Greer en kilt! C'est exactement pour ça que je lui avais donné le prix. Mes hésitations redoublent...

      Pour Ginger, j'ai aimé I'll Be Seing You qui ne m'a néanmoins pas marqué durablement, je déteste Black Widow où elle est cependant la seule à tirer son épingle du jeu (par rapport à Gene Tierney qui fait très bien l'ahurissement en sortant de la salle de bain...), et je n'ai pas vu Tender Comrads. J'ignorais qu'il y avait eu campagne et c'est une piste pour trouver la dernière candidate américaine de mon top 5 pour cette année assez pâlichonne.

      Pas vu Youth, mais tout le monde dit que Fonda y est mauvaise, et de toute façon elle m'ennuie, j'espère qu'elle sera snobée. Et je vais finir par détester Brie Champenoise avant même de l'avoir vue si tout le monde continue à la louer de toutes parts! Par contre, j'ai moins confiance en Maggie Smith pour finir aux Oscars mais ce serait très cool qu'elle reçoive une dernière nomination, ne serait-ce que pour rattraper Judi Dench. Et je sais qu'Helen Mirren est vouée aux gémonies par à peu près tout le monde cette année, mais je ne l'ai pas vue... Maman Gwynie n'a quant à elle même pas été nommée aux Globes alors que je la croyais "locked" dans la catégorie comédie... Et Sandra Bullock a déjà eu deux hits en peu de temps cette décennie, c'est déjà pas si mal.

      Pas vu la version de Sappho avec Maria Felix, mais merci pour la piste.

      Supprimer