jeudi 5 juillet 2012

Oscar de la meilleure actrice 1944

1944 est à mon goût une année assez excitante, portée par une brochette de grandes actrices dans des rôles juteux et variés, avec entre autres une mère-courage en temps de guerre, une folle tourmentée dans une demeure victorienne, une femme fatale calculatrice et une beauté vaniteuse qui se charge d'apporter au tableau la touche comique qui manquait à l'ensemble. Seule l'égérie de la MGM peine à sortir des sentiers battus eu égard à ses œuvres précédentes, ce qui ne veut évidemment pas dire qu'elle ait démérité. Au programme:

* Ingrid Bergman - Gaslight
* Claudette Colbert - Since You Went Away
* Bette Davis - Mr. Skeffington
* Greer Garson - Mrs. Parkington
* Barbara Stanwyck - Double Indemnity

A la réflexion, il est fort probable que la victoire se soit jouée entre les deux seules candidates qui n'avaient pas encore d'Oscar en poche lors de cette cérémonie: Ingrid Bergman et Barbara Stanwyck. Cependant, si la performance de Stanwyck est aujourd'hui unanimement louée, l'attribution du trophée à Bergman ne surprit personne à l'époque: elle venait de percer l'année précédente avec une nomination pour For Whom The Bell Tolls et un rôle de tout premier plan dans Casablanca, tout récent Oscar du meilleur film, et en 1944, elle incarnait une victime en costumes sous la direction de Cukor, soit un personnage de facto plus oscarisable que l'antipathique héroïne de film noir campée par sa rivale. De surcroît, Bergman avait perdu l'année précédente face à sa grande amie Jennifer Jones, aussi l'Académie a-t-elle dû penser que ça ferait sens de voir sainte Bernadette remettre l'Oscar à Bergman, par ailleurs bien mise en avant par son Golden Globe reçu un peu plus tôt, l'organisation étant alors toute récente mais déjà bien décidée à prédire les futurs Oscars. Enfin, comme tout le monde savait que son nouveau projet était The Bells of St Mary's, suite de Going My Way qui récolta sept Oscars lors de cette remise de prix 1944 et dont le tournage avait déjà commencé à ce moment-là, l'Académie a également pu imaginer que récompenser Ingrid Bergman ce soir-là permettrait d'obtenir des victoires fort harmonieuses entre l'actrice, Leo McCarey, Barry Fitzgerald et Bing Crosby. J'extrapole peut-être un peu ceci dit, mais il ne fait aucun doute que l'actrice était alors trop en vogue pour être battue, sans compter que son rôle dans Gaslight fit sensation. A vrai dire, Barbara Stanwyck elle-même a déclaré qu'il lui était impossible de se plaindre de sa défaite au regard de la performance de la lauréate. On notera au passage que l'Amérique avait en ces temps tragiques grandement besoin de garder la foi, d'où les sept victoires pour les bons sentiments religieux de Going My Way, au détriment du sombre Double Indemnity, le genre du film noir étant en passe de s'imposer au sortir de la guerre quoiqu'il fût alors trop tôt pour donner envie aux votants d'y goûter cette année-là. Dans ce contexte, la défaite de Barbara Stanwyck ne surprendra pas grand monde.

Pour les autres concurrentes, on retrouve Greer Garson... Quelle surprise! Elle en était alors à sa quatrième nomination consécutive, preuve qu'elle bénéficiait toujours d'une grande popularité, et d'un excellent soutien de la part de la MGM, cette machine à Oscars du côté des actrices, qui était toujours bien décidée à promouvoir son égérie dont les films rapportait gros, bien que le seul nom de Garson aurait justifié à lui seul une nomination, puisqu'elle était considérée à peu de choses près comme la plus grande actrice dramatique de l'époque. On imagine néanmoins qu'avec Ingrid Bergman dans la même studio, la MGM misa davantage sur sa nouvelle recrue, d'autant que Greer Garson avait déjà gagné deux ans plus tôt et que son rôle paraissait sans doute trop redondant pour justifier un nouveau prix aussi rapidement. De son côté, après un an d'absence, Bette Davis revint dans le champ des candidates à l'Oscar, mais cette fois-ci pour la dernière fois de la décennie. A vrai dire, comme pour Garson, le seul nom de Davis lui aurait permis d'être nommée à peu près n'importe quelle année pour le moindre rôle un tant soit peu exigeant, mais il est difficilement concevable qu'elle fût une menace sérieuse en 1944: après tout, si les Oscars n'avaient pas réussi à la récompenser pour ses quatre nominations précédentes, on les imagine mal le faire pour ce rôle en particulier. Plus original est en revanche le grand retour de Claudette Colbert dans la course, une dizaine d'années après avoir été récompensée, ce qui s'explique aisément par son film, une gigantesque production sur un sujet alors plus que d'actualité, et son rôle plus sérieux que les comédies auxquelles l'actrice était davantage habituée, les Oscars ayant presque toujours privilégié le drame au détriment de la comédie.

Mais voilà qui ne répond pas à la grande question: malgré cet historique excitant, l'Académie a-t-elle fait de bons choix? La réponse ci-dessous.

Je retire:

Ah bon???
Ingrid Bergman - Gaslight: Pouah. Bergman a-t-elle réalisé à quel point elle était mauvaise dans ce Cukor pourtant réussi? J'ai bien peur que non... et ce n'est pas bon signe du tout. Non seulement c'est le genre d'héroïne que je ne supporte pas au départ, mais l'actrice ne fait rien pour la rendre plus intéressante: dans le genre jeune mariée au coeur d'un mystère domestique, je préfère un milliard de fois Joan Fontaine dans Suspicion qui elle au moins se donne la peine de... réagir! Ici, la pauvre Paula ne sait rien faire d'autre que pleurnicher en public en attendant qu'un tiers vienne lui expliquer la situation: en voilà une héroïne courageuse! Mais tout cela aurait tout de même pu passer n'était le jeu extrêmement mauvais de l'interprète. Parce qu'entre ses regards vides de toute substance et sa façon complètement exagérée de rendre l'incompréhension qui s'empare du personnage, elle n'a malheureusement aucun moment qui vient relever le niveau. Pis encore: alors qu'elle aurait pu se sauver par le revirement de situation final, elle choisit au contraire de... rater sa scène de façon monumentale, surjouant comme si elle tournait pour la première fois. Dès lors, je suis d'autant plus remonté contre Bergman qu'elle fait tache ici et m'a empêché de passer un bon moment. Par ailleurs, impossible de faire une capture d'écran où elle n'ait pas l'air complètement demeuré... donc... plus qu'une broche ou un couteau, c'est ici une nomination qui va disparaître: pschhhh!


Greer Garson - Mrs. Parkington: J'avoue, j'ai longtemps été réfractaire aux "greergarsoneries", car malgré tout mon amour pour l'actrice, on l'a trop longtemps distinguée pour le même type de rôles, au point que j'étais en passe de me lasser au fur et à mesure de ses nominations officielles. Pourtant, j'ai revu Mrs. Parkington récemment, et je fus bien davantage séduit la seconde fois, d'autant que la performance est vraiment réussie. En fait, c'est un rôle qui se divise en deux parties en fonction des flashbacks remémorés par l'héroïne. Or, la vieille Susie Parkington est jouée on ne peut mieux par l'actrice qui épingle tous les tics de dame âgée pour nourrir sa composition, et donner d'autant plus d'humour et de chaleur au personnage. Ainsi, outre de charmantes intonations dites d'une voix un peu chevrotante, elle n'hésite pas à souffler sur ses lunettes avant de lire un document, sans toutefois en faire trop dans le registre comique afin que la vieille dame puisse aussi frapper par son sérieux, son intelligence, et sa capacité d'en imposer à sa famille. La jeune Susie, qui occupe l'essentiel du film, est quant à elle dotée de ces mêmes qualités, sachant qu'elle peut être aussi drôle, quand elle essaie des robes de luxe notamment, qu'empreinte de gravité, en particulier lors des scènes de ménage; et que l'actrice prend soin de la nuancer en présentant en certain détachement pour faire croire que Susie n'a pas regretté l'absence de son époux tout en suggérant qu'elle est en fait ravie de le retrouver. Le seul bémol dans cette performance, c'est que Greer Garson en fait un peu trop dans le registre de l'humilité, surtout quand elle prend une voix de petite fille face à une Agnes Moorehead qui la met mal à l'aise au début, puis quand elle s'excuse d'avoir fait une fausse couche après un accident, c'est trop ostensiblement lourd, et ça nuit clairement à la puissance émotionnelle du rôle. Mais dans l'absolu, la performance est réussie, même si Garson n'est jamais totalement à l'aise lorsqu'elle doit jouer une extrême jeunesse à quarante ans passés (voir The Valley of Decision l'année suivante). En écrivant, je me demande si je ne vais pas la réintégrer dans ma sélection... Dans l'immédiat, la scène du tremblement de terre, un peu ratée, m'en empêche.


Ma sélection:

Claudette Colbert - Since You Went Away: Dans la veine des films où la guerre est vue du côté des civils à l'instar de Mrs. Miniver. Ici, ce n'est pas Wyler qui est à la réalisation, ce qui n'empêche nullement Since You Went Away d'être une grande réussite dont on ne voit pas passer les 3h de fiction. Evidemment, Colbert n'est pas la dernière à contribuer à ce succès puisqu'elle constitue le coeur du film dont la majeure partie repose sur ses épaules. Or, elle est absolument épatante, oscillant de façon très pudique entre humour et drame, et prenant toujours soin de dévoiler des émotions tout en retenue sans jamais perdre sa lucidité, notamment lorsqu'elle doit annoncer une nouvelle tragique à l'une de ses filles. Ainsi, elle compose un personnage marquant et attachant, plein de vie et d'espoir, qui montre fort bien comment appréhender l'absence d'un être cher. Voilà de quoi lui permettre de dominer une distribution pourtant prestigieuse dont Hattie McDaniel qui ne prend pas de gants pour la mettre en face de ses talents très relatifs de cuisinière! En clair, une très grande performance de l'une des plus grandes, au point que même ses détracteurs ne peuvent s'empêcher de reconnaître après ce film que "Claudette Colbert est une très bonne actrice"!


Bette Davis - Mr. Skeffington: En me promenant un peu sur le net ces deux dernières années, j'ai réalisé que cette performance a en fait très mauvaise réputation, alors que dans mon esprit il n'a jamais fait aucun doute qu'il s'agit là d'un véritable challenge pour l'actrice. Je suis néanmoins d'accord pour dire que ce n'est certes pas son meilleur rôle, mais Davis a au moins le mérite de faire preuve d'originalité dans la mesure où, loin de ses personnages forts, elle doit incarner une femme irrémédiablement superficielle et piquer l'intérêt avec cette seule caractéristique pendant plus de deux heures de film. Force est de reconnaître qu'elle relève le défi en ajoutant un humour féroce qui donne à Mr. Skeffington toute sa cohérence, sans quoi l'œuvre n'aurait sans doute pas fonctionné. A ce titre, Davis n'a pas son pareil pour rendre amusante une héroïne clairement antipathique au prix de succulents battements de paupières dont on ne se lasse pas, et d'accord, ça ne lui demande peut-être pas un grand effort, mais c'est mortel: sans une parole, elle rend ainsi tout le mordant et le pathétique d'une situation, comme lorsque sa nouvelle conquête commet une bévue en la comparant à sa fille, ou lorsqu'elle récite l'un des leitmotivs du film en donnant vie au personnage fantôme de Janie Clarkson, scènes à mourir de rire. D'autre part, pour ajouter du pathétique à l'humour, elle joue beaucoup avec ses expressions faciales, ce que d'aucuns lui reprochent mais qui fonctionne à mon sens parfaitement dans un tel contexte, sans compter qu'elle n'oublie jamais de se toucher le visage et les cheveux, même dans les séquences les plus anodines, afin de suggérer l'ampleur de la vanité de Fanny. Ceci dit, Mr. Skeffington n'est pas qu'une comédie, et les passages dramatiques sont eux aussi très bien compris, puisque l'actrice instaure toujours une grande distance avec des événements pas à même d'affecter une héroïne autocentrée, ce qui explique pourquoi elle cherche davantage à se mettre en avant en pleurant la mort de son frère plutôt que d'être sincèrement crédible dans ses larmes. En fait, seule la diphtérie la touche vraiment de plein fouet, suite à quoi Davis donne un côté touchant au personnage qui se regarde flétrir dans le miroir, jusqu'à une scène stridente quand Fanny craque enfin une fois seule avec sa bonne, séquence qui horrifia sans doute les frères Epstein, lesquels en ont beaucoup voulu à l'actrice d'avoir réécrit des pans entiers du scénario pour se mettre davantage en avant, quoique cet exercice narcissique soit en fait bien en phase avec l'esprit de l'héroïne. Je conclurai en ajoutant que la star réussit vraiment l'exploit de passionner si longtemps avec un personnage aussi creux, notamment parce qu'elle souligne que Fanny est en fait moins stupide qu'égocentrique, et qu'elle sait faire marcher les autres dans son sens: on sent donc toujours quelque chose de fort derrière la façade, sans que ça perturbe la fidélité au personnage, et c'est justement ça qui séduit et me fait sincèrement aimer cette performance.
    

Barbara Stanwyck - Double Indemnity: Quand on pense qu'elle a presque failli décliner le rôle, on ne peut que se féliciter de la pugnacité de Wilder à l'avoir convaincue. Parce que c'est non seulement l'un des sommets de l'une des plus grandes carrières de l'histoire d'Hollywood, mais c'est aussi une interprétation élevée d'emblée au rang de mythe dans l'histoire du cinéma. Perruque aux reflets d'or sur la tête, lunettes obscures au beau milieu d'un magasin, et ça y est: Stanwyck est fin prête pour composer un personnage de garce froide, machiavélique et sexy mue par l'appât du gain. Mais évidemment, elle est loin de s'arrêter à cette seule dimension puisqu'elle sait parfaitement humaniser Phyllis Dietrichson sans en faire trop: révélant des regards angoissés aux moments cruciaux, Stanwyck est aussi très convaincante dans sa façon de faire croire à son innocence. Ainsi, on a beau savoir ce qu'elle mijote lors de son interrogatoire, on la croirait parfaitement sincère, et il en va de même lorsqu'elle tente de se victimiser afin de conquérir son futur complice. Mieux encore: tout en sachant que ce n'est qu'un leurre, on a presque envie d'être touché par sa manière d'expliquer qu'elle agit parce que tout l'argent ira à sa belle-fille et qu'elle sera ainsi injustement lésée. Ou alors, c'est juste moi qui n'ai aucune moralité... Quoi qu'il en soit, une performance brillante qui sied incomparablement à ce chef d'oeuvre suprême du film noir.


Tallulah Bankhead - Lifeboat: Là, c'est Tallulah Bankhead dans le rôle de sa vie et c'est aussi l'un des personnages les plus originaux de l'univers hitchcockien, le tout dans un chef d'oeuvre technique qui fait date. Comme toujours, elle montre qu'on est là pour voir Tallulah dans toute sa splendeur mais sa performance reste géniale: qu'il s'agisse de faire du shopping avec une désinvolture peu commune parmi les débris d'un navire coulé, de courtiser un marin en se remaquillant comme à une soirée mondaine, d'apaiser les peurs d'un patient en passe d'être amputé via un clin d'oeil désarmant, de parler sentiments avec la seule autre rescapée féminine, de mimer à la perfection les sensations de faim et de soif ou de dire quelques phrases dans un allemand parfait: Tallulah domine complètement cette distribution tout en ayant une grande connivence avec chaque passager. Et puis surtout, il y a ce rire interminable, le plus classe de toute l'histoire du cinéma, qui constitue son inimitable signature et aurait justifié à lui seul que l'AMPAS crée une catégorie de l'Oscar du meilleur rire. Donc, c'est du tout bon pour celle qui a en partie inspiré le nom de ce blog.


Joan Fontaine - Jane Eyre: Le film est sorti en 1944 aux Etats-Unis, aussi Fontaine peut-elle décrocher une nouvelle nomination bien méritée. En effet, le rôle est totalement fait pour elle, dans la lignée des héroïnes gothiques amorcée par Rebecca, et autant dire que l'actrice s'en sort une fois de plus avec brio. Tout d'abord parce qu'elle se montre forte et fait preuve de détermination: on appréciera notamment comment Jane tient tête au directeur d'école rien qu'en gardant un air froid mais pas discourtois, avant d'admirer la façon dont l'actrice ne se laisse pas écraser par l'imposant Orson Welles, dont la taille et la voix de stentor auraient pourtant pu l'éclipser. Mais il n'en est rien, et Fontaine a suffisamment d'audace pour composer à ses côtés un très bon duo. Leurs échanges lui permettent notamment de révéler une héroïne forte qui sait dire ce qu'elle pense sans toutefois jamais oublier sa place, d'où le langage corporel assez soumis qu'adopte l'actrice malgré sa franchise, et lorsque les deux protagonistes deviennent complices, l'actrice conserve judicieusement tous ces aspects tout en y ajoutant une plus grande sensibilité émotionnelle qui émeut. Elle est notamment très bonne lorsque les larmes lui montent aux yeux lors de la réception, et la grande scène où Jane confesse enfin ses sentiments est réellement touchante par sa justesse de ton, et ce d'autant plus qu'avant d'en arriver là, Fontaine a parfaitement joué sur le mode de l'inquiétude, en faisant par exemple très bien naître le dépit sur son visage à propos des tourments causés par la présence d'une supposée rivale au château. La comparaison avec la brillante invitée souligne d'ailleurs le talent de l'actrice à adopter des manières très simples qui rendent crédible sa façon de se croire peu attirante, de même que sa relative réserve et sa politesse sont parfaitement en phase avec ce personnage de gouvernante. L'angoisse, élément clef de l'intrigue, est encore une sensation que l'actrice sait très bien faire sentir dans ses regards, de quoi rehausser le mystère que renferme la demeure ancestrale de Rochester, mais par bonheur, tout n'est pas qu'obscurité dans ce rôle, puisque Fontaine est absolument lumineuse dans les séquences plus enjouées avec Margaret O'Brien, ce qui étoffe joliment sa composition. Dès lors, si l'on peut reprocher le traitement quelque peu lapidaire de l'histoire à cause de la durée du film, Fontaine n'en pâtit nullement et livre à nouveau une très bonne performance digne de son talent.

Voilà pour mes cinq candidates, et je précise d'ores et déjà que si chacune me plaît beaucoup, trois se détachent toutefois de la sélection grâce à des performances absolument brillantes qui mériteraient toutes d'être récompensées. Cependant, il me faut n'en choisir qu'une et, bien que ce soit difficile, le choix me paraît tout de même évident. Ladies and Gentlemen, the winner is...


Tallulah Bankhead - Lifeboat

Eh bien oui: Barbara Stanwyck est certes mythique, Claudette Colbert est certes énormément bien, mais Tallulah est incontestablement la sensation de l'année! Comme Stanwyck, elle figure au sein d'un chef d'oeuvre absolu mais il y a vraiment le je ne sais quoi de plus qui m'incite à voter pour elle sans l'ombre d'un regret. Probablement parce que le personnage est vraiment original et qu'il permet à l'actrice de briller dans différents registres tout en faisant du Tallulah de façon complètement assumée. Donc, même si les regards sont heureusement tournés vers Barbara et malheureusement tournés vers Bergman, 1944, c'est Tallulah, un point c'est tout.

Bien. Et à présent, laissons Sylvia Fowler établir le classement des performances...

dignes d'un Oscar : Tallulah Bankhead (Lifeboat), Claudette Colbert (Since You Went Away), Barbara Stanwyck (Double Indemnity)





dignes d'une nomination : Bette Davis (Mr. Skeffington), Joan Fontaine (Jane Eyre): voir ci-dessus. Judy Garland (Meet Me in St. Louis): le film est clairement l'un des plus grands chefs-d'oeuvre musicaux d'Hollywood, et permet à Judy de briller de mille feux. Elle n'a d'ailleurs jamais été aussi jolie qu'avec les cheveux longs, et elle se montre aussi touchante que drôle tout au long de l'histoire, portée par les délicieuses chansons de Ralph Blane et Hugh Martin parfaitement adaptées à sa voix grave. Il est néanmoins dommage qu'elle se fasse voler la vedette dans certaines séquences, en particulier par Margaret O'Brien. Autrement, la performance reste plus que séduisante, et Judy est clairement mon sixième choix pour cette année.


séduisantes : Lauren Bacall (To Have and Have Not): j'ai beau ne pas être le plus grand fan de Bacall, son premier essai devant une caméra fait des ravages tant elle y est charismatique. Et elle fait naître l'alchimie avec son plus célèbre partenaire avec une facilité inouïe. Joan Bennett (The Woman in the Window): j'ai du mal à trouver le personnage si intéressant que ça, surtout si l'on compare Alice Reed avec la très similaire, et plus coriace, Kitty March de Scarlet Street. La séduction est néanmoins bien présente. Irene Dunne (The White Cliffs of Dover): comme on parle d'Irene Dunne, c'est toujours très bon, même si elle n'a pas réussi à rendre ce film plus passionnant, et que le rôle est tellement convenu qu'on frôle parfois la catégorie pas très intéressant. Ainsi, je l'aime nettement plus dans Together Again, une charmante romance où son génie comique fait à nouveau merveilles, bien que la fin peu féministe détruise tout ce qui a été bâti avec beaucoup d'élégance dans le reste du film. Deanna Durbin (Christmas Holiday): un premier essai dramatique pour Deanna Darling, qui loin d'être raté laisse quand même le spectateur un peu sur sa faim. Et même si je comprends que l'actrice ait souhaité sortir d'une image trop policée qui ne lui correspondait pas, je préfère malgré tout ma Deanna comique et intrépide. Le contre-emploi reste toutefois très intéressant, mais on ne s'étonnera pas de me savoir bien davantage séduit par sa délicieuse performance comique dans Can't Help Singing, où elle est aussi drôle que débrouillarde de retour dans son élément. Greer Garson (Mrs. Parkington): parce que c'est quand même une bonne performance, même si j'ai du mal à m'y intéresser. Ruth Hussey (The Uninvited): je ne sais pas vraiment si c'est un premier rôle, mais son importance est indéniable. Reste une actrice sympathique à forte personnalité dans une performance un peu quelconque, mais pas inintéressante pour autant. Jennifer Jones (Since You Went Away): pas tout à fait crédible lorsqu'elle tente de minauder comme une jeune fille, elle se révèle néanmoins excellente dans toute la partie dramatique du film. Je lui aurais même laissé sa nomination si elle n'était pas aussi ostensiblement leadingMerle Oberon (The Lodger): au faîte de son charisme et de sa beauté, elle évite toute fausse note, notamment dans sa voix ici parfaitement maîtrisée. Dommage qu'elle ait tendance à se faire éclipser par d'autres membres du casting, notamment Laird Cregar et Sara Allgood. Ginger Rogers (I'll Be Seing You): une prestation très honorable, lumineuse sous son aspect sévère, qui prouve à nouveau que Ginger Rogers n'était pas seulement une danseuse d'exception. Elizabeth Taylor (National Velvet): à seulement douze ans, Taylor se révèle déjà comme une actrice très charismatique bien que le rôle ne soit pas un grand challenge pour une jeune fille de son âge. On suit néanmoins avec grand intérêt ses aventures équestres. Gene Tierney (Laura): à l'image du film, une performance mythique qui me laisse trop perplexe, d'autant qu'on ne comprend pas trop bien pourquoi l'actrice enclenche le mode "regard méchant" au moment où le personnage en aurait le moins besoin. Elle est néanmoins très charismatique et plus séduisante que jamais, bien que l'histoire peine à me convaincre.


sans saveur : Jean Adair & Josephine Hull (Arsenic and Old Lace): dans le fond, elles sont quand même bien rigolotes, mais à force de passer deux heures à jouer avec les mêmes tics ultra théâtraux, elles finissent par en perdre tout leur charme. De toute façon, à l'exception de It Happened One Night, les comédies de Capra me laissent totalement de marbre, et les gags poussifs d'Arsenic n'échappent pas à la règle. Jeanne Crain (Home in Indiana): elle est sans doute plus légitimement secondaire, mais elle est plus développée que les autres dames du film. Quoi qu'il en soit, elle a beaucoup de personnalité, mais elle ne fait rien que donne envie de recommander ce film, nettement dépassé par le déjà pas exceptionnel National Velvet la même année. Marlene Dietrich (Kismet): dans l'absolu je n'ai pas de reproches à faire à l'actrice qui, à défaut d'être subtile, reste fabuleusement divertissante, mais ce rôle est tellement kitsch que je ne sais plus trop quoi en penser. Et qu'on se le dise, kitsch est un euphémisme! Nina Foch & Osa Massen (Cry of the Werewolf): je sais, c'est de la série B, mais Nina Foch a au moins le mérite d'être pas mal dans les extrêmes limites de son rôle, tandis qu'Osa Massen parvient à être divertissante malgré son jeu limité. Rita Hayworth (Cover Girl): elle est vraiment mignonne à tenter de faire rire, bien que ça ne fonctionne pas vraiment. Betty Hutton (The Miracle of Morgan's Creek): j'ai tenté de me convaincre que j'aimais cette performance, mais en fait non. Je n'accroche pas du tout à son sur-jeu comique, et c'est sans doute le Preston Sturges que j'aime le moins. L'actrice se fait d'ailleurs éclipser par Diana Lynn, à l'inverse de And the Angels Sing où elle domine cette fois-ci sa partenaire et Dorothy Lamour, bien qu'on oublie tout d'elles aussitôt après le générique de fin. Finalement, la meilleure performance de Hutton cette année, c'est son double rôle dans Here Come the Waves, mais si elle est correcte en sœur sérieuse, elle en fait tant et tant en cruche écervelée qu'elle agace plus qu'elle ne fait rire. Maureen O'Hara (Buffalo Bill): elle ne sait pas du tout pleurer, mais son charisme est tel qu'on ne voit pas trop ses défauts. Malgré tout, elle n'est pas à même de rester mémorable, ou de donner du peps à ce film franchement médiocre. Merle Oberon (Dark Waters): le film laisse grandement à désirer, et il en va malheureusement de même pour l'actrice qui peine à captiver tout du long, d'autant qu'elle n'est pas forcément très crédible dans ses pleurs. Gail Russell (The Uninvited): elle n'est pas mauvaise, mais que ce personnage est niais!


crispantes : Ingrid Bergman (Gaslight): voir ci-dessus. Veronica Lake (The Hour Before the Dawn): une fois de plus, une Veronica Lake complètement figée, incapable d'esquisser la moindre émotion sur son visage. Que faire d'elle?





à découvrir : Mary Astor (Blonde Fever), Lucille Ball (Meet the People) Anne Baxter (The Fighting Sullivans), Virginia Bruce (Action in Arabia) (Brazil), Mady Christians (Address Unknown), Claudette Colbert (Practically Yours), Jeanne Crain (Home in Indiana), Laraine Day (Bride by Mistake), Marian Jordan (Heavenly Days), Elyse Knox (A Wave, a WAC and a Marine) (Army Wives), Hedy Lamarr (The Conspirators) (Experiment Perilous), Ida Lupino (In Our Time), Constance Moore (Atlantic City), Ella Raines (Hail the Conquering Hero), Vera Ralston (Storm Over Lisbon), Ginger Rogers (Lady in the Dark), Alexis Smith (The Adventures of Mark Twain), Helen Walker (Abroad with Two Yanks), Teresa Wright (Casanova Brown), Jane Wyman (Crime by Night), Loretta Young (And Now Tomorrow)


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