Comme vous l'avez déjà remarqué, j'ai été très sévère avec Luise Rainer quant à ses deux rôles oscarisés dans The Great Ziegfeld et The Good Earth, et son décès prématuré (ce n'est pas ironique, je la pensais vraiment partie pour au moins 120 ans) survenu à peine deux jours plus tard m'a assez choqué pour me donner envie de lui redonner une chance très vite. Et pour ce faire, quoi de mieux que son tout dernier film à la MGM, où elle joue une aspirante comédienne aux côtés d'un casting de luxe, entre Paulette Goddard, Lana Turner et Virginia Grey en chipies de la promo, Gale Sondergaard en professeur autoritaire et Genevieve Tobin en diva sortie du rang la première? Voilà autant d'éléments qui m'ont tout de suite fait très envie, même si en toute honnêteté l'absence totale de notoriété du réalisateur, Robert Sinclair, me faisait craindre une fiction au mieux médiocre.
Pourtant, le nom du metteur en scène n'a pas vraiment d'importance, puisque Dramatic School reste avant tout une production MGM financée par Mervyn LeRoy (Gold Diggers of 1933, Random Harvest), écrite par Ernest Vajda (The Love Parade, The Smiling Lieutenant) et Mary McCall Jr. (Craig's Wife), mise en musique par Franz Waxman et soutenue par les incontournables William Daniels à la photographie, Adrian aux costumes et Cedric Gibbons à la décoration. C'est donc bel et bien le studio qui est derrière le projet avant toutes choses, bien que le film ne fût visiblement pas son principal cheval de bataille l'année de Boys Town, Marie Antoinette et The Citadel. On a même souvent dit qu'après la mort de Thalberg, Louis B. Mayer a sciemment casé Luise Rainer, reine des Oscars d'alors, dans des films de moindre envergure pour attirer le public rien qu'avec son nom, ce qui conduisit à la rupture de son contrat dès 1938. La même année, la MGM s'attendait d'ailleurs à ce que The Toy Wife, une sorte de sous-Jezebel priée de capitaliser sur le regain d'intérêt pour le Vieux Sud, rencontre le succès, ce qui ne fut pas le cas et contribua à placer l'actrice parmi les fameux Poisons du Box Office. Néanmoins, ce n'est pas pour autant que Dramatic School dût compter pour quantité négligeable, d'une part parce la ressemblance avec Stage Door, grande réussite RKO de 1937, tend à montrer que la MGM chercha bien à exploiter le filon d'une histoire sur des actrices en devenir; et d'autre part parce que le rôle principal était d'abord prévu pour Greer Garson, qui devait ainsi faire ses grands débuts aux États-Unis, et sur qui le studio comptait pour devenir la grande star capable de faire oublier que les Garbo, les Crawford et à présent les Rainer faisaient perdre de l'argent aux producteurs. Le hasard voulut que Garson se blessât et abandonnât le rôle, qu'on attribua alors à celle qui était le plus immédiatement disponible : Luise.
Dès lors, malgré l'étalage de beaux noms au générique, ce dénouement fait bien sentir que Dramatic School reste un projet relativement mineur par rapport aux mastodontes destinés à représenter le studio aux Oscars, ce que tendent à souligner la mise en scène très conventionnelle d'un réalisateur sorti de nulle part, et les efforts minimes de l'équipe technique bien que le résultat soit assez élégant et que le découpage du film prenne toujours soin de montrer les réactions des personnages secondaires lors des séquences chorales. Ceci dit, ce qui intéresse en priorité ici, c'est l'histoire et l'interprétation.
Le scénario, justement, est en fait l'adaptation d'une pièce hongroise de Hans Székely et Zoltan Egyed, School of Drama, dont je n'ai jamais entendu parler mais qui rappelle une version un brin naïve de Stage Door. Naïve, parce que personne ne saurait croire un instant que toute une classe s'enthousiasme pour l'individu qui sort du rang le premier, surtout dans un conservatoire, lieu de lutte et de compétition s'il en est: à ce titre, les petites chamailleries entre filles paraissent bien futiles, et manquent de l'arrogance des pensionnaires de Stage Door. Par bonheur, cet enthousiasme collectif littéralement incroyable est estompé par des aspects bien plus concrets qui sentent le vécu, le scénario n'oubliant jamais que les prétendues amies ne sont finalement pas si désintéressées que ça, mais c'est surtout dans les relations avec l'enseignante incarnée par Gale Sondergaard que l'histoire sonne le plus juste, rien n'étant plus vrai que cette figure légendaire qui refuse d'admettre que son heure de gloire est révolue, et qui le fait bien sentir à ses élèves les plus prometteurs. Très riche, le scénario fait également le parallèle entre le monde classique et prestigieux du conservatoire et la vie nocturne des cabarets, notamment à travers le personnage du producteur inculte qui propose un travail à l'héroïne juste pour son physique (il est néanmoins ironique), alors que celle-ci se fait sans cesse rabrouer dans son école à la moindre faute de diction chez Juliette, ou au moindre faux-pas disgracieux de Marie-Antoinette. L'héroïne, précisément nommée Louise, est pour sa part un personnage intègre qui veut se consacrer tout entier à son art et ne jouer que les grands drames du répertoire classique. On suit alors son histoire avec grand intérêt d'autant qu'elle est éminemment sympathique, et l'on ne peut que se réjouir de voir un rôle bien développé entre volonté de réussir, travail harassant à côté pour payer ses études, aventures sentimentales, relations à ses camarades de classe, et mensonges pour paraître ce qu'on n'est pas tout en restant fidèle à sa passion. L'héroïne est alors captivante sur le papier, même si certains aspects de sa trajectoire ont déjà été vus dans des films comme Morning Glory, preuve que l'histoire n'est finalement pas si novatrice que ça malgré sa volonté de couvrir les multiples aléas de la vie d'artiste.
Car si l'intrigue est avant tout centrée sur Louise, le scénario englobe une grande galerie de personnages variés qui, miracle, voient pour la plupart leur arc narratif arriver à terme en seulement 1h20 de film. Ainsi, Nana, la principale rivale de Louise, le marquis d'Abbencourt qui la courtise et l'enseignante Madame Charlot connaissent chacun une évolution, seule Paulette Goddard changeant un peu trop rapidement au regard du rythme, via un dénouement peut-être un peu plaqué sur Stage Door. Les Pasquel, respectivement le directeur de l'école et son fils apprenti comédien, ont eux aussi le temps d'être développés malgré leur temps d'écran minuscule, et même Yvonne, la bonne copine amoureuse du fils, bénéficie de quelques répliques qui épaississent un peu son personnage bien que ça arrive un peu tard, sans compter que sa gentillesse est toujours marquée puisqu'elle est la seule à ne pas se jeter sur la garde-robe de Louise. Du côté des chipies, si Mado sert essentiellement à donner une touche de méchanceté amusée à l'histoire, Simone est en revanche vue à l'extérieur de l'école, ce qui permet de nous intéresser furtivement à elle bien que ça ne prenne, là encore, que très peu de temps et que le scénario ne perde jamais de vue son objectif principal. Même Annette, l'adjuvante à l'usine, réussit à captiver en quelques secondes lorsqu'on la voit réagir face à sa méchante patronne, et même la fantasque Genevieve Tobin bénéficie d'une petite trajectoire pour colorer le tout. Il se passe donc beaucoup de choses en peu de temps dans Dramatic School, et je réalise que l'histoire m'intéresse tout autant que Stage Door. A la réflexion, je me demande même si le scénario n'est pas plus subtil, nous épargnant tout mélodrame à la Andrea Leeds, bien que Stage Door l'emporte sur le plan du réalisme entre de jeunes personnes en compétition. Mais en ce qui me concerne, Dramatic School l'emporte sur le plan de la nostalgie, ce qui me rend sans doute plus sensible à ces héros. Quoi qu'il en soit, les dialogues sont très bien écrits et ajoutent au charme du film, qu'il s'agisse de faire rire: "Marie Antoinette just lost her head!" ou d'émouvoir: "I know acting when I see it." L'idée de faire intervenir une série de souhaits lors du climax, où l'on cherche à mettre Louise en face de ses contradictions à la fête, est également bien trouvée, mais je ne sais pas si ça vient de la pièce ou des scénaristes.
Ainsi, le dialogue crépite et l'histoire captive, aussi fallait-il des interprètes à la hauteur pour donner vie à tous ces personnages fascinants. Mais qu'en est-il de Luise Rainer sur qui repose l'essentiel de la trame, et qui m'a jusqu'à présent déçu dans ses autres films? Eh bien, force est de reconnaître qu'elle est... roulement de tambour... assez fabuleuse dans un rôle aussi loin des excès du Grand Ziegfeld que de la monotonie étouffante de La Terre chinoise. Ici, on ressent vraiment quelque chose pour le personnage, et l'actrice rend parfaitement justice à son caractère sympathique sans oublier d'en faire une menteuse qui se berce d'illusions et s'invente une vie devant toute sa classe. Mais le mensonge n'empêche pas Louise d'avoir toujours bon fond, quoiqu'on admirera le talent de l'actrice pour tromper son public, d'autant qu'elle n'est percée à jour que par un concours de circonstances. Mais la délicatesse est bien là, même dans le mensonge, et Rainer frappe par le crédit qu'elle apporte à chaque facette de l'héroïne: elle émeut aussi bien dans la réalité (la séquence à l'usine) que dans l'illusion, touche par son intégrité et son intelligence ("I know acting when I see it."), et sa déception sentimentale, qui intervient en cours de route, est déchirante de justesse puisque même lorsqu'elle parle de l'amour véritable à sa rivale, ses regards glissant sur son compagnon montrent précisément qu'elle n'est pas dupe. Son grand monologue devant Gale Sondergaard bouleverse également par sa sincérité, et l'actrice se permet même des touches d'humour fort plaisantes, en particulier lorsqu'elle marche avec un paravent tout autour d'elle! Un autre élément à ajouter à son crédit, c'est qu'elle est impressionnante dans chaque rôle qu'elle joue sur scène: elle s'investit à fond dans sa Marie-Antoinette avec un livre sur la tête, elle convainc en Juliette tout en prenant soin de ne pas trop bien jouer afin que les reproches de l'enseignante puissent fuser, quant à sa Jeanne d'Arc, on regrette de ne pas voir l'intégralité de la pièce tant sa théâtralité fait des miracles sur les planches. En fait, on regrettera juste deux passages joués un peu mollement, à savoir son désarroi momentané face au directeur de cabaret, puis lors de sa rencontre avec le marquis; mais à ces menus détails près, la performance est convaincante et séduit entièrement.
L'autre grande performance du film, c'est bien entendu Gale Sondergaard en grande dame de la scène qui sent l'heure de la retraite arriver à grands pas mais se refuse à l'admettre, d'où une certaine sécheresse face aux étudiants, surtout lorsqu'ils risquent de lui faire ombrage. C'est sans doute pour cette raison qu'elle se met toujours en colère contre Louise, alors que l'actrice pense bien à nuancer le personnage puisque, lorsqu'elle assiste à la désastreuse performance d'un Roméo, elle a sincèrement l'air gênée pour l'acteur et détourne le regard. Madame Charlot est donc un beau personnage complexe qui doit apprendre à évoluer dans la grosse heure que dure le film et, bien aidée par son charisme et son goût pour la nuance (qui n'a pas toujours été très prononcé chez elle, souvenez-vous d'Anthony Adverse), l'actrice éblouit dans son cheminement. On passe alors de la dureté agacée ("The truth! Tell it to your son!") à des touches d'humour qui lui vont à ravir ("And don't look at me as you've never seen me before!"), de quoi regretter que la dame n'ait pas plus de temps d'écran. Et l'on ne sera guère surpris de la trouver elle aussi très convaincante dans des rôles classiques, à l'image de la Juliette parfaite qu'elle révèle à ses élèves.
Les élèves, justement, sont eux aussi bien esquissés malgré la brièveté des rôles, parmi lesquels une sympathique Ann Rutherford, même si c'est avant tout le trio de rivales mené tambour battant par Paulette Goddard, Lana Turner et Virginia Grey qui reste le plus mémorable. Ainsi, Lana Turner donne une petite touche d'humour bien qu'elle n'ait pas grand chose à faire à part dire deux ou trois méchancetés, encore que la voir satisfaite de ses blagues soit à mourir de rire! Virginia Grey a quant à elle un joli sourire pervers qui, ajouté à son charisme naturel, ne manque pas de frapper les esprits. Et de son côté, Paulette Goddard réussit à être antipathique tout en faisant bien sentir qu'elle n'a pas aussi mauvais fond qu'on pourrait le croire, sans pour autant effacer le souvenir trop prégnant de Ginger Rogers dans Stage Door. Concernant les autres acteurs, Henry Stephenson est égal à lui-même en directeur aimable néanmoins nerveux à l'idée d'annoncer une mauvaise nouvelle, Alan Marshall épingle bien le côté coureur de jupons du marquis, au prix d'un charme certain, tandis que Genevieve Tobin en fait des tonnes pour souligner l'excentricité de la diva. Plus discrète mais finalement touchante, Marie Blake (la grande sœur de Jeanette!) apporte toute sa sympathie à l'héroïne tout en étant satisfaite pour elle-même de quitter sa condition d'ouvrière, et c'est d'ailleurs elle qui a le dernier mot et donne tout son sens au parcours de sa camarade.
Dramatic School reste alors une œuvre fort plaisante, à la frontière du Stage Door du pauvre et d'une intrigue passionnante où certaines trajectoires sont d'ailleurs traitées de façon plus fine que dans le film de La Cava. Ce n'est pas non plus un chef-d'œuvre et je me suis peut-être montré trop enthousiaste en écrivant, mais c'est un film qui divertit constamment, bien que certains personnages auraient mérité un traitement plus précis. L'effet de surprise étant passé, un modeste 6/10 suffit largement, l'important étant que j'attendais impatiemment de me réconcilier avec Luise Rainer, et c'est maintenant chose faite. Vous m'en voyez ravi!
Car si l'intrigue est avant tout centrée sur Louise, le scénario englobe une grande galerie de personnages variés qui, miracle, voient pour la plupart leur arc narratif arriver à terme en seulement 1h20 de film. Ainsi, Nana, la principale rivale de Louise, le marquis d'Abbencourt qui la courtise et l'enseignante Madame Charlot connaissent chacun une évolution, seule Paulette Goddard changeant un peu trop rapidement au regard du rythme, via un dénouement peut-être un peu plaqué sur Stage Door. Les Pasquel, respectivement le directeur de l'école et son fils apprenti comédien, ont eux aussi le temps d'être développés malgré leur temps d'écran minuscule, et même Yvonne, la bonne copine amoureuse du fils, bénéficie de quelques répliques qui épaississent un peu son personnage bien que ça arrive un peu tard, sans compter que sa gentillesse est toujours marquée puisqu'elle est la seule à ne pas se jeter sur la garde-robe de Louise. Du côté des chipies, si Mado sert essentiellement à donner une touche de méchanceté amusée à l'histoire, Simone est en revanche vue à l'extérieur de l'école, ce qui permet de nous intéresser furtivement à elle bien que ça ne prenne, là encore, que très peu de temps et que le scénario ne perde jamais de vue son objectif principal. Même Annette, l'adjuvante à l'usine, réussit à captiver en quelques secondes lorsqu'on la voit réagir face à sa méchante patronne, et même la fantasque Genevieve Tobin bénéficie d'une petite trajectoire pour colorer le tout. Il se passe donc beaucoup de choses en peu de temps dans Dramatic School, et je réalise que l'histoire m'intéresse tout autant que Stage Door. A la réflexion, je me demande même si le scénario n'est pas plus subtil, nous épargnant tout mélodrame à la Andrea Leeds, bien que Stage Door l'emporte sur le plan du réalisme entre de jeunes personnes en compétition. Mais en ce qui me concerne, Dramatic School l'emporte sur le plan de la nostalgie, ce qui me rend sans doute plus sensible à ces héros. Quoi qu'il en soit, les dialogues sont très bien écrits et ajoutent au charme du film, qu'il s'agisse de faire rire: "Marie Antoinette just lost her head!" ou d'émouvoir: "I know acting when I see it." L'idée de faire intervenir une série de souhaits lors du climax, où l'on cherche à mettre Louise en face de ses contradictions à la fête, est également bien trouvée, mais je ne sais pas si ça vient de la pièce ou des scénaristes.
Ainsi, le dialogue crépite et l'histoire captive, aussi fallait-il des interprètes à la hauteur pour donner vie à tous ces personnages fascinants. Mais qu'en est-il de Luise Rainer sur qui repose l'essentiel de la trame, et qui m'a jusqu'à présent déçu dans ses autres films? Eh bien, force est de reconnaître qu'elle est... roulement de tambour... assez fabuleuse dans un rôle aussi loin des excès du Grand Ziegfeld que de la monotonie étouffante de La Terre chinoise. Ici, on ressent vraiment quelque chose pour le personnage, et l'actrice rend parfaitement justice à son caractère sympathique sans oublier d'en faire une menteuse qui se berce d'illusions et s'invente une vie devant toute sa classe. Mais le mensonge n'empêche pas Louise d'avoir toujours bon fond, quoiqu'on admirera le talent de l'actrice pour tromper son public, d'autant qu'elle n'est percée à jour que par un concours de circonstances. Mais la délicatesse est bien là, même dans le mensonge, et Rainer frappe par le crédit qu'elle apporte à chaque facette de l'héroïne: elle émeut aussi bien dans la réalité (la séquence à l'usine) que dans l'illusion, touche par son intégrité et son intelligence ("I know acting when I see it."), et sa déception sentimentale, qui intervient en cours de route, est déchirante de justesse puisque même lorsqu'elle parle de l'amour véritable à sa rivale, ses regards glissant sur son compagnon montrent précisément qu'elle n'est pas dupe. Son grand monologue devant Gale Sondergaard bouleverse également par sa sincérité, et l'actrice se permet même des touches d'humour fort plaisantes, en particulier lorsqu'elle marche avec un paravent tout autour d'elle! Un autre élément à ajouter à son crédit, c'est qu'elle est impressionnante dans chaque rôle qu'elle joue sur scène: elle s'investit à fond dans sa Marie-Antoinette avec un livre sur la tête, elle convainc en Juliette tout en prenant soin de ne pas trop bien jouer afin que les reproches de l'enseignante puissent fuser, quant à sa Jeanne d'Arc, on regrette de ne pas voir l'intégralité de la pièce tant sa théâtralité fait des miracles sur les planches. En fait, on regrettera juste deux passages joués un peu mollement, à savoir son désarroi momentané face au directeur de cabaret, puis lors de sa rencontre avec le marquis; mais à ces menus détails près, la performance est convaincante et séduit entièrement.
L'autre grande performance du film, c'est bien entendu Gale Sondergaard en grande dame de la scène qui sent l'heure de la retraite arriver à grands pas mais se refuse à l'admettre, d'où une certaine sécheresse face aux étudiants, surtout lorsqu'ils risquent de lui faire ombrage. C'est sans doute pour cette raison qu'elle se met toujours en colère contre Louise, alors que l'actrice pense bien à nuancer le personnage puisque, lorsqu'elle assiste à la désastreuse performance d'un Roméo, elle a sincèrement l'air gênée pour l'acteur et détourne le regard. Madame Charlot est donc un beau personnage complexe qui doit apprendre à évoluer dans la grosse heure que dure le film et, bien aidée par son charisme et son goût pour la nuance (qui n'a pas toujours été très prononcé chez elle, souvenez-vous d'Anthony Adverse), l'actrice éblouit dans son cheminement. On passe alors de la dureté agacée ("The truth! Tell it to your son!") à des touches d'humour qui lui vont à ravir ("And don't look at me as you've never seen me before!"), de quoi regretter que la dame n'ait pas plus de temps d'écran. Et l'on ne sera guère surpris de la trouver elle aussi très convaincante dans des rôles classiques, à l'image de la Juliette parfaite qu'elle révèle à ses élèves.
Les élèves, justement, sont eux aussi bien esquissés malgré la brièveté des rôles, parmi lesquels une sympathique Ann Rutherford, même si c'est avant tout le trio de rivales mené tambour battant par Paulette Goddard, Lana Turner et Virginia Grey qui reste le plus mémorable. Ainsi, Lana Turner donne une petite touche d'humour bien qu'elle n'ait pas grand chose à faire à part dire deux ou trois méchancetés, encore que la voir satisfaite de ses blagues soit à mourir de rire! Virginia Grey a quant à elle un joli sourire pervers qui, ajouté à son charisme naturel, ne manque pas de frapper les esprits. Et de son côté, Paulette Goddard réussit à être antipathique tout en faisant bien sentir qu'elle n'a pas aussi mauvais fond qu'on pourrait le croire, sans pour autant effacer le souvenir trop prégnant de Ginger Rogers dans Stage Door. Concernant les autres acteurs, Henry Stephenson est égal à lui-même en directeur aimable néanmoins nerveux à l'idée d'annoncer une mauvaise nouvelle, Alan Marshall épingle bien le côté coureur de jupons du marquis, au prix d'un charme certain, tandis que Genevieve Tobin en fait des tonnes pour souligner l'excentricité de la diva. Plus discrète mais finalement touchante, Marie Blake (la grande sœur de Jeanette!) apporte toute sa sympathie à l'héroïne tout en étant satisfaite pour elle-même de quitter sa condition d'ouvrière, et c'est d'ailleurs elle qui a le dernier mot et donne tout son sens au parcours de sa camarade.
Dramatic School reste alors une œuvre fort plaisante, à la frontière du Stage Door du pauvre et d'une intrigue passionnante où certaines trajectoires sont d'ailleurs traitées de façon plus fine que dans le film de La Cava. Ce n'est pas non plus un chef-d'œuvre et je me suis peut-être montré trop enthousiaste en écrivant, mais c'est un film qui divertit constamment, bien que certains personnages auraient mérité un traitement plus précis. L'effet de surprise étant passé, un modeste 6/10 suffit largement, l'important étant que j'attendais impatiemment de me réconcilier avec Luise Rainer, et c'est maintenant chose faite. Vous m'en voyez ravi!
Il reste maintenant à voir où se situe Rainer dans le classement 1938 désormais ...
RépondreSupprimer:-) J'avais vraiment aimé le film, en tout cas, même si je me rappelle que quelques points de montage m'avait semblé maladroit. Je pense qu'il aurait gagné à être un peu plus long, en réalité (c'est assez court pour ce type de film, non, je ne me souvient plus ? 90 minutes ?) et que du coup on sentait un peu le produit "sacrifié". Mais ça n'était peut-être qu'une impression du à la réputation qu'à le film d'être un cadeau empoisonné pour Rainer.
Bien d'accord pour tout ce que tu dis de Stage Door, c'est clairement la réponse MGM au film RKO, moins le talent du réalisateur, quoi ... Je me demande si Mayer a quand même envisagé de faire campagne pour Rainer (d'ailleurs la RKO a-t-elle fait quelque chose pour Hepburn ou Rogers ?)
L'Anonyme au coeur fidèle
Oui, je pense tout de même que c'est trop court (80 minutes seulement), mais il y a néanmoins pas mal à de personnages dont on connaît le dénouement, ce qui me semble être une bonne chose dans un laps de temps aussi réduit (même si ça pèche pour Nana, qui change trop rapidement). Comme précisé, je suis peut-être plus enthousiasme dans l'article que le laissait supposer ma réaction initiale, et je ne sais pas si le film passera le contrôle technique avec succès dans deux ans, mais dans l'immédiat ça m'a assez captivé et diverti pour mériter une assez bonne note.
SupprimerJ'ignore en revanche si la RKO fit campagne pour les actrices de Stage Door. Quant à Luise Rainer, elle peut entrer dans le top 10, mais 1938 reste une année extraordinaire où les places sont chères. Je veux dire: Jezebel, Holiday, Bringing Up Baby, Marie Antoinette, Pygmalion, Test Pilot, Bluebeard, Three Comrades, Vivacious Lady... Sans compter Fay Bainter dont le seul défaut est d'être desservie par un film oubliable... Rainer n'a aucune chance pour la nomination mais elle peut se glisser vers la fin du top 10, dans la catégorie digne d'intérêt +. A méditer.
1938 c'est un casse-tête : pour ma part je change d'idée tous les ans pour celle que je l'élimine. Je n'arrive jamais à me décider.
RépondreSupprimerA la lecture de ta chronique, je me dis que Dramatic School serait l'opportunité idéale pour découvrir Luise Rainer et peut-être même - folie! - l'apprécier. J'espère que mon adoration vis-à-vis de Paulette Goddard ne va pas entacher mon expérience. Si Luise Rainer est véritablement une actrice intéressante, il serait dommage qu'elle connaisse le sort que j'ai longtemps réservé à Katharine Hepburn.
RépondreSupprimerJ'ai peur de m'être un peu emporté dans l'article: oui, le film est divertissant, mais avec un peu plus de recul, c'est vraiment trop court pour une telle histoire, et certains dénouements donnent plutôt l'impression de tomber comme un cheveux sur la soupe, malgré l'effort des scénaristes pour faire aboutir leurs arcs narratifs.
SupprimerConcernant Luise, ça reste une bonne performance (fabuleuse était peut-être excessif, c'était surtout pour marquer mon envie de dire du bien de l'actrice au plus vite), mais je ne suis pas sûr qu'elle te plaise outre mesure: ne t'attends pas à du génie interprétatif, c'est vraiment bien dans les codes de jeux un peu théâtraux d'alors, sans avoir rien de moderne. Mais elle rend l'héroïne vraiment attachante et le fait de l'avoir découverte juste après une révision de Ziegfeld et Good Earth me rend automatiquement plus disposé à l'apprécier. Je suis donc personnellement conquis mais je ne sais pas pour toi. Luise est surtout fabuleuse en tant que personne, j'arrive à la trouver sublime rien qu' ici , et n'importe de laquelle de ses citations révèle une personne spirituelle pleine d'humour et de vie, ça suffit à me combler même sans être le plus grand admirateur de sa manière de jouer.