mardi 19 avril 2016

Orfeoscar de la meilleure musique 1940


Après les décors, les costumes et les chansons, reprenons les remises de prix pour 1940, en attendant de passer à 1934 à la fin du mois. Qui remportera cette catégorie?


5. Jesús Guridi pour
Marianela

Certes, le film est daté et, dans la catégorie qui nous occupe, le son et l'enregistrement le sont d'autant plus. Mais à n'en juger que par la partition, les accords de Jesús Guridi sont assez formidables et variés pour mériter reconnaissance. L'usage de flûte pour les promenades bucoliques dans la campagne est par exemple très judicieux car ça accentue la complicité que noue l'héroïne avec l'aveugle qu'elle accompagne, et certaines mesures franchement cocasses soulignent bien l'humour de certaines situations, en particulier au départ lorsque le film s'ouvre sur un homme qui peine à avancer sous la pluie. Néanmoins, le clou du spectacle reste ce morceau religieux savamment inséré à trois reprises, d'abord à la chapelle lorsque Marianela fait part de ses états d'âme à la Vierge, puis lors d'une discussion avec le jeune homme, où la gravité des accords tranche avec la tonalité bucolique du reste du film et donne une épaisseur romantique à cette histoire d'un autre temps, et enfin lors de la conclusion céleste, où l'ajout de chœurs apporte à l’œuvre une ampleur tragique qui permet d'oublier un instant le dénouement franchement malsain qui se joue sous nos yeux, malgré un beau plan final avec l'envol du rideau. Quoi qu'il en soit, les moments importants sont bien mis en valeur par la mélodie de Guridi, et j'avouerai même que la musique est de loin le meilleur atout du film, malgré une jolie performance principale. Par moments, le son fait penser à un film du début des années 1930, mais si Marianela avait bénéficié d'un meilleur orchestre en gardant la même partition, la musique aurait touché au sublime. D'où mon coup de pouce pour Jesús Guridi.


4. Max Steiner pour
Virginia City

Une nouvelle année, une nouvelle nomination pour Max Steiner, qui pour traduire en musique ce western dont l'intérêt est de se garder de trancher entre nordistes et sudistes, a intelligemment intégré des réorchestrations des grands airs de la guerre de Sécession et des chansons de Stephen Foster (la longue séquence au saloon) à une bande originale à la fois épique et romantique. L'ouverture et les cris pour la liberté ont notamment quelque chose de très solennel mais coloré, évoquant par-là même l'aventure qu'on s'apprête à vivre en suivant ce petit groupe où chacun se dissimule sous une fausse identité au milieu de montagnes et rivières à couper le souffle; tandis que les séquences de poursuite entendent leur musique alimenter l'action au rythme d'accords vigoureux. Le thème d'amour est également présent, peut-être trop facilement steinerien dans sa conception, mais c'est toujours un plaisir, d'autant que sa relative discrétion par rapport aux airs héroïques illustre bien les conflits intérieurs des héros, pour qui le devoir prime sur les sentiments.


3. Leigh Harline et Paul Smith pour
Pinocchio

Trois ans après Blanche-Neige, Disney a continué de creuser l'écart avec le reste du monde de l'animation, cette fois-ci avec Pinocchio, dont les ravissantes images colorées se devaient d'être servies par une partition à la hauteur des événements. En outre, comme on navigue entre différents mondes, la musique ne manque pas de s'adapter à chaque atmosphère: le ton est alors tout à fait rassurant lors des premières séquences dans la maison de Geppetto, avec les jolies horloges et les animaux rigolos qui renforcent la chaleur du foyer; le départ pour l'école, soit une véritable découverte de l'environnement extérieur pour le héros, est quant à lui servi par un tempo plus vif traduisant bien l'excitation vécue dans un tel moment; la tentation d'aller vers le théâtre ou l'île des plaisirs enchantés est de son côté portée par une mélodie intrépide et guillerette prête à faire succomber même les âmes les plus sérieuses; et l'obscurité très glauque du marionnettiste et de la baleine est enfin brillamment opposée aux accords aériens et lumineux de la fée bleue, qui reprennent le thème d'ouverture sur l'idée d'une bonne étoile protectrice. Cette partition est donc très riche et soutient très bien la comparaison avec Blanche-Neige, faisant de ce deuxième opus un véritable chef-d’œuvre d'animation qui n'a rien à envier à son illustre aînée.


2. Miklós Rózsa pour
The Thief of Baghdad

A partir de maintenant, il m'est quasiment impossible de départager mes deux derniers finalistes, qui par bonheur auront tous de multiples chances de remporter des trophées d'autres années. Miklós Rózsa s'incline alors de justesse devant une partition encore plus riche, mais sa composition pour Le Voleur de Bagdad est brillante à plus d'un égard. Par exemple, l'ouverture est grandiose à souhait, avec tout ce qu'il faut de notes faussement orientales et de tempo allegro pour nous transporter dès le générique devant les portes monumentales d'une grande cité de contes de fées, aux tours et marchés multicolores. Les scènes avec Sabu ont quant à elles leur lot de mesures vives teintées d'humour, par opposition avec le thème du méchant vizir, sombre comme il se doit. Mais le morceau de bravoure reste indéniablement le thème d'amour, absolument sublime et traduisant à la perfection ce coup de foudre incroyable dans des jardins verdoyants, avant de dériver sur une déclaration plus solennelle sur les toits d'un palais se confondant avec les cieux. A chaque écoute, il me faut vraiment lutter pour ne pas couronner Miklós Rózsa cette année...


1. Erich Wolfgang Korngold pour
The Sea Hawk

Mais voilà, Le Voleur de Bagdad a beau contenir mon morceau préféré de l'année, je vote tout de même pour la partition très riche de Korngold dans le film d'aventures ultime: The Sea Hawk. En effet, cette composition originale réussit l'exploit de ne jamais se répéter pendant trois quarts d'heure, et c'est un délice de tous les instants. L'introduction est en effet on ne peut plus grandiose et enchanteresse pour bien nous faire palpiter devant les aventures maritimes qui s'annoncent, certains accords ressemblant par ailleurs à de véritables chants de marins; les thèmes réservés aux Espagnols ont pour leur part leur content de notes mystérieuses illustrant les diverses conspirations; la douleur de l'expédition en sépia au Panama se fait bien ressentir à travers une mélodie soudainement dénuée d'attrait, et beaucoup plus pénible pour le héros qui perd sa fougue à mesure que le tempo se fait lent; et les notes féminines de la reine et de la fiancée ont enfin tout ce qu'il faut de ravissement et de légèreté pour nuancer le tout. En clair, tout est parfait, et jamais mélodie n'aura été mieux associée à l'identité même des collaborations Errol Flynn / Michael Curtiz, L'Aigle des mers ayant l'insigne honneur d'être la meilleure.


Tableau d'honneurCharles Chaplin et Meredith Willson pour The Great Dictator: une partition comprenant certains airs originaux, mais ça ne compte pas vraiment dans la mesure où ce sont Brahms et Wagner qui mettent en lumière les séquences les plus inspirées. Aaron Copland pour Our Town: une jolie composition que j'avais oubliée compte tenu du peu d'intérêt que je porte au film, mais le génie de Copland est bien présent. Paul Misraki pour Battement de cœur: pour les mesures instrumentales de la Charade sur laquelle se rencontrent Danielle Darrieux et Claude Dauphin, mais également pour la valse aérienne au vent léger, une mélodie si charmante qu'on s'est empressé d'en faire une chanson pour l'actrice-chanteuse. Alfred Newman pour The Mark of Zorro: pour l'introduction épique aux mesures hispanisantes, même si l'on regrettera un usage trop rébarbatif du même thème tout au long d'un film qui finit par ennuyer légèrement à mi-parcours. Leonid Polovinkin pour Vasilisa Prekrasnaya: parce que même si les chansons ne sont pas des plus mémorables, la musique soutient bien l'action dans le reste du film. Max Steiner pour The Letter: un superbe thème moite et langoureux reflétant à merveille les obscures passions qui se jouent dans cette partie de l'Asie tropicale. Et enfin Franz Waxman pour Rebecca: parce que l'introduction m'évoque une promenade mystérieuse en bord de mer bien que je ne sois pas vraiment touché par le reste de sa partition pour ce film.


Et vous, quelles sont vos musiques préférées pour 1940?

2 commentaires:

  1. Ca n'est pas éligible mais quand on dit 1940, musique ... j'ai ça en tête :

    https://www.youtube.com/watch?v=2bA_G1twjCo

    L'AACF

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    Réponses
    1. Seigneur! Ce gros nœud! Autrement, chanson sympathique, pour peu que j'arrive à passer outre l'absence totale de charisme de Nelson Eddy. J'ai découvert le film il y a peu et n'ai eu d'yeux que pour Ian Hunter et George Sanders.

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