mercredi 10 février 2016

Beurk.


Le weekend dernier, j'ai trouvé le DVD de Julie & Julia à seulement 3€ au fin fond du Périgord. Quelle aubaine, me suis-dit, de pouvoir compléter ma liste à Oscar pour si peu! Sauf que... si je vous dis que le film ne méritait même pas la moitié de son prix, le croiriez-vous? Certes, je ne m'attendais nullement à un chef-d’œuvre, mais je n'imaginais pas que ça pourrait descendre aussi bas. Je suis tellement choqué qu'il me faut vous en parler séance tenante sans quoi je ne pourrai jamais aller en répétition demain.

Alors voilà, c'est une catastrophe. Le scénario essaie maladroitement d'établir un parallèle entre Julia, l'ambassadrice oisive qui tient à se faire reconnaître comme cuisinière accomplie, et Julie, la trentenaire désabusée qui devient la reine de Blogger en racontant que plonger trois mottes de beurre dans une casserole est le summum du raffinement gastronomique, mais en réalité, les liens qui les unissent sont tellement ténus que la juxtaposition des deux parcours semble bien vaine. Certes, il s'agit pour les deux femmes de trouver leur voie en exerçant ce qui les passionne, et certes, la scénariste-réalisatrice tente de lier le tout au maximum en associant les réactions du couple de 2002 aux anecdotes rigolotes du couple de 1949, mais passer deux heures entières uniquement sur des recettes de cuisine fait tourner l'histoire à vide. Pour combler les trous, Nora Ephron tente alors d'insérer de l'humour dès qu'elle le peut, mais ça ne dépasse pas, hélas, le niveau d'un collégien en 4e ("Oulala, Meryl, elle a dit bite! Huhuhu!"), et même sans ça, le texte ne raconte tellement rien qu'on n'a même pas le temps de voir en quoi consistent exactement les plats préparés. On avance dans le temps à mesure que le nombre de recettes fixées par Julie diminue au bout de son année de challenge, mais on ne sait finalement pas grand chose quant à ce qu'elle met dans ses récipients.

Le pire: il n'y a absolument aucun retournement de situation ou autre élément perturbateur. Allez, non, je suis méchant quand même, il y a bien deux occasions où le suspense est à son comble: 1. Amy Adams parviendra-t-elle à pocher un œuf? 2. Meryl Streep saura-t-elle éplucher un oignon? Argh, c'est trop intense, je n'en puis plus! Je veux tellement savoir si elles vont y arriver! Et elles ont encore 1h30 pour ce faire! Zzzzzzzz... Bref, Nora Ephron m'avait déjà terriblement déçu avec le soporifique Sleepless in Seattle (où il ne se passe rien avant les deux dernières minutes tout de même), et avec le personnage de Cher dans Silkwood, dont le dénouement est éjecté en cours de route; mais à côté ce sont des chef-d’œuvres scénaristiques comparés aux problèmes culinaires de personnages creux comme un bol vide. Même si le film est censé "ne pas prendre la tête et faire passer un bon moment", ça manque tellement de substance que ça n'a même pas le mérite de remplir son contrat sur ces critères.

Ce fiasco me confirme surtout que les cinéastes ont un énorme problème avec leur conception de la gastronomie à la française. Ainsi, après avoir dû me farcir Helen Mirren et son omelette l'année dernière, j'espérais vraiment mieux d'un film qui a curieusement meilleure presse. Pourtant, c'est du même niveau: on ouvre sur de jolies images du Rouergue ou de la campagne normande pour appâter le touriste, on file ensuite directement à la capitale où tous les appartements ont vue sur la Tour Eiffel et les toits des beaux quartiers, et hop, on s'imagine que le spectateur sera tellement émerveillé par les beautés de la France que nul ne remarquera l'inanité absolue des intrigues. Accessoirement, j'ai beaucoup de mal à voir ce qu'il y a d'appétissant dans des films où l'on cuisine avec trois tonnes de beurre même pour le moindre haricot bouilli. Beurk. Tout ce gras est plus écœurant qu'autre chose, et l'on s'étonne d'ailleurs que les héroïnes (et leurs compagnons super sympas et pas complexes pour deux sous) gardent le même tour de taille pendant tout le film.

On pouvait tout de même espérer que la légendaire Meryl Streep ajoute précisément la complexité faisant défaut au tout à travers sa performance, comme elle nous y avait largement habitués jadis. Eh bien c'est raté! En effet, pourquoi être complexe quand on peut tout miser sur un gros accent et caqueter à chaque réplique, même pour dire qu'on va acheter du pain à la boulangerie? Dès lors, tout est dans l'imitation, mais c'est insupportable dès non pas les mais la première minute, et ça n'est pas drôle du tout. A sa décharge, l'actrice fait quand même un effort supplémentaire en révélant le côté croustillant d'une héroïne joviale qui n'a jamais peur du ridicule et saute de joie batteur en mains dès qu'elle va plus vite que les futurs chefs étoilés de Paris. Mais une nomination aux Oscars pour ça??? Tout le monde me disait qu'elle la méritait davantage que pour Doubt, mais franchement, même sa performance du comté à saucisses est un nouveau Kramer contre Kramer par comparaison. A côté de Julia Child, Jacqueline Maillan passerait pour Edwige Feuillère, c'est dire! Meryl ne me laisse donc pas d'autre choix que de la ranger dernière du classement 2009: certes, elle fait plus de choses que Sandra Bullock, mais à ce stade de caricature, je préfère encore écouter une perruque blonde faire la morale à tout ce qui bouge pendant deux heures plutôt qu'entendre une cantinière caqueter en fouettant de la crème. Et si l'Académie avait vraiment envie d'un personnage rigolo maniant la caricature mais avec bien plus de finesse, que n'a-t-elle sélectionné Emma Thompson dans Saving Mr. Banks il y a deux ans? Quant à Amy Adams, elle est soporifique au possible et me fait réaliser qu'Anne Hathaway dans Prada était nettement plus à la hauteur dans ce type de rôles peu exigeants. Sans mentir, je n'ai pas pu tenir plus d'une heure tant ces cours de cuisine étaient pénibles, si bien que j'ai accéléré le reste vite fait pour voir à peu près de quoi il retournait, après une chanson de Charles Aznavour qui a fait déborder le vase lors d'une énième soirée gustative chez Julia.

Voilà qui est dit. Maintenant, j'aimerais parler au premier degré pour appuyer sur le plus gros défaut du film, et tant pis si je vous parais chiant ou pas drôle, mais rien ne sert de tourner autour du pot. Voilà: les tentatives d'humour calamiteuses à propos des animaux sont une horreur. Déjà, imaginer tous ces veaux égorgés lorsque Julie s'entraîne à cuisiner leurs pieds, ça met très mal à l'aise. Mais passer plus de cinq minutes à montrer les états d'âme de l'héroïne face aux homards vivants, présentés comme des peluches trop mignonnes qui bougent leurs pinces, tout ça pour les voir finir ébouillantés alors que leur meurtrière (le terme n'est pas exagéré ici) se fait rouler des pelles devant eux pour être consolée de son acte, c'est à vomir. Ce n'est pas parce qu'un homard ou n'importe quel autre animal ne sait pas se servir d'un portable et n'a jamais lu Jane Austen qu'il faut le considérer comme un moins que rien. Chaque être vivant est sensible, chacun a droit à la vie, chacun a sa fonction sur Terre, et que l'espèce humaine en soit encore à plaisanter sur ce sujet actuellement n'est absolument pas drôle. Or, le film présente vraiment cet épisode comme un monument de comédie censé faire rire aux éclats, ce qui ne pouvait pas être plus abyssal. Certes, les animaux ont un instinct et connaissent les lois de la jungle, mais il y a une vaste différence entre être dévoré par un être instinctif qui ne sait pas faire autrement, et être brûlé dans d'atroces souffrances par des êtres rationnels qui savent très bien qu'ils ont la possibilité de ne pas aller jusqu'au bout. Je ne m'étends pas plus sur la question car les comparaisons qui me viennent à l'esprit nous feraient atteindre un point Godwin, mais imaginez un instant un être vivant enfermé dans un récipient sombre dans de l'eau bouillante: c'est quelque chose que vous ne souhaiteriez à personne. Julie & Julia prouve hélas que les atrocités commises par les hommes sur plus petit qu'eux sont encore loin d'être remises en question. Je me sens bien naïf en écrivant ça, mais le nier ne servirait à rien.

Je suis donc très remonté contre le film, et cette séquence est principalement responsable du malaise qui, plus que l'ennui suscité par le scénario, m'a ôté toute envie de poursuivre davantage l'aventure. En soi l'ensemble vaut 3, mais j'enlève un point pour son humour malsain envers les animaux, et un second point pour l'ennui massif qui m'a empêché de tenir plus d'une heure, d'où un ridicule 1/10 qui me fait regretter mes 3€. Si quelqu'un est assez masochiste pour réclamer le DVD, faites signe, sinon ça part au recyclage.

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