dimanche 16 juillet 2023

Roses de Picardie


Je n'ai pas vraiment pris le temps de m'arrêter en Picardie durant mon voyage du printemps au nord. J'avais pourtant envisagé de visiter Amiens pour sa cathédrale et son quartier Saint-Leu, mais ce sera pour une autre fois, quand je m'arrangerai pour coupler ce détour avec Péronne et la baie de Somme. Quant aux autres villes traversées, je dois avouer que ni Doullens, ni Conty, ni Crèvecœur-le-Grand, ni Poix-de-Picardie, ni la bien nommée Rubempré et ni la très peu méditerranéenne Marseille-en-Beauvaisis ne m'ont tenté pour une promenade. Le nord de la France a vraiment une histoire particulière qui mérite d'être honorée, mais après cette virée à Lille ayant tourné au fiasco, j'admets que je n'étais vraiment pas d'humeur à passer plus de temps au milieu de villes et villages tout de briques d'un rouge angoissant. Dès lors, je reviendrai en Picardie quand je serai dans un état d'esprit plus serein, afin d'admirer les richesses de cette région à leur juste valeur. Ma seule certitude était que je voulais faire le crochet par Gerberoy dans l'Oise, car ce village est classé parmi les plus beaux de France, et reste notamment connu pour ses floraisons qu'une fin mai rendait irrésistibles.



D'inspiration normande avec ses maisons à colombages typiques du pays de Bray, Gerberoy n'en reste pas moins une localité culturellement picarde. L'alternance de briques et pans de bois fait certainement la liaison entre la Normandie et le Nord de la France, tout en conférant au village un charme incomparable.



Apparemment, tout l'intérêt de la place est de visiter des jardins privés pour humer le parfum des fleurs, mais le temps de faire la route depuis l'Aquitaine, je suis arrivé céans bien après l'horaire de fermeture. Trop tard, dès lors, pour voir ces aménagements en terrasse au milieu de vieilles pierres qui ont l'air bien accueillantes sur les photographies. Ce n'est pas grave, car le reste du village m'a beaucoup plu, avec ses petites ruelles d'un autre temps et les vestiges de ses remparts veillant sur la campagne alentour. J'ai particulièrement apprécié ce bassin en demi-lune qui met dans de bonnes dispositions avant d'explorer les lieux plus en détail.



Après la rue du faubourg Saint-Jean, la première rue mémorable de Gerberoy est celle dite du Logis du Roy, où se concentrent de multiples colombages de toutes les couleurs, pour un ravissement de tous les instants.



Si les roses nous font penser à la célèbre chanson-phare de la Première Guerre mondiale, Gerberoy échappa heureusement aux ravages, car située plus au sud du théâtre des opérations. C'est plutôt l'époque médiévale qui fut difficile pour les habitants : Guillaume le Conquérant y fut blessé par son propre fils à la fin du XIe siècle, tandis qu'au XVe, le septième comte d'Arundel y fut victime d'un tir de couleuvrine en pleine guerre de Cent Ans, ce qui compromit momentanément la position des Anglais dans la région. Ravagé par Charles le Téméraire à la fin du siècle, puis lourdement pillé lors des guerres de Religion, le village perdit progressivement ses fortifications, d'où son aspect particulièrement paisible de nos jours.



La fin de la Renaissance y vit naître le compositeur Eustache du Caurroy, auteur talentueux de musiques profane et sacrée, dont la Messe pour les défunts connut par la suite un grand succès auprès des familles princières de France, qui aimaient apparemment être inhumées sur ce son élégiaque à Saint-Denis.



Au 19 rue du Logis du Roy, une maison attire particulièrement le regard avec de nombreuses images d'animaux et personnages en tous genres imbriquées entre les pans de bois.



Le même concept se poursuit sur toute la façade, avec des médaillons circulaires séparant l'étage du rez-de-chaussée. Je n'arrive pas à trouver de plus amples informations sur ce monument, qui mérite assurément d'être contemplé longuement.



Malgré tout, l'habitation la plus célèbre du village est indéniablement la « maison bleue », évidemment remarquable par ses poutres colorées qui mettent en valeur la tour-porte, vestige qui permettait l'accès à l'ancien château détruit sur les hauteurs du bourg.



Entourées d'iris et de glycines, les vieilles maisons de pierre de la rue Saint-Amant ne manquent pas non plus de charme, avec leurs jardins qui semblent bien agréables dans la fraîcheur vespérale.



Solidement bâtie en briques rouges au XVIIIe siècle, la mairie-halle ne manque pas, à son tour, de faire son petit effet. Les fameuses roses essaimant leur arôme si doux dès que revient l'avril attiédi atténuent joliment l'austérité des arcades, de même que le très beau plafond de bois éclairé par le soleil couchant.



La collégiale Saint-Pierre ne m'a pas autant enthousiasmé. Toutefois, son parvis offre un joli panorama sur les toits du village. Les façades mouchetées de taches bleues sont décidément conviviales.



Cette douceur chaleureuse fut bien perçue par le peintre postimpressionniste Henri Le Sidaner, qui y séjourna longuement dans la première moitié du XXe siècle. Gerberoy fut en grande partie sa muse principale, à en juger par les nombreuses représentations qu'il fit de son jardin remarquable.



J'avoue ne pas être réceptif à son style ou à ses choix de couleurs, mais je tâcherai tout de même de revenir voir les fameuses terrasses fleuries qu'il aménagea avec goût au sud du village, à l'emplacement de l'ancienne forteresse.



J'imagine que ces jardins rendent le tableau encore plus charmant. En l'état, j'ai déjà adoré flâner dans les rues de Gerberoy, qui mérite amplement son classement aux plus beaux villages de France. Avec Parfondeval dans l'Aisne, c'est la seule localité de Picardie, et des Hauts-de-France en général, à bénéficier de cette distinction. Je suis donc ravi d'avoir trouvé le temps de m'y arrêter. Le pique-nique au crépuscule fut à n'en point douter une pause bucolique très appréciable avant l'enfer urbain des Flandres !

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