jeudi 28 juillet 2016

La Fleur de pierre (1946)


Cet après-midi, interlude soviétique avec La Fleur de pierre / Каменный цветок, un film d'Alexandre Ptouchko sélectionné pour la première édition du Festival de Cannes, où le réalisateur remporta le grand prix international de la couleur. C'est apparemment le premier film russe à avoir utilisé le procédé allemand Agfacolor, mais rappelons que sans la censure, la seconde partie colorée d'Ivan le Terrible serait sortie cette année-là en URSS, et aurait peut-être éclipsé le film de Ptouchko dans les esprits.

L'histoire est inspirée de plusieurs contes de Pavel Bajov sur le folklore de l'Oural, à propos d'un jeune sculpteur capable de fabriquer des coupes ressemblant aux plus belles fleurs du pays, et se mettant à la recherche de la fleur de pierre de la Montagne de Cuivre, qui le fait fantasmer depuis l'enfance. L'auteur aurait apprécié l'adaptation mais aurait regretté qu'elle n'ait précisément pas un aspect ouralien. Difficile d'en juger comme je n'ai pas lu les contes en question, sachant que les décors de studios n'aident pas à rendre réaliste le produit fini, malgré de jolies photos d'animaux à l'orée des bois.

Pour moi, le principal défaut du film est son rythme. Ça ne dure qu'une heure vingts mais c'est lent. Surtout, l'absence de musique lors des dialogues d'intérieur renforce la théâtralité de l'ensemble, alors qu'il aurait au contraire fallu accentuer le côté épique de ces aventures. Parfois, la musique met du temps à démarrer lors de découvertes importantes, ce qui nuit grandement à la fluidité de l'histoire. Outre cette lenteur, on ne comprend pas toujours où le film veut en venir. Par exemple, le long intermède sur les nobles voulant voir le coffret permet certes de faire démarrer l'histoire, afin que Daniel puisse révéler ses talents au monde en finissant la commande, mais les dialogues entre aristocrates semblent pour le moins superflus. Autre bizarrerie, le film devient subitement musical à mi-parcours, avec des paysans qui se mettent à chanter à tort et à travers, avec par moments des bouts de chansons de deux secondes seulement! Ça casse le rythme alors qu'il aurait suffi d'insérer plus de chants dès le départ pour ne pas attaquer le spectateur par surprise! On se demande même si certains airs traditionnels ne sont pas là pour ajouter quelques précieuses minutes à un récit un peu court pour un long métrage. De même, la scène de jalousie entre la reine et la fiancée semble n'avoir été incorporée au conte d'origine que pour s'assurer que le film dure bien plus d'une heure.

On notera en tout cas que le communisme est bien passé par-là: l'aristocratie et la notion de propriété sont vivement critiquées à travers les coups de fouet que reçoit le jeune Daniel pour n'avoir pas su rester à sa place, sous l’œil effaré d'un vieillard pauvre qu'il venait de sauver.

Autrement, l'interprétation est quelconque, le personnage le plus mémorable étant la reine de la Montagne de Cuivre, qui non contente de se métamorphoser en lézard fait également preuve de charisme et de détachement, afin d'assurer sa suprématie sur les pauvres mortels de ces contrées. Pour le reste, les décors ne sont jamais aussi impressionnants que dans Vassilissa la belle, autre film soviétique des années 1940, mais force est de reconnaître que le fantastique ne touche pas les mêmes lieux d'une œuvre à l'autre. Ici, le territoire de la reine n'est pas un palais mais une montagne de minéraux, et l'on est servi avec de belles roches qui n'attendent que d'être polies, brillant de toutes leurs couleurs entre les cristaux blancs, les rocailles rouges et les glaces bleutées. On aurait juste aimé que la fameuse fleur de pierre ne ressemble pas autant à un champignon! Les effets spéciaux sont pour leur part amusants mais guère transcendants: les branches bougent toutes seules comme dans Blanche-Neige et les arbres sont déracinés quand la reine pique une grosse colère, mais on en voit constamment les ficelles. Vassilissa était plus novatrice de ce côté-là.

En résumé, le résultat est un peu mitigé. La Fleur de pierre comporte de jolis décors minéraux, d'élégants intérieurs de marquis tranchant bien avec les cabanes en bois des sculpteurs, et de charmantes images d'animaux des bois, de quoi passer un bon moment sur le plan visuel. Dommage que le rythme ne suive pas. On navigue entre le 5 et le 6 je suppose.

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