dimanche 14 août 2016

My Darling Clementine (1946)


Autre passage obligé de 1946, voici le western annuel de John Ford. En général, j'aime les westerns pour leurs images de cactus verdoyants sur fond de ciel bleu et de terre ocre, mais les histoires me touchent assez peu. C'est exactement le cas ici: les déserts du Far West sont très chaleureux même en noir et blanc, mais je n'arrive pas à m'intéresser à ce qu'on nous raconte. My Darling Clementine reprend en fait les thèmes habituels du justicier venu mettre de l'ordre dans une ville corrompue (Wyatt Earp devient marshal de Tombstone pour ce faire), de la vengeance (il recherche les assassins de son frère), et du duel final dans des rues vides, dans cette reconstitution de la célèbre fusillade d'O.K. Corral.

Le scénario mobilise également les poncifs féminins propres à chaque western: la cabaretière volcanique à la Marlene Dietrich dans Destry Rides Again, et la jeune fille de Boston débarquée là on ne sait trop pourquoi, à la Louise Platt dans Stagecoach. Le film porte d'ailleurs assez mal son nom, puisque la fameuse Clementine reste ultra secondaire malgré ses liens ambigus avec Wyatt Earp et son principal antagoniste. Quoi qu'il en soit, l'histoire n'est pas follement complexe, mais on suit le tout sans désintérêt particulier, malgré quelques artifices un peu pompiers telles la découverte du meurtre sous la pluie, ou la brune incendiaire qu'on doit calmer en la poussant dans un abreuvoir. Le problème pour moi, c'est que le casting ne m'inspire pas du tout: Henry Fonda m'ennuie à force de jouer les types biens sans expressions d'un film à l'autre, Victor Mature et Linda Darnell ne sont pas du tout ma tasse de thé, et si je ne connaissais pas Cathy Downs avant de m'intéresser à 1946, elle ne me donne pas une furieuse envie de voir ses autres films. J'appréciais Tim Holt après les Amberson et la Sierra Madre, mais mon intérêt a fortement décru, d'autant qu'il ne fait rien ici; et du coup, les seuls acteurs qui auraient pu m'émouvoir sont soit réduits à leurs stéréotypes habituels, comme Walter Brennan jouant un méchant plus ou moins charismatique, soit réduits à de la figuration, tels Jane Darwell qu'on ne voit pas si l'on cligne des yeux au mauvais moment, et Alan Mowbray en acteur raté trop raffiné pour la société de Tombstone.

Donc, l'histoire me touche peu et le casting encore moins. Pourtant, My Darling Clementine reste une formidable réussite visuelle. Déjà, les décors naturels de Monument Valley sont à couper le souffle avec leurs nuages et troupeaux qui enrichissent chaque étage du cadre, mais Joseph MacDonald ne se contente pas de photographier ça joliment: les contrastes nocturnes, les grappes de lampes à huile dans les scènes d'intérieur, les jeux de lignes croisées (un cactus apparaît entre les poteaux d'un péristyle tandis que la jambe de Wyatt Earp coupe le plan en deux), les drapeaux flottant au vent à côté de l'église, les étendues blanches de la route, la façon de filmer un chariot dans le désert pour augmenter la puissance d'une scène... Voilà autant de choses merveilleuses qui font de ce western un excellent cru. Dommage que Joseph MacDonald soit en compétition avec lui-même cette année pour The Dark Corner, mais son génie à passer d'un registre à l'autre avec de multiples détails parfaitement travaillés doit être salué. Le montage de Dorothy Spencer, qui a œuvré sur les plus grands films américains de la décennie dont Stagecoach, est lui aussi hors de tout reproche, ne serait-ce que pour la séquence époustouflante de course-poursuite à travers le désert, avec des coupes sur des hommes chevauchant dans deux directions opposées, histoire de rehausser le suspense, et des gros plans sur des chevaux épuisés. Le duel final est également digne des plus grands westerns malgré son air très conventionnel.

Moralité: My Darling Clementine a beau ne pas être parfait, et n'être pas le plus grand chef-d’œuvre du genre pour moi, le soin apporté à l'ensemble mérite un bon 7/10. Dommage que l'histoire me captive peu, mais on ne peut pas reprocher à un western de se focaliser sur des justiciers et des hors la loi dans une cité corrompue.

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