mercredi 30 décembre 2015

Christmas scarole


♪♫♪ Joy to the world, the Loy is come! Let earth receive her queen! ♪♫♪

Ce qu'il y a de bien en fin d'année, c'est que même si je ne fête pas personnellement la Nativité, sauf d'un point de vue professionnel, ça me permet de voir un peu ma famille et de rentrer me reposer à la campagne. De quoi me laisser pas mal de temps libre pour regarder des films à la télévision, afin de rattraper mon retard. Or, l'automne dernier, j'ai découvert une chaîne enfin utile, sur laquelle on peut voir à l'heure qu'on veut des films actuellement diffusés sur le câble: j'en ai donc honteusement profité pour compléter mes lacunes récentes de ces dernières années. Voici les quatre exemples visionnés entre d'inestimables promenades dans les bois:

Gloria (2013): Un film que je tenais à voir grâce à l'Ours d'argent attribué à Paulina García à Berlin, et je dois dire que niveau interprétation, je ne suis nullement déçu. L'actrice a un superbe visage sur lequel chaque émotion s'imprime avec clarté, sans aucun effet, depuis le dynamisme souriant de l'introduction dansée à la catharsis finale, en passant par toutes les phases de la déception, dont le point culminant restera cette séquence de repas de famille à la conclusion particulièrement embarrassante pour Gloria. En fait, l'intégralité du film repose sur la performance d'actrice, et j'aime beaucoup sa façon de montrer pourquoi l'héroïne continue de se forcer d'y croire encore tout en sachant qu'elle va droit dans le mur, à travers une sensation de manque fort bien rendue. Le scénario est également digne d'intérêt en prenant le parti de montrer un corps féminin mûr sans aucun jugement, ce qui change des canons étouffants plus habituels au cinéma. Autrement, je n'ai pas grand chose à dire sur le film: l'interprétation en est clairement le centre de gravité mais si je ne suis pas entièrement captivé par cette histoire, je suis absolument ravi d'avoir découvert un film chilien. Un 6+, voire un petit 7, me semble mérité, et Paulina García vient sans surprise de décrocher une nomination sur la prestigieuse liste des Orfeoscars 2013.

Philomena (2013): A l'inverse, je ne garderai pas Judi Dench dans ma sélection de l'année pour son rôle nommé aux Oscars, car sans que j'aie aucun reproche à lui faire, elle ne me semble pas être exceptionnelle au point de mériter reconnaissance pour un personnage qu'elle aurait pu jouer les yeux fermés. Mais elle n'est absolument pas mauvaise au demeurant, et elle détaille son parcours de manière intéressante, en restant toujours fidèle à ses convictions religieuses malgré les souffrances engendrées par son passé. Il est dommage, en revanche, que le scénario soit assez lourd, d'une part en jugeant ses personnages avec dédain, à l'image de ce film débile que Philomena préfère regarder au lieu de visiter le mémorial de Lincoln, chose qui n'apporte absolument rien à l'histoire à part faire chanter à Steve Coogan un couplet sur les ravages de la télévision; et d'autre part en alignant les maladresses dans le rapport à la sexualité et à la religion. Dans ce dernier cas, Martin Sixsmith est transformé en une caricature d'athée qui se sent constamment obligé de tout critiquer en permanence, et certaines répliques de l'héroïne en deviennent de leur côté atrocement naïves, Philomena révélant qu'elle ne savait même pas qu'elle avait un clitoris... Rappelons qu'elle avait tout de même dix-sept ans lors de son premier rapport, ça semble tellement étrange. Autrement, la quête se suit avec intérêt et le film n'est pas déplaisant du tout dans son ensemble. Mais j'en resterai à un 6-, Stephen Frears étant capable de mieux.

The Babadook (2014): Présenté comme le grand film d'horreur de la décennie, cette production australo-canadienne est incontestablement réussie, mais je vous avouerai être assez las de ces films où les personnages sont possédés par une force obscure, et où un enfant qui mériterait des baffes se met à crier à n'en plus finir. Mais le parti-pris ne manque pas de piquant, en particulier grâce à une photographie volontairement sombre qui restitue les couleurs du livre d'où sort le fameux Babadook, et qui illustre surtout à merveille les névroses d'une mère étouffante elle-même étouffée par des souvenirs morbides. On appréciera surtout le choix de la scénariste-réalisatrice, Jennifer Kent, de montrer un personnage maternel loin d'être exempt de tout reproche, et qui n'aime finalement pas son enfant outre mesure bien qu'elle lui laisse tout passer, de quoi donner du grain à moudre à Essie Davis, réellement saisissante avec une performance versant de plus en plus dans la folie meurtrière, bien que ce soit un type d'interprétation qui me touche peu. Finalement, The Babadook n'est pas tout à fait ma tasse de thé, et ça ne révolutionne absolument pas le genre, mais l'ensemble est bien maîtrisé. J'en reste à un 6+.

Nightcrawler (2014): A priori pas mon style non plus, mais contre toute attente, j'ai beaucoup aimé. Vraiment. Le scénario de Dan Gilroy est captivant et l'on se demande toujours jusqu'où le personnage sera capable d'aller dans le voyeurisme malsain, sans compter que certaines images choc tiennent constamment en haleine, y compris lors des revers de fortune quand le sujet traité ne plaît pas assez à la chaîne pour être exploité. Par ailleurs, je craignais que la performance de Jake Gyllenhaal soit très technique à cause de sa perte de poids ostentatoire, mais par bonheur, il est nettement plus reconnaissable dans le film que sur les photos de promotion, et son interprétation n'est jamais appuyée, à l'exception d'une scène devant un miroir, de quoi révéler au mieux l'état d'esprit d'un sociopathe n'ayant absolument aucun problème avec ce qu'il fait. En réalité, l'acteur réussit l'exploit de nous intéresser au sort de ce qui n'est finalement rien d'autre qu'un pauvre type, au point qu'on a toujours envie de le voir réussir même lorsqu'il va trop loin. Sa relation avec Rene Russo est encore très bien exploitée, et l'actrice reste elle aussi une candidate de choix pour les remises de prix en trouvant le parfait équilibre entre l'absence de scrupules de cette pro de la communication et les fêlures démasquées d'une femme constamment sur la sellette dans une maison de production prête à la licencier à la moindre chute d'audience. En filigrane, la satire des chaînes d'info en continu tombe constamment juste, au point que j'hésite entre un 7+ ou un joli 8.

♪♫♪ Do ré mi ♪♫♪


Mais ce qu'il y a d'également amusant avec Noël, c'est qu'étant le seul adulte de la famille à n'avoir ni trente ans, ni mari, ni enfants, c'est toujours moi qu'on vient chercher pour servir de compagnon de jeu à tous les petits marmots qui gravitent dans le cousinage. Les derniers jours de décembre me voient donc systématiquement troquer ma dignité de baronne contre un tablier de gouvernante afin d'inventer de nouveaux rôles pour les peluches, chanter dans les prairies et jouer à chat perché dans le jardin. Pour couronner le tout, comme les collatéraux se sont tous mis en tête d'épouser des Britanniques ces dernières années, me voilà à présent transformé en véritable Mary Poppins: je ne sais pas comment je dois le prendre, mais je n'en ai pas honte! Après tout, j'estime que pour être pleinement adulte, il ne faut surtout pas se séparer de son esprit fantaisiste d'enfant, et tant pis pour tous les jeunes cyniques de mon âge qui me regardent de travers en se donnant le genre sérieux de quadragénaires carriéristes, qui me parlent de téléphones et de voitures et commencent tous à se reproduire à la chaîne parce que "Oulala! Mes amis ont déjà des enfants et pas moi! Vite!" Bref. Tout ça pour dire que dans le pavillon des enfants, nous avons regardé un film précisément fantaisiste pour petits et grands, je veux parler de...

Cendrillon (2015): Un film ayant bonne presse, réalisé par le légendaire Kenneth Branagh et interprété par Cate Blanchett dans un rôle de méchante marâtre, ce devrait être un bon moment, me suis-je dit en installant la platine dans le lecteur. Eh bien, mes chers amis, je suis au regret de vous annoncer que c'est l'un des pires films que j'aie vus ces derniers temps! Pour de vrai! Sans mentir, visuellement, c'est une horreur, avec des couleurs criardes qui jurent de partout (même les coquelicots dès le premier plan sont rouge vif), des décors d'une laideur sans nom avec un manoir et une cour de ferme sortis tout droit d'un coffret de Polly Pocket, et des costumes pompés sur les dessins animés de princesses des années 1990 (même si deux ou trois robes de la belle-mère sont pas mal, avouons-le). Le palais est quant à lui un véritable musée des horreurs où le fluorescent et le dispute au phosphorescent, et mieux vaut ne pas s'étendre sur les effets spéciaux, d'autant que c'est complètement crétin de la part des scénaristes de faire tout un foin sur la robe rose que l'héroïne veut garder pour le bal pour sa valeur sentimentale si c'est pour la transformer en gigantesque chiffon scintillant tout bleu... Ah oui, et les chaussures en plastique qui brillent comme une boule de discothèque, c'est une catastrophe. Par ailleurs, le scénario n'a aucun intérêt: ça reprend la version animée de 1950 au pied de la lettre sans jamais donner le moindre souffle novateur à l'intrigue, et à la fin, l'héroïne complètement passive qui reste chanter à sa fenêtre sera sauvée par des souris gloutonnes, bienvenue au XVIIe siècle! Même les enfants avec qui j'ai vu ça ont détesté, et j'échangerai pour ma part toutes les Cendrillons du monde contre une Maléfique certes entourée d'effets spéciaux très vilains, mais pour laquelle on peut au moins ressentir quelque chose. Pour conclure, on jettera un voile pudique sur l'interprétation, le pire étant atteint par Cate Blanchett qui massacre toutes ses scènes avec une lourdeur que même un public enfantin a trouvé grotesque: Eleanor Audley était cent fois plus subtile avec quelques éclats de voix jadis. Bref, un film où Lily James est le MVP n'est pas bon signe du tout... Un 3 me semble déjà trop généreux...

Heureusement, pour estomper cette horrible expérience, j'ai trouvé un DVD pas cher du tout à la librairie, ce qui me permettra de terminer cet article sur une note plus positive:

The Belly of an Architect (1987): Un film de Peter Greenaway, avec un scénario plutôt intéressant sur la paranoïa progressive d'un artiste persuadé que ses brûlures d'estomac sont provoquées par un empoisonnement lors d'un séjour à Rome, alors que son épouse le trompe allègrement avec le premier venu entre deux ou trois antiquités. En soi, le programme est alléchant, mais il est dommage que le rythme ne suive pas: certaines séquences très longues suscitent l'ennui par moments, et pour le coup, ça parle un peu trop de ci de là, malgré une bonne performance de Brian Dennehy. Ceci dit, artistiquement, c'est assez génial: la photographie symétrique des beautés de Rome nous plonge d'emblée dans la psyché "architecturale" d'un héros obnubilé par son idole, le gâteau d'anniversaire en forme de cénotaphe est une trouvaille passionnante, les décors de chambre ou d'atelier, avec tous ces plans étalés par terre, fourmillent de bonnes idées et la musique de Wim Mertens insuffle pas mal de dynamisme au film quand le rythme pèche par endroits. En somme, un projet plus intéressant que parfaitement réussi, mais je ne suis pas mécontent du tout de la découverte. Je monte à 6+.

2 commentaires: