samedi 20 août 2016

From This Day Forward (1946)


La même année que The Best Years of Our Lives sortit From This Day Forward, un film de John Berry, avec Joan Fontaine et Mark Stevens. On y suit le parcours d'un homme, Bill, devant se réadapter à la vie civile après la guerre. L'histoire mélange le présent à travers la difficile recherche d'emploi, et le passé avec de nombreux flashbacks sur la vie pauvre d'avant-guerre et la rencontre avec son épouse, Susan. A la différence du film de Wyler, le métier de soldat n'est jamais suggéré afin de montrer comment la vie du héros se retrouve affectée par le retour à une existence civile, le scénario préférant se concentrer uniquement sur des thématiques sociales. C'est clairement moins intéressant, car l'absence de conflit intérieur ôte tout mouvement à l'intrigue. Il y a bien un ferment de psychologie quand on comprend que seuls les revenus de Susan parviennent à faire vivre le ménage, chose que Bill vit assez mal, en particulier lorsqu'il se retrouve en tablier à faire cramer tout ce qu'il essaie de préparer pour le dîner. Mais pour le reste, le film n'est qu'une succession de vignettes "sociales": ici ils se rencontrent sous la pluie et tombent instantanément amoureux; là ils parlent à leur voisins pauvres eux aussi chômage; ici Susan commet la folie de s'offrir une robe pour aller danser; là ils nettoient leur cuisine, etc. Le contexte est en fait plus intéressant que l'histoire en tant que telle: le réalisateur John Berry et le scénariste Hugo Butler étaient apparemment connus pour leurs sympathies de gauche, ce qui leur valut d'être inscrits sur la liste noire du McCarthysme, quelques années plus tard.

Bien que pas du tout captivant, leur choix de se focaliser sur la vie des bas quartiers new-yorkais n'en reste pas moins pertinent, afin d'offrir quelque chose de neuf face à la quasi totalité des films hollywoodiens destinés à faire rêver le public devant de belles choses. Le film se veut même le pendant américain du néoréalisme italien qui florissait à l'époque. Mais attention! Ça reste du néoréalisme à la sauce hollywoodienne. On ne nous épargne pas une certaine dose de glamour à travers une Joan Fontaine bien coiffée et bien maquillée qu'on filme sous toutes les coutures, ce qui tranche quand même pas mal avec la réalité de la misère qu'on voudrait nous montrer. D'ailleurs, le couple raffiné que forment Bill et Susan n'a de cesse de détonner parmi leur entourage. Par exemple, lorsqu'ils arpentent leur rue en tenues immaculées, on dirait davantage des bourgeois égarés là par hasard, au milieu de tous ces chômeurs en maillot de corps qui prennent l'air dans les escaliers. Quand Bill doit sauver un petit chien isolé au milieu des canalisations apparentes qui distribuent de la boue dans toute la rue, il le fait avec tant de grâce qu'on dirait vraiment un notable parmi tous les petits enfants pauvres qui jouent à côté. On comprend donc pourquoi certaines critiques s'élevèrent dès la sortie du film pour contester la forte idéalisation de la pauvreté selon les auteurs.

From This Day Forward est également très soigné sur sa forme, ce qui est ambivalent. D'un côté, ça rend le film presque trop beau par rapport au quotidien décrit, mais de l'autre, ça sert plutôt bien les notes d'optimisme qui résonnent tout au long de l'histoire. Après tout, la date de sortie n'est pas anodine, l’œuvre étant destinée à redonner le moral à tous ceux qui avaient souffert de la Dépression puis de la guerre. Surtout, les qualités techniques empêchent le film de sombrer dans les pires travers du néoréalisme, ce qui n'est pas sans me réjouir, le genre étant très loin de mes favoris. On notera donc que la photographie de George Barnes est très élégante, qu'il s'agisse des gros plans sur le couple qui allume une cigarette encore enlacé, ou des plans larges sur la ville, en particulier avec l'alternance entre plongées et contre-plongées sur le pont. Les ombres chinoises dans l'usine et les reflets dans un grand miroir lors des préparatifs du bal rehaussent encore la beauté du film, tandis que la musique de Leigh Harline ressemble à toutes les partitions de mélodrames féminins de l'époque; au prix d'une chanson-titre standard mais pas désagréable du tout. Ces qualités ne suffisent hélas pas à piquer l'intérêt: on s'ennuie ferme devant ce quotidien absolument quelconque, et les interprètes ne sont pas assez charismatiques pour sauver l'ensemble. Mark Stevens est vraiment très oubliable et Joan Fontaine semble bien terne hors de ses robes gothiques ou romantiques. Elle est même très mauvaise quand elle crie à la fenêtre dans ce qui aurait dû constituer la scène la plus poignante du film.

Moralité: From This Day Forward est à la fois trop et pas assez "social". La succession de vignettes quotidiennes ennuie à mourir tandis que la touche glamour empêche de prendre tout ça au sérieux. Ceci dit, c'est toujours mieux que du néoréalisme pur et dur qui m'aurait complètement endormi au bout d'un quart d'heure, mais le résultat est tout de même trop particulier pour satisfaire pleinement. 5-.

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