vendredi 1 juillet 2016

Joyeux siècle, Olivia!


Ça y est! Nous en rêvions tous, elle l'a fait! Olivia de Havilland fête aujourd'hui ses cent ans! Pour célébrer dignement cet anniversaire, un top 5 gretallulien est de rigueur.


5. It's Love I'm After (1937)

Dans cette charmante comédie injustement méconnue, dans laquelle un acteur shakespearien tente maladroitement de calmer les ardeurs de sa plus grande fan en l'insultant à la manière d'Hamlet ou Roméo, Olivia révèle un génie comique insoupçonné qui surprend, entre ses demoiselles flynniennes en détresse et ses vieilles filles manipulables en devenir. En effet, si l'on associe assez peu la dame aux grandes actrices comiques de son temps, elle montre qu'elle n'a pourtant rien à leur envier tant son portrait de jeune fille énamourée est drôle, en particulier lorsqu'elle enchaîne les sourires niais pour tout pardonner à son idole, y compris lorsque celui-ci va de plus en plus loin dans la goujaterie. En fait, elle éclipse même Leslie Howard dans le rôle du cabot et Bette Davis qui incarne le troisième angle du trio dans un jeu délicieux de mépris amoureux, et il lui suffit d'ailleurs d'apparaître à l'improviste derrière un journal pour faire rire aux éclats. Le retournement de situation final est encore excellemment joué puisque Olivia met alors en lumière tout le charisme que la vivacité du personnage laissait entrevoir, tout en parvenant à rendre crédible un changement d'état d'esprit aberrant sur le papier. A la fin, on se soucie davantage de ce qui lui arrive que des péripéties de ses partenaires survoltés. Parce que la surprise est grande et le résultat rafraîchissant, It's Love I'm After mérite amplement sa place dans un top 5 havillandien.


4. Gone with the Wind (1939)

L'une des raisons pour lesquelles on se souvient d'Olivia aujourd'hui encore, outre son enviable longévité, c'est aussi que son nom restera à jamais gravé au générique du plus célèbre film classique de tous les temps. C'est pourtant devant cette œuvre mythique que je suis entré pour la première fois en conflit avec la dame. En effet, Melanie Hamilton est si bonne et généreuse que la liste de ses vertus finit toujours par agacer quelque peu, surtout que l'histoire lui fait l'affront de l'opposer à la vipérine Scarlett O'Hara, la garce la plus admirable de l'histoire du cinéma, de telle sorte que la pauvre belle-sœur se trouve reléguée de prime abord au rang des créations vieillottes pour qui l'a découverte au tournant d'un nouveau millénaire cynique. Par bonheur, j'ai largement réévalué cette interprétation à la hausse au gré de multiples visites, et quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que la performance est bien plus subtile qu'il n'y paraît! Olivia ne tombe jamais dans le piège de la niaiserie exaspérante (sauf furtivement lorsqu'elle dit: "Dans les W, à la fin!" ou quand elle court vers son Ashleyyy!), sa grande force étant surtout de souligner que Melanie a bien conscience de ce qui se passe autour d'elle, sans pour autant en tenir rigueur aux autres: son sourire prêt à s'éteindre le soir d'anniversaire, son répondant face à l'intolérante India, le superbe dialogue où elle créé une étonnante alchimie avec ce monument de virilité de Rhett Butler, voilà autant d'atouts qui illuminent cette composition sous un nouveau jour, et valent à la frêle Melanie de se classer quatrième sur cette liste.


3. The Snake Pit (1948)

Difficile de passer à côté de ce tour de force où, pour la première fois, une actrice s'est jetée corps et âme dans la description médicale de la folie, en une fin de décennie propice aux héroïnes affublées de toutes sortes de névroses. Pourtant, on peut légitimement trouver le discours affreusement daté (chaque année, le 12 mai, Virginia devient folle à lier à cause d'un traumatisme refoulé au plus profond de son subconscient), et noter par-là même que le jeu d'actrice est fortement typique des années 1940: on ne nous épargne pas quelques grimaces ou de nombreuses expressions ahuries assez marquées, mais force est de reconnaître qu'à l'époque, donner du réalisme à un tel sujet restait un exploit. Le plus impressionnant, c'est le balancement qu'Olivia opère entre deux extrêmes. Certes, Virginia est folle, passant de l'égarement à l'hystérie la plus pure alors qu'un gros doigt la menace avec la régularité d'une horloge, mais elle n'a cependant rien perdu du charme et de l'intelligence de la jeune fille qu'elle fut avant d'entrer à la clinique. Et cette intelligence se manifeste sous plusieurs formes, qu'il s'agisse pour Virginia de préserver sa dignité alors qu'elle tente d'échapper à des infirmières qui la traitent sans ménagement, ou qu'elle prenne tout à coup conscience qu'elle détonne parmi les patientes les plus atteintes. On se retrouve alors avec une héroïne attachante qu'on a vraiment envie d'aider à sortir de la fosse maudite, ce qui ajouté à l'originalité du sujet vaut à ce cheminement serpentin la troisième marche du podium.


2. They Died with Their Boots On (1941)

Ce n'est qu'un second rôle, mais c'est jouissif! Elizabeth Custer est d'ailleurs un personnage-clef dans la filmographie d'Olivia, puisque c'est à la fois son plus grand rôle de compagne d'Errol Flynn, l'héroïne étant cette fois-ci bien plus active que les gentes demoiselles de jadis, et à la fois sa plus grande performance comique, l'actrice s'y montrant encore plus naturelle et relaxée que dans It's Love I'm After. Ce dernier aspect tient peut-être à l'habitude des retrouvailles avec le diable de Tasmanie, mais le tout reste absolument frais, sans jamais faire sentir le poids de la routine. Surtout, on rit à s'en tordre les côtes de bout en bout, et le film a beau être une réussite technique très honorable, nul ne s'en souviendrait si Olivia n'y faisait pas ses apparitions hilarantes de temps à autres. Les séquences les plus drôles? L'observer se prendre un vent monumental sur la piste alors qu'elle raconte sa vie telle une fieffée pipelette; la voir se forcer à manger des oignons au prix de grimaces irrésistibles; et l'écouter encore faire sa diva assez sûre d'elle en pleine traversée du Far West. Lorsque les troubles politiques se font de plus en plus pressants, Olivia ajoute enfin beaucoup de sérieux à sa performance, ce qui passe admirablement malgré la rupture de tons et donne également de nouvelles dimensions au personnage, et même les larmes sont bien jouées, à un évanouissement près. Bref, c'est très drôle, les deux partenaires de légende s'en donnent à cœur joie, et peu importe que le parti pris de l'histoire soit trop complaisant: on rit aux éclats, et l'on se dit vraiment qu'Olivia n'a de cesse de surprendre, alors qu'il n'était pas facile d'imaginer qu'elle puisse atteindre un tel sommet avant de poser les yeux sur un western de ce genre.


1. Hold Back the Dawn (1941)

Sans surprise car j'en ai déjà longuement parlé, Hold Back the Dawn reste le sommet havillandien par excellence, confirmant par-là même que 1941 fut une année faste dans sa carrière. Sans mentir, l'essence même d'Olivia de Havilland devant une caméra, c'est bel et bien ce type de jeunes femmes profondément gentilles, flirtant allègrement avec une bonne dose de naïveté, et cette héroïne au nom très simple d'Emmy Brown en est effectivement l'avatar le plus abouti. Sa plus grande force? Elle a beau tomber dans le piège d'un Charles Boyer particulièrement suave, elle n'agace jamais parce qu'elle reste très dynamique, ce qui la rend attachante alors même qu'elle ne parvient pas à faire autorité sur ses élèves. Elle n'a pas non plus peur de prendre ses responsabilités en annonçant elle-même son mariage au téléphone à son ancien soupirant, et d'autre part, la joie du voyage de noces au Mexique est tellement sincère que ça fait plaisir à voir. Mais le morceau de bravoure, ce sont bien entendu les séquences finales, qui de la confrontation avec Paulette Goddard au visage discrètement perlé de larmes en voiture, en passant par une touche d'humour étonnante via les lunettes, voient Emmy révéler sa vraie force de caractère, celle qu'on ressentait déjà sous sa naïveté apparente: sans jamais faire d'infidélité à la générosité d'Emmy, Olivia réussit l'exploit de décrire sa déception sans jamais la rendre larmoyante, avec pour seule arme un sourire qui ne s'estompe pas tout à fait sous le coup de l'incrédulité. L'actrice apporte alors bien des choses par rapport à ce qui était écrit, et c'est exactement à ça qu'on reconnaît une grande performance. Hold Back the Dawn étant par ailleurs l'un de mes films favoris, je suis ravi de pouvoir le compter comme le plus grand rôle d'Olivia, et de récompenser la comédienne précisément pour ce personnage dans ma liste de remises de prix.


J'aime aussi: Captain Blood (1935): un film de pirates bien sympathique où Olivia n'hésite pas à jouer avec Errol Flynn alors qu'il est à sa merci au cœur des Antilles, avant qu'elle ne retombe dans le cliché de la demoiselle à secourir/marier. In This Our Life (1942): je garde le souvenir d'une bonne performance charismatique où son calme dépasse allègrement l'hystérie excessive de Bette Davis. To Each His Own (1946): un film ayant dix ans de retard sur son temps, mais où Olivia brosse un joli portrait de femme sacrificielle, d'une jeunesse dynamique à une maturité jamais larmoyante. The Dark Mirror (1946): un double-rôle intéressant qui traduit à merveille la personnalité cinématographique complexe de l'actrice, celle d'une noble dame capable de montrer les dents quand il le faut. J'ajoute encore deux mentions de films iconiques que j'aime beaucoup bien qu'Olivia n'y soit pas exceptionnelle: A Midsummer Night's Dream (1935), où elle fait preuve d'une fraîcheur et d'un charme sans égal au milieu de costumes à couper le souffle, et The Adventures of Robin Hood (1938), où elle incarne une dulcinée moins intéressante que dans Captain Blood, quoique la couleur la serve particulièrement bien. Sans surprise, pas d'Héritière dans cette liste, vous savez ce que j'en pense, et je ne cite pas les autres films visionnés, où elle m'a visiblement peu marqué, sous réserve d'une révision de My Cousin Rachel. Enfin, le bonus qui me fait hurler de rire, c'est ici!


Et vous, quel est votre top 5 havillandien?

3 commentaires:

  1. Je l'attendais cet article !
    Je n'ai pas vu assez de ses films pour établir un top 5. Mais je l'ai trouvée très séduisante et judicieusement sobre dans Hold Back The Dawn, et surtout, elle est parfaite dans The Snake Pit, j'ai vraiment eu un coup de coeur pour son personnage. Ensuite je n'ai pas accroché à sa prestation dans The Heiress, même si le film est correct.

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    1. Pour moi, The Heiress est un très bon film, et je regrette justement son approche forcée du personnage, seul défaut de l'ensemble à mes yeux. J'aurais aimé voir Wendy Hiller dans le rôle!

      Je ne sais pas si tu as vu The Dark Mirror, peut-être que le mystère un peu "noir" et le double-rôle pourraient te plaire.

      PS: J'ai oublié de mentionner Anthony Adverse. C'est loin d'être son plus grand rôle, mais son charme et sa vivacité y éclipsent tous les autres acteurs, Fredric March compris, qui semblent tous s'être donné le mot pour être le plus niais possible!

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    2. Je note pour The Dark Mirror, merci pour la suggestion. Effectivement, ça pourrait me plaire.

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