lundi 25 juillet 2016

The Yearling (1946)


Je viens de revoir The Yearling, le gros succès de Clarence Brown qui décrocha pas moins de sept nominations aux Oscars, dont meilleur film. Je gardais le souvenir d'une histoire passablement ennuyeuse, mais j'en avais complètement oublié le dénouement tragique. La revisite se révèle encore plus négative que prévu...

Premier constat: c'est vraiment très ennuyeux. Déjà, le faon n'entre en scène qu'à plus de la moitié du film, forçant le spectateur à se farcir une heure dix de chasse à l'ours, de dialogues de sourds avec les voisins, et de Jane Wyman aussi aimable qu'une directrice de pensionnat un lundi matin. Gregory Peck et le non-acteur qui lui sert de fils passent ainsi des heures à marcher dans la broussaille à la recherche d'un ursidé, et ça n'en finit pas. En outre, cette première partie égrène de bons vieux clichés obsolètes qui reflètent peut-être les mentalités du temps, celle des pionniers floridiens des années 1870, mais qui insistent tout de même bien trop lourdement sur le fait que la mère est très très aigrie, et qu'à l'inverse, le père est tellement sympa qu'il pardonne tout de bon cœur, se chargeant par-là même de l'éducation de son fils prêt à entrer dans l'adolescence.

Deuxième constat: parlons-en, justement, de l'adolescence. Parce que Claude Jarman Jr., qui avait douze ans au moment du tournage, se comporte pendant tout le film comme s'il en avait trois! Sans vouloir être cynique, c'est insupportable. "Paaaa! Regarde, y a un chien!" "Paaa! Regarde, y a un ours!" "Paaa! Je t'ai déjà dit que j'avais vu un raton-laveur ce matin? Hein? Je t'ai dit que j'avais vu un raton-laveur ce matin? T'es sûr que je t'ai pas déjà dit que j'avais vu un raton-laveur ce matin? Hein? Hein?" Pour couronner le tout, cet acteur inexpérimenté passe son temps à contorsionner son visage dans tous les sens pour enchaîner pleurs grimaçants et bouches bées stupides, à tel point qu'on se demande pourquoi le producteur, Sidney Franklin, est allé le choisir, lui, alors qu'il avait 19000 candidats à portée de main! Tout ça pour une histoire de cheveux mi-longs... Claude Jarman Jr. s'est montré bien meilleur dans Intruder in the Dust trois ans plus tard, mais là, c'est catastrophique. Le comble: les autres enfants du film sont tous du même acabit: le petit garçon au pied bot agace aussi rapidement qu'il apparaît, tandis que la fille de l'épicier est à peu près aussi débile que ses cris de diva outrée sont irritants, c'est à dire beaucoup.

Troisième constat: la fin tragique m'était entièrement sortie de l'esprit, mais en y repensant, c'est proprement scandaleux. Certes, la vie est dure à la ferme, mais de là à tirer sur ce pauvre faon juste parce que la matriarche ne sait pas fermer un enclos correctement et que celui-ci a mangé les pousses, c'est non. Le plus malsain? La mère a besoin de se transformer en meurtrière pour réaliser qu'au fond, elle aime bien son fils et qu'elle est enfin prête à devenir une figure attentionnée pour lui. Inutile de dire qu'après son crime, ses états d'âme ne nous font ni chaud ni froid.

Autrement, y a-t-il des éléments positifs dans The Yearling? Oui, bien sûr. Le film n'est certainement pas un navet, comme en témoigne la jolie photographie de Charles Rosher et compagnie: la mousse espagnole se détache élégamment de ciels crépusculaires, le bleu des eaux le dispute au vert des palmes et fougères, les scènes au coin du feu sont intimes à souhait avec cette flamme rassurante qui égaye le quotidien des fermiers, et le clou du spectacle, c'est bien entendu le ballet des biches au galop, pas loin de rappeler le brillant de Bambi mais avec cette fois-ci des animaux en chair et en os. Le problème, c'est que vu le sort qu'on réserve aux cervidés, la beauté d'une telle séquence devient quelque peu morbide. Sinon, les décors et costumes sont modestes comme il se doit, y compris la robe de Gregory Peck, subitement transformé en mannequin par sa méchante épouse.

Evidemment, celle-ci a des circonstances atténuantes: elle est sèche car elle ne s'est jamais remise de la mort de ses enfants en bas âge, aussi a-t-elle peur que montrer ses sentiments à son unique survivant lui porte malheur comme aux autres. Même si l'on ne pardonne pas les actions du personnage, Jane Wyman n'est pas mauvaise du tout dans le rôle: elle projette effectivement les blessures d'Ora sous sa façade rigide, sans jamais agacer car elle ne force pas la dureté de l'héroïne malgré son air peu avenant, et les séquences finales sont encore très bien jouées avec tout ce qu'il faut de larmes contenues, bien qu'on n'ait plus envie de la plaindre à ce moment-là. Ceci dit, une fois les bases posées, elle reste sur la même note dans 98% du film, ce qui diminue son mérite. Dans le rôle du père, Gregory Peck est tellement sympa qu'il est difficile de détester le personnage, mais celui-ci n'est pas follement complexe. Sinon, vous ai-je déjà dit que le fils était insupportable?

En définitive, je suis incapable de noter ce film. Il n'y a ni incohérences ni situations ridicules, mais il ne se passe pourtant quasiment rien, et quand enfin quelque chose arrive, il faut que ce soit complètement malsain. Alors, quelle note donner? 3 à cause de la performance centrale apocalyptique et de l'épicière débile? 5 pour les jolies images des marais de Floride? 4 pour l'ennui constant et la maltraitance des animaux par le scénario? Je n'en ai aucune idée, vraiment.

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